M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les négociations européennes sont totalement défavorables à l'énergie nucléaire. C'est grave !
Cette énergie n'a été intégrée à la taxonomie verte qu'au prix de conditions drastiques. Pour preuve, les autorisations délivrées après 2040-2045 en sont exclues, de même que les activités de maintenance et du cycle. Aujourd'hui, la directive EnR III et le règlement Industrie à zéro émission l'excluent également. Et la réforme du marché de l'électricité est toujours en attente !
C'est un non-sens pour le climat, car cette énergie n'émet que 6 grammes de CO2 par kilowattheure, selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
(Ademe).
C'est un non-sens pour l'industrie, car la moitié des États membres disposent d'un parc nucléaire, et un quart d'entre eux envisagent de nouveaux réacteurs.
C'est enfin un manque cruel de crédibilité, car il est illusoire de décarboner 75 % de l'hydrogène dans l'industrie ou 5 % dans les transports sans source nucléaire.
Le Gouvernement n'a pas conduit une politique à la hauteur des enjeux. C'est une faute ! Il aurait fallu négocier plus précocement, plus fortement, pour parvenir à un compromis admissible.
Je rappelle d'ailleurs que le Sénat a tiré le signal d'alarme depuis longtemps, au travers de sa résolution de décembre 2021 sur la taxonomie verte et de celle de mars 2022 sur le paquet Ajustement à l'objectif 55. Le Sénat avait aussi adressé une alerte dans son rapport transpartisan de juillet dernier.
Monsieur le ministre de l'industrie, que compte faire le Gouvernement pour obtenir enfin satisfaction auprès de ses partenaires européens ? Y a-t-il encore un couple franco-allemand ?
Mme Sophie Primas. Non !
M. Daniel Gremillet. Il faut garantir à l'énergie et à l'hydrogène nucléaires une complète neutralité technologique. Il y va de notre souveraineté énergétique et de nos engagements climatiques.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Gremillet, je voudrais tout d'abord vous remercier de votre engagement sur le sujet depuis de longues années.
Vous avez fait référence à certaines résolutions adoptées par le Sénat, mais, plus récemment, vous avez été aussi rapporteur du projet de loi présenté par le Gouvernement pour accélérer la mise en œuvre des projets nucléaires. Ce texte a été voté par plus de neuf sénateurs sur dix et par 75 % des députés, ce qui montre que l'union nationale est aujourd'hui de mise derrière le nucléaire. Cela n'a pas toujours été le cas.
Cette union nationale nous permet de porter haut la voix de la France en Europe et de négocier, avec difficulté, vous l'avez dit, l'engagement de l'Europe pour reconnaître le nucléaire comme une des sources d'énergie de l'avenir.
La France ne fait pas tout, toute seule, en Europe : nous sommes vingt-sept ! La ministre de la transition énergétique était à Bruxelles hier et se trouve à Berlin aujourd'hui pour continuer ces négociations. C'est la raison pour laquelle c'est moi qui vous réponds.
Mme Agnès Pannier-Runacher était hier avec ce que l'on appelle l'« alliance du nucléaire », soit onze pays qui, en Europe, défendent le nucléaire comme une source d'avenir et qui sont aujourd'hui associés avec la France. Nous sommes prêts à bloquer avec eux un certain nombre de discussions pour nous assurer que le nucléaire fera partie du futur.
Vous avez parlé du couple franco-allemand. Je dirai que nous dansons un tango un peu difficile avec notre partenaire. Les Allemands ont la conviction que l'hydrogène de demain sera importé et renouvelable, quand nous sommes convaincus que l'hydrogène de demain sera produit en France et nucléaire. Nous devons trouver un compromis, car nous avons besoin d'énormément d'hydrogène pour décarboner l'industrie. Nous allons continuer à travailler dans ce sens.
Pour conclure, je remercie sincèrement le Sénat et l'Assemblée nationale de soutenir le Gouvernement dans ce combat. Il est difficile, mais nous allons le gagner.
(Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, aujourd'hui, la France souffre, en pleine crise énergétique. Les familles, les collectivités et les entreprises sont touchées.
Nous sommes face au défi de l'emploi dans cette filière. Nous ne réussirons dans le nucléaire que si nous intéressons des jeunes, mais ceux-ci sont dans le doute.
Monsieur le ministre, l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne stipule que chaque État membre a le droit de choisir son mix énergétique. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Aujourd'hui, la France est bafouée ! Elle n'est plus respectée dans ses choix stratégiques pour son avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
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