Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de MM. Patrick Hermange, directeur, Vincent Poubelle, directeur chargé de la prospective et de la coordination des études, Mmes Vanessa Leconte, responsable du département réglementation à la direction de la retraite et du contentieux, et Isabelle Bridenne, responsable du pôle évaluation à la direction de la prospective et de la coordination des études, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).
a précisé que si la réforme des pensions de réversion intervenue en 2003 et 2004 ne correspondait pas à une demande précise et pressante des partenaires sociaux, les associations de conjoints survivants réclamaient en revanche de longue date une simplification des règles applicables dans le régime général.
Par ailleurs, de nombreux problèmes pratiques et juridiques rendaient nécessaire une modification des mécanismes de la réversion : les dispositions relatives aux conditions de ressources apparaissaient complexes, l'existence de nombreux contentieux devant les tribunaux tendait à créer un contexte d'insécurité juridique, tant pour les assurés sociaux que pour les services gestionnaires de la Cnav, le dispositif de l'assurance veuvage ne répondait pas aux attentes initiales des conjoints survivants en raison de la faiblesse des montants versés. A cela s'ajoutait la nécessité de tenir compte de l'évolution de la société en supprimant les conditions de durée de mariage et d'absence de remariage.
a estimé que la nouvelle législation a clarifié et simplifié les règles de la réversion en créant un plafond de ressources unique et en instituant une prestation différentielle. Cette simplification apparaît cependant toute relative, dans la mesure où l'on n'a pas avancé substantiellement dans le sens d'une harmonisation avec les régimes spéciaux. Si le risque de contentieux a disparu, en revanche, les modalités de prise en compte des ressources apparaissent au moins aussi compliquées qu'auparavant. On pourrait envisager à l'avenir que cette prise en compte repose sur un transfert d'informations depuis les services de la direction générale des impôts. Cette modification pourrait d'ailleurs intervenir par voie réglementaire.
Il s'est en outre interrogé sur la portée de la suppression de la condition d'âge pour l'ouverture des droits. En effet, les jeunes veuves ayant des enfants à charge, dont le conjoint avait accumulé peu de droits au titre de sa retraite future, ne sont pas favorisées par cette mesure. La collectivité n'a pas correctement pris en compte les besoins de cette population spécifique, dont on peut d'ailleurs se demander si elle doit être prise en charge dans le cadre de l'assurance vieillesse.
Après avoir rappelé que les réflexions de la Mecss s'inscrivent dans le contexte du bilan de la réforme des retraites de 2003 et de la préparation de celle de 2008, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souligné que les principes fondateurs des pensions de réversion sont profondément ancrés dans la culture française. Il a également constaté que les jeunes veuves constituent en quelque sorte un « angle mort » dans notre système de protection sociale et considéré qu'elles mériteraient sans doute de faire l'objet de mesures spécifiques.
a indiqué que le montant des pensions de réversion versées par le régime général s'est établi à 7,435 milliards d'euros en 2005 et devrait atteindre 7,78 milliards d'euros en 2006. Les prestations attribuées dans le cadre de l'assurance veuvage apparaissent en revanche beaucoup plus modiques et ne dépassaient pas 65 millions d'euros en 2005.
a souligné que la grande complexité des règles des pensions de réversion s'ajoute à celles des pensions de droit direct. Il conviendrait donc d'engager une réflexion sur les modalités d'harmonisation à long terme entre les régimes.
a insisté à son tour sur la diversité des normes applicables aux différentes catégories d'assurés sociaux. Il a toutefois précisé que pour les salariés du secteur privé, la rigueur du plafond de ressources du régime général est en quelque sorte compensée par l'absence d'une telle condition pour les pensions de réversion de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et de l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco).
S'agissant en particulier de la question de l'impact financier de la suppression de la condition d'âge, M. Vincent Poubelle a estimé que le surcoût correspondant pour les comptes de la Cnav avait été de 35 à 40 millions d'euros en 2005 et de 85 millions d'euros en 2006. Ce chiffre, qui correspond à un flux supplémentaire de 23 000 et 24 000 bénéficiaires par an, ne tient toutefois pas compte de l'impact de la suppression de l'assurance veuvage, qui a représenté 28 millions d'euros en 2005. Le surcoût net apparaît donc très faible.
A plus long terme, M. Patrick Hermange a estimé que la réforme de 2003 et 2004 pourrait se traduire par une augmentation des dépenses annuelles du régime général de 300 millions d'euros en 2020 et de 400 à 500 millions à l'horizon 2050, ce qui correspond à un accroissement de 3 à 5 % du montant total des prestations versées aux veuves et des veufs.
a précisé que ces estimations reposent sur l'hypothèse d'un taux de nuptialité de 90 %, mais qu'à cette échéance fort lointaine il est tout à fait possible que le Pacs ou le concubinage soient reconnus comme des formes de vie en couple donnant lieu à l'ouverture des droits à la réversion. Dès lors, ces estimations n'apparaissent pas incohérentes, même si elles mériteraient sans doute d'être affinées.
a estimé que l'évolution constatée au cours des dernières années, aussi bien pour le taux d'activité féminin que pour la nuptialité et la divorcialité des couples, remet progressivement en cause les fondements du système conçu en 1945.
a rappelé que les pensions de réversion constituent en moyenne 23 % des ressources des femmes retraitées et que ce montant, au demeurant significatif, rend le principe même de la réversion d'autant plus indispensable qu'aujourd'hui encore les droits directs à pension des femmes ne correspondent qu'à 62 % de ceux des hommes. La suppression de la réversion entraînerait une paupérisation importante des femmes. Pendant plusieurs décennies encore, le modèle scandinave d'individualisation des droits ne sera donc guère transposable en France, pour des raisons tant culturelles que sociales, mais aussi parce que notre pays connaît à la fois un taux de chômage plus élevé et un taux d'emploi des seniors nettement plus faible que celui de la Suède.
a souhaité savoir si le poids financier des pensions de réversion est amené à s'accroître significativement à l'avenir.
a indiqué qu'exprimés en termes relatifs, les montants consacrés aux veuves et aux veufs devraient légèrement décroître, en revenant de 10 à 9 % des dépenses totales de la Cnav entre 2005 et 2050. Il n'existe donc pas de perspective d'alourdissement significatif du poids du coût de la réversion. Il a estimé toutefois qu'aucun pays européen ne saurait faire l'économie d'engager une réflexion sur les principes mêmes de la prise en charge du risque de veuvage. Pour autant, il n'existe pas de modèle étranger aux résultats incontestables ou de solution miracle.
s'est interrogé sur la possibilité de parvenir à une plus grande harmonisation des mécanismes de réversion des différents régimes sociaux. Il s'est par ailleurs demandé si la réforme de 2003 se traduit effectivement, comme le soulignent les associations de conjoints survivants, par une atteinte aux principes fondateurs de 1945.
a considéré que le système français de réversion demeure caractérisé par son caractère mixte : les régimes de la fonction publique comme d'ailleurs de l'Agirc et de l'Arrco obéissent avant tout à une logique contributive, tandis que le régime général mêle une logique contributive et une optique de préservation d'un certain niveau de vie au conjoint survivant et impose, pour cela, une condition de ressources. Pour autant, il a rappelé que le conseil d'administration de la Cnav s'était opposé aux dispositions des décrets d'août 2004, les jugeant trop restrictives.
Dans l'hypothèse où la prochaine réforme de la réversion prendrait la forme d'ajustements techniques de portée limitée, il a suggéré d'examiner en priorité, d'une part, la question du contrôle des conditions de ressources en liaison avec les services fiscaux, d'autre part, celle des modalités de calcul définitif du plafond applicable aux assurés sociaux, car elles peuvent s'avérer défavorables à ces derniers.
Il a estimé par ailleurs qu'il semblerait logique d'examiner la situation des veuves et des veufs à l'occasion des clauses de rendez-vous réguliers de la réforme des retraites. Prévoir a contrario l'intervention d'un texte spécifique, comme ce fut le cas récemment pour l'ordonnance sur le minimum ne représente pas nécessairement un gage d'efficacité, notamment en ce qui concerne les délais de parution des mesures réglementaires d'application.
Interrogé sur la justification d'un maintien des réversions au sein de l'assurance vieillesse, M. Patrick Hermange a estimé que cette justification est entière en ce qui concerne les seniors, dans la mesure où elle correspond à un droit contributif, assis sur les cotisations de retraite. S'agissant des survivants jeunes en revanche, le financement des prestations versées devrait relever d'autres secteurs de la politique sociale.
a considéré que dans la perspective d'une prochaine réforme des pensions de réversion, il conviendrait également d'analyser la situation des conjoints survivants sous l'angle des mesures fiscales.
a fait part de sa satisfaction de voir réaffirmé le caractère indispensable des pensions de réversion. Il s'est néanmoins inquiété d'une possibilité de remise en cause des droits des assurés sociaux par voie réglementaire.