Le privilège de l'âge me vaut l'honneur de présider la réunion constitutive de cette commission que le Sénat a créée, pour donner suite à la proposition de résolution, déposée par M. Jean-Vincent Placé et les membres du groupe écologiste, tendant à enquêter sur le coût réel de l'électricité afin d'en déterminer l'imputation aux différents agents économiques.
Le règlement du Sénat précise que chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire et que les fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sont partagées entre la majorité et l'opposition.
Le groupe écologiste souhaite occuper la fonction de rapporteur et présente la candidature de M. Desessard.
Le groupe UMP présente la candidature de M. Ladislas Poniatowski à la présidence.
M. Ladislas Poniatowski est désigné président à l'unanimité.
- Présidence de M. Ladislas Poniatowski, président -
Je confirme que le groupe écologiste propose la candidature de M. Desessard.
M. Jean Desessard est désigné rapporteur à l'unanimité.
Nous devons compléter le bureau. Compte tenu de l'accord entre le groupe socialiste et le groupe écologiste, il pourrait comporter un vice président par groupe politique, sous réserve que le groupe écologiste, qui serait surreprésenté, cède un poste de vice-président au groupe socialiste. Nous aurions donc deux vice-présidents socialistes, puis un vice-président par groupe, sauf pour le groupe écologiste, qui n'en aurait pas mais qui détient le poste de rapporteur.
Nous allons travailler intensément pendant quatre mois et procéder à de nombreuses auditions les mardis et mercredis, en mettant à profit la période d'interruption des travaux parlementaires en séance publique, du 9 mars à la fin mai. Nous tiendrons de « grandes auditions » et des auditions plus techniques, en présence du rapporteur et du président, ceux d'entre vous qui sont intéressés pouvant bien sûr y assister. J'y insiste, auprès des membres de mon groupe en particulier : les candidats au poste de vice-président devront faire la preuve de leur disponibilité pendant cette période. J'invite les autres groupes à s'en assurer de même. Les auditions s'arrêteront fin mai, afin de laisser la place à la préparation du rapport. Des auditions complémentaires peuvent être envisagées avant la publication du rapport. Je vais suspendre pour permettre aux groupes de présenter leurs candidatures aux postes de vice-présidents.
La séance est suspendue quelques instants.
La commission d`enquête complète son bureau, qui est ainsi constitué : MM. Alain Fauconnier (SOC), Claude Léonard (UMP), Jean-Claude Merceron (UCR), Jean-Claude Requier (RDSE), Mmes Laurence Rossignol (SOC) et Mireille Schurch (CRC), vice-présidents.
Trois points caractérisent la commission d'enquête : les pouvoirs, le secret et les délais.
Une commission d'enquête dispose de pouvoirs étendus. Elle peut convoquer, sous peine de sanctions, toute personne qu'elle juge bon d'entendre. L'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit que toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique à la requête du président de la commission. Cette obligation est sanctionnée par une amende de 7 500 euros : c'est dire son caractère officiel et contraignant. Elle ne s'applique qu'aux personnes de nationalité française. Nous pourrons faire venir des acteurs étrangers sur les problèmes du coût de l'électricité. Il peut être intéressant pour nous d'entendre des représentants d'entreprises susceptibles d'entrer sur le marché français, allemandes et espagnoles par exemple. Nous ne pouvons que les inviter, ils n'ont aucune obligation de venir. Je demanderai au Sénat des moyens financiers à cette fin.
Les personnes entendues par une commission d'enquête doivent prêter serment.
Le rapporteur dispose de pouvoirs propres. Il peut effectuer des contrôles sur pièces et sur place et il est habilité à se faire communiquer tout document de service à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.
L'ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que les auditions sont en principe publiques. Je le rappellerai avant chaque audition pour que les personnalités entendues connaissent la règle du jeu.
En revanche, nos autres travaux restent couverts par la règle du secret. Il me déplairait que nos débats internes sortent dans la presse.
Une commission d'enquête doit remettre son rapport au plus tard six mois à compter du 9 février dernier. Nous ne pouvons donc pas remettre notre rapport après le 8 août prochain. Il doit en outre s'écouler un délai de six jours entre le moment où le rapport est déposé et celui où il peut être publié.
Notre commission d'enquête se réunira en pleine campagne pour les élections présidentielle et législative. Je sais quelles seront les tentations des uns et des autres. Je fais appel à votre expérience, à votre maturité et à votre sens des responsabilités. Évitons de confondre ragots et information de fond ! Je suis surpris que le bureau du Sénat ait accepté de créer une telle commission à ce moment là et non à une autre période, plus indépendante de la conjoncture politique. L'Assemblée nationale sera en vacances ; les députés ne seront pas là. Nous démontrerons que le Parlement travaille toujours, pendant cette période. Montrons que nous travaillons de manière responsable : le Sénat y gagnera et nous tous aussi !
Chacun est vivement invité à participer aux « grandes auditions ». Pour les auditions plus techniques, dont le programme vous sera communiqué, nous vous demandons de nous faire savoir celles auxquelles vous souhaitez participer. Nous tiendrons nos auditions en principe du mardi matin au mercredi...
Nous pourrons nous réunir du mardi après-midi au mercredi, les « petites auditions » pouvant avoir lieu le jeudi matin.
Deux déplacements sont prévus, l'un à Bruxelles, pour nous entretenir avec le commissaire européen à l'énergie, l'autre, sur la suggestion du rapporteur, pour voir une centrale dont le démantèlement a commencé.
Il y a celle de Brennilis, en Bretagne, dans le Finistère, et celle de Chooz dans les Ardennes.
Nous rencontrerons ceux qui y sont confrontés, pour les interroger sur leurs difficultés, sur les coûts, pour voir si nous pouvons étendre l'analyse à d'autres réacteurs.
Notre première réunion de bureau se tiendra le 6 mars. Je vous propose de commencer nos auditions dès le mercredi 7 mars.
Nous allons essayer de recevoir ce jour-là des personnalités du monde politique ou institutionnel : M. Éric Besson, ministre délégué, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique qui vient de recevoir un rapport envisageant la prolongation de la durée d'exploitation des centrales nuc1éaires ; les représentants de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui vient de publier un rapport sur la sécurité nucléaire - je m'efforcerai d'éviter des redites avec l'audition de la commission de l'économie ; M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'énergie et M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie. Je vais essayer d'obtenir le témoignage de personnalités qui ne font pas partie du « complexe nucléaro-industriel » : MM. Jean-Marc Jancovici et Pierre Radanne. Nos services essaieront également de joindre M. Jeremy Rifkin, une personnalité américaine atypique.
Cinq journées d'auditions sont ensuite programmées, jusqu'au 24 avril, date de remise du plan du rapport au président et au rapporteur, qui devra être validé le 30 avril. La fin des auditions en commission plénière aura lieu le 16 mai, la remise du projet de rapport au président et au rapporteur étant prévue le 25 mai. La date limite de validation du rapport est fixée le 7 juin. Le 12 juin, le rapport validé sera envoyé aux autres membres de la commission, celle-ci se réunissant le 21 juin pour en adopter la version finale, qui sera présentée en conférence de presse le 28 juin. Le calendrier est serré, la période n'est pas la plus facile, en raison des élections.
Notre prochaine « grande audition » aura lieu salle Clémenceau et sera filmée...
Très bonne question ! En fait, nos travaux sont secrets, mais nos auditions publiques ; il en a toujours été ainsi. Des points pourront être précisés après l'audition publique en petit comité auprès du rapporteur.
La chaîne Public Sénat a demandé à suivre l'ensemble de nos travaux de bout en bout. Certaines de nos auditions pourront être retransmises. L'équipe de la chaîne nous accompagnera dans nos déplacements.
Les personnes auditionnées pourront-elles nous opposer le secret professionnel?
Dans une certaine mesure, oui ; lorsque le secret commercial est en cause, nous avons une marge d'appréciation.
Les magistrats de la Cour des comptes viendront, dans la deuxième semaine de mars. Ils viennent de sortir un rapport important, de 400 pages, mobilisant 40 personnes, dont nous avons tous entendu parler. En tant que magistrats, ils recevront un traitement particulier : ainsi, ils ne prêteront pas serment.
Il faudra sérier nos questions par thèmes, pour l'intérêt et la vivacité de l'audition.
Il n'y a pas que le nucléaire : dans mon département, l'Aveyron, l'hydraulique représente deux centrales nucléaires et demie !
Nous partons du rapport de la Cour des Comptes. Le recensement à laquelle elle s'est livrée laisse à penser qu'une partie des coûts futurs du nucléaire n'est pas bien prise en compte, en raison de multiples incertitudes. Il faut s'interroger sur la réalité de la « rente nucléaire ». Les coûts de production de l'ensemble de la filière doivent être évalués, maintenant et dans dix ans. La même démarche doit être adoptée pour les autres filières concourant à la production d'électricité : énergie photovoltaïque ou éolienne, sans oublier l'énergie hydroélectrique.
Les coûts de production représentent environ 35 % du coût total. Les coûts de transports sont aussi à prendre en compte : ils sont loin d'être négligeables ...
Les coûts de transport et de distribution représentent 40 % du total, soit autant que les coûts de production, et les taxes comptent pour 20 %.
Nous verrons si vos chiffres sont exacts.
Il sera difficile de ne pas évoquer le cas de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui ne permet plus, depuis 2009, de couvrir les charges qu'elle est censée financer : soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, péréquation tarifaire dans les zones insulaires, dispositifs sociaux en faveur des clients en situation précaire.
La dimension internationale est importante. Nous gagnerions à rassembler une information plus systématique sur la politique de certains pays étrangers : les États-Unis, dotés d'un parc important, mènent une politique qui pourrait conduire à l'allongement de la durée d'exploitation des centrales nucléaires ; l'Allemagne et le Japon ont mis à l'arrêt une part substantielle de leur capacité de production d'électricité nucléaire.
Même si c'est moins consensuel - et je ne soutiens pas qu'il ne faille pas s'efforcer au consensus jusqu'au bout ! - nous devrions faire un peu de prospective, en imaginant des équilibres de coûts et de prix dans l'hypothèse d'un désengagement ou d'une diversification de notre capacité de production nucléaire. Quels que soient les résultats des élections, nous serons, les uns et les autres, confrontés aux mêmes questions, sur l'énergie et l'électricité.
Mon objectif est de baliser les choix politiques qui devront être faits par le pays en rassemblant les données de nature à éclairer ces choix ou à les fonder sur des bases raisonnables.
La synthèse du rapport de la Cour des comptes figure dans le dossier de chacun et le rapport complet est à votre disposition. Nous vous enverrons régulièrement le calendrier des auditions mis à jour.
Pourrons-nous demander à EDF quelle est l'incidence de ses implantations à l'étranger, en Italie, par exemple sur le prix du kilowattheure ?
Vous pourrez poser la question à M. Proglio lorsque nous l'entendrons. Il vient demain participer au petit-déjeuner du groupe d'études de l'énergie.
Une commission d'enquête n'est pas un tribunal. Nous pouvons relancer, si la réponse ne nous semble pas satisfaisante.
Des documents écrits pourront-ils éclairer les auditions, pour étayer les témoignages oraux ?
Nous avons peu de temps. Il faudra bien sérier nos premières questions : quels sont les coûts de production, de transport et les coûts prospectifs de l'électricité ?
Les personnalités que nous entendons ont l'obligation de répondre à vos questions.
Incluons-nous dans nos investigations l'énergie produite à partir de la biomasse ?
C'est très bien. Il nous appartient d'aller chercher tous les éléments dont nous avons besoin, notamment sur les énergies renouvelables, pour apprécier quel doit être le bouquet énergétique de notre pays, même si nous n'avons pas la même vision à ce sujet.
Les prix d'aujourd'hui sont faciles à déterminer. Pour les prix qui auront cours dans dix ans, c'est plus difficile. Quelles sont les limites de l'estimation de ces prix ? Y a-t-il des limites physiques, géographiques ? Est-il possible d'implanter partout des éoliennes ? Nous devons en débattre.
Bien sûr ! Abordons aussi la question du gaz : pour la première fois, trois centrales de gaz importantes ont pu répondre à nos besoins, lors des 8 et 9 février. Le prix du gaz a un effet direct sur celui de l'électricité. Il n'y a pas de limites : nous pourrons envisager tout ce qui sera utile à notre réflexion. Mais nous n'avons que trois mois ! Première audition, le mercredi 7 mars au matin.