La réunion est ouverte à 18 h 30.
Monsieur le président, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cela fait plusieurs mois que je souhaitais organiser cette audition, car La Poste est un acteur important de l'aménagement du territoire, et je me réjouis qu'elle ait enfin lieu.
Nous avons bien des raisons de vouloir vous interroger : bien sûr le sujet de la présence postale sur le territoire nous intéresse, mais aussi, par exemple, celui de l'engagement de La Poste dans le numérique. Et l'actualité ajoute encore des raisons de vous interroger : je pense à certaines dispositions de la loi Macron relative au permis de conduire ou, dans un autre ordre d'idées, au tout récent rapport de la Cour des comptes sur les activités sociales du groupe.
Nous sommes très attachés à La Poste dans cette assemblée. Je rappelle que c'est le Sénat qui, dans la loi du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, a souhaité inscrire le principe des 17 000 points de contact avec le public.
La Poste, c'est près de 260 000 personnes implantées sur toutes les zones de notre territoire national. C'est une entreprise de services. C'est une entreprise qui bénéficie d'une confiance particulière de la part de nos concitoyens. C'est un groupe qui intervient dans la vie quotidienne des gens en ayant développé au cours de nombreuses décennies une véritable offre de proximité.
Mais face aux transformations du monde actuel, La Poste doit, encore plus que d'autres groupes de services, se remettre en question et relever des défis de très grande ampleur.
Car l'enjeu est de maintenir une offre de services de bon niveau pour tous, y compris sur des activités en régression ou des territoires en déclin, tout en conservant une structure financière solide et saine. Je rappelle que le chiffre d'affaires du groupe est d'un peu plus de 22 milliards d'euros et que son résultat net en 2014 a atteint 513 millions d'euros. Sur cet ensemble, l'activité courrier-colis représente la moitié du chiffre d'affaires et la Banque Postale un quart.
Cela fait près de deux ans que vous êtes aux commandes de La Poste. Vous disposez donc déjà d'un bon recul pour nous dire comment vous percevez les choses.
Le groupe a adopté un plan stratégique qui s'intitule « La Poste 2020 : Conquérir l'avenir ». Comment s'articule ce plan ? Comment se met-il en place ? Quelles en sont les priorités ? Et plus spécifiquement, quels sont vos objectifs précis en termes d'aménagement du territoire ?
À cet égard, La Poste s'est clairement engagée dans le mouvement de création des maisons de services au public. La première maison de ce type installée dans un bureau de poste a été inaugurée récemment dans le Lot.
Comment formez-vous vos personnels pour les adapter à ces nouvelles activités ? Quelles sont vos relations avec les autres organismes qui s'y trouvent représentés? Quel partenariat avez-vous noué avec l'État ? Quels sont vos objectifs ?
Vos 85 000 facteurs voient également leurs tâches se diversifier. Quels sont là encore vos objectifs et comment se prépare cette transformation au sein des personnels ? Quel est le nouveau rôle que vous imaginez pour les facteurs à horizon 2020 ?
Quelles sont vos ambitions en matière de numérique ? Cette activité représente aujourd'hui environ 2 % des activités du groupe. Jusqu'où comptez-vous aller dans les prochaines années ?
Vous avez annoncé le 7 octobre dernier votre stratégie numérique en lançant une offre destinée à « gérer l'identité numérique des Français ». Qu'est-ce que vous en attendez, car, a priori, vous n'êtes pas seuls sur ce marché ? Comment cette nouvelle offre va-t-elle se déployer ? Quelle sera votre spécificité ?
Vos évolutions sont-elles en phase avec celles des autres postes européennes ou même des postes d'autres pays plus lointains aux territoires étendus ? Partout en effet le courrier papier connait un véritable déclin, et partout apparaissent de nouvelles formes de services de livraison, en lien bien sûr avec le commerce électronique. Pouvez-vous nous indiquer quelques exemples de réussite, dont vous vous êtes peut-être d'ailleurs inspiré en établissant votre stratégie pour 2020 ?
Après votre intervention liminaire, je cèderai la parole aux sénateurs présents qui, je n'en doute pas, auront de nombreuses questions à vous poser. Votre présence est rare et nous voulons en profiter !
Merci pour votre invitation et votre accueil. Je m'en tiendrai à une présentation liminaire synthétique, pour privilégier le dialogue.
La Poste est confrontée à une transformation radicale, la plus importante de son histoire de six siècles. Bien sûr, les postières et les postiers ont connu des transformations profondes des modes de transmission du message. Se sont succédé le cheval, la diligence, le train, le routier et l'avion. Désormais, nous ne sommes plus confrontés à un changement du mode de transport mais à une évolution du message lui-même, qui disparaît et nous échappe, par voie numérique.
Le modèle économique, social et stratégique de la poste n'est donc plus viable. Il faut le transformer. C'est un constat construit avec l'ensemble des personnels, cadres et syndicats de notre groupe. Nous avons élaboré notre plan stratégique dans le cadre d'un grand tour de France, qui a débuté le 12 septembre 2014 à Marseille et qui s'est achevé le 9 décembre 2014 à Fort-de-France. Nous avons rencontré 6 000 cadres supérieurs de La Poste lors de cette campagne.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, cette transformation fondamentale s'appuie sur un plan stratégique dénommé « La Poste 2020 : conquérir l'avenir ». Il met au coeur de cette transformation la promesse postale du XXIe siècle. Cette promesse ne peut pas s'appuyer sur le transport du courrier, car nous ne savons pas quel volume de lettres nous transporterons encore en 2030. Aujourd'hui l'essentiel du courrier est composé de factures, d'impôts ou de rappels : autant de documents qui ont vocation à être dématérialisés. La promesse postale, c'est apporter à des millions de gens un facteur humain tous les jours, pour tous. La proximité et la relation humaine vont devenir le coeur de l'ensemble des services de notre groupe dans les 15 ans à venir. C'est une transformation très profonde. Il faut imaginer, un jour, des postiers sans lettres, qui participeront toujours au développement du pays, à l'information et à la sécurité des personnes, au développement des entreprises et à la vie de nos territoires.
Quelques mots sur notre trajectoire économique. En 2013 et en 2014, La Poste a été confrontée à une baisse du résultat d'exploitation. L'année 2015 doit être l'année du rebond. Une période de convergence d'ici 2020 doit accompagner l'évolution des activités de La Poste. La transformation de notre modèle doit permettre de construire un avenir pour les postiers et les territoires, sur de nouveaux métiers.
Le groupe emploie plus de 260 000 personnes, dont 240 000 en France et 20 000 en Europe. Il réalise 18 % de son chiffre d'affaires hors de France avec GeoPost. Avec la Banque Postale, notre entreprise possède un grand groupe bancaire en France. La transformation de notre modèle est indispensable, à travers la stratégie des différentes branches, à savoir, par ordre d'importance en chiffre d'affaire : les services de courrier et de colis, la Banque postale, GeoPost, le réseau territorial, et le numérique.
L'année 2015 se déroule bien, avec une légère avance sur nos prévisions. Mais il ne suffit pas d'avoir une trajectoire économique et financière satisfaisante pour réussir la transformation d'un grand groupe. La branche la plus dynamique est GeoPost, c'est-à-dire le colis express international, avec une croissance de 13 % en 2014. Pour situer notre groupe en Europe : La Poste est le numéro un du colis en France, en Espagne, au Portugal et en Pologne ; le numéro deux au Royaume-Uni et en Allemagne. Dans l'ensemble européen, nous sommes deuxième sur le colis routier et nous espérons dépasser DHL avant 2020.
La Banque Postale se développe bien, et elle est rapidement devenue un acteur majeur du financement local. Alors que nous n'avions aucune activité de cette nature en 2011, la Banque Postale apporte 3,5 milliards d'euros de financement de long terme aux collectivités territoriales en 2015. Lorsque les collectivités ont eu besoin de financement lors de la crise de 2011, nous avons créé une banque du financement local pour répondre à leurs besoins. Nous avions lancé ces activités avec un plafond d'opération assez élevé afin de maîtriser le lancement de cette activité. Nous avons ramené ce montant à 50 000 euros.
En termes d'activités postales, le colis augmente avec le développement du e-commerce. En revanche, le courrier classique diminue de 6 à 7 % par an en France. Cette baisse reste moindre que celle observée dans d'autres pays : le courrier baisse de 11 % par an au Pays-Bas, de 15 % par an au Danemark. Notre groupe est donc confronté à un basculement total de son modèle.
Sur la relation entre La Poste et les territoires. Nous apportons une réponse à chaque type de territoire : rural, urbain et métropolitain.
Pour le rural, nous transformons les bureaux de poste et nous adaptons notre présence au territoire. Trois formes de présence postale existaient jusqu'à récemment : le bureau de poste, l'agence postale communale, le relais poste commerçant. Désormais nous en avons six en milieu rural !
La maison de services au public est la première forme récente. Nous souhaitons que 500 maisons centrées sur des bureaux de poste soient créées d'ici fin 2016. Nous nous sommes engagés en ce sens auprès du Gouvernement. Dans ces maisons de services au public, nous devons partager l'espace, les systèmes d'information et la caisse avec d'autres opérateurs. Nous préférerions conserver des bureaux de poste mais un partage est indispensable pour maintenir notre présence dans ces territoires compte tenu de la baisse de fréquentation pour les services postaux. Les opérateurs publics et privés avec lesquels nous partageons l'espace apportent une contribution économique pour le fonctionnement des maisons de service public. De nombreux opérateurs publics sont présents dans les premières maisons inaugurées : la Caisse nationale d'assurance maladie, la Caisse nationale des allocations familiales, Pôle emploi, EDF, ERDF, GRDF, la Mutualité sociale agricole, le Régime social des indépendants... Dans la majorité des cas, un même guichetier gère ces différents services, après avoir bénéficié d'une formation par les opérateurs présents. La création et le fonctionnement de ces maisons sont financés par les loyers versés par les opérateurs, ainsi que par les collectivités grâce au fonds postal de péréquation territoriale. Au-delà de ces 500 maisons, nous sommes prêts à rejoindre d'autres points de services publics, si des collectivités territoriales en créent et souhaitent que nous soyons présents.
Le facteur-guichetier est une autre forme nouvelle de présence postale en milieu rural, développée pour les villages dont la population est comprise entre 500 et 1 000 habitants environ. Le facteur tient un guichet en matinée puis part en tournée pour desservir le bourg. Nous espérons atteindre 1 000 facteurs-guichetiers d'ici la fin 2017. Le relais de poste économique, social et solidaire est la troisième forme nouvelle, et se développe dans des établissements sociaux dont la fréquentation est importante, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Dans l'urbain, les maisons de services au public sont également présentes. Nous avons créé une nouvelle forme de présence postale : le relais poste urbain. Il s'agit d'un espace postal mis en place dans un local commercial.
Pour le métropolitain, nous faisons évoluer notre présence dans les 15 métropoles créées par la loi. Nous avons rencontré le maire de chaque métropole, notamment pour définir la participation de La Poste à la logistique urbaine pour le transport de marchandises, à une échelle métropolitaine. Si les collectivités sont très dynamiques sur le transport de personnes, l'organisation du transport de marchandises est à l'état naissant. Or le e-commerce va multiplier les besoins en transport routier. Ce développement peut accroître la pollution et la congestion des espaces métropolitains, en l'absence de régulation. Notre groupe veut être un acteur de l'économie de la logistique urbaine afin de gérer ces flux, notamment en créant de nouveaux lieux d'accueil et des espaces partagés de travail.
D'ici 2020, nous développerons certainement de nouveaux formats, afin de répondre au mieux aux besoins des collectivités territoriales, en relation avec de nouveaux opérateurs. Nous faisons le choix stratégique de rester dans les territoires. C'est fondamental pour notre groupe. Nous ne pourrons toutefois tenir cet objectif que si nous mutualisons notre présence avec d'autres acteurs et avec les collectivités territoriales.
De nouveaux projets animent notre réseau. D'ici janvier 2016, les jeunes Françaises et Français pourront passer l'examen théorique du permis de conduire dans des bureaux de poste, sans devoir se rendre en préfecture ou en sous-préfecture. C'est une évolution très concrète pour des millions de jeunes. Nous avons l'habitude de nous assurer de l'identité des clients lors des envois de courrier ou des activités bancaires. Il nous sera donc facile de contrôler l'identité des candidats et d'assurer le bon déroulement de cette épreuve.
Notre groupe s'est également engagé dans la transition numérique. Nous avons distribué 95 000 smartphones à nos facteurs et à nos cadres avec le système Facteo, pour délivrer les services. Cela permet aux personnes de signer directement sur les écrans pour les recommandés. Tous les facteurs seront équipés d'ici la fin de l'année. C'est la meilleure façon de régler la fracture numérique ! Dans les bureaux de poste, nous déployons des tablettes numériques Smarteo afin de rendre des services plus rapidement aux clients. Notre transformation numérique est donc en cours avec pour objectif d'être un opérateur universel d'échanges à l'heure du numérique, en nous appuyant sur des dizaines de milliers d'équipements. Enfin, nous développons un système de coffre-fort numérique, pour protéger les données personnelles de nos clients, en nous appuyant sur notre neutralité commerciale, sur notre pérennité et sur la relation de confiance que nous avons construite avec nos millions de clients.
Voici donc l'ensemble des chantiers en cours. La présence territoriale est une clef pour notre proximité. Comme je vous le disais, la promesse de notre groupe est d'apporter à tous les territoires, à toutes les entreprises et à tous les citoyens un facteur humain.
Merci pour votre réponse très complète, et les informations que vous nous avez apportées sur le positionnement du groupe La Poste dans les territoires et à l'international. Je souhaite vous interroger sur un point : la présence des distributeurs automatiques de billets. Il y a une très forte demande en milieu rural pour en créer, et maintenir ceux qui existent. En centre-bourg, la présence d'un distributeur automatique favorise le commerce local. La Poste répond souvent négativement compte tenu des problèmes de rentabilité. Lorsqu'un distributeur n'est pas viable financièrement, peut-on envisager un partenariat avec les collectivités territoriales pour maintenir ce service essentiel pour l'économie locale ?
Nous sommes le seul groupe qui développe réellement son réseau de distributeurs automatiques de billets. En cas de besoin, nous faisons appel à la commission départementale de présence postale territoriale (CDPPT) pour combler le manque de rentabilité, lorsque les élus locaux qui siègent à la commission sont d'accord. J'attire toutefois votre attention sur un fait : un distributeur de billets est vite déficitaire en milieu rural, et lorsqu'il est déficitaire c'est souvent dans une proportion significative. La mise en place ou le maintien d'un distributeur dans les territoires ruraux pose également une problématique particulière en termes de sécurité.
Je pense qu'une réponse générale ne peut pas être définie au niveau national. Elle doit être apportée localement dans le cadre des CDPT. C'est un instrument commun dont nous disposons pour adapter la présence postale sur le territoire. Fondamentalement, l'adaptation aux besoins doit s'appuyer sur ces commissions, qui disposent d'un budget pour cela.
Pourrait-on envisager qu'une collectivité territoriale, comme un département ou une intercommunalité, établisse un partenariat avec La Poste pour les distributeurs de billets, dans un objectif d'aménagement du territoire ?
La CDPT constitue le premier instrument à mobiliser mais nous sommes prêts à explorer d'autres solutions en cas de besoin.
Merci monsieur le président. Je me félicite que le travail positif de Jean-Paul Bailly se poursuive. Le défi à relever pour La Poste est considérable, compte tenu de la mutation profonde de vos métiers. Vous avez mis en place un certain dynamisme. Estimez-vous que la mutation du groupe progresse à un rythme suffisant ? Est-ce aisé de convaincre vos 260 000 salariés de changer de métier ? Par ailleurs, il me semble que La Poste a longtemps fait preuve de beaucoup de souplesse en assurant des services de proximité très variés pour préserver un lien social, parfois de façon bénévole : apporter des médicaments, prendre un café avec des personnes isolées, participer au maintien des personnes âgées au domicile. Comment comptez-vous préserver cette flexibilité qui fait aussi la richesse de vos activités ? Enfin, quel sera, en volume, l'impact des nouvelles dispositions relatives au permis de conduire sur vos activités ? Cette mission vous intéresse-t-elle réellement ou est-ce une contrainte ?
Merci monsieur le président, vous nous avez apporté beaucoup d'informations. Comme mes collègues, je suis très attentif aux évolutions du groupe La Poste. Votre prédécesseur et vous-même avez pris des décisions auxquelles nous adhérons. J'ai une interrogation particulière sur le dispositif prévu par la loi Macron. Avez-vous engagé la participation de vos agents au permis de conduire, et si oui dans quelles conditions ?
Globalement, les postiers que nous rencontrons sont favorables aux évolutions de l'activité, mais nous sommes également sollicités par des syndicats qui nous alertent sur ces changements. Quel est l'état des relations sociales au sein de l'entreprise ? Enfin quel est le statut des dernières personnes recrutées ?
La Banque Postale s'est implantée dans les territoires en contrepartie d'un maintien de la présence postale sur le terrain. Je me félicite du rapprochement des deux activités, avec le même président à la tête de ces filiales. Quant aux maisons de services au public, c'est un développement important. Dans mon département, le premier café Banque Postale avait été inauguré par votre prédécesseur, Jean-Paul Bailly. Il fonctionne toujours et les citoyens en sont satisfaits.
Le personnel de La Poste que je rencontre est un peu inquiet sur les évolutions en cours. Il y a des changements de tournée assez fréquents.
En matière de distribution de publicité, vos concurrents sont souvent plus performants que vous. Vous faites un travail de meilleure qualité que vos concurrents mais le délai est très long, notamment pour la distribution d'un journal communal ou cantonal. Comment concilier qualité et rapidité ?
Merci pour cette présentation enthousiaste. J'étais inquiet pour l'avenir du groupe La Poste il y a quelques années, je le suis beaucoup moins aujourd'hui. Notamment grâce au tournant numérique que vous avez su prendre.
La Poste est le meilleur allié de l'État pour maintenir le service public dans les territoires. La première inauguration de maison de services au public dans mon département a eu lieu la semaine dernière. Je peux témoigner de l'efficacité de cette solution, pour maintenir voire développer l'accès aux services. Le financement partagé entre l'État, la péréquation entre collectivités, et les opérateurs publics et privés est un gage de pérennité. Cependant, 500 maisons d'ici fin 2016, c'est à la fois beaucoup et peu ! Vous allez sans doute avoir beaucoup de demandes de la part des élus locaux. Est-il envisageable d'accroître ces efforts pour répondre aux besoins des territoires ?
Pourriez-vous également développer vos propos sur le coffre-fort électronique ? Dans le cadre des travaux du Conseil national du numérique, nous avons étudié le développement d'un « trousseau numérique » pour chaque citoyen. Pourrait-on s'appuyer sur les maisons de services au public pour contribuer à l'inclusion numérique de tous les citoyens, y compris les plus éloignés des nouvelles technologies, par le biais du coffre-fort électronique ?
Comme mes collègues, je vous remercie pour l'analyse des difficultés de l'entreprise et me félicite qu'elles puissent être surmontées par le numérique. Il s'agit effectivement d'une chance à saisir pour l'avenir ! En ce qui concerne la distribution des colis achetés sur Internet, beaucoup d'acteurs le font au premier rang desquels Amazon : jusqu'où ce marché est-il extensible ? Par ailleurs, je ne partage pas votre point de vue au sujet de la fracture numérique : elle est bel et bien présente dans le monde rural !
Je rejoins également Michel Raison sur le rôle de lien social du facteur, qui apporte bénévolement médicaments et baguette de pain. Alors que nous avons de moins en moins de courrier et de journaux à distribuer, envisagez-vous de développer des services particuliers à destination des personnes âgées, comme la livraison de repas à domicile ?
Un autre point important concerne le partenariat avec les communes. Certains maires sont réticents, mais cela apporte de réels bénéfices en termes d'amplitude horaire d'ouverture des services.
Je suis également sensible à l'inquiétude de certains syndicats, concernant les divers changements de tournées, de centres de tris, etc. Ils insistent sur le fait que la qualité de la distribution de courrier se dégrade, et dans les faits, on observe bien que le courrier arrive de plus en plus tard, vers 10-11h au lieu de 8h30 ou 9h auparavant. Peut-on faire en sorte que les tournées soient effectuées plus rapidement ?
Je vous remercie d'avoir détaillé votre présentation stratégique à destination des territoires et pour votre vision très claire de l'avenir de l'entreprise.
Vous n'avez pas parlé de Phil@poste, imprimerie de timbres-poste installée en Dordogne en 1970 par le ministre de l'époque, Yves Guéna : quelles sont ses perspectives de croissance ?
Je rejoins les propos de Rémy Pointereau. Dans ma commune, les habitants sont surpris de constater une distribution de moins en moins régulière de leur courrier. Il arrive généralement vers 13-14h et n'est plus distribué le samedi, sans explication. Le turnover des facteurs fait qu'ils se trompent plus fréquemment dans les adresses, et on ne peut pas leur en vouloir ! Quelles sont vos perspectives de réorganisation dans ce domaine, et quelles en seront les conséquences ?
En effet, la diminution du nombre de plis que vous nous annoncez, remet-elle en cause la distribution ?
Le sujet de la distribution revient très fréquemment dans le monde rural !
En ce qui concerne le permis de conduire, vous avez retenu 50 volontaires parmi 200 candidats, qui seront mis à disposition du ministère de l'Intérieur. Pour quelle durée ? On évoque une formation de deux ou trois mois, alors qu'il faut un an pour former un inspecteur du permis de conduire !
Mon autre question concerne le récent rapport de la Cour des comptes sur les activités sociales et culturelles destinées aux agents de La Poste, auxquelles plus de 400 millions d'euros sont affectés : il dénonce les dysfonctionnements du comité d'entreprise en matière de gestion des centres de vacances. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?
Je souhaiterais aborder trois sujets. Le premier concerne les distributeurs de billets : à partir de quelles sommes distribuées considère-t-on qu'ils sont rentables ? Dans ma commune de Saint-Cirq-Lapopie, qui connaît une forte fréquentation touristique, le distributeur fonctionne très bien. Pourtant, on m'a demandé de le fermer au mois de septembre, à des fins de sécurisation et les citoyens tiennent le maire pour responsable !
Ma seconde remarque porte sur les points-poste : j'en ai installé un à la maire de ma commune, et cela permet effectivement une amplitude horaire plus importante. Ce dispositif a été beaucoup critiqué au début, mais il est indispensable.
Enfin, mon dernier point porte sur le numérique. Il s'agit en effet d'une évolution considérable, et c'est la mort assurée de La Poste si elle ne s'adapte pas. Mais dans ma commune, aucun réseau téléphonique ne passe, comment les facteurs vont-ils utiliser leurs smartphones ?
Avec sa transformation en société anonyme à capitaux publics, La Poste passe d'une logique de service public à une logique de rentabilité. Comment accompagnez-vous concrètement l'évolution des métiers pour le personnel, dont la charge de travail s'alourdit considérablement ? Quel est le statut des derniers embauchés ? Que pouvez-nous nous dire du comportement de l'État actionnaire ? Qu'en est-il des bénéfices immatériels de La Poste, au premier rang desquels son rôle de lien social ? Enfin, n'oublions pas que derrière l'évolution des implantations se cachent de nouveaux transferts de charges aux collectivités territoriales !
Vous ne nous avez pas parlé de la situation économique du groupe : en particulier, quelle part représente le CICE dans votre bénéfice ?
Je rejoins les propos de Gérard Miquel sur les distributeurs automatiques : on a supprimé le bureau de poste et le distributeur dans ma commune, alors que j'avais pourtant proposé de mettre un local à disposition. Et mes concitoyens m'ont tenu pour responsable ! Que fait-on pour les personnes qui ont du mal à se déplacer ?
Dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence, on a créé de nombreuses agences postales communales, subventionnées à hauteur de 900 euros par mois dans le cadre de conventions renouvelables. Ces dispositifs vont-ils être pérennisés ?
Je vous remercie de tout l'intérêt que vous manifestez pour le groupe La Poste. Je souhaite d'abord vous rassurer sur un point : le courrier n'a pas disparu ! Le volume décline cependant rapidement : nous transportions 18 milliards d'objets en 2007, nous n'en transportons plus que 13 milliards cette année, et nous pensons que le total aura été divisé par deux aux alentours de 2020.
Ce constat me conduit à faire une présentation lucide, je n'embellis rien : notre modèle économique, social et stratégique n'est plus viable. Partant de là, on ne peut pas se lamenter sur ce que l'on a perdu, il faut au contraire insister sur ce que l'on gagne. Cet enthousiasme est la seule manière d'entraîner 270 000 personnes !
Le numérique est une réponse et une aide à la transformation, mais il implique une adaptation rapide. Cela va vite et j'ai parfois quelques déceptions, mais je préfère insister sur les éléments positifs. De ce point de vue, la semaine dernière a été un grand moment d'évolution stratégique : nous avons annoncé que nous prenions 100 % de la filiale russe de GeoPost, sous notre marque DPD ; nous avons également annoncé que nous prenions le contrôle d'une entreprise qui livre les repas de restaurants à domicile : nous remontons progressivement la chaîne de valeur du commerce électronique, pas simplement pour faire de la livraison, mais aussi pour prendre les commandes, les distribuer, les allouer aux coursiers les plus rapides, preuve que nous sommes en train de changer de modèle.
Beaucoup d'entre vous ont évoqué l'économie du service postal et le rôle pivot du facteur. À partir du moment où nous sommes dans une démarche d'industrialisation et de massification du service à domicile, on passe mécaniquement d'une économie bénévole à une économie plus professionnelle. Nous avons l'intention de nous développer fortement dans la silver economy. De ce point de vue, le vieillissement de notre pays est une chance, car les postiers et les postières ont le savoir-faire de la relation. Les services aux seniors sont à l'évidence le futur de la poste, et nous allons nous développer par des acquisitions dès 2016.
En ce qui concerne le permis de conduire, il y a deux volets. Pour l'examen pratique, nous avons mis cinquante postiers à disposition du ministère de l'Intérieur. Leur formation va commencer dans quinze jours. Faut-il un an, faut-il trois mois ? Tout le monde a raison. La formation théorique à l'examen pratique va prendre trois mois et ils seront des examinateurs expérimentés dans un an. Ces cinquante personnes seront remplacées, mais pas poste par poste. Pour l'examen théorique, ma réponse sera une lapalissade : chaque année 1 400 000 jeunes passent l'examen du code, donc plus on en aura, mieux ce sera. Mais nous savons qu'il y aura des concurrents et nous les accueillons avec sérénité et bienveillance. La compétition est une bonne chose. Les postiers et postières ont un intérêt pour ces nouveaux métiers : cela va faire plus de chiffres d'affaires, plus de jeunes dans nos bureaux de poste. Certains jeunes ignorent même que les bureaux de poste existent, le fait qu'ils viennent y passer leur permis de conduire, en dehors des préfectures, est une très bonne chose !
Au sujet de la philatélie et de l'imprimerie de Boulazac, le vrai problème stratégique est le rajeunissement de la clientèle, qui est l'objectif prioritaire du nouveau patron. Il y a un réel investissement affectif et monétaire dans les timbres mais nous devons parvenir à toucher une clientèle plus jeune. Nous comptons beaucoup sur notre partenariat avec l'UEFA pour l'Euro 2016. Pour vous rassurer, nous sommes également devenus fournisseurs de timbres pour la poste japonaise, et sommes actuellement en compétition pour gagner le marché de la poste portugaise.
Le statut des derniers embauchés est défini par un contrat de travail classique de droit privé, nous n'embauchons plus de fonctionnaires.
Les relations avec les organisations syndicales sont bonnes. Nous faisons énormément de dialogue, d'échanges, de pédagogie. Je rencontre chacune de nos grandes fédérations syndicales au moins deux fois par an pendant une demi-journée, et nous évoquons de vrais sujets stratégiques. Il est très important pour moi d'entendre les grands syndicats de la poste réagir, par exemple, à la fusion entre TNT et Fedex. Nous cherchons à les associer à notre transformation stratégique et je crois que tout le monde a compris les enjeux. D'ailleurs, les postières et postiers mesurent chaque jour la baisse du courrier dans leur sacoche : ils seraient bien plus inquiets si nous ne faisions rien !
En ce qui concerne la publicité, Monsieur Fouché, je prends acte que vous êtes un client insatisfait et il va falloir que l'on traite le problème que vous évoquez.
À propos des maisons de service au public, j'espère que l'on ne s'arrêtera pas à 500. Nous avons actuellement 17 084 points de contact, comment vont-ils évoluer ? Je crois beaucoup au modèle du facteur-guichetier pour les petits bourgs, qui est très populaire chez les élus, les employés et les clients ! Notre volonté est de répondre aux demandes des territoires. Chaque fois que vous incitez un autre opérateur à se joindre à nous, vous contribuez à la pérennité des maisons de services au public : la fréquentation est le facteur-clé de notre présence !
Au sujet du coffre-fort électronique, beaucoup de solutions se développent dans le monde, en particulier du côté de Facebook, Google, Amazon, Apple... Mais ces acteurs ne sont pas neutres commercialement, on ne sait pas comment sont utilisées les données ! Nous souhaitons a contrario proposer un trousseau numérique dont nous garantissons la neutralité commerciale, la pérennité des informations, et évidemment leur secret : les postières et postiers ont gagné la confiance de millions de Français parce qu'ils respectent le secret absolu des correspondances !
Quant au marché du e-commerce, il se développe extrêmement vite. Amazon est notre premier client, très exigeant et très stimulant. Il sera un jour notre compétiteur mais c'est le jeu de l'économie moderne : on est co-pétiteurs, on coopère et en même temps on peut se retrouver en concurrence. Nous sommes prêts à relever le défi, et nous misons beaucoup sur le développement des services aux personnes âgées, un secteur en très forte croissance.
Vous avez été nombreux à évoquer la question des tournées : effectivement, elles sont plus intenses qu'auparavant, car nous sommes obligés de réduire nos moyens pour compenser la baisse des volumes. D'ailleurs, lorsque l'on regarde les projections pour 2020, nous allons devoir continuer à restructurer nos tournées.
Jusqu'au moment où l'on arrivera à réfléchir peut-être aussi aux services.
Vous avez posé une question très importante et stratégiquement essentielle, sur la distribution le samedi. Nous effectuons des tournées six jours sur sept, et nous allons continuer à le faire ! S'il y a des problèmes, il faut nous le signaler. Notre promesse postale, c'est : tous les services, tous les jours, partout !
La directive européenne nous permettrait de ne passer que cinq jours sur sept. En Italie, sur un tiers du territoire, le courrier n'est plus livré qu'un jour sur deux. Ce n'est pas notre logique, car la proximité est le nerf de la guerre. Nous avons d'ailleurs décidé, sur la base du volontariat et à titre exceptionnel, d'expérimenter dans sept grandes métropoles la livraison des colis le dimanche 20 décembre, juste avant Noël. Donc nous ne voulons pas réduire le nombre de nos passages, ce serait une erreur stratégique.
Si nous rentrons dans la logique des services à domicile pour les personnes âgées, le facteur doit être présent tous les jours. Nous allons d'ailleurs massifier le transport de courses et de plateaux repas dans les villes et les campagnes. Nous venons également de prendre 20 % de participation dans une jeune entreprise de courses urbaines urgentes, dans l'heure. Notre devoir est de proposer toute la gamme des services à domicile. Il y a quarante ans, notre leitmotiv pouvait être : « le courrier tous les jours ». Désormais, notre promesse stratégique est : « le facteur humain pour tous, partout, tous les jours ». Ce sont des valeurs de service du public et de service public.
En ce qui concerne les oeuvres sociales, je regrette que les journalistes aient orienté leurs commentaires sur les trois pages du rapport où la Cour des Comptes parvient à une certaine critique de ce que nous avons fait, alors qu'elle émet un satisfecit général pour tout le reste ! Je précise que les oeuvres sociales ne sont pas gérées sous une forme de comité d'entreprise, mais sous une forme « postale » : cette organisation est unique et évite un certain nombre de dérapages qu'on a pu observer ailleurs. Les centres de vacances sont opérés par des associations gérées par des postières et des postiers. Depuis dix ans, on observe une modification complète du mode de vacances des enfants, à La Poste comme ailleurs. Par conséquent, nous sommes simplement en train d'accompagner la restructuration et la réorganisation de ces associations. La Cour des Comptes estime que l'on ne va pas assez vite.
Pour les distributeurs automatiques, il faut savoir que le seuil de rentabilité est de 6 000 retraits par mois, ce qui est très rarement atteint. Mais je répète que de mon point de vue, les commissions départementales de présence postale territoriale sont l'endroit idéal pour évoquer ce sujet. Il doit être traité au plus près du terrain, avec les élus. Il y a effectivement un manque de bon sens si l'on vous demande de fermer le distributeur en pleine saison touristique.
A la remarque d'Evelyne Didier, j'indiquerai que l'évolution des métiers est fondamentalement liée à la réalité économique, pas au statut juridique de société anonyme ! Le contexte change, la forme sociale n'a pas d'impact là-dessus. En même temps, cette forme sociale nous pousse à chercher la rentabilité, et c'est la meilleure nouvelle du monde qu'une entreprise publique soit rentable, car elle peut continuer à exister !
En tout état de cause, les deux actionnaires que sont l'État et la Caisse des dépôts et consignations nous soutiennent dans cette transformation, même si nous avons parfois des discussions franches.
En résumé, nous avons énormément de sujets. Nous passons beaucoup de temps à expliquer ce que nous faisons au personnel, à écouter leurs remarques et leurs critiques. Nous recommencerons un « Tour de France » du plan stratégique l'année prochaine.
Nous pouvons nous féliciter d'être un peu en avance sur notre trajectoire économique sur les trois premiers semestres 2015. En 2014, notre prévision de résultat était de 618 millions d'euros et nous avons réalisé 719 millions d'euros. Le CICE représente 50 % de ce résultat, preuve qu'il joue pleinement son rôle d'aide à la transformation d'un modèle en difficulté.
Enfin, pour les conventions pour les agences postales communales (APC), l'idée du prochain contrat entre l'AMF, l'État et La Poste est de reconduire ce dispositif en élargissant encore davantage la gamme des solutions proposées.
Nous vous remercions pour toutes ces réponses et pour la qualité de votre intervention.
La réunion est levée à 20 heures.