Nous auditionnons Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée en charge des sports. Nous clôturons ainsi notre longue série d'auditions qui s'est déroulée dans des conditions si particulières - je salue la disponibilité de votre cabinet, madame la ministre, il nous a toujours répondu avec célérité.
Ces auditions nous ont démontré l'attente, mais aussi la nécessité de revoir l'organisation de l'offre sportive dans notre pays, depuis les clubs de proximité jusqu'aux fédérations. Nous souhaiterions que cette réorganisation se déroule sans table rase, dans les meilleures conditions possibles. Il y a urgence, par le déclin du nombre de clubs, par l'incertitude du modèle économique de bien des clubs, par les difficultés dont nous sommes témoins dans les relations entre les clubs et les fédérations ; cependant, nous souhaitons que la réorganisation se fasse dans un cadre incitatif, c'est ce que nous attendons du projet de loi que vous êtes en train de préparer et que nous attendons impatiemment.
Ensuite, nos interlocuteurs nous ont exprimé un souhait d'innovation, nous l'avons vu avec la promotion des sociétés coopératives. Nous soulignons la nécessité de consolider les instances fédérales, car c'est bien cet échelon qui porte l'intérêt général. Nous entendons les consolider dans leurs relations aux clubs, aux ligues, aux investisseurs, aux sportifs eux-mêmes ; les consolider en moyens matériels et en gouvernance, mais aussi en moyens d'investigation face à des dérives que nous constatons trop souvent. Quelles sont les urgences, selon vous ?
Enfin, les auditions ont souligné la nécessité que l'État contrôle davantage l'application des conventions d'objectifs et de moyens : envisagez-vous de renforcer ce contrôle ? Et quels doivent être, selon vous, les contours et les modalités de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) pour une fédération sportive ?
Je suis très heureux de vous accueillir et suis soulagé que ce Gouvernement ait maintenu un ministre chargé des sports, plutôt que de ranger votre administration sous l'autorité d'un secrétariat d'État ; nous apprécions aussi votre grande implication et votre connaissance du milieu sportif.
Notre mission s'est proposée d'examiner le fonctionnement des fédérations, en particulier vis-à-vis des petits clubs, nombreux dans le milieu rural et dont certains rencontrent des problèmes avec les fédérations - et nos réflexions seront complémentaires à votre projet de loi.
Quelle est votre position sur les modalités d'élection des présidents de fédérations ? Faut-il limiter le nombre de mandats consécutifs que peut effectuer une même personne ?
Ne faudrait-il pas renforcer le contrôle de l'honorabilité des encadrants bénévoles ? Est-il réaliste d'envisager à moyen terme un contrôle systématique, comme ce qui existe déjà pour les encadrants rémunérés ?
À mon arrivée au ministère, le Président de la République et le Premier ministre m'ont adressé une feuille de route où figurait l'ambition d'une France plus sportive, avec le projet d'adapter l'organisation du sport aux attentes de nos concitoyens, car ces attentes évoluent rapidement : les acteurs historiques doivent en tenir pleinement compte. Pour ce faire, nous avons souhaité renforcer l'autonomie des fédérations, rendre leur gouvernance plus efficiente. La crise sanitaire n'a fait que renforcer cet impératif, la nouvelle organisation que nous visons doit donner plus d'agilité et de capacité d'adaptation aux fédérations. Nous sommes face au défi collectif de repenser le rôle du sport dans notre société, nous devons le placer au service de la santé publique, de l'éducation des jeunes et de l'insertion vers l'emploi, en incluant tous les publics. Le droit au sport est fondamental, c'est un levier très important et nous souhaitons que nos concitoyens le perçoivent comme tel, pas seulement comme un temps de loisir.
Dans la crise sanitaire, nous avons démontré le bien-fondé de la gouvernance partagée, avec l'Agence nationale du sport (ANS) : c'est cette organisation qui nous a permis d'associer les entreprises, l'écosystème des acteurs qui proposent du sport, et les collectivités territoriales. Cette gouvernance inédite, mise en place depuis un an, a su mobiliser des moyens aussi bien en direction du sport de haute performance que du sport pour tous. Nous voulons aller plus loin, transformer les relations entre les fédérations et les clubs, pour que les politiques fédérales se déploient davantage en lien avec les acteurs du territoire. Il faut que les fédérations connaissent tout simplement mieux les clubs, qu'elles interagissent davantage avec eux. Nous avons aussi voulu plus de transparence dans les soutiens publics aux uns et aux autres, les moyens alloués à travers les projets sportifs fédéraux et territoriaux sont publics, nos concitoyens peuvent les consulter sur le site de l'ANS, alors qu'ils étaient tenus secrets jusqu'à l'année dernière.
Nous souhaitons également renforcer le caractère démocratique du fonctionnement des fédérations, c'est une attente de nos concitoyens. Nous devons garantir que le débat au sein des fédérations soit démocratique, équitable et transparent. Nous souhaitons également une meilleure représentativité des femmes dans les instances dirigeantes des fédérations - seulement deux femmes président une fédération olympique - mais aussi dans l'accès à tous les postes et à tous les niveaux, y compris parmi les bénévoles.
Notre priorité va aussi à la sécurité et à l'intégrité des sportifs, ce qui exige l'honorabilité des encadrants. Cela suppose une mobilisation forte des fédérations. Notre objectif est qu'en janvier prochain, l'intégralité des quelque deux millions d'éducateurs puissent faire l'objet d'un contrôle d'honorabilité, nous ciblons toutes les violences, y compris celles qui sont liées aux compétitions elles-mêmes, aux dérives autoritaires, aux manipulations, aux discriminations dans le sport. Comme ancienne athlète, je regrette que les sportifs ne soient pas davantage associés à la vie des fédérations, je travaille à ce que leur voix soit plus entendue.
La pratique sportive est une école de la citoyenneté, les clubs sont des vecteurs d'apprentissage des valeurs républicaines, j'en ai fait l'expérience concrète - et je me réjouis du rapprochement de mon ministère et de celui de l'Éducation nationale, nous allons travailler main dans la main. Ce rapprochement va conforter les agents de mon ministère dans leur rôle éducatif, alors qu'ils ont pu devenir trop souvent, ces dernières années, des gestionnaires de dossiers. Pour moi, le sport est plus que du sport, c'est aussi un apprentissage de la tolérance, de la solidarité, du respect des règles, et aussi un générateur d'emplois et de compétences - c'est dans ce sens, large, que j'aborde notre entretien.
Quelles vous paraissent être les fragilités du mouvement sportif qui appellent des réformes, et quelles sont les urgences ?
Il y a d'abord une urgence calendaire, nous allons entrer dans une période d'élection dans les fédérations, entre septembre et avril. Nous avons passé un accord avec les fédérations, elles ont accepté de respecter le calendrier initial de leurs élections malgré le report des jeux Olympiques. Il faut renforcer la démocratie dans les fédérations, nous en discutons avec elles. Nous avons envisagé la limitation de leur présidence à trois mandats, c'est une durée suffisante pour prendre connaissance des enjeux, peser dans les instances internationales, et conduire une politique fédérale en conséquence. Nous avons la volonté d'aller vers un vote des clubs, c'est déjà le cas dans bien des fédérations, mais pour d'autres cette solution n'est guère pertinente eu égard à leur organisation territoriale ; nous avons besoin d'affiner l'analyse avec les fédérations pour déterminer le niveau d'obligation approprié. Par exemple, la loi pourrait utilement fixer un seuil du nombre d'électeurs minimal. De même, il serait utile d'établir un guide de bonnes pratiques, qui préciserait les conditions dans lesquelles les campagnes électorales se déroulent, quels moyens sont mis à disposition des candidats, le calendrier, ceci pour nourrir le débat mais aussi pour faciliter la candidature de femmes - les audaces de femmes se sont d'ores et déjà libérées, ce mouvement sera amplifié avec une impulsion forte du législateur ou des conditions de délégation renforcées.
Les deux sont en partie liés. L'idée est qu'un président ne soit pas élu par 17 personnes... Il faut que les personnes qui l'élisent bénéficient d'une représentativité minimale, sans pour autant que l'on impose un vote par licencié, comme une proposition de loi de députés le propose. Si l'objectif est que chaque adhérent se sente partie prenante d'un projet fédéral, il existe d'autres manières d'y parvenir : c'est le sens de ce que l'on a fait avec l'ANS pour renforcer les liens entre les fédérations et les associations, en faisant en sorte, par exemple, que les associations sollicitent des subventions distribuées par les fédérations, etc. On peut réfléchir à d'autres outils pour développer ce sentiment d'appropriation.
Il conviendrait d'accroître la démocratie et l'information. Le président de la Fédération française de football est élu par 216 personnes, alors qu'elle compte deux millions de licenciés...
On envisageait de s'inspirer des élections municipales et communautaires où les citoyens élisent indirectement les présidents des intercommunalités et ont connaissance des programmes de chacun. Les licenciés n'ont pas forcément accès, à l'heure actuelle, à cette information. Il serait pourtant simple d'utiliser les outils informatiques existants pour envoyer aux adhérents, dont les fédérations ont les listes, les projets de chaque candidat.
J'entends bien que vous êtes défavorable à une élection des présidents de fédérations par l'ensemble des licenciés, mais qu'en serait-il des élections intermédiaires, notamment dans les ligues ou dans les comités départementaux ? Le processus d'élection reste très flou pour les adhérents des clubs, alors que ces instances ont, normalement, un lien beaucoup plus proche avec les clubs. Parfois, des personnes exercent des responsabilités au sein des ligues, alors même qu'elles ont été battues lors de l'élection du bureau du club dont elles sont membres...
Pour renforcer le lien entre les pratiquants et leur fédération, il faudrait que les pratiquants soient informés des projets portés par chaque candidat. Pour les grandes fédérations, cela figure parfois dans la presse, mais ce n'est pas le cas pour les plus petites. Il serait pourtant simple d'inclure dans les lettres d'information que chaque fédération envoie à ses licenciés un lien vers les professions de foi des différents candidats, voire une présentation des candidats et de leurs équipes.
Enfin, la limitation à trois mandats que vous évoquez a-t-elle vocation à s'appliquer uniquement aux présidents des fédérations ou aussi aux membres du bureau ? Le représentant d'une fédération au sein des instances européennes n'est pas forcément le président de la fédération ; c'est parfois un vice-président.
L'enjeu est d'améliorer la participation démocratique, mais tous les adhérents d'un club ne sont pas intéressés par cette question. Pour beaucoup, en effet, le sport rime avec liberté ou flexibilité et tous ne sont pas mobilisés par les enjeux politiques ou de gouvernance ; il faut arriver à faire prendre conscience que prendre une licence ne signifie pas seulement bénéficier d'une assurance, et que c'est aussi s'engager dans un projet fédéral. Mais le travail est colossal...
La limitation des mandats ne concernerait que le président, ce qui constituerait déjà une avancée majeure. Si une personne a été nommée ou élue, pendant son mandat national, au sein des instances internationales, elle pourrait bien sûr rester en poste à l'international, même en cas de changement d'équipe fédérale dès lors que la réglementation internationale le permet.
Quelqu'un qui est resté vice-président pendant douze ans pourrait donc devenir président ensuite pendant douze ans ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. - En effet.
La loi sur le non-cumul des mandats permet d'exercer trois mandats de parlementaire, puis trois mandats de maire ou de président de conseil départemental...
La règle des douze ans permettra de faire vivre l'alternance, de faciliter l'émergence de nouvelles équipes, et, je l'espère, de nouveaux projets.
Merci pour votre éclairage. Ma collègue a évoqué certains problèmes relatifs à la démocratie dans les fédérations. Je ne suis pas élu de la même région, mais, à Villeurbanne, on constate que les mêmes questions se posent. Le problème est évident dans le football. Lorsque des présidents de clubs de quartiers commencent à protester, la fédération, comme par hasard, se met à contrôler le club sous toutes les coutures et trouve tous les moyens de le sanctionner, jusqu'à ce que le président jette l'éponge... Certaines fédérations ont ainsi un mode de fonctionnement particulier qui devrait être revu. Le président de la ligue de football d'Auvergne-Rhône-Alpes était déjà en place lorsque Charles Hernu était maire de Villeurbanne...
Le Président de la République veut faire de la France un pays plus sportif. Mais selon quels indicateurs ? Est-ce en fonction des résultats dans les compétitions internationales ?
Jusqu'où s'étendent les prérogatives des fédérations délégataires d'une discipline ? Cela signifie-t-il qu'elles sont comme propriétaires de la discipline et qu'aucune autre structure, comme les fédérations affinitaires, ne peut intervenir ? Je pense notamment au litige entre la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) et la Fédération française de judo, qui lui reprochait de lui faire de la concurrence sur les licences. N'est-ce pas le principe de libre concurrence qui devrait s'appliquer ? La Fédération française de judo est une fédération délégataire. La FSGT a-t-elle le droit de proposer la pratique du judo au sein de sa fédération ?
Enfin, je voulais vous interroger sur la gouvernance du sport. Vous avez indiqué que la gouvernance était partagée entre le ministère et l'ANS. Mais comment s'opère le partage ? Comment l'ANS se déclinera-t-elle au niveau local ?
Pour les indicateurs, l'Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire (Injep) réalise des enquêtes pour évaluer la pratique sportive des Français, apprécier s'il s'agit d'une pratique quotidienne, occasionnelle, etc. La prochaine enquête aura lieu en 2021.
Notre politique vise à développer la pratique sportive dans des champs où elle pourrait être plus étendue : c'est le cas par exemple de la santé. L'activité physique peut être utile dans le cadre d'un parcours de soin, après un traitement ou en prévention. C'est l'objet du programme de labellisation de 500 maisons Sport-Santé au cours du quinquennat que nous avons lancé - la moitié ont déjà été labellisées. Il s'agit de repérer les structures portées par des associations, des collectivités ou des acteurs économiques qui peuvent servir de passerelle entre le monde médical et le monde du sport, car ce lien ne se fait pas naturellement. Cette collaboration pourrait pourtant être judicieuse, par exemple pour inciter les gens à pratiquer une activité physique ou un sport après un traitement ou pour prévenir des maladies cardio-vasculaires. Il faut accompagner les patients de manière individualisée. C'est le but des maisons Sport-Santé que nous voulons généraliser. Les mutuelles sont intéressées. L'enjeu est de créer, autour de l'hôpital, des parcours pour les patients au sein de clubs sportifs, qui collaboreraient entre eux pour proposer différentes activités.
La question est aussi de parvenir à inciter les fédérations à collaborer davantage entre elles. La mutualisation des fonctions support est une piste. Mais il faut aller plus loin : est-il pertinent de proposer à un enfant de quatre ans une inscription à l'année à une activité ? Ne vaut-il pas mieux lui proposer une succession d'activités pour qu'il les découvre ? Pour cela, il faut inciter les fédérations et les associations au niveau local à réfléchir à des titres interfédéraux ou à des licences partagées, et renforcer la collaboration entre les fédérations qui se partagent une même discipline, comme c'est le cas entre la Fédération française de judo et la FSGT.
La question n'est pas d'avoir le droit de pratiquer une activité, ou non, puisque la délégation ne porte que sur la délivrance des titres de champions de France et le choix des sélections nationales : une fédération délégataire est la seule qui a le droit d'organiser les championnats de France dans la discipline concernée et d'édicter les règles techniques propres à ladite discipline. Actuellement, c'est la Fédération française de judo, délégataire, qui propose le système de compétition nationale. Pour autant, la FSGT reste autorisée à proposer la pratique du judo en club, et cela n'a aucunement été dénoncé par la Fédération française de judo, d'ailleurs. Celle-ci s'est plainte d'une démarche considérée comme trop agressive de la part de la FSGT, qui est allée démarcher directement ses licenciés en faisant valoir qu'elle proposait une licence deux fois moins cher, ce qui était tentant pour les adhérents ne pratiquant pas de compétition. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), dont sont membres les 2 fédérations, semble parvenu à un consensus et travaille à un nouvel outil pour fonder les relations entre ses membres.
Il s'agit d'un pacte de loyauté.
Il a vocation à organiser la coexistence entre les fédérations, pour qu'elles cohabitent en bonne intelligence, dans le respect des uns et des autres, sans être trop agressives dans la concurrence. Oui au libre choix de sa pratique et de son club, mais il est difficilement acceptable d'aller démarcher des licenciés qui sont déjà engagés dans un mouvement fédéral !
Vous avez évoqué l'Agence, et la gouvernance partagée au niveau national. L'enjeu est désormais de décliner cette gouvernance territorialement, notamment au niveau de la conférence régionale et de la conférence des financeurs. J'y crois tellement que j'aimerais que cette gouvernance partagée existe même à un niveau municipal. Il faudrait mettre autour de la table les adjoints en charge des sports, de l'éducation, de la santé, de l'emploi, ainsi que les acteurs économiques du territoire, pour parler de sport, et voir comment prendre en compte, dans les politiques municipales, ce que le sport et le monde associatif peuvent apporter en termes de prévention, d'éducation et d'insertion vers l'emploi. En tous cas, ces questions doivent systématiquement être débattues au niveau régional. Il est difficile, pour l'État, d'aller jusqu'à un niveau territorial plus fin.
Pour la natation, nous avons un club qui repose sur 200 compétiteurs, mais compte 1 500 adhérents. Ceux qui ne font pas de compétition parlent de créer une autre association, parce qu'ils ont le sentiment qu'ils deviennent des vaches à lait pour ceux qui font de la compétition. Quant à la gouvernance partagée au niveau communal, les communes s'organisent comme elles veulent... Nous avons réglé le problème à travers un office du sport, ce qui permet de faire face à une baisse des dotations de l'État. Sur notre territoire, cela fonctionne.
Vous évoquez une remise en cause de l'offre de services des fédérations sportives : c'est exactement sur cela que nous travaillons. L'Agence interroge vraiment les fédérations sur leur projet sportif : quelle offre de services proposent-elles à leurs associations, dont les deux tiers des adhérents ne sont souvent pas concernés par la licence compétitive actuelle ? La licence, en effet, donne accès à une assurance et la possibilité de participer à des compétitions ; elle permet aussi de bénéficier d'un encadrement qualifié. La Fédération de canoë-kayak, par exemple, a fait en sorte que chaque adhérent d'une association ait accès, grâce à une centrale d'achat, à du matériel et à des équipements à prix réduits. Pour cela, elle a associé d'emblée le monde économique au niveau national, pour pouvoir proposer des prix plus intéressants aux adhérents, ou un accès aux locations touristiques de canoë, par exemple. Cela développe, au niveau national, une cohérence entre le monde économique et touristique que génère cette activité, pour proposer un service à ces deux tiers d'adhérents qui ne pratiquent pas la compétition. Même pour l'assurance, d'ailleurs, certaines associations songent à souscrire une police en direct, sans passer par la fédération. Les fédérations ont donc à se questionner et se réinventer. Nous les accompagnons dans ce processus, en insistant sur les aspects de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : pour garder leurs adhérents associatifs et capter des sponsors et des partenaires financiers, les fédérations doivent développer leur responsabilité sociétale et environnementale à leur niveau.
Comment l'Agence nationale déclinera-t-elle son action sur le plan régional ?
Les décrets sont en cours de préparation : ils passaient en Conseil d'État ce matin. La constitution des conférences régionales fera l'objet de décret pris à la rentrée de septembre. L'installation des premières conférences du sport est déjà programmée, sur les territoires qui se veulent pilotes en la matière. La première thématique sera le plan d'urgence et le plan de relance du sport. Comment les fédérations seront-elles représentées ? Il y aura différents collèges.
Non, car nous sommes déjà entrés dans la différenciation, en avance de phase sur la loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration). L'Agence nationale du sport conjuguera différenciation et travail en commun, avec une gouvernance partagée autour d'une thématique. L'idée est que chaque conférence régionale décide en son sein qui sera son président.
Deux décrets sont en cours d'examen par le Conseil d'État. Le premier définit le rôle du délégué territorial adjoint, le préfet étant le délégué de l'Agence au niveau territorial, pour décliner les actions que l'Agence déploie. Le préfet sera représenté par le service déconcentré chargé des sports. L'autre décret définit le rôle, la composition, les modalités de fonctionnement de la conférence régionale du sport, qui sera organisée autour de collèges identiques à ceux de la gouvernance des membres fondateurs de l'agence, auxquels s'ajoutent les autres acteurs du sport - personnes morales et physiques - et les représentants des usagers. Cette conférence sera réunie une première fois par le préfet, et désignera ensuite son président, qui sera sans doute un représentant des collectivités territoriales, vu le poids de celles-ci en nombre de voix. Une fois définis son règlement intérieur et son organisation, elle décidera de l'installation d'une ou plusieurs conférences des financeurs qui définiront les compétences, soit à une échelle territoriale, soit à une échelle thématique, appropriées à chaque territoire, pour mettre en oeuvre des programmes et des contrats d'orientation et de financement, qui eux-mêmes seront cohérents avec le projet sportif territorial que la conférence va élaborer, comme prévu par la loi du 1er août 2019. Il n'y aura qu'un seul projet sportif territorial par région, qui fera l'objet d'une publication après avoir été discuté par l'ensemble des membres ; Ce projet sera vraiment le fruit d'un travail consensuel sur les priorités à partir duquel chaque conférence des financeurs travaillera.
Ces décrets ont été examinés ce matin en section permanente au Conseil d'État. Ils seront publiés fin août ou début septembre, puisqu'il faut procéder à quelques consultations de collectivités, en Corse et outre-mer.
L'enjeu est de mettre en cohérence les différents acteurs et les différentes politiques menées autour du sport sur un territoire. En effet, une région, par exemple, n'est pas forcément au courant des politiques sportives, ou qui utilisent le sport, mises en place par les départements, ni des politiques municipales qui pourraient avoir une résonance régionale. Elle n'est pas, non plus, toujours au courant de ce que l'État met en place, ni de ce que les fédérations mettent en place, ni de ce que les entreprises font dans le secteur sportif. L'idée est de mettre autour de la table tous les acteurs d'un territoire qui veulent participer, et de supprimer les doublons, tout en renforçant la cohérence.
Lors de sa mise en place, il a été décidé de structurer l'agence en groupement d'intérêt public (GIP), et non en établissement public. Nous avons défendu, notamment devant le Conseil d'État, l'intérêt de cette solution non pas dans sa configuration nationale, mais dans sa déclinaison territoriale. Même si tout n'est pas mis dans un pot commun, il sera possible de comptabiliser les apports des uns et des autres : les bénévoles mis au service du développement de l'activité ou de la compétition par le monde sportif et associatif, et l'argent investi par la région, les départements, et les municipalités, soit par des créations d'emplois, soit par la mise à disposition de ressources humaines. L'idée est de mutualiser les moyens consacrés au sport, de mieux les comptabiliser et de les rendre visibles.
Je reviens sur le contrôle de la gouvernance des fédérations sportives. Certes, il ne faut pas « charger la barque », car nous disposons déjà du contrôle de légalité de l'État, du contrôle de la Cour des comptes, des missions de l'inspection générale, etc. Mais certaines personnes extérieures au monde sportif que nous avons entendues ont émis l'idée de faire réaliser des contrôles extérieurs par des organismes indépendants, comme le préconisait d'ailleurs un rapport du Conseil de l'Europe, quand une grille de références sera collectivement acceptée.
On peut citer l'exemple de la Conférence permanente du sport féminin, qui n'est pas parvenue jusqu'à présent à s'affirmer. Nous avons aussi inscrit dans un texte législatif la charte d'éthique et de déontologie, mais elle n'est pas appliquée par certaines fédérations.
Faut-il aller plus loin en matière d'évaluation et de contrôle ? Vous avez abordé ce sujet par le biais de la transparence, quand vous avez évoqué le projet sportif fédéral et le projet sportif territorial. C'est déjà une avancée significative.
Pratiquement toutes les fédérations sportives ont aujourd'hui satisfait à leurs obligations concernant la charte d'éthique et de déontologie. Seules quelques petites fédérations - billard, pelote basque, vol en planeur, pentathlon, char à voile - ne l'ont pas fait.
Mais signer une charte, ce n'est pas suffisant. Le ministère chargé des sports a lancé une charte relative au développement durable, la « charte des 15 engagements écoresponsables ». Les organisateurs d'événements, les fédérations, les clubs sportifs mais aussi les gestionnaires d'équipements sportifs peuvent ainsi se fixer des objectifs et dresser un constat annuel de l'état d'avancement de ceux-ci. Cette charte n'est pas très connue, mais comme la thématique du développement durable est maintenant en haut de la pile, j'espère que nous aurons l'occasion de la mettre davantage en valeur.
Nous voulons travailler sur le renforcement des conditions de délégation, d'où la réflexion engagée depuis plusieurs mois sur la mise en place d'un contrat de délégation. Aujourd'hui, confier une délégation de service public à une fédération revient à lui accorder la possibilité de décerner un titre de champion de France, d'édicter des règles de fonctionnement d'une discipline et de sélectionner des athlètes pour les équipes de France. Il faut renforcer ce contrat avec des thématiques relatives à l'éthique et à l'intégrité, à la transparence financière, et à l'association des principaux acteurs dans le processus démocratique. Pour cela, le code du sport doit être modifié, ce qui nécessite de passer par la loi.
Il faut également modifier le lien qui lie les fédérations et l'État, en remplaçant la tutelle par un contrat de délégation de service public, qui tient beaucoup plus fortement les délégations. Sur les objectifs en matière d'éthique et d'intégrité, nous avons des référents dans chacune des fédérations sur différentes thématiques : violences sexuelles, discriminations, lutte contre la radicalisation. Nous avons travaillé avec les fédérations sur la définition de leurs politiques et la déclinaison concrète des engagements que nous demandons. Car sans évaluation, on peut se contenter de signer une charte et de la ranger dans un tiroir.
En cas de non-respect, le ministère pourrait retirer la délégation. L'État a la responsabilité d'attribuer et de renouveler tous les 4 ans une délégation à une fédération sportive au vu de l'ensemble de ses engagements en faveur des politiques publiques du sport et de sa capacité à répondre aux règles définies par le code du sport.
Nous avons réuni la Conférence permanente du sport féminin il y a un an. Depuis lors, nous sommes restés en contact avec les différents collèges et avons travaillé sur plusieurs thématiques. Pendant la crise, j'ai demandé aux syndicats des joueuses de sports collectifs un rapport sur les obstacles rencontrés par les associations et les fédérations pour la création d'un véritable statut des sportives professionnelles. Les associations ont souffert durant cette période parce qu'en l'absence de contrats officiels pour les joueuses, elles n'ont pas pu profiter du dispositif de chômage partiel. J'aimerais que 100 % des sportives professionnelles aient un contrat et un statut à une échéance très prochaine.
Pour associer davantage les entraîneurs et les athlètes à la vie fédérale, il faut travailler sur les accords de branche, notamment pour les sports collectifs. Aucun sport féminin n'en bénéficie pour le moment.
Nous nous penchons aussi sur la reconnaissance de la spécificité féminine, notamment de la maternité, pour les sportives de haut niveau. La gynécologue de l'Insep a réuni une équipe autour d'elle pour préparer un document d'information aux fédérations, aux établissements et aux clubs. Nous voulons que cette nouvelle attention portée aux femmes se reflète aussi dans la pratique pour toutes : les associations et les fédérations doivent proposer, aux différents temps de la vie d'une femme - périodes avant et après la grossesse, ménopause -, une pratique sportive adaptée. Les associations doivent aller au-delà de l'offre de services sportifs et proposer des modes de garde complémentaires au temps sportif.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur pour une conclusion, je voudrais vous remercier de votre présence, madame la ministre. Je vous informe d'ores et déjà que notre rapport sera présenté le 8 septembre prochain.
Madame la ministre, merci de nous avoir donné ces éclairages. J'ai ressenti et apprécié cette volonté de partenariat entre le ministère et les fédérations. Cela n'exclut pas le contrôle, tout en laissant un certain nombre de libertés.
Nous craignons tout de même que l'Agence nationale du sport ne prenne le pas sur le ministère.
Nous espérons que vous tiendrez compte des propositions que nous vous ferons au mois de septembre dans votre projet de loi en préparation, les auditions que nous organisons nous permettant d'avoir une bonne vue d'ensemble du sport français. J'ajoute que notre président est un très bon connaisseur de cet univers.
Bon courage dans votre très belle mission !
La réunion est close à 17 h 50.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.