Nous continuons notre série d'auditions consacrées à la crise sanitaire en accueillant aujourd'hui Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour évoquer la situation de l'enseignement agricole.
Monsieur le ministre, vous le savez, notre commission est particulièrement attachée à cet enseignement. Il constitue un formidable outil pour les jeunes avec des taux d'insertion professionnelle que je souhaite une fois encore saluer : selon les derniers chiffres, le taux net d'emploi à trois ans après la fin de la formation initiale atteint 76 % chez les titulaires d'un CAP agricole, 82 % pour les titulaires d'un bac pro agricole et 90 % pour ceux titulaires d'un BTS agricole.
Surtout, les établissements de formation agricole sont des laboratoires d'innovation, ancrés dans nos territoires et acteurs de la proximité. Nous avons tous des exemples dans nos départements de lycées agricoles, de maisons familiales rurales dont nous sommes particulièrement fiers.
Toutefois, nous avons noté que ni le Président de la République, ni, plus récemment, le Premier ministre dans ses interventions devant l'Assemblée nationale ou le Sénat n'avaient évoqué la situation particulière des établissements d'enseignement agricole. Déjà, les précisions apportées début avril par Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, sur les modalités du bac 2020, ont suscité de nombreuses critiques parmi les syndicats enseignants de la filière agricole. Ils dénonçaient une décision unilatérale de la part du ministère de l'éducation nationale s'imposant à l'enseignement agricole.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'état de la concertation avec les syndicats, tant au niveau national qu'au niveau régional ? Il semblerait qu'il y ait des difficultés au niveau local avec certaines directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt.
Par ailleurs, pouvez-vous nous faire un état des lieux du suivi pédagogique des élèves pendant la période de confinement ? On parle de 5 à 8 % d'élèves en situation de décrochage dans l'éducation nationale, mais des taux plus élevés pour les lycées professionnels. Qu'en est-il dans l'enseignement agricole ? Quelles solutions ont été mises en place pour permettre cette continuité pédagogique pour les élèves qui ne pouvaient accéder à un enseignement numérique ?
Comment se prépare la réouverture des établissements agricoles et dans quelles conditions ? Les problématiques des transports scolaires, de la restauration et de l'internat y sont particulièrement importantes. Une date est-elle envisagée ?
Toujours dans le domaine de l'enseignement, mais cette fois-ci concernant le supérieur, comment vont se dérouler les concours d'accès aux écoles nationales d'agronomie, vétérinaires ou de paysage ?
Enfin, nous souhaiterions savoir comment la recherche en agriculture, par l'intermédiaire du nouvel Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), se mobilise contre le Covid-19.
Monsieur le ministre, nous vous écoutons.
Merci madame la présidente, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous sur l'enseignement agricole et supérieur, aussi précisément que possible compte tenu des constantes évolutions.
La mise en place des mesures de déconfinement dans l'enseignement en général se fait dans le cadre de concertations avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur. Personne ne comprendrait que chacun reste dans son silo ! Nous avons dans l'enseignement agricole 200 000 apprenants. Il y en a plus de 10 millions dans l'éducation nationale.
Nous travaillons ensemble avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, mais nous menons parallèlement des réunions spécifiques avec l'ensemble des syndicats et les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) qui sont l'équivalent de nos recteurs. Le déconfinement ne sera réussi que s'il est progressif, à l'inverse du confinement qui a été brutal. Et je tiens à vous assurer, madame la présidente, que nous travaillons en bonne intelligence et en totale concertation, j'y suis très attaché.
Je vous précise que quelques membres de mon équipe assistent à cette visioconférence : Mme Chmitelin, la nouvelle directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) qui était précédemment ma directrice de cabinet, M. Bonaimé jusqu'alors conseiller en charge de l'enseignement agricole et maintenant directeur de cabinet adjoint, M. Ginez, mon nouveau conseiller pour l'enseignement agricole, la recherche, l'innovation et l'installation des jeunes qui était précédemment au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ainsi que Bénédicte Bergeaud, ma conseillère parlementaire.
Je tiens à saluer le travail accompli par les fonctionnaires de mon ministère, par toutes les personnes en « deuxième ligne » comme l'a évoqué le Président de la République, ainsi que le fort engagement de la « première ligne », représentée par l'ensemble de nos soignants et scientifiques, sans oublier les familles endeuillées et les personnes qui ont souffert.
La « deuxième ligne » a tenu parce que la production et l'ensemble de la filière alimentaire et agroalimentaire ont tenu mais aussi parce que l'enseignement agricole, supérieur et technique a mené ses missions essentielles en assurant la continuité pédagogique. Nos plus de 16 000 enseignants et intervenants n'ont pas failli, même si cela n'était pas simple - j'ai pu le constater lors des comités techniques ministériels qui réunissent les organisations syndicales et le secrétariat général du ministère. La DGER est en constante discussion avec les organisations syndicales.
Nos 138 363 élèves, nos 35 086 apprentis et nos 35 278 étudiants ont tenu.
L'enseignement agricole, une pépite dont je fais une priorité, a su s'adapter à cette crise, parce qu'il est agile. Il est un atout pour l'alimentation et l'agriculture, au moment où cette dernière n'a jamais été autant dans les discussions de nos concitoyens. Nous le savons, c'est par la formation, par l'enseignement technique agricole, la recherche et l'enseignement supérieur que nous y arriverons.
Il me semble important de ne pas oublier : en effet comme je le dis depuis dix ans, et je l'ai récemment rappelé lors d'une précédente audition, l'enseignement agricole perdait des effectifs. Or, si à la rentrée 2018/2019, il y avait 3 000 élèves en moins par rapport à l'année scolaire précédente, il y en a eu 3 000 de plus à la rentrée 2019/2020 ! Nous avons réussi notre pari, grâce à des orientations fortes lancées en totale concertation avec les cadres, les enseignants, les directeurs d'établissements, les collectivités, les élus et les professionnels.
Avant cette crise, j'avais lancé un certain nombre d'orientations pour changer cet enseignement agricole, non pas de fond en comble mais en termes qualitatifs. Nous avons d'abord lancé « L'aventure du vivant » qui a permis de « raccrocher » des élèves. Ils ont ainsi perçu l'enseignement agricole non plus comme un second choix mais comme un primo choix, permettant de leur assurer un travail et des métiers intéressants. La réforme des diplômes a aussi été un choix fort et je souhaite que la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) continue d'y travailler. Nous avons voulu « enseigner pour produire autrement » ou plutôt « enseigner à produire autrement » parce que notre formation ne peut être déconnectée de la réalité.
Nous avons également beaucoup travaillé sur la refondation de l'enseignement vétérinaire, pour notamment pallier le manque de vétérinaires en zones rurales.
Enfin, nous avons fait évoluer la doctrine au sein du ministère avec la réforme, absolument indispensable, de la recherche et de l'enseignement supérieur en matière agricole et environnementale, qui s'est traduite par cette magnifique fusion de l'Inra et de l'Irstea, devenus Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, et avec le lancement du très beau chantier de regroupement des sites franciliens d'AgroParisTech et de l'Inra sur le campus Paris-Saclay.
Enfin, j'ai veillé à ce qu'il n'y ait aucune fermeture d'établissements ou de classes. Je ne fais pas de différence entre les trois familles de l'enseignement agricole, elles sont toutes indispensables. J'ai bien sûr la responsabilité de l'enseignement public mais l'enseignement privé ou les maisons familiales rurales (MFR) jouent aussi un rôle essentiel de maillage sur tout le territoire.
Nous avons souhaité repositionner la formation au plus près des attentes sociétales : la transition agroécologique, qui doit être enseignée et mieux enseignée, le bien-être animal, qui est une préoccupation forte, l'élargissement du champ des compétences transversales : le digital, le numérique, ....
Ces réformes, lancées il y a dix-huit mois, ont été percutées par la crise sanitaire actuelle mais je tiens à affirmer devant votre commission que celle-ci ne doit pas arrêter la dynamique réformatrice du ministère. L'enseignement agricole a su s'adapter, à la fois au niveau de la continuité pédagogique qui est une problématique essentielle, notamment pour les parents, mais aussi au niveau de la continuité productive de nos exploitations agricoles. Je crois que cette visioconférence est retransmise, je tiens donc à préciser que nos exploitations agricoles et nos fermes travaillent et que plus de 95 % des jeunes ont ainsi pu poursuivre leur formation pendant cette période.
Je veux à nouveau saluer la mobilisation sans faille de nos équipes, et contrer les critiques et dénigrements trop faciles envers les fonctionnaires, sur lesquels on peut s'appuyer pourtant en temps de crise. La DGER a fourni un travail remarquable pour permettre l'enseignement à distance, soit par internet - 12 000 classes virtuelles ont été ouvertes, ce qui est conséquent au regard de la taille de notre ministère - soit par les services de Docaposte. J'ai bien entendu les remarques émises par certains sénateurs sur le fonctionnement de La Poste durant cette crise, mais il n'empêche que leurs services ont permis de faciliter l'échange de documents entre les enseignants et les élèves en rupture numérique, souvent parce qu'ils résident en zones blanches, ou n'ont pas accès à internet.
En totale coordination avec les trois ministères concernés, une Foire aux questions a été mise en place sur internet pour répondre aux nombreux questionnements des jeunes : le passage du bac, la fin de leur stage, l'organisation de la rentrée dans le supérieur, ...
J'ai veillé à ce que l'enseignement agricole soit présent tout au long de cette crise, même si bien sûr certaines de ses spécificités empêchent l'apprentissage à distance, comme la partie service à la personne, notamment dans les MFR.
La mobilisation des écoles vétérinaires dans la réserve sanitaire pour contribuer à la santé de nos concitoyens, celle de nos laboratoires vétérinaires pour les tests et celle de certains de nos internats pour l'accueil des personnes sans domicile fixe et isolées, ont été des actions fortes de solidarité.
Cette crise ne sera pas sans impact sur les effectifs. Nous allons devoir y retravailler, recréer la dynamique que nous avions initiée comme par exemple relancer à la rentrée prochaine le tour de France des territoires, en utilisant le camion de l'Aventure du vivant qui devait aller au plus près des jeunes. L'impact est également social car, comme l'a dit le Président de la République, les conséquences de cette crise n'ont pas été les mêmes selon votre lieu de vie (maison ou appartement, zones rurales ou urbaines) et votre niveau d'équipement (internet, ...).
Je conclurai en rappelant que pour réussir, le déconfinement doit être progressif et être accepté par tous, effectué en coordination entre nos ministères précédemment cités mais également celui du travail en ce qui concerne nos Centres de formation des apprentis (CFA) et nos centres de formation professionnelle et de promotion agricole (Cfppa). Il doit aussi inclure, M. Karam sait que nous y veillerons, les territoires d'outre-mer.
Cette concertation devra également se faire en interne et tenir compte des spécificités, dont celles de nos lycées multi-pôles et multi-sites qui regroupent les Cfa, Cfppa, exploitations, centres équestres, ... ; l'internat par exemple représente 100 000 de nos 200 000 apprenants, soit 50 % d'entre eux, contre 10 % dans l'éducation nationale. Il faudra continuer de les loger en appliquant les mesures sanitaires, la sécurité des enseignants, des élèves et de tous les personnels étant une priorité. Il n'y aura pas de reprise des cours si la sécurité sanitaire ne peut pas être assurée.
Cette crise a révélé l'importance de la souveraineté alimentaire qui ne pourra se faire qu'avec le renouvellement des générations auxquelles nous devons donner des perspectives positives.
L'enseignement agricole doit continuer à jouer un rôle moteur pour l'économie et la population. Si nous sommes capables de jumeler formation, éducation, recherche avec compétitivité et innovation, et ce à tous les échelons, national, régional, local, et en concertation avec les enseignants et les syndicats, nous atteindrons notre objectif principal qui est de voir nos jeunes continuer à apprendre. Vous avez évoqué, madame la présidente, le taux de 5 % de décrocheurs : il nous faut impérativement le diminuer.
Nos lycées agricoles, techniques, les MFR, les CFA, vont donc ré-ouvrir progressivement et tranquillement, dans le cadre de la prévention et de la sécurité sanitaire, et nous suivrons individuellement tous ceux qui ne pourront être présents physiquement.
Je suis prêt à répondre à vos questions, en vous rappelant combien notre ministère, mon cabinet et la DGER sont à votre disposition madame la présidente ainsi qu'à celle des membres de votre commission.
Je vous remercie monsieur le ministre pour ce propos liminaire complet. Je tiens à vous dire que notre commission a à coeur de suivre de très près les conséquences de cette crise sanitaire, secteur par secteur. Nous avons ainsi constitué un groupe de travail transpartisan, animé par notre collègue, Antoine Karam, qui auditionne et consulte, en lien avec votre ministère. Cette audition vise à approfondir le travail mené par ses membres qui partagent une passion commune pour l'enseignement agricole. Je donne donc la parole à Antoine Karam, avec nous depuis la Guyane.
Je vous remercie, monsieur le ministre, au nom du groupe de travail que je pilote, pour l'ensemble des précisions que vous nous avez apportées.
J'en profite pour saluer l'ensemble de vos collaborateurs et collaboratrices et particulièrement M. Olivier Ginez, qui était il y a peu de temps encore en Guyane dans le cadre d'autres fonctions.
Ce groupe de travail sur l'enseignement agricole, mis en place à l'initiative de la présidente, a auditionné un certain nombre d'acteurs de l'enseignement agricole : des syndicats enseignants, des syndicats des personnels, des représentants de parents d'élèves, des MFR ou encore le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP). Il en ressort une grande inquiétude pour l'avenir de l'enseignement agricole. Les établissements d'enseignement agricole connaissent des pertes financières importantes. Le CNEAP a ainsi évoqué une perte de 15 millions d'euros. Or, un certain nombre d'exploitations agricoles et d'établissements d'enseignement étaient déjà dans des situations financières compliquées avant même la crise de Covid-19.
À cela s'ajoutent des problèmes de recrutement des élèves : l'enseignement agricole est mal connu. Je sais que votre ministère y travaille pour y remédier. Les journées portes ouvertes, mais aussi l'orientation et l'information en fin d'année scolaire jouent un rôle fondamental pour faire découvrir cette voie d'enseignement. À peine un tiers des élèves inscrits dans les lycées agricoles se destine à des métiers en lien avec le secteur de l'agriculture ! Or, cette année, de nombreux établissements n'ont pas pu organiser de journées portes ouvertes et faire connaitre la diversité des formations proposées. Quant aux conseils de classe et à l'information des élèves, ils se font dans des conditions plus dégradées que les années précédentes.
Enfin, les familles hésitent à inscrire leurs enfants dans l'enseignement agricole, en raison des grandes incertitudes pesant sur leur projet pédagogique : je pense à la tenue des stages, mais aussi aux conditions logistiques d'accueil à la rentrée de septembre 2020. Les établissements ne savent pas si elles doivent accepter le même nombre d'inscription en internat ou bien un nombre plus faible.
Difficulté financière, interrogation sur le maintien du projet pédagogique dans des conditions satisfaisantes, moindre information sur cette filière : l'enseignement agricole est aujourd'hui en grande précarité. De ce constat découlent plusieurs questions :
Premièrement, à combien s'élèvent les pertes financières pour l'ensemble de l'enseignement agricole depuis le début du confinement ? Un soutien financier est-il prévu ? Il en va de l'attractivité de l'enseignement agricole : comment attirer des jeunes alors qu'au même moment l'exploitation agricole de l'établissement dépose le bilan ?
Deuxièmement, pour la première fois depuis de nombreuses années, on a constaté à la rentrée 2019 une augmentation du nombre d'élèves inscrits dans l'enseignement agricole, notamment en raison d'une action volontariste de votre ministère ainsi que du ministère de l'éducation nationale, que je salue. Or, cette dynamique risque d'être cassée. Quelles mesures vont être prises pour faire connaître l'enseignement agricole dans le contexte particulier actuel ?
Troisièmement, que pouvez-vous répondre aux chefs d'établissement et aux familles qui s'interrogent sur des questions logistiques très concrètes mais renvoyant directement au projet pédagogique des lycées agricoles : le maintien d'un nombre suffisant de lits en internat dans le respect des conditions sanitaires, les stages. Sur ce dernier point, votre ministère est-il en négociation avec les branches professionnelles et les entreprises pour permettre le retour des élèves, dans des conditions de formation et de protection satisfaisantes ?
Enfin, quatrième et dernière question : le Gouvernement s'était engagé à porter un plan de requalification et de revalorisation salariale pour les agents de catégorie 3 de l'enseignement agricole privé sous contrat. Revalorisation intégrée au budget lors de l'examen de la loi de finances pour 2020. Cependant, le décret de mise en oeuvre de ce plan n'a visiblement pas encore été pris. Pouvez-vous nous donner votre éclairage ?
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ces questions très claires.
Les pertes financières pour l'ensemble de l'enseignement agricole depuis le début du confinement s'élèvent à une centaine de million d'euros.
Les Journées portes ouvertes (JPO) n'ont en effet pu avoir lieu mais les JPO virtuelles mises en place se sont très bien passées et ont permis d'informer nos jeunes le mieux possible.
En ce qui concerne les internats, chaque inscription pour l'année scolaire 2020/2021 sera prise en compte et nous ferons le point en septembre, nous ne pouvons le faire avant. S'il nous faut diviser par deux, voire par trois, le nombre de lits, il faudra trouver d'autres modalités pour nos internes. En revanche, je tiens à le souligner : pour la rentrée 2020-2021, nous inscrivons tout le monde.
Le problème qui s'est posé sur les stages et les apprentis a pu être décalé. Et nous travaillons bien sûr, monsieur Karam, en lien avec les filières professionnelles pour que toutes nos formations, initiales et continues, soient en adéquation avec elles.
S'agissant de la revalorisation financière, le Gouvernement s'y était engagé à travers la loi ASAP, mais celle-ci étant stoppée par la crise, la revalorisation est décalée mais ne doutons pas qu'elle sera mise en place dès que possible.
Je vais maintenant donner successivement la parole à nos deux rapporteurs : Mme Laure Darcos pour la recherche, puis M. Stéphane Piednoir, pour l'enseignement supérieur.
Je souhaite insister, monsieur le ministre, sur le nouvel établissement public, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui prend toute sa part dans les projets de recherche sur le Covid-19. Je voudrais que vous puissiez nous parler de cette fameuse protéine qui aurait été trouvée par un laboratoire américain et l'Inrae, démontrant la manière dont celle-ci infecte les cellules et génère ce coronavirus.
Je ne suis pas scientifique, et vous non plus monsieur le ministre, mais cela intéresse nos collègues et je suis fière de voir que l'Inrae contribue à la mobilisation de notre recherche et à cette course contre la montre pour trouver des solutions.
Par ailleurs, à titre personnel, je tenais à vous remercier car vous avez été le premier membre du Gouvernement à défendre les marchés et à dire qu'il fallait les ré-ouvrir, combat pour lequel je me suis beaucoup engagée, et qui a permis de desserrer un peu l'étau pour nos préfets.
J'ai quelques questions ciblées sur l'enseignement supérieur. Vous avez évoqué la continuité pédagogique : pouvez-vous nous faire état des difficultés éventuelles rencontrées par les étudiants dans l'enseignement agricole, pour lequel les aspects pratiques sont différents des autres enseignements ? En outre, comment l'interruption de certains stages va-t-elle être prise en compte pour la validation des bacs professionnels, la partie professionnelle étant essentielle dans ce diplôme ?
Pour les BTS agricoles, il a été convenu qu'ils soient évalués de manière continue. Avez-vous connaissance de réticences car c'est justement sur le dernier trimestre de l'année scolaire qu'étaient concentrées certaines pratiques ?
Dernière question sur le recrutement au sein de nos écoles d'agronomie ? Comment se passe-t-il, sachant qu'il existe des difficultés pour examiner les dossiers ? L'ensemble des établissements supérieurs ayant choisi de fermer leurs portes jusqu'en septembre, comment se réunissent les jurys ?
Je partage vos propos quant à la revalorisation du métier et au terme de primo choix que vous avez employé. Ne faudrait-il pas lancer une action de communication sur tous les métiers de l'agriculture pour favoriser l'augmentation des effectifs que vous avez évoquée ?
Chère Laure Darcos, vous n'êtes pas scientifique mais vous connaissez beaucoup plus de choses que moi dans le domaine de la recherche ! Je suis dans l'impossibilité de vous répondre, mais je vais demander à M. Philippe Mauguin, le président-directeur général de l'Inrae, à l'issue de cette audition, de vous fournir des informations, qu'il faudrait peut-être insérer dans les Faq de notre site internet.
Nos laboratoires vétérinaires travaillent depuis longtemps sur la famille des coronavirus - et ces derniers sont nombreux ! -. Je pense notamment à l'École nationale vétérinaire de Toulouse, et ce n'est pas parce que leur ancienne directrice n'est autre que notre nouvelle directrice générale de l'enseignement et de la recherche ! Mme Chmitelin a mis en place un gros travail de partenariat avec l'Institut Pasteur sur la question de l'air ambiant dans certains locaux hospitaliers, notamment au CHU de Purpan, en lien avec l'Inserm. Je tiens également à citer l'action de l'École nationale vétérinaire d'Alfort dans le cadre du consortium de recherche REACTing.
Je sais d'ailleurs que vos connaissances, madame Darcos, sont telles que vous êtes en mesure de répondre beaucoup mieux que moi à vos questions, mais j'espère que mes réponses vous conviennent !
Je vous remercie, monsieur Piednoir, pour vos questions concrètes auxquelles je vais essayer de répondre tout aussi concrètement. Nos étudiants sont, comme nous, victimes de cette situation mais ils ne doivent pas l'être deux fois plus. Cela a engendré beaucoup de discussions, mais je me suis engagé, à partir du moment où certains élèves étaient en difficulté en terme de stage ou de validation de concours, à ce qu'ils ne soient pas empêchés d'obtenir leur diplôme. Ceci concerne également les BTS agricoles.
Concernant le recrutement pour l'enseignement supérieur et les concours d'accès à nos écoles, la directrice générale de l'enseignement supérieur et de la recherche m'a assuré que le nécessaire avait été fait pour s'adapter aux circonstances, à l'instar des autres concours d'accès aux grandes écoles. Pour exemple, les épreuves du concours A par voie principale après la classe préparatoire, qui réunissent plus de 3 000 candidats, sont devenues des épreuves uniquement écrites.
En revanche, pour les concours parallèles, ceux qui permettent une diversification des profils de recrutement - par exemple, devenir vétérinaire après avoir fait un BTS ou devenir ingénieur agronome par apprentissage -, soit environ 15 000 candidats répartis sur six concours, j'ai obtenu à ce que les entretiens de motivation soient maintenus en juillet, au besoin de manière dématérialisée. Ils jouent en effet un rôle très important pour recruter les futurs vétérinaires et ingénieurs sur des aptitudes et non sur des critères purement académiques.
En ce qui concerne la question de la communication sur les métiers de l'agriculture, nous avions amorcé une grande campagne et je tiens à vous assurer que nous la remettrons en place dès que possible. Cette crise aura au moins permis de mettre en évidence l'agriculture, souvent décriée, toutes les entreprises agroalimentaires, tous les métiers de l'agriculture et notamment ceux liés à la recherche et à l'innovation.
Au sein de mon ministère, sur les 1 000 dossiers qu'il faut gérer quotidiennement, le plus essentiel est l'avenir de nos jeunes, et pour reprendre l'expression du Président de la République, il faut « quoi qu'il en coûte » amener ces jeunes à avoir la meilleure formation possible aux métiers de demain.
Nous partageons votre avis sur cet enjeu pour les jeunes. Je vais maintenant donner la parole à notre rapporteur chargé de la jeunesse, M. Jacques-Bernard Magner, qui représente le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour la réussite de l'opération de soutien aux agriculteurs pour les récoltes que vous avez lancée. Il semblerait que cette réserve sollicitée en l'absence de main-d'oeuvre étrangère ait bien fonctionné. Le Service national universel (SNU) qu'on adosse souvent au secteur militaire, ne pourrait-il pas finalement être utilisé dans ce cadre-là pour nos structures agricoles ? Le Président a évoqué la difficulté alimentaire mais l'agriculture a tenu et a permis que cette période se passe plutôt bien, même si certains agriculteurs n'ont pu écouler toutes leurs marchandises.
Vous souhaitez à juste titre revaloriser l'image de l'enseignement agricole. Les jeunes y vont en effet le plus souvent car ils sont issus de familles d'agriculteurs. Pourtant il y a un certain nombre de métiers aujourd'hui en tension qui attendent des bras mais aussi des têtes car il faut une technicité importante pour être agriculteur. Donc, à la lumière de cette crise, à quelles solutions avez-vous pensé pour que les métiers agricoles soient promus ?
Enfin, s'agissant des stages, qui sont de plus en plus difficiles à trouver pour les apprentis faute d'un nombre suffisant de maîtres-formateurs, ne serait-il pas bon de créer un statut du scolaire alternant pour aider à la recherche de stages auprès des professionnels de l'agriculture et permettre aux jeunes de commencer une formation scolaire en attendant de trouver un contrat d'apprentissage?
Je vais prendre une série de questions après celles de M. Magner, si vous en êtes d'accord monsieur le ministre, et je vais donner la parole à Mme Vérien pour le groupe Union centriste.
Monsieur le ministre, Vous parlez de pleine concertation mais les MFR, au moins dans mon département, ne l'ont pas ressenti comme tel. Elles ont même parfois reçu les instructions de votre ministère en même temps que les parents, ce qui a compliqué le fait de se préparer à leur répondre et à les rassurer. Quant aux difficultés de la rentrée, les élèves de ces structures sont parfois six par chambre. Enfin, les élèves des MFR sont parfois éloignés de la nation apprenante et ils ont plutôt besoin de choses pratiques et d'encadrement. J'espère que la concertation dont vous parlez tant va arranger la situation.
Je souhaite aussi parler des stagiaires, pas des apprentis qui, sous la coupe de leur maître de stage, sont sous la responsabilité de l'entreprise, mais des autres, ceux qui sont sous la responsabilité du chef d'établissement. Est-ce à lui de vérifier si l'accueil du stagiaire se fait dans le respect des conditions de sécurité sanitaire actuelles ?
Les portes ouvertes virtuelles réussies que vous avez évoquées n'ont pas été un grand succès pour les MFR. Elles ont donc assez peu d'inscriptions. Or, les financements attribués seront définis sur la base du nombre d'élèves au 1er octobre. Ne pourrait-on pas décaler d'un ou deux mois ce décompte, car beaucoup de choix risquent d'évoluer en septembre, et ces financements sont importants pour éviter de se séparer de formateurs ?
J'en profite pour excuser Mme Billon qui devait intervenir également pour le groupe Union centriste. Je donne la parole à Mme Brulin, pour le groupe CRCE.
Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé le déconfinement au 11 mai le 13 avril dernier, et la communauté éducative a ressenti que les semaines qui ont suivi n'ont pas été suffisamment mises à profit pour préparer très concrètement la rentrée. Celle-ci devrait s'effectuer pour les lycées, selon l'annonce du Premier ministre, au-delà du 2 juin et commencerait probablement par les lycées professionnels, ce qui ne paraît pas incongru. Si cela inclut, comme nous le pensons au sein de notre groupe de travail, les lycées agricoles, nous disposons d'un peu plus de temps pour véritablement préparer cette rentrée.
Je rejoins les propos prononcés à l'instant : il y a un certain nombre d'acteurs qui ne se sentent pas suffisamment associés. Or certaines questions relatives aux lycées agricoles sont encore plus complexes que celles de l'éducation nationale, comme le décrochage qui semble plus important en cette période d'enseignement à distance.
Il y a aussi la question des internats que vous avez à juste titre évoquée : que faire, lorsque l'on sait que 50 % des élèves sont concernés, et qu'à la reprise éventuelle de juin ou septembre, on ne pourra pas tous les loger dans des chambres collectives ? Même chose pour les transports, les périmètres de recrutement des lycées agricoles étant très larges. Je pense aussi aux demandes qui s'expriment sur le gel des stages, cette question nécessite d'être tranchée même si je conçois que ce ne soit pas simple.
Enfin, deux derniers sujets et non des moindres : avant même la crise sanitaire, la question des seuils de dédoublement étaient souvent évoquée. Celle-ci se pose aujourd'hui avec encore plus d'acuité compte tenu des circonstances qui restreignent le nombre de personnes par groupe. Qu'en sera-t-il à la rentrée ? Et qu'avez-vous également prévu pour tous les emplois directement imputés sur les budgets des établissements et qui, parce que ce sont des contrats de droit public, ne bénéficient pas des mesures de chômage partiel ?
La question des transports renvoie aux régions, vous allez peut-être pouvoir nous en dire plus sur la construction de ce lien avec la collectivité en charge du transport scolaire ? Je donne maintenant la parole à M. Grosperrin, rapporteur des crédits « enseignement scolaire ».
La présidente l'a fort bien dit dans ces propos liminaires, l'enseignement agricole est un laboratoire d'innovations, souvent en avance. J'ai le sentiment que le public qu'il concerne est un peu plus fragile et que cet enseignement a été mis un peu plus en difficulté par le confinement ; il semble donc qu'il y ait plus de décrocheurs, certainement davantage que les 5 % annoncés. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont l'enseignement agricole s'est adapté vis-à-vis de ces décrocheurs ?
En ce qui concerne la question de la suppression des stages en entreprises, ont-ils été compensés ou rattrapés, cette expérience étant primordiale ? Comment se prépare le redémarrage des Cfppa ?
Le ministre de l'éducation nationale souhaitait faire reprendre les lycéens des classes à examen uniquement et les classes charnières. Certains demandent la suppression des épreuves de français. Quelle est votre position ?
Et enfin, s'agissant du recrutement au sein des MFR, une crainte existe pour les 4e et 3e car il semble que du fait du confinement, les futurs apprenants potentiels aient moins la possibilité de découvrir les formations proposées par les MFR et se retrouvent donc un peu « bloqués » dans le système d'enseignement de l'éducation nationale.
Merci monsieur le ministre pour vos propos préliminaires. Mes questions portent sur les lycées et formations supérieures agricoles de type BTS agricoles. Dans le plan de déconfinement présenté récemment au Sénat, il a été annoncé que l'ouverture des lycées ne serait décidée que fin mai et que l'enseignement professionnel serait prioritaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur la validation ou non des années et cursus lorsque les stages n'ont pas pu se tenir et sur le report éventuel de ces stages en juillet ou septembre ?
Est-il envisageable que les étudiants à partir de 16 ans et surtout les apprentis, puissent effectuer des stages dès cet été ? Le cas échéant, comment sera-t-il possible de garantir la sécurité de tous et ainsi aider les petites exploitations à continuer de prendre des stagiaires et apprentis ? Ces exploitations _ vous les connaissez bien au niveau de la Drôme - n'auront pas les moyens sur le long terme de désinfecter et de procurer des masques et des solutions hydroalcooliques.
Merci monsieur le ministre pour toutes les précisions que vous nous avez apportées. Ma première question porte sur l'épreuve orale de français en première STAV (Sciences et technologies de l'agronomie et du vivant). L'intersyndicale nous a récemment informés de sa demande de suppression de ces épreuves, les conditions de préparation compte tenu de l'épidémie ne permettant pas à l'ensemble des élèves d'aborder sereinement cette épreuve mise en place pour la première fois cette année. Quelle suite entendez-vous donner à cette demande ?
Ma deuxième question concerne la réouverture des CFA prévue le 11 mai. Or, nombre de ces centres occupent les locaux des lycées qui resteront quant à eux fermés, leur entretien étant placé sous la responsabilité des conseils régionaux. Comment sera assuré l'accueil des apprentis, des stagiaires et du personnel de ces centres dans le respect des protocoles sanitaires ?
Je regrette, monsieur le ministre, que dans le protocole élaboré par l'éducation nationale, il n'y ait pas eu une fiche spécifique sur les établissements agricoles. L'internat fait véritablement partie du projet pédagogique de l'établissement agricole. Ce projet comporte à la fois un volet éducatif, de vie collective via l'internat, mais aussi un volet d'apprentissage de la vie économique : ces jeunes peuvent y développer un réseau de ventes de leurs produits qui leur permet de mettre en place différentes techniques de commercialisation, en lien avec les producteurs locaux et la population locale. Cela génère des ressources propres qui permettent aux établissements de financer d'autres projets. Or, on connait la fragilité financière de ces établissements, qui risque d'être accentuée par la crise de Covid-19.
Je voudrais également attirer votre attention sur la rentrée normalement prévue le 2 juin prochain pour ces élèves d'internat. Ils viennent de toute la France, selon les spécialités enseignées, et les transports représentent une réelle inquiétude pour les chefs d'établissement. Vont-ils devoir mettre en place une alternance hebdomadaire ?
Ma dernière question concerne l'arrêt des notes prévu pour le 10 juin, alors que la rentrée se ferait le 2 juin. Ne serait-il pas possible de le décaler ? Enfin, comme l'ont indiqué plusieurs de mes collègues, on constate sur le terrain une forte inquiétude pour la rentrée de septembre, notamment sur les effectifs : en effet, la visibilité et la valorisation de l'enseignement agricole ont été moins importantes, en particulier parce que les conseils de classe dans les collèges n'ont pas pu se tenir.
Je participe au groupe de travail animé par Antoine Karam, et cela m'a confirmé qu'il existe de formidables établissements d'enseignement agricole, toutes filières confondues, lieux d'innovations pédagogiques dont l'éducation nationale pourrait parfois s'inspirer.
Ma question porte sur des publics particuliers, très nombreux dans l'enseignement agricole, on ne le sait pas assez, à savoir les publics à besoins éducatifs particuliers, dont ceux en situation de handicap dont le nombre s'élève, selon les chiffres de votre ministère au 1er janvier 2019, à près de 2 400. Comment la pédagogie a-t-elle été adaptée pour eux ? Comment s'organise la présence des AESH en classe dans ce contexte de limitation du nombre de personnes et de distanciation sociale ? L'école inclusive s'applique également dans l'enseignement agricole.
Concernant le retour vers l'école, le protocole mis en place par l'éducation nationale s'applique aussi aux établissements d'enseignement agricole. Il n'empêche qu'un particularisme fort existe, ne pourrait-on pas y réfléchir ? Et comme je l'ai déjà demandé à Jean-Michel Blanquer, quels seront les objectifs pédagogiques d'ici le 4 juillet ? Comment prépare-t-on la rentrée de septembre prochain, compte tenu de cette année scolaire écourtée ?
Je vous remercie pour ces questions précises et concrètes. Tout d'abord, la rentrée de nos établissements est prévue dans un mois, ce qui nous laisse du temps pour préparer et ensuite observer l'évolution pour les premiers qui ouvriront, notamment au niveau des transports. Car rassurez-vous, mesdames et messieurs les sénateurs, nous y veillerons et nous ferons en sorte pour les internats que la distanciation sociale soit appliquée. La règle de base est le principe de précaution.
Pour répondre à plusieurs de vos questions, notamment à celle de Mme Blondin, je n'ai pas souhaité que l'on ait une circulaire commune avec l'éducation nationale. Notre enseignement est spécifique et, si les consignes sanitaires sont les mêmes pour tous les établissements d'enseignement, nous mettons en place nos propres directives, circulaires et guides de bonnes pratiques, pour pouvoir être agiles, mobiles et réactifs.
S'agissant des transports, nous travaillons en étroite collaboration avec les régions, associées à toutes nos réunions, et je remercie d'ailleurs M. Morin et M. Muselier qui l'a remplacé à la tête des Régions de France. Même s'il y a parfois des tiraillements, nous avons pour même objectif l'intérêt des jeunes.
En ce qui concerne les réunions de concertations, nous tenons à ce qu'il y en ait le plus possible. Nous en avons pour exemple tenu cinq cette semaine : CHSCTM, CHSCT, CTM,... Nous concertons le mieux et le plus possible.
Monsieur Jacques-Bernard Magner, merci d'avoir évoqué « l'armée de l'ombre » qui s'est levée pour aider les agriculteurs. Plus de 200 000 personnes se sont inscrites sur la plateforme, 15 000 ont travaillé, les conditions climatiques et les restrictions sur les périmètres de déplacement à respecter ne nous ont pas permis d'aller au-delà. M. Magner a aussi évoqué à juste titre le SNU comme support pour renouveler ce type d'actions. Actuellement, dans le cadre du Service national de la jeunesse (SNJ), il est possible que des jeunes en missions d'intérêt général puissent travailler en exploitations agricoles mais nous allons réfléchir à cette suggestion.
Nous partageons votre inquiétude quant à l'avenir des stages. Pour l'instant, le nombre de contrats de stage n'a pas baissé mais la crise va bien évidemment faire des dégâts dans tous les domaines. Certaines entreprises prendront certainement moins de stagiaires. Nous suivrons cela de près.
Madame Vérien, vous avez parlé de manque de concertation, mais nous n'en menons effectivement pas avec les 800 établissements ! Nous les menons avec toutes les fédérations, les représentants de l'UMFREO (Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation), charge à eux ensuite d'en référer à chaque MFR. Le ministère a édité ses propres guides de bonnes pratiques.
Par contre, lorsque vous parlez des élèves comme étant loin de la nation apprenante, je ne partage pas du tout cet avis et j'ai du mal avec cette stigmatisation. L'enseignement doit accueillir tous les enfants de la République et le rôle des MFR, que je soutiens, est justement d'intégrer ces élèves en difficulté. J'ai pu constater dans le cadre de mes fonctions d'élu départemental pendant plus de vingt ans, qu'un grand nombre de véritables décrocheurs reprenait goût à la vie professionnelle grâce aux MFR.
Je suis d'ailleurs le premier ministre de l'agriculture à avoir participé à la rentrée des classes des trois familles de l'enseignement agricole. Je ne fais pas de différence de traitement entre les enfants de la République.
Madame Vérien, je ne sais pas du tout ce qui vous permet d'affirmer que les journées portes ouvertes virtuelles des MFR n'ont pas été une réussite. Je ne partage pas cet avis. Par définition, elles ne pouvaient accueillir du monde ! Elles étaient virtuelles, nous n'avons pas eu le choix qu'il en soit autrement, et les retours que j'ai eus de la DGER, de mon cabinet et d'élus, sont très positifs quant au fait de les avoir maintenues de manière dématérialisée.
Je tiens à rassurer Mme Brulin : nous préparons bien évidemment la rentrée et nous ferons en sorte d'être prêts pour début juin. Cinq séances de concertation avec toutes les instances du ministère associant tous les acteurs sont prévues. Je n'ai vraiment pas le sentiment qu'il ne se soit rien passé depuis l'annonce du Président de la République du 13 avril, en tout cas les fonctionnaires de mon ministère travaillent 7 jours sur 7.
Nous allons maintenir les seuils de dédoublement car nous avons eu plus d'élèves et je veux saluer les enseignants car cela a été difficile à mettre en place.
Comme je l'ai indiqué à M. Karam, nous évaluons pour la partie enseignement de mon ministère le coût à cent millions d'euros. Cela inclut le soutien à nos personnes sous contrat qui n'ont pas pu bénéficier du chômage partiel. La situation était dramatique et nous avons fait en sorte de n'arrêter aucun contrat.
Monsieur Grosperrin, les données sur les décrocheurs proviennent des 800 établissements, compilées par la DGER. Je vous confirme que le taux d'élèves décrocheurs s'élève à 5 %.
Vous êtes nombreux à avoir évoqué les Cfppa et les CFA : dès le 11 mai, il est possible de les ouvrir même s'ils ne le seront sans doute pas tous. Il faut déconnecter la possibilité d'ouvrir les Cfppa de l'ouverture globale des lycées, et tenir compte des multi-sites et multi-pôles dont je parlais en introduction. Les Cfppa avec les CFA n'ouvriront bien sûr que si les conditions sanitaires le permettent, et si les instances locales se sont réunies.
M. Jean-Yves Roux évoquait la continuité pédagogique : l'enseignement agricole supérieur a fait le choix du maintien des stages en entreprises. Quant aux masques et solutions hydroalcooliques, ils seront fournis par l'État pour les collégiens des classes de 4e et 3e. Les lycéens devront venir avec leurs propres masques. Certaines régions ont annoncé qu'elles équiperaient les lycéens. Les gels hydroalcooliques seront mis à disposition de tous les apprenants et enseignants et les procédures seront précisées dans le cadre des guides de bonnes pratiques et d'une circulaire nationale émise par la DGER.
Madame Mélot, nous avons parlé avec Jean-Michel Blanquer de l'éventuelle suppression des épreuves orales de français pour les 1ere STAV. Cette réflexion implique l'ouverture de tous les lycées, la cohérence de toutes les filières entre régions. Toutefois, pour l'instant, nous ne sommes pas favorables à leur suppression.
Madame Blondin, la fragilité financière des établissements est en effet bien réelle. Cette crise est terrible pour tous. Vous évoquiez aussi le fait de décaler les notes après le 10 juin. Cela ne sera pas possible car il faut respecter le calendrier de Parcoursup mais mon objectif et celui du Gouvernement est bien qu'aucun jeune ne soit pénalisé par cette crise.
Monsieur Brisson, je connais votre engagement en faveur de l'éducation inclusive qui est en effet très importante. Les situations sont plus ou moins compliquées suivant le handicap pour respecter au mieux la distanciation sociale, mais la priorité fixée à mes services est qu'il n'y ait pas là encore de double peine. Il va falloir faire en sorte que les jeunes handicapés puissent être accueillis. Les établissements d'enseignement agricole scolarisent environ 8 500 élèves à besoins éducatifs particuliers, parmi lesquels 4 916 bénéficient d'un Projet personnalisé de scolarisation (PPS). La Dger a mis en ligne dès le 20 mars des préconisations à destination des équipes éducatives ainsi qu'un appui pédagogique.
Les équipe pédagogiques s'en sont saisies et ont mis en place un contact hebdomadaire voire quotidien au téléphone avec un seul interlocuteur référent. La logique d'accompagnement du handicap se poursuivra selon la logique du déconfinement, soit dans l'établissement si le jeune ne présente aucune pathologie considérée facteur à risque, soit à distance.
Je rappelle que la reprise des lycées agricoles ne se fera en juin que si les conditions épidémiologiques le permettent. La décision sera prise fin mai. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation se prépare donc à accueillir les jeunes dans ses 800 établissements. Nous ne prendrons de décisions qu'après avoir considéré la situation de chaque établissement, chaque région, chaque secteur. Je suis favorable, pour des raisons d'équité sociale, à ces réouvertures. Il faut rouvrir les établissements même si nos jeunes n'ont pas arrêté de travailler grâce au travail à distance et à Docaposte.
En lien avec le personnel enseignant et les organisations syndicales, nous allons tout faire pour mener à bien ce redémarrage. J'ai fixé un cap clair, celui de la réussite éducative et pour le suivre - en utilisant encore le langage marin - il faut que tout l'équipage soit à bord. Cet équipage est constitué de l'administration, des parlementaires, des élus des conseils d'administration, de l'ensemble des organisations syndicales, du personnel enseignant, mais aussi de l'ensemble du personnel des régions mis à disposition, comme les agents d'entretien, de restauration. Nous sommes tous dans le même navire et malgré la tempête qui s'est abattue sur nous, le navire France a tenu !
Malgré nos appréciations divergentes et nos débats politiques intenses, nous avons tous pour même objectif la réussite éducative de nos jeunes et le rayonnement de notre enseignement agricole. Nous devons tous ramer dans le même sens pour mener à bon port toute notre communauté éducative, les apprenants, les enseignants, les agents qui travaillent dans nos lycées et exploitations.
Merci monsieur le ministre, vous avez des propos toujours très enthousiastes et une belle force de conviction. Je vous souhaite donc le meilleur temps possible pour cette traversée sans trop de remous ! Nous restons extrêmement mobilisés sur ce sujet, d'autant que, vous l'avez compris, nous avons mis en place un groupe de travail animé par Antoine Karam que je remercie à nouveau. Je compte sur lui et l'ensemble des collègues de la commission pour poursuivre les travaux et être attentifs à ce bilan fin mai qui permettra la réouverture ou non des établissements début juin, c'est ce que je vous souhaite en tout cas.
La téléconférence est close à 16 heures.