M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
(Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, j'ai écouté attentivement les dernières déclarations qui pouvaient définir votre ligne politique depuis l'échec de la réforme des retraites, entériné par votre absence de majorité sur ce texte.
Je retiens le « ni dissolution, ni remaniement, ni référendum » du Président de la République, ainsi que votre proposition de dialoguer la semaine prochaine avec les syndicats, mais sur les seuls sujets sur lesquels vous êtes d'accord, selon les mots mêmes de votre ministre Franck Riester.
En vous mettant au service d'un Président de la République du « triple ni », pour ne pas dire du déni, vous êtes devenue la Première ministre de l'impasse.
Malgré toutes vos tentatives de diversion, malgré votre stratégie assumée du pourrissement, l'opposition à votre réforme des retraites n'a jamais été aussi massive parmi les Français.
Le mouvement social est le plus important depuis les années 1990. Les syndicats montrent depuis le début de cette mobilisation leur grande responsabilité. En les traitant comme vous le faites, madame la Première ministre, vous jouez avec notre pacte républicain.
Je ne veux pas que vous noyiez le poisson en assénant au Sénat vos habituels éléments de langage sur une réforme prétendument « indispensable » pour sauver notre système de retraite. Plus personne ne vous croit !
Vous évoquez l'actuel climat de violence inacceptable qui a émaillé certaines manifestations. Avec les syndicats, nous l'avons dénoncé, comme nous l'avons toujours fait. Nous aussi, mes chers collègues, nous soutenons l'ordre républicain et ceux qui le défendent, policiers et gendarmes !
(Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Pour autant, nous avons le droit de nous interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de maintien de l'ordre.
Ce que je veux, madame la Première ministre, c'est que vous répondiez à la proposition de l'intersyndicale, que vous acceptiez la médiation, que vous suspendiez l'application de cette réforme injuste et inutile, enfin que vous preniez en compte la réalité.
Il n'est plus temps de jouer les matamores, comme le fait Emmanuel Macron. Il est temps de répondre avec sérieux aux demandes des syndicats. Je vous offre une tribune pour le faire. Saisissez-la !
(Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. François Patriat. C'est très généreux !
(Sourires sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Patrick Kanner, comme chacun ici, qu'il se soit opposé à la réforme des retraites ou qu'il l'ait votée, je vais au contact des Français et j'entends leurs craintes, leurs espoirs et parfois leur colère.
Comme chacun ici, j'entends les revendications de celles et de ceux qui prennent part au mouvement social. Ce sont des revendications qui dépassent la réforme des retraites.
Comme chacun ici, je suis attentive aux témoignages des élus locaux, qui sont en première ligne face aux difficultés de nos concitoyens.
Comme chacun ici, je connais les attentes des Français pour leur pouvoir d'achat, leur santé et l'éducation de leurs enfants.
Monsieur Kanner, ma conviction aujourd'hui est qu'il ne faut pas chercher à renforcer les craintes ni à attiser les colères.
(MM. Hussein Bourgi et Didier Marie, ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly, s'exclament.)
Aujourd'hui, il faut apaiser le pays, en rassemblant les bonnes volontés de tous ceux qui, au-delà des clivages, sont prêts à trouver des solutions.
Aujourd'hui, il ne faut pas renoncer à agir. Au contraire, il faut accélérer et apporter des réponses concrètes qui améliorent le quotidien des Françaises et des Français.
(Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
C'est autour de ces deux axes que je souhaite bâtir dans les prochaines semaines un programme de gouvernement et un agenda législatif,…
M. Rachid Temal. Avec quelle majorité ?
M. Jean-Marc Todeschini. Avec Les Républicains ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … comme le Président de la République m'en a confié la tâche.
Depuis lundi dernier, j'ai donc entamé une série de consultations. J'ai vu hier le président du Sénat et la présidente de l'Assemblée nationale. Je poursuivrai avec les forces politiques,…
M. Rachid Temal. Avec les LR ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … les parlementaires, les élus locaux et les partenaires sociaux, que j'ai invités à une rencontre au début de la semaine prochaine.
Ma seule ambition, c'est de trouver des solutions pour les Français et de bâtir des majorités de projet pour les mettre en œuvre.
Toutes celles et tous ceux qui veulent agir pour nos concitoyens sont les bienvenus. C'est par la concertation, le dialogue et le compromis que nous répondrons aux inquiétudes de nos compatriotes.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. « Programme de gouvernement », nous répondez-vous, madame la Première ministre. Mais cela fait soixante-dix mois que vous et vos amis êtes au pouvoir !
Vous n'avez plus de boussole et, surtout, je le pense très sincèrement, vous ne comprenez plus l'esprit des Français. C'est ce qui est terrible aujourd'hui pour notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Bruno Sido s'exclame.)
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