A la suite de sa saisine par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la délégation a tout d'abord procédé à la nomination d'un rapporteur sur les propositions de loi :
n° 51 rectifiée (2004-2005) de Mme Valérie Létard tendant à instaurer la parité dans les fonctions exécutives municipales et à faciliter l'exercice de ces fonctions ;
n° 147 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier tendant à établir la parité entre les femmes et les hommes dans les exécutifs des collectivités territoriales élues au scrutin de liste ;
n° 226 (2004-2005) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et ses collèges du groupe communiste républicain et citoyen tendant à appliquer la loi sur la parité à l'ensemble des élections municipales ainsi qu'au sein des exécutifs municipaux ;
n° 269 (2004-2005) de M. Jean-Louis Masson relative à l'élection des conseillers généraux et remplaçant les cantons par des circonscriptions cantonales calquées sur les intercommunalités à fiscalité propre ;
n° 323 (2004-2005) de Mme Gisèle Gautier tendant à accroître la place des femmes dans le collège électoral des sénateurs ;
n° 505 (2004-2005) de M. Jean-Louis Masson tendant à rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs ;
n° 88 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson introduisant une obligation de candidature préalable et le respect d'un seuil de parité pour les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants ;
n° 136 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson relative aux communes de plus de 3.500 habitants et tendant à instaurer une obligation de parité pour l'élection des adjoints au maire, à organiser la désignation des délégués dans les intercommunalités à fiscalité propre selon une représentation proportionnelle avec obligation de parité, à assurer la représentation des listes minoritaires dès le premier tour des élections municipales et à clarifier les choix au second tour ;
n° 153 (2005-2006) de Mme Muguette Dini visant à renforcer la parité dans les élections municipales, cantonales, législatives, sénatoriales et dans les exécutifs locaux et établissements publics de coopération intercommunale ;
n° 169 (2005-2006) de M. Jean-Louis Masson tendant à instaurer une obligation minimale de parité pour l'élection des sénateurs dans les départements où le scrutin majoritaire est appliqué.
a rappelé que M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, l'avait informée qu'en application de l'article 6 septies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la commission des lois, saisie au fond, souhaitait recueillir l'avis de la délégation sur les conséquences de ces propositions de loi sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle a indiqué que la délégation devait donc désigner un rapporteur et a demandé s'il y avait des candidatures.
notant que, parmi ces dix propositions de loi, beaucoup étaient proches, s'est interrogée sur la méthode de travail qui allait être retenue par la délégation pour examiner ces textes.
a indiqué que ces propositions de loi, dont elle essaierait de dégager les thèmes principaux, feraient l'objet d'une démarche globale et qu'il convenait de parvenir à présenter des recommandations dont la mise en application pourrait être envisagée dès les prochaines échéances électorales.
rappelant que la commission des lois avait désigné M. Patrice Gélard comme rapporteur sur l'ensemble de ces propositions de loi, a précisé que la délégation devait de même d'abord désigner un rapporteur sur l'ensemble de ces textes, puis qu'elle débattrait ensuite de sa méthode de travail, qui comporterait bien entendu un programme d'auditions.
a estimé que ces propositions de loi auraient pu être regroupées selon leur objet, évoquant notamment la mise en oeuvre de la parité dans les exécutifs des collectivités territoriales, pour les élections cantonales et pour les élections sénatoriales. Elle a considéré qu'en conséquence la nomination de plusieurs rapporteurs aurait pu être envisagée. Elle a par ailleurs souhaité savoir si la délégation allait travailler en relation avec la commission des lois.
Puis elle a présenté sa candidature pour le rapport.
A l'issue de cet échange de vues, Mme Catherine Troendle, ayant obtenu 17 voix contre 1 voix à Mme Hélène Luc, a été désignée comme rapporteur sur l'ensemble des propositions de loi.
Puis la délégation a procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, maître des requêtes au Conseil d'Etat, président d'Emmaüs France.
Après que la présidente eut présenté les grandes lignes de la carrière de l'intervenant, M. Martin Hirsch a rappelé qu'il avait présidé une commission sur le thème de la pauvreté des familles, installée par le Gouvernement dans le cadre de la préparation de la réunion de la conférence de la famille, mais que ce thème avait finalement été retiré de l'ordre du jour de cette conférence.
Il a estimé que l'assistance n'était plus en mesure d'apporter des solutions adaptées à une situation marquée par l'existence d'un à deux millions d'enfants vivant dans la pauvreté, et qu'il convenait de mieux articuler le travail et les prestations sociales.
Il a souligné l'évolution de la pauvreté, qui a été réduite de moitié depuis 30 ans, en particulier en ce qui concerne les personnes de plus de 60 ans, grâce au système des retraites et au développement du travail des femmes. Il a en revanche insisté sur l'augmentation de la paupérisation à l'âge actif, qui est d'autant plus marquée qu'elle concerne des familles avec des enfants, des couples dont aucun des deux membres ne travaille ou encore des parents isolés au chômage ou vivant de minima sociaux. Il a estimé que les dispositifs sociaux devraient être adaptés à ce nouveau contexte, également marqué par la crise du logement et l'évolution des conditions de travail. A ce titre, il a cité l'exemple des femmes travaillant à mi-temps et dont le salaire constituait, autrefois, un revenu d'appoint pour le ménage, mais ne permet plus aujourd'hui à une femme divorcée de vivre dans des conditions décentes avec ses enfants.
soulignant le développement de la pauvreté des personnes ayant un emploi, qui concerne désormais la moitié des situations de pauvreté, a considéré qu'il convenait d'agir à la fois au niveau de l'emploi et des salaires, et à celui des dispositifs sociaux. Il a ainsi noté qu'une femme ayant deux enfants à charge pouvait voir ses revenus diminuer en reprenant une activité professionnelle, de nombreuses prestations sociales étant supprimées lors de la reprise d'un emploi, lequel engendre en outre de nouvelles dépenses. Il a ainsi expliqué que la commission qu'il avait présidée avait abouti à la conclusion que les minima sociaux devaient être transformés en compléments différentiels des revenus du travail, ce qui suppose une modification radicale de la philosophie des prestations sociales.
s'est enquise des expériences étrangères en matière de lutte contre la pauvreté affectant notamment les familles monoparentales, celles du Canada et de la Grande-Bretagne en particulier, qui paraissent donner de bons résultats.
a fait observer que la pauvreté n'était généralement pas liée à un seul facteur causal mais à plusieurs facteurs aggravants. A cet égard, il s'est déclaré plutôt hostile à la mise en place de politiques spécifiques à une situation familiale particulière, qui peuvent conduire leurs bénéficiaires à adopter des stratégies perverses, citant le cas de l'allocation de parent isolé (API). Il a également noté le risque lié au retard pris pour instruire les dossiers par les services sociaux de certains départements, dont la pratique consiste à ouvrir les droits deux mois après le dépôt d'une demande, afin de vérifier que l'allocataire potentiel remplit bien toutes les conditions requises, alors qu'un tel délai, suffisamment long pour prendre les habitudes liées à l'inactivité, peut être particulièrement dommageable pour l'intéressé. S'agissant des expériences étrangères, il a indiqué que plusieurs pays pratiquaient l'expérimentation en matière sociale, ce qui n'existe pas en France, afin d'adapter leur politique sociale sur la base du constat des résultats obtenus sur un territoire ou un dispositif social donné. De ce point de vue, il a mentionné la proposition de la commission qu'il avait présidée, tendant à instaurer un revenu de solidarité active, qui consisterait à permettre la dégressivité des aides complémentaires au revenu au fur et à mesure que celui-ci augmente à la suite de la reprise d'un emploi. Il a néanmoins insisté sur l'impossibilité d'importer en France un « modèle » étranger, seule la méthodologie utilisée pouvant être transposée. Observant, en comparaison, que notre pays multipliait les lois à caractère social depuis plusieurs années, il s'est déclaré favorable à l'adoption d'une loi permettant de mettre en place des dispositifs expérimentaux en matière sociale.
notant les particularités du contexte économique et social français, a regretté un certain immobilisme dans notre pays.
a abordé la question des conditions de logement des familles monoparentales, citant le cas de certaines d'entre elles, obligées de dormir dans leur véhicule. Faisant observer que la réforme du divorce résultant de la loi de 2004, en prévoyant l'éviction du conjoint violent du domicile du couple, avait permis d'améliorer la situation de certaines femmes, elle a néanmoins rappelé que celles qui étaient locataires ne pouvaient pas toujours conserver leur logement faute de moyens suffisants pour payer le loyer. Elle s'est interrogée sur les solutions qui pourraient être envisagées afin de lutter efficacement contre la pauvreté au sein des familles monoparentales.
évoquant le « couple infernal » constitué par le logement et l'emploi, a expliqué que le déficit de l'offre de logements par rapport à la demande provoquait une explosion des prix, qui nécessite, selon lui, l'intervention de l'Etat afin qu'il joue un rôle de régulateur. Il a indiqué qu'il transmettrait à la délégation des propositions en vue d'une modulation des minima sociaux.
a souhaité obtenir des précisions sur la proposition consistant non à voter des dispositifs sociaux spécifiques, mais plutôt à prévoir des expérimentations dérogeant aux dispositifs généraux.
a pris l'exemple du contrat de responsabilité parentale, prévu par le projet de loi pour l'égalité des chances actuellement en discussion au Sénat, qui tend à suspendre le versement des allocations familiales lorsque le mineur est en situation d'absentéisme scolaire et, plus largement, en cas de carence éducative manifeste, qui, selon lui, aurait dû être institué en suivant une logique inverse à celle retenue. Il a estimé qu'il conviendrait de conduire une expérimentation en la matière dans trois ou quatre départements représentatifs, et d'en tirer les conséquences avant de légiférer à partir des résultats observés. De ce point de vue, il a considéré que le contrat de responsabilité parentale, institué immédiatement comme un dispositif général, ne fonctionnerait probablement pas de manière satisfaisante dans les conditions prévues, ne serait-ce qu'en raison de sa complexité, de la multiplicité des intervenants et d'un présupposé stigmatisant des familles concernées. Il a par ailleurs déploré l'« agitation stérile » consistant à multiplier les effets d'annonce.
a considéré que la mise en place d'expérimentations en matière d'aide sociale risquerait de conduire à des disparités très importantes entre les départements, dont les ressources ne sont pas illimitées, et a cité l'exemple du revenu minimum d'insertion (RMI).
Soulignant les avantages du recours à l'expérimentation, Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué l'exemple du transfert, à titre expérimental, de la gestion des trains express régionaux (TER) à la région Pays-de-Loire, puis de son extension à l'ensemble du territoire national. Elle a regretté que le vote des lois aboutisse de plus en plus à un « empilement » de textes ne donnant généralement pas les résultats escomptés.
a fait observer que les projets de loi n'étaient toujours pas accompagnés de véritables études montrant, sur la base d'expérimentations, l'efficacité présumée des mesures envisagées. Il a en revanche noté que les lois votées nécessitaient la rédaction et la publication d'un nombre impressionnant de décrets d'application, généralement pris avec beaucoup de retard. Il a réaffirmé la nécessité d'adopter une nouvelle méthode reposant sur l'expérimentation.
a fait part de son admiration pour l'oeuvre accomplie par Emmaüs et pour l'action de ses bénévoles. Evoquant son expérience de sénateur représentant les Français établis hors de France, elle a souhaité savoir si Emmaüs était amené à accueillir des familles françaises de l'étranger en situation de détresse, notamment des familles monoparentales, à leur retour en France.
Après avoir rappelé qu'Emmaüs était attaché à la tradition de l'exercice concomitant d'une activité professionnelle et d'une activité militante, dans un souci de décloisonnement, M. Martin Hirsch a indiqué qu'Emmaüs avait mis en place des dispositifs permettant aux personnes aidées de travailler. Il a précisé que l'association était plus souvent confrontée à des personnes étrangères qu'à des Français provenant de l'étranger, mais qu'Emmaüs serait susceptible d'aider ces derniers si le cas se présentait, car aucune discrimination n'était effectuée dans l'accueil des personnes en détresse. Il a souligné, à cet égard, que les structures d'accueil et d'hébergement avaient été adaptées pour permettre de venir en aide à une population en situation précaire composée non plus seulement d'hommes seuls comme autrefois, mais également de femmes, le cas échéant avec des enfants.
Avant de conclure, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souhaité connaître les mesures de moyen et long terme préconisées par M. Martin Hirsch en faveur des parents isolés.
a insisté sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de prendre conscience que les minima sociaux actuels avaient été conçus pour lutter contre les formes de pauvreté existant dans les années 1980, lorsque la pauvreté résultait du chômage. Il a estimé qu'il convenait désormais de mettre en place de nouvelles prestations sociales qui ne soient plus des minima mais des compléments de revenus adaptés, par exemple, à la situation de mères élevant seules leurs enfants. Il a considéré qu'en matière de logement, la construction de logements sociaux était naturellement indispensable, mais qu'il était également nécessaire de rendre les loyers plus accessibles grâce à des dispositifs de conventionnement.