Mission commune d'information sur le Mediator

Réunion du 12 avril 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFSSAPS
  • laboratoire
  • mediator
  • pharmacovigilance

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous accueillons aujourd'hui Mme Carmen Kreft-Jaïs, chef du département de pharmacovigilance de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), médecin diplômé. En vertu de l'article L. 4113-12 du code de la santé publique, je vous prie de bien vouloir m'indiquer d'éventuels liens d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je souhaiterais rectifier vos propos : j'étais chef du département de pharmacovigilance jusqu'au 31 mars. Je fais partie des personnes qui ont été démises de leurs responsabilités. Je travaille encore à l'Afssaps en attendant d'occuper un autre poste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Savez-vous s'il s'agira d'un poste au sein de l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non, ce ne sera certainement pas le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La fin de vos fonctions est-elle liée à l'affaire Mediator ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

C'est probable. Pour répondre à votre question concernant les conflits d'intérêts, je souhaite signaler qu'avant ma prise de fonctions à l'Afssaps, j'avais accepté de faire partie d'un comité de sécurité concernant un produit en développement des laboratoires Servier. Cette fonction ne procurait aucun revenu ni aucun avantage en nature.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

En 1998 et en 1999. J'ai donné ma démission avant de prendre mes fonctions à l'Afssaps. Toutes les réunions de ce comité se sont tenues à ma demande, en terrain universitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Avez-vous quitté ces fonctions le jour où vous êtes entrée à l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non, un mois avant.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

J'ai pris mes fonctions à la mi-juillet 1999.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

En tant que médecin et ancienne responsable du département de pharmacovigilance, j'ai une pensée particulière pour les victimes de l'affaire Mediator.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Lors de la journée internationale de la femme, j'ai observé en séance publique que ce sont deux femmes qui ont été sanctionnées en ce qui concerne le Mediator.

Vous êtes spécialiste d'hypertension artérielle. Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du Mediator dans l'exercice de vos fonctions ? Les cas d'hypertension artérielle pulmonaire liés à l'Isoméride recensés en 1993 après le lancement d'une enquête en 1985 avaient-ils attiré votre attention sur ce médicament ? La structure chimique en est en effet proche.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

J'ai suivi l'affaire des anorexigènes. J'ai été représentante d'un centre régional de pharmacovigilance jusqu'à ma prise de fonctions à l'Afssaps. En tant que suppléante responsable de centre à l'hôpital Broussais, j'ai participé au comité technique de pharmacovigilance ; j'ai également été membre de la commission nationale de pharmacovigilance à deux reprises. De ce fait, j'ai suivi les problèmes liés à la fenfluramine et à la dexfenfluramine.

Il est également exact qu'en tant que membres de la commission nationale de pharmacovigilance, nous avons été informés de l'enquête officieuse puis officielle sur le Mediator. Effectivement, pour le Mediator, une ambiguïté persiste. Il existe une parenté chimique que nous ne pouvons pas discuter aujourd'hui. Nous l'avons évoquée à l'époque, mais nous nous sommes davantage attardés sur la classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC), c'est-à-dire sur son appartenance à une classe thérapeutique, du fait des indications de l'époque.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

C'est pourtant bien en fonction de la classification de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et non de la classification ATC, que ce principe actif (à savoir une molécule de benfluorex) a été retiré des préparations magistrales. En effet, si c'est cette classification qui devait être retenue, jamais le benfluorex n'aurait été retiré de la préparation magistrale. C'est pourquoi reconnaître cette classification revient à ne pas reconnaître la classification de l'OMS, c'est-à-dire le fait que le benfluorex soit un anorexigène.

Vous ne pouvez pas vous contenter d'affirmer que le laboratoire avait décidé de classer ce médicament dans le classement ATC, alors qu'il était par ailleurs classé par l'OMS parmi les anorexigènes. Niez-vous que le benfluorex soit un anorexigène ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non, je ne le nie pas, surtout avec les connaissances actuelles. Je rappelle néanmoins que la dénomination commune internationale du benfluorex et la classification ATC sont toutes deux données par l'OMS. La classification ATC peut ne pas suivre l'appartenance pharmacologique de la molécule ; cela a été le cas pour le benfluorex. Elle a en revanche suivi les indications qui avaient été octroyées au moment de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), qui était celle du traitement des hypertriglycéridémies en tant qu'adjuvant ou d'adjuvant dans le régime du diabète.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne suis pas d'accord. La commission de l'AMM, en 1987, a récusé cette indication, relative au diabète, qui n'a été véritablement régularisée qu'en 2001. En 1999, lorsque vous avez commencé à entendre parler du Mediator, l'indication d'adjuvant au traitement antidiabétique n'était pas encore validée, mais en suspens.

On ne peut donc pas considérer que le benfluorex était à cette époque reconnu comme un adjuvant au régime antidiabétique, et encore moins comme un antidiabétique. Je ne comprends pas que vous continuiez à considérer qu'à cette époque, on pouvait négliger le caractère d'anorexigène de ce médicament.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

A cette époque, la pharmacologie indique clairement que le produit est anorexigène. Nous savons aussi éventuellement que le produit pourra être utilisé de manière détournée. Néanmoins, parallèlement à cela, il existe des « indications » en tant qu'adjuvant, notamment dans le traitement du diabète. Cette ambiguïté de la classification ATC nous a éconduits. Elle sera évoquée à plusieurs reprises.

Nous ne sommes certainement pas allés jusqu'au bout du questionnement, en ne considérant pas qu'il s'agissait d'un anorexigène.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Avez-vous conscience que cette ambiguïté était volontairement entretenue par le laboratoire ? L'Afssaps n'a pas su en sortir : elle a adopté le discours du laboratoire, en contradiction avec les expériences réalisées dans les années 1970.

Une note précise intégrée dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) spécifiait, dès les années 70, que le benfluorex était un anorexigène très puissant. Il y a là, me semble-t-il, de la part de l'Afssaps, un manque de perspicacité et une absence de remontée dans le passé permettant de mieux connaître les médicaments qu'elle a à évaluer.

La facilité de s'en remettre uniquement au laboratoire a souvent été retenue, non seulement pour le Mediator, mais également pour d'autres médicaments. Vous ne pouviez - et ne pouvez toujours pas - faire des analyses permettant de contrôler celles qui sont effectuées par le laboratoire.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Vous avez raison d'affirmer que nous avons manqué de perspicacité. Un des grands enseignements de cette affaire est la nécessité de retourner en arrière aussi loin que possible. Je reconnais que dans l'analyse de la pharmacologie du médicament, nous ne sommes pas allés aussi loin que nous aurions dû. Cela nous aurait probablement permis de mettre en avant les éléments que l'enquête de l'Igas a mis en évidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Pourquoi l'enquête officieuse, qui est ensuite devenue officielle menée par le comité régional de pharmacovigilance de Besançon, n'a été étendue à l'hypertension artérielle pulmonaire que dix ans plus tard ? Avez-vous été associée aux travaux du groupe européen de pharmacovigilance sur un dossier rapporté par la France et l'Italie ? Pourquoi la procédure d'arbitrage sur l'évaluation du bénéfice-risque n'a-t-elle pas abouti, malgré de nombreuses réunions entre 1998 et 2003 ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je n'étais pas associée à la partie concernant les anorexigènes, n'étant arrivée qu'en 1999, une fois que les études sur les amphétamines et les fenfluramines ont déjà été menées. Les fenfluramines avaient alors déjà fait l'objet d'une suspension d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en 1997, à la suite des valvulopathies identifiées aux Etats-Unis. Les indications et les prescripteurs pouvant utiliser le produit en France avaient déjà fait l'objet d'une restriction en 1995.

Au niveau européen, je n'ai été associée au dossier évoqué par l'Italie en 1998 qu'à mon arrivée à l'Afssaps, et au moment où j'ai été nommée déléguée française au groupe européen de pharmacovigilance. Ce dossier a également été suivi de près par l'ancien responsable de pharmacovigilance, alors vice-présidente du groupe européen de pharmacovigilance.

Nous suivions le dossier et étions au courant des réponses apportées par la France à l'Italie sur différents sujets : effets indésirables, nécessité d'éclaircir la pharmacocinétique de la molécule et de disposer d'études susceptibles d'apporter des données en termes de tolérance au long cours.

Effectivement, des protocoles seront demandés aux laboratoires Servier, qui seront évalués par l'Italie, mais également par la France en 2001 et en 2003. En revanche, les études aboutiront plus tardivement : l'étude Moulin sera rapportée en 2005 et l'étude Regulate sera présentée en 2009.

Pour résumer, j'étais effectivement au courant des échanges qui ont eu lieu au niveau européen. Néanmoins, à la lecture des comptes rendus des réunions, on comprend que le Mediator intéressait l'Italie, la France et l'Espagne ; le produit était autorisé et commercialisé dans très peu de pays de l'Union européenne. Outre ces trois pays, il y avait je crois la Grèce et le Portugal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Nous notons que le directeur général de l'Afssaps a demandé une note à l'unité de pharmacovigilance de l'Afssaps pour disposer d'éléments de réponse sur le Mediator en 2005. Selon le rapport de l'Igas, « les éléments de réponse transmis au directeur général sont incomplets ». Ils concernent le lien entre les valvulopathies et le benfluorex ainsi que des cas de valvulopathies survenus en France, où la parenté structurale avec les fenfluramines est établie. Partagez-vous cette appréciation ? Y a-t-il eu « blocage » ou « écran », comme cela a été dit ? Pouvez-vous nous détailler la procédure de remontée et de traitement des informations entre les organismes de pharmacovigilance et le directeur général de l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je ne pense pas qu'il y ait eu écran. En revanche, l'information qui a été délivrée aurait pu être plus complète.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Qu'est-ce que cela signifie ? Aurait-on pu insister sur l'équivoque pharmacochimique ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

On aurait pu donner un historique plus complet de la problématique liée aux anorexigènes et expliciter la raison pour laquelle le Mediator a fait l'objet d'une enquête officieuse, puis officielle à partir de 1998. En revanche, le rapport du comité technique et les comptes rendus de la commission nationale se trouvent dans le même parapheur.

S'agissant de l'information du directeur général, elle s'effectue le plus souvent sous la forme d'une note qui reprend les éléments du dossier de la manière la plus complète possible. Un directeur général est nommé ou renouvelé tous les trois ans ; il n'est donc pas nécessairement au fait de l'ensemble des éléments. Il convient donc de rappeler l'historique du dossier.

Je rappelle qu'en mai 2005, un comité technique traitait des problèmes d'hypertension artérielle pulmonaire et des questions psychiatriques. Une commission nationale se déroulera au mois de novembre de la même année sur ce problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je répète qu'il ne s'agit pas là d'une procédure judiciaire, mais d'une évaluation de la politique du médicament que nous mettons en place. Vous avez été sanctionnée. Selon vous, où s'est trouvé le dysfonctionnement ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je pense que le dysfonctionnement majeur a résidé dans l'échange d'informations entre les différentes commissions d'experts en charge de l'évaluation du médicament.

Le comité technique et les groupes de travail de la commission nationale de pharmacovigilance ont pour mission l'évaluation des risques liés à l'utilisation des médicaments, que ce soit dans ses indications ou hors AMM.

Cette évaluation des risques s'est réalisée dans le contexte du bénéfice du médicament, même si ce n'était pas la mission de la commission nationale de pharmacovigilance. Il est schizophrène de réaliser une évaluation des risques sans tenir compte du bénéfice.

C'est la raison pour laquelle, en 2005, la commission de pharmacovigilance a pointé quelques problèmes et a souhaité analyser les risques dans le contexte du bénéfice. Elle a demandé une évaluation complète du rapport bénéfices-risques, dans les deux indications autorisées. L'évaluation du risque avait alors déjà été effectuée. Il restait donc à réaliser l'évaluation de bénéfice. C'est la commission d'AMM, avec son groupe de travail, qui en a été chargée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Vous semblez considérer que la multiplicité des commissions ne donne pas une vue d'ensemble à celui qui doit prendre la décision. Pensez-vous que les différentes commissions, qui rendent des avis qui ne sont pas toujours concordants, ne permettent pas aux autorités qui doivent prendre des décisions d'avoir tous les éléments pour prendre la décision adéquate ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Certaines commissions ont des fonctions très précises. Si les fonctions de chaque commission étaient présentées aux décideurs, avec les arguments des uns et des autres, la décision pourrait être prise.

En 2007, la commission nationale de pharmacovigilance a demandé à la commission d'AMM de tenir compte des risques potentiels du médicament au vu d'un bénéfice jugé modeste. La commission d'AMM, à la lumière des travaux de l'étude Moulin, a suspendu l'indication des hypertriglycéridémies. Elle se contentera de conserver l'indication d'adjuvant chez les diabétiques.

Nous aurions pu faire remonter de façon plus précise les dissensions qui existaient entre la commission nationale de pharmacovigilance, dont certains membres sont allés jusqu'à considérer que le bénéfice-risque était négatif. Cette position n'était pas majoritaire.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

En 2005, la commission nationale de pharmacovigilance a demandé la réévaluation du bénéfice-risque. Lorsqu'en 2007, elle a pris connaissance de l'évaluation du bénéfice, elle a fait part de ses doutes. Certains membres ont considéré que le rapport bénéfice-risque était négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous ne saurons d'ailleurs jamais combien de membres avaient cette opinion, car cette précision n'est pas portée au procès-verbal.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non, car à l'époque, on ne comptabilisait pas clairement les votes favorables et défavorables.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Désormais, non seulement les voix sont comptabilisées, mais aussi, si les membres de la commission le demandent, elles sont clairement mentionnées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En 2007, deux avis n'étaient donc pas parfaitement identiques.

Je souhaite à présent vous interroger sur l'étude Regulate, qui a été demandée vers 2001. Les résultats n'ont été connus que peu de temps avant que le médicament soit retiré de la vente : il a donc fallu sept ou huit ans pour obtenir les résultats de cette étude. N'estimez-vous pas ce délai excessif ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

En 2001, les laboratoires Servier avaient présenté un protocole où figurait un volet cardiologique, qui se transformera quelques années plus tard en étude Regulate. Il est possible que si l'étude avait été menée plus tôt, nous aurions obtenu les mêmes résultats que ceux de l'étude Regulate.

Si l'étude avait été connue en 2007, peut-être aurions-nous pris une décision différente ; je ne peux l'affirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Selon vous, pour quelle raison ce délai a-t-il été aussi long ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

S'il faut peu de temps pour écrire un protocole, la mise en place peut en revanche être assez longue, tout comme l'inclusion des patients. Je rappelle que le benfluorex était autorisé dans très peu de pays. Il s'agissait donc de trouver des lieux où le protocole allait être mis en place et accepté par les comités de protection des patients. Par la suite, il fallait inclure les patients ; or, avant de terminer ce travail préalable, l'analyse est longue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous considérez donc cette durée comme normale, contrairement à ce que certains ont avancé, notamment dans le rapport de l'Igas.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non. J'ai seulement dit que le délai aurait pu être plus court.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je vous remercie de cette précision. Vous occupiez déjà des fonctions au niveau européen, puisque vous avez été appelée à exercer ces fonctions presque au moment où vous avez été recrutée à l'Afssaps. Vous avez donc pleinement participé à, selon l'expression du rapport de l'Igas, l'« enlisement » du dossier Mediator en Europe.

En effet, pendant quatre ou cinq ans, des allers-retours ont eu lieu entre l'Italie, Londres et Paris, et le dossier n'a pas avancé. Pour quelles raisons ? Avions-nous besoin d'un arbitrage européen et d'un éventuel recours à l'article 12 ? Comme vous l'avez fait remarquer plus tôt, la prescription du Mediator était un privilège français. Seuls les Français ont absorbé du Mediator pendant de longues années.

Pourquoi, s'agissant d'une procédure nationalisée, avez-vous eu recours à l'Europe pour prendre une décision qui revenait, me semble-t-il, à la France ? Ce détour par l'Europe n'a fait que retarder le cheminement du dossier.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je vous rappelle que ce n'est pas la France qui a sollicité l'Europe, mais l'Italie. Etant donné que la France avait utilisé le Mediator à grande échelle, nous avons participé aux travaux entre 1998 et 2003.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Lorsque vous évoquez une grande échelle, voulez-vous dire que davantage de boîtes de benfluorex ont été prescrites en Italie qu'en France ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Non. Des échanges ont eu lieu entre la France et l'Italie, à la demande de l'Italie, qui a mis le dossier sur la table. Il existe depuis le départ une ambiguïté entre les propriétés pharmacologiques et l'utilisation donnée au produit du fait des indications données en 1976.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous continuons donc à être victimes de cette ambiguïté.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

L'ambiguïté entre la classe pharmacologique et les indications qui lui ont été octroyées joue un rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je souhaite revenir sur la notion de balance bénéfices-risques. Vous avez évoqué des accords entre la commission d'AMM et la commission nationale de pharmacovigilance. Comment améliorer l'appréciation globale de la balance bénéfices-risques dans l'architecture de la surveillance du médicament, alors que les structures de décision sont éclatées entre plusieurs commissions ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Il ne s'agit pas nécessairement d'obtenir des accords ; on peut avoir des opinions différentes. Je rappelle que la commission nationale de pharmacovigilance et que la commission d'AMM rendent chacune un avis. La décision est prise par les décideurs. Il est également vrai que lorsque ces deux commissions ont des opinions convergentes, cela facilite la décision. En général, les directeurs généraux de l'Afssaps suivent les avis donnés par ces commissions.

En cas d'opinions divergentes, nous avons l'obligation de faire remonter cette dissension de façon très claire auprès du directeur. En 2007, aucune note n'a été émise à ce propos. En revanche, dès 2007, les procès-verbaux des réunions de la commission nationale de pharmacovigilance ont été mis en ligne sur le site de l'Agence. Avant leur mise en ligne, ils ont été visés par un comité de lecture comprenant l'ensemble des décideurs ainsi que par le président de la commission nationale, les départements de pharmacovigilance et le président de la commission d'AMM.

En 2007, nous avons commis l'erreur de ne pas mettre en exergue cette dissension de façon concrète. Nous n'avons pas assez attiré l'attention du directeur général sur le fait que les avis n'étaient pas convergents.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Si vous deviez faire une réforme de la pharmacovigilance, de l'architecture institutionnelle et de l'organisation de l'Agence, quelles en seraient les grandes lignes ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je pense que l'évaluation du médicament doit s'effectuer à l'intérieur d'une même agence. Les spécialistes des risques des bénéfices doivent échanger entre eux. Il ne doit pas exister de prévalence d'une commission par rapport à une autre.

Nous pourrions envisager la mise en place d'une commission du rapport bénéfices-risques unique, similaire à l'organisation qui est prévue à l'heure actuelle pour les Procédures de réglementation avec contrôle (Prac). Je pense qu'il est en effet très difficile d'évaluer un risque sans tenir compte du bénéfice. Si le bénéfice est modeste, voire très faible, un petit risque peut amener à prendre plus facilement des décisions qui sont habituellement considérées comme relevant « de la dernière chance » (suspension, voire retrait, d'une autorisation de mise sur le marché).

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En 1999, une mission d'évaluation a été menée par la commission de la transparence. Au même moment, un cas de valvulopathie et un cas d'hypertension artérielle pulmonaire ont été signalés. Il y avait là une coïncidence qui aurait dû conduire la direction générale de l'Afssaps à en tirer les conséquences. L'avis de la commission de la transparence est pourtant digne d'intérêt.

Les deux accidents majeurs qui sont alors survenus étaient imputables au Mediator. Pourquoi, à ce moment-là, la direction générale n'a-t-elle pas pris cette décision, qui semble découler très directement de l'observation que vous venez d'émettre ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je ne peux pas répondre à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

N'avez-vous pas été interpellée ? Vous affirmez que vous êtes au courant de cet avis de la commission de la transparence. L'étiez-vous à l'époque ?

Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non.

Photo de François Autain

Vous aviez néanmoins connaissance des cas de valvulopathie et d'hypertension artérielle de 1999.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Le cas de valvulopathie a été abordé lors d'un comité technique, mais je ne l'avais pas en mémoire en permanence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le cas de valvulopathie de Marseille n'a pas été examiné comme il aurait dû l'être. Un comité technique de pharmacovigilance s'est tenu en juin 1999 ; il n'est absolument pas fait mention du cas de valvulopathie aortique qui a pourtant été notifié en février 1999. Le délai de transmission par le comité régional de pharmacovigilance de Marseille pour une évocation en comité technique de pharmacovigilance me paraît raisonnable.

Lors de chaque réunion mensuelle, chaque directeur du comité technique régional fait état des effets indésirables qu'il a observés dans ce secteur. Or nous ne comprenons pas que lors du comité technique paritaire de juin 1999, il n'en ait pas été fait mention. Peut-être cette question est-elle nulle et non avenue si vous n'aviez pas encore pris vos fonctions à l'Afssaps à cette époque.

Cet exemple démontre néanmoins que la remontée de l'information ne s'effectue pas suffisamment rapidement, ce qui peut expliquer la situation dans laquelle se trouvait et se trouve encore la pharmacovigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Vous avez travaillé dans les services renommés des Docteurs Ménard, Corvol et Plouin. Ces situations, compte tenu de leurs spécialités, n'ont-elles jamais été connues au niveau de l'hôpital ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Les services des Docteurs Ménard, Corvol et Plouin traitent l'hypertension artérielle, et non l'hypertension artérielle pulmonaire, cas très spécifique que l'on rencontre dans les services de pneumologie. Il s'agit heureusement de pathologies encore assez rares, qui nécessitent de vrais spécialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous étiez à l'Afssaps lorsque le benfluorex a été retiré de la vente en Italie. Les laboratoires Servier ont indiqué qu'il n'existe aucun rapport entre le cas de valvulopathie et le retrait du Mediator, ce qui demande à être vérifié.

Comment expliquez-vous que, en Espagne, un cas de valvulopathie ait eu pour conséquence le retrait du Mediator, alors qu'en France, il a fallu attendre une dizaine de valvulopathies avant le retrait du médicament du marché ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Le retrait d'autorisation de mise sur le marché en Espagne n'est pas un réel retrait : Servier n'a pas demandé le renouvellement de l'AMM. La valvulopathie espagnole est arrivée à peu près en même temps. Si le renouvellement avait été demandé, peut-être l'Espagne ne l'aurait-elle pas octroyé.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je ne juge pas de ce qui se serait produit si les laboratoires Servier avaient sollicité le renouvellement alors que les publications étaient déjà parues. C'est également ce qui s'est produit en Italie. Pour des raisons commerciales, les produits étaient certainement moins utilisés qu'en France. En revanche, les préparations magistrales, formes assez importantes de consommation de benfluorex en Espagne, ne seront interdites que deux ans plus tard.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Oui, il me semble que cette interdiction date de 2005 en Espagne. Pourquoi le retrait en Espagne n'a-t-il jamais été communiqué, que ce soit au comité technique de pharmacovigilance ou à la commission nationale de pharmacovigilance ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je pense qu'il n'est pas consigné dans les procès-verbaux des comités techniques. Lorsque les cas avaient été signalés, nous avions indiqué que, en Espagne, le produit n'était plus autorisé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Lorsqu'un médicament est retiré de la vente dans un pays, quels qu'en soient les motifs, il me semble que l'on doit en informer l'agence française, au moins pour qu'elle procède à une réévaluation du produit.

Le cas de valvulopathie en Espagne n'a pas soulevé, de la part des membres de la commission nationale de pharmacovigilance, une réaction particulière. Vous n'avez même pas estimé nécessaire de consigner cette information dans le compte rendu.

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Le cas a été discuté brièvement et n'est pas consigné dans le procès-verbal.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Estimez-vous qu'il n'était pas nécessaire de noter cette information dans le compte rendu ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Je ne pense pas qu'au moment où nous avons rédigé le procès-verbal, nous ayons réfléchi à la possibilité d'inclure ou non cette information : nous avons simplement oublié de l'intégrer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Qu'avez-vous pensé du cas de valvulopathie en Espagne lorsque vous en avez eu connaissance ? Avez-vous estimé que cet élément devait peut-être conduire à davantage de vigilance ou à accélérer le processus en cours ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Nous en avons pris connaissance, mais nous n'en avons pas pris la mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous semblez affectée par votre mise à l'écart. Ressentez-vous la sanction qui vous a été infligée comme injuste ? Si tel est le cas, sur quel maillon de l'édifice reportez-vous la faute ?

Debut de section - Permalien
Carmen Kreft-Jaïs

Les dysfonctionnements ne sont pas uniquement imputables à la pharmacovigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

M. Louis Merle, je dois vous demander en vertu de l'article L. 4113-12 du code de la santé publique si vous avez des liens d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je n'ai aucun lien avec l'industrie pharmaceutique. J'ai un neveu qui travaille dans le laboratoire Sanofi Aventis en tant que pharmacien coordinateur qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez la possibilité de faire un exposé liminaire.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je souhaite en premier lieu faire une rectification : je ne suis plus président de la commission nationale de pharmacovigilance (CNPV). Je l'ai été d'août 2007 à août 2010, au moment où le Mediator a été retiré du marché. J'en suis désormais seulement membre.

Je souhaiterais aborder deux problèmes : la pharmacovigilance et le benfluorex. La période est difficile : nombreux sont ceux qui ont critiqué la pharmacovigilance. Je souhaiterais donc la défendre ici.

Tous les médicaments ont des effets indésirables, ce que le public non averti découvre aujourd'hui à l'occasion de l'affaire du Mediator. Ces effets indésirables n'ont rien de spécifique. Ils ne font que mimer les pathologies classiques. Lorsque quelqu'un a un problème, il faut en trouver les causes. Parmi les diverses causes se trouve le médicament. C'est le rôle de la pharmacovigilance que de procéder à cette identification.

Un premier signalement doit être fait au centre régional de pharmacovigilance par un professionnel de santé. Nous instruisons ensuite le dossier. Si nous considérons que le problème a un intérêt, nous le signalons au comité technique de pharmacovigilance et à l'Afssaps. Des signaux peuvent ensuite ressortir du signalement de ces problèmes.

En cas de signal, une enquête est proposée à un centre régional de pharmacovigilance, qui étudie les observations des divers centres de pharmacovigilance et celles qui sont rapportées au laboratoire. Le rapport est d'abord présenté en comité technique de pharmacovigilance. Si les éléments sont suffisamment mûrs, le dossier passe devant la commission nationale de pharmacovigilance, à laquelle assiste le laboratoire correspondant. Des questions sont posées au rapporteur et au laboratoire. Puis le laboratoire se retire et la discussion se poursuit, donnant lieu à des propositions au directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

Plusieurs problèmes se posent alors, notamment le découplage potentiel entre une proposition faite par la commission et une décision prise ultérieurement. La commission étant uniquement consultative, le pouvoir décisionnel revient à l'échelon administratif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Considérez-vous qu'un découplage a lieu en 2007, lorsque la commission nationale de pharmacovigilance a émis un avis mitigé sur le rapport bénéfices-risques du médicament et qu'il a été décidé de laisser le Mediator sur le marché ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je pense que l'évolution aurait effectivement pu être plus rapide. En 2007, M. Jacques Caron, mon prédécesseur, avait notifié à la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) sa grande réserve sur le produit.

Lorsqu'un avis est rendu par la commission de pharmacovigilance, il faut qu'il soit soumis à la commission d'AMM, dont la philosophie est différente. En pharmacovigilance, on critique le médicament, alors que la commission d'AMM y est plutôt favorable, le mettant sur le marché. Il n'est donc pas logique que la commission de pharmacovigilance dépende de la commission d'AMM pour un avis à rendre.

Il me semble qu'un avis commun pourrait être pris avec quelques représentants de chaque commission, en nombre égal.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

S'agirait-il d'une sorte de commission mixte paritaire, présidée par le directeur général de l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Oui. Une représentation paritaire serait en tous les cas souhaitable.

Il y a dix ans, la commission nationale de pharmacovigilance n'était pas supervisée par la commission d'AMM. Des décisions s'ensuivaient très rapidement.

Par ailleurs, la base anonyme de données informatiques avec laquelle nous travaillons fonctionne mal depuis des années.

Les centres de pharmacovigilance regroupent des activités nombreuses et éparses. Le Mediator n'était que l'un des produits que nous surveillions à l'époque.

Il existe trente et un centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) en France. J'y ai toujours été favorable. Il est souhaitable de développer une proximité avec les déclarants, voire avec les patients. Je suis satisfait que cette structure ait toujours été soutenue par l'ancien directeur général de l'Afssaps, et que le nouveau directeur général de l'agence la défende tout autant. Aux Assises du médicament, cette structure décentralisée n'a pas fait l'objet de critiques.

Nous percevons une subvention de la part de l'Afssaps, destinée à payer des vacataires, ce qui n'est pas très valorisant. Les personnes que nous payons le sont légèrement mieux qu'auparavant, mais nous n'avons pas de postes à proposer, notamment aux jeunes médecins. Ils ne s'intéressent pas aux médicaments, contrairement aux pharmaciens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ils les prescrivent pourtant, et en quantité, la France étant championne des prescriptions. Il y a là un paradoxe.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Tout à fait. Qui plus est, les consultations chez le médecin se terminent dans la plupart des cas par une ordonnance prescrivant des médicaments. Il s'agit d'un problème de formation. La France est en effet le pays d'Europe qui dispense le moins d'enseignement de pharmacologie. De plus, dans la discipline de la pharmacologie, la pharmacovigilance n'est pas valorisante.

Il découle de cet état de fait une sous-déclaration des problèmes de la part des médecins. Les pharmaciens les déclarent peut-être plus facilement. Désormais, nous aurons la possibilité de prendre connaissance des déclarations des patients.

S'agissant du Mediator, j'ai pris connaissance du premier rapport de 1998 réalisé par le Professeur Bechtel du centre de pharmacovigilance de Besançon, qui s'intéressait au problème des anorexigènes. Au départ, seul l'aspect amphétaminique du produit a été envisagé sur des problèmes de retentissement psychiatrique : délires, confusion et dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) a d'ailleurs été modifié en fonction de ces effets indésirables.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Exactement. C'étaient les seuls éléments qui faisaient l'objet d'une inquiétude et qui ont été notifiés dans l'enquête. Ce n'est que vers 2004-2005 que sont arrivés des cas d'hypertension artérielle pulmonaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La première hypertension artérielle qui a été imputée au Mediator date de 1999 ; elle est apparue à l'hôpital Antoine Béclère. La même année, quelques cas d'hypertensions artérielles pulmonaires et de valvulopathies ont été détectés à Marseille.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je n'en avais pas du tout connaissance.

Mon collègue du CRPV de Marseille a très bien fait son travail ; après que l'observation lui a été signalée, elle l'a analysée et intégrée dans la base de pharmacovigilance. J'ignore ce qui s'est produit par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Des pertes en ligne s'en sont suivies. Le comité technique de pharmacovigilance, qui s'est réuni quelques mois plus tard, n'en a absolument pas parlé. Il s'agit d'une lacune importante.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

En effet. Je précise néanmoins qu'il s'agit d'un seul cas. A partir de combien de cas faut-il considérer que le signal qui a émergé devient capital ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Selon moi, lorsqu'un médicament est inutile, un seul cas doit entraîner sa suppression.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je ne souhaite pas défendre le médicament. Toutefois, dans certains cas, des endocrinologues ont remplacé un antidiabétique oral par ce produit, l'ayant considéré comme équivalent. Je pense que l'on ne peut donc pas aller jusqu'à affirmer que ce produit était inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je me réfère uniquement à l'avis de la commission de la transparence, qui a jugé que le service médical rendu (SMR) de ce médicament était insuffisant. Je résume cette position en disant que ce médicament ne servait à rien. Nous savons combien les prescriptions des médecins hors AMM ont été importantes ; cela relève de leur responsabilité.

L'avis de la commission de la transparence a été pris en compte au regard des deux accidents qui ont eu lieu en 1999. Par la sous-notification, nous savons d'ailleurs qu'il y a pu y avoir en réalité vingt fois plus de cas. On estime en effet que seuls 5 % des effets qui surviennent sont notifiés.

La pharmacovigilance manifeste là une confiance mal placée.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Initialement, les hypertensions artérielles pulmonaires soignées sous Mediator correspondaient à des malades qui avaient antérieurement reçu des anorexigènes. On a donc considéré que la responsabilité de l'anorexigène qui avait été pris antérieurement intervenait. Le Mediator a donc été laissé de côté.

Il aurait fallu considérer que si un terrain était peut-être préparé par les anorexigènes, le Mediator pouvait avoir ajouté son action. Nous connaissions mal la fenfluramine, commune aux anorexigènes et au benfluorex.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Considérez-vous que le benfluorex n'est pas un anorexigène ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Le benfluorex n'est pas un bon anorexigène.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Tout à fait, il était prescrit dans le cadre du diabète. Il me semble qu'un mauvais usage l'a fait utiliser en relais des anorexigènes qui avaient été retirés du marché.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les laboratoires et les médecins de Servier se défendent que le benfluorex soit un anorexigène.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

C'est pourtant l'impression que j'en ai retiré. Certaines utilisations correspondaient néanmoins à peu près à l'AMM du produit. Il nous a été dit que ce métabolite commun se retrouvait avec le benfluorex en des quantités très faibles.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

2 % ont été retrouvés dans les urines. C'est là que l'argumentation qui nous a été apportée par le laboratoire pêche. J'avais l'impression que ce produit était différent des produits qui avaient été retirés du marché du fait d'une bien moindre quantité de ce métabolite. Or j'avais tort, car il a été montré récemment que la posologie efficace du benfluorex conduisait à des taux voisins de fenfluramine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

N'êtes-vous pas étonné qu'il ait fallu attendre vingt-cinq ou trente ans pour obtenir les vérités pharmacologiques de ce produit, alors qu'elles étaient connues dès 1972 ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

C'est effectivement regrettable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), il est fait référence dès 1972 à des publications qui indiquaient que le benfluorex était potentiellement un anorexigène puissant. Personne ne s'est référé à cette littérature pour trouver une vérité que l'on mettra des années à découvrir. Pourquoi pensez-vous que l'Afssaps a été pendant des années incapable de trouver cette vérité pharmacologique qui lui échappait ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un anorexigène puissant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne fais que citer cette étude, qui a été menée dans les années 1970, d'ailleurs à la demande des laboratoires Servier.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je ne pense pas qu'il s'agit d'un anorexigène puissant. Les malades ne perdaient pas une charge pondérale très importante avec ce produit. L'enquête qui a été effectuée était organisée autour de la mise en évidence des effets indésirables. Les laboratoires Servier n'ont sans doute pas fourni les informations bibliographiques qui lui ont été demandées et qui auraient pu être utiles dans ce cas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous n'avez pas l'attitude proactive que l'on demande à présent à la pharmacovigilance. En l'absence de données bibliographiques fournies par le laboratoire, vous n'avez pas procédé à des recherches de structure. Il n'existe pas de démarche autonome de la part de l'Afssaps ou de la pharmacovigilance qui soit indépendante de celle du laboratoire. Il est insuffisant de s'en remettre constamment aux informations qui vous sont fournies. Avez-vous changé votre attitude pour une attitude proactive ?

Recherchez-vous par vos propres moyens les données bibliographiques vous permettant de confirmer ou d'infirmer les propos du laboratoire ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

La situation a évolué. De manière générale, les enquêtes actuelles sont de meilleure qualité que celles conduites il y a dix ou quinze ans.

Dans ce problème, on semble oublier l'historique. Notre connaissance s'est constituée progressivement. Nous disposons à présent d'informations qui proviennent des études de la caisse nationale d'assurance maladie. Tout a tendance à être mélangé. Mais une étude de la caisse nationale d'assurance maladie est différente d'une étude statistique, car elle est réalisée sur des données de remboursement, qui ne correspondent pas à des cas signalés.

A l'époque, nous connaissions mal la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Que pensez-vous de la thèse selon laquelle le poids moléculaire du benfluorex diffère de 70 % de celui de la norfenfluramine et que le bilan métabolique du benfluorex fait apparaître seulement 16 % de norfenfluramine ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je ne connais pas le métabolisme du produit. Il m'a été indiqué que le métabolisme de la norfenfluramine était différent selon qu'elle provenait du benfluorex, de la fenfluramine ou de la dexfenfluramine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Comment peut-on améliorer le fonctionnement des structures de pharmacovigilance dans le sens d'une plus grande réactivité ? Faut-il intégrer à l'Afssaps les différentes vigilances ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Les activités et les modes de fonctionnement des différentes vigilances diffèrent. L'hémovigilance travaille sur un domaine particulier ; la réactovigilance et l'identitovigilance n'ont rien à voir. La seule partie commune des différentes vigilances est le secrétariat ; les activités divergent totalement.

Chaque centre de pharmacovigilance a une zone de compétence géographique sur plusieurs départements. Je travaille dans quatre départements, sur le territoire du Limousin et de l'Indre. Je reçois des cas qui proviennent de mon CHU (environ la moitié) ; le reste vient de la région. Or je n'ai pas suffisamment de relations avec les autres hôpitaux et cliniques de la région. Si on ne stimule pas la communication et la déclaration de cas, il est très difficile d'obtenir des réponses. La proximité s'avère donc importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Selon vous, comment améliorer le signalement des effets indésirables ? Trouveriez-vous pertinent qu'il s'agisse d'un des critères retenus dans le conventionnement des médecins ? L'hôpital a-t-il une mission particulière à jouer s'agissant des effets indésirables ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je ne sais s'il existe des différences de signalement selon que l'on a affaire à un spécialiste ou à un généraliste. Dans le cadre des accréditations des hôpitaux, il est important de constater que l'hôpital procède à des signalements. Néanmoins, nous sommes peut-être trop individualistes ; certains considèrent en effet que s'ils signalent un effet indésirable d'un médicament, c'est qu'ils ont commis une faute ou qu'ils ont mal utilisé ce médicament. Ceci est faux et constitue un frein important à la déclaration. Il faut comprendre que la survenue d'un problème doit être signalée. Nous ne sommes pas là pour juger, mais pour constater et pour tenter de faire en sorte que le problème ne se reproduise pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mme Fabienne Bartoli, qui était directrice générale adjointe de l'Afssaps, a adressé au Leem (Les entreprises du médicament), syndicat de l'industrie pharmaceutique, une lettre pour lui demander de retirer les membres de son organisation qui assistaient systématiquement à l'ensemble des commissions et des groupes de travail.

Avez-vous connaissance de cette lettre ? Quelles conséquences en avez-vous tirées ? Au sein de la commission nationale de pharmacovigilance, le Leem est-il toujours représenté en tant que tel ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je ne connais pas cette lettre. A la commission de pharmacovigilance, nous avons toujours un représentant du Leem. Le principe de fonctionnement est que chaque personne dispose d'une voix.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ceci est tout à fait conforme à la réglementation. Vous confirmez donc qu'en dépit des consignes données par Mme la directrice générale, le fonctionnement de votre commission n'a pas changé : le représentant du Leem est toujours présent.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Oui. Lorsque j'étais président, il y avait une représentante du Leem.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Lors de l'examen du benfluorex auquel vous avez procédé le 7 juillet 2009, deux membres ayant des liens avec les laboratoires Servier ne l'ont pas signalé. Par conséquent, ils n'ont pas quitté la séance comme ils auraient dû le faire.

Ce jour-là, vous avez signalé deux situations de conflits d'intérêts majeurs concernant deux points de l'ordre du jour, mais pas celui qui touche le Mediator. Aviez-vous connaissance de ce dysfonctionnement ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Non, il s'agit d'une erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'en prends acte. L'application de la réglementation est donc difficile.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Les conflits d'intérêts sont revus par le personnel de l'administration de l'Afssaps. Régulièrement, avant les réunions, on me faisait part de conflits d'intérêts concernant certaines personnes, qui étaient amenées à se retirer.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

L'administration de l'Afssaps, qui vérifie les conflits d'intérêts des participants aux réunions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous rencontrent-ils systématiquement en début de réunion ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'imagine qu'ils ne vous avaient pas signalé ce conflit d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ma dernière question portera sur le problème des notifications. Il m'a semblé que vous n'étiez pas particulièrement favorable au fait que les patients puissent eux-mêmes notifier. Cette décision a été votée par le Parlement en 2009 lors de l'examen de la loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST). Que pensez-vous de cette réforme ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Peut-être me suis-je mal exprimé : je n'y suis pas défavorable. Toutefois, les malades signalent des éléments d'ordre différent, souvent des problèmes qui gênent leur vie au quotidien, que les médecins laissent souvent de côté. Ces informations, différentes et complémentaires, demandent des confirmations par un professionnel de santé.

J'ai participé à une assemblée générale de victimes de la cérivastatine il y a une dizaine d'années : les personnes présentes signalaient parfois des problèmes qui n'avaient rien à voir avec le produit, mais qui pouvaient néanmoins avoir une importance, étant donc d'un ordre différent de ce qui intéresse un médecin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je suis intriguée par vos propos concernant l'aspect obsolète de l'informatique. S'agit-il d'une question de moyens, de logiciel ou de ressources humaines ? Faut-il envisager un investissement spécifique à l'Afssaps ou le problème peut-il dépasser l'Afssaps pour donner lieu, comme aux Etats-Unis, à une fondation de rassemblement de l'ensemble des données ? Celle-ci viserait à faire émerger des alertes par la mise en relation de dommages apparents, de signalements et de prescriptions.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Je suis incapable de vous expliquer pourquoi l'informatique fonctionne mal. Il s'agit là d'un problème spécifique à l'Afssaps. Lorsque nous interrogeons le logiciel, nous n'obtenons pas toujours les mêmes résultats. Depuis des années, j'entends des gens dire que le processus va s'améliorer, ce qui n'est pas vraiment le cas.

Quant à la détection automatique de signaux, nous l'évoquons aux Assises du médicament. Si elle présente un intérêt, celui-ci demeure de mon point de vue assez limité. Cet élément doit être pris en compte, mais il ne doit pas constituer le seul élément ; c'est en cela qu'une structure nationale unique qui recevrait des signalements sans l'intermédiaire des centres de pharmacovigilance me semblerait dangereuse. Nous obtiendrions l'information utile parmi un ensemble d'informations inutiles, ce qui poserait problème.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Quel est l'intitulé de la société savante dont vous faites partie ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Il s'agit de la société de pharmacologie thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous avons auditionné M. Schiari des laboratoires Servier, il y a quelques semaines. De nombreuses préoccupations portent sur le financement de ces sociétés savantes. La plupart, sinon toutes, sont financées par l'industrie pharmaceutique. Cela nous semble parfois un obstacle au fait qu'elles puissent délivrer un message indépendant et autonome par rapport aux laboratoires pharmaceutiques.

J'évoque cet aspect car vous allez prochainement tenir à Grenoble un congrès financé par les laboratoires, notamment par les laboratoires Servier. Cette situation vous pose-t-elle problème, surtout après l'affaire du Mediator, ou vous semble-t-elle inévitable et ne portant pas atteinte à votre indépendance ?

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Selon moi, il est anormal qu'un laboratoire pharmaceutique puisse avoir un trésorier dans une société savante. Le fait que des membres d'un laboratoire fassent partie de la société me paraît en revanche tout à fait normal. On trouve dans l'industrie des pharmacologues très compétents ; il est donc normal qu'ils fassent partie de ces sociétés. Néanmoins, ils ne devraient pas intervenir dans des instances de la société. Je suis d'accord avec vous sur ce dernier point.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je ne parlais pas seulement des pharmacologues travaillant pour un laboratoire (qui ont effectivement tout à fait leur place au sein d'une société telle que la vôtre), mais également du financement par ces laboratoires des activités de la société.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

A l'époque où se tenaient des réunions de pharmacovigilance uniquement, des réunions faisant l'actualité de la pharmacovigilance avaient lieu chaque année, dans des locaux de faculté à des prix abordables. Aucun laboratoire pharmaceutique n'était impliqué. Tout se passait alors très bien ; l'industrie pharmaceutique venait même suivre les réunions.

Debut de section - Permalien
Louis Merle

Certains ont voulu étendre les activités de notre société à la thérapeutique. Depuis quelques années, dans notre congrès, la pharmacovigilance est quelque peu noyée avec la physiologie, la pharmacologie en dehors de la pharmacovigilance et la thérapeutique. Je n'y suis pas très favorable. Je pense qu'il était préférable de tenir des réunions telles qu'elles étaient antérieurement, totalement indépendamment de l'industrie pharmaceutique. Il n'est pas souhaitable qu'un financement dépende du bon vouloir d'un laboratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous n'êtes pas les seuls dans ce cas : toutes les sociétés sont tributaires des subsides des laboratoires. Nous vous remercions, Monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous poursuivons nos auditions avec M. Antoine Vial. Etant donné que vous n'êtes pas médecin, il n'y a pas lieu de vous demander si vous avez des liens d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

J'ai pourtant des liens d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je parle de liens d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Dans ce cas, je n'en ai pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous nous fondons sur l'article L.4113-13 du code de la santé publique, qui ne prévoit pas que les intervenants au public fassent connaître des liens d'intérêts autres que ceux qu'ils peuvent avoir avec l'industrie pharmaceutique. Cette caractéristique s'adresse aux médecins, et non aux journalistes.

En tant que membre de la commission, vous n'êtes pas concerné. Je vous laisse la parole si vous souhaitez faire une intervention liminaire, puis nous vous poserons des questions.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Merci, Monsieur le Président. Vous avez commencé par affirmer que je n'avais pas de déclaration d'intérêts à faire ; je pense au contraire que si. Le fait de siéger comme membre au conseil d'administration de Prescrire eu égard au débat qui nous réunit aujourd'hui constitue un véritable conflit d'intérêts ; il est important que vous connaissiez cette information, de même que mon engagement à la commission information et communication de la Haute Autorité de santé et mon appartenance au collectif Europe et médicaments.

En 2002, à l'antenne de France Culture toutes les semaines, j'ai demandé à mes invités de se présenter et de déclarer leurs conflits d'intérêts, c'est-à-dire d'annoncer d'où ils parlaient. Cela me paraît essentiel pour mieux entendre les personnes.

Je ne suis pas venu ici pour faire le procès de quelque individu que ce soit. En revanche, me considérant comme un serviteur de la santé publique, je considère comme très important que vous vous intéressiez au Mediator, y compris sous l'angle de la communication. Dans cette affaire, il est évident que des questions de pharmacologie se posent, mais pas seulement. Il est important que nous étudiions cette affaire en raison de son exemplarité.

Il y a quelques années, le scandale du sang contaminé a été analysé, mais l'affaire ne reposait pas sur une traçabilité des faits de chaque acteur de manière parfaite. Parce qu'il s'agissait d'une nouvelle maladie et que nombre d'éléments nous étaient inconnus, nous n'avons pu en tirer tous les enseignements nécessaires. Or, le Mediator présente tous les éléments permettant de tirer ces enseignements.

L'histoire de Mediator était écrite à l'avance. L'affaire aurait pu être évitée, parce que prévisible. Le Mediator n'est pas un cas isolé ; il n'est que le révélateur d'une confusion entre intérêts publics et privés, de dysfonctionnements de notre système sanitaire dans ses missions régaliennes de protection des citoyens et surtout dans le domaine du médicament.

Il est toujours problématique de faire admettre à la population que la santé serait finalement un secteur comme un autre ; elle semble estimer que la santé n'est pas soumise aux règles du marché, qu'elle est protégée et que l'on ne peut y agir n'importe comment. Malheureusement, nous allons voir que cette affaire, comme d'autres, révèle que l'on a agi là n'importe comment.

Comme vous me l'avez demandé, je vais me restreindre à la stricte observation de cette affaire sous l'angle de la communication, en commençant par en rappeler le contexte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous pourrez tirer de cet exemple des conséquences générales.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Très bien. Je rappelle donc le contexte : le médicament est réglementé, que ce soit dans son accès, sa délivrance ou son information, ce qui en fait un produit différent des téléphones portables, des lessives ou autres. Pour le vendre, l'industrie doit donc passer par l'Etat, qui l'autorise ou non, et par un prescripteur, qui le prescrit ou non. Le fabricant ne peut pas vendre directement à son client, au point que pendant trente ans, l'industrie pharmaceutique a considéré que son client était le médecin et non le patient.

La situation change totalement dans les années 1970 ; nous en trouvons des traces dans les boards des grandes compagnies internationales pharmaceutiques, où apparaît le mot de DTC (direct to consumer). L'industrie pharmaceutique ne trouvant pratiquement plus de nouveaux vrais médicaments (une dizaine seulement par décennie), elle se croit obligée de copier les médicaments des firmes qui offrent des produits leaders sur le marché mondial. Nous entrons alors dans un registre différent ; une copie reste une copie, et donc toujours plus difficile à vendre que l'original. A partir de ce moment-là, l'industrie se saisit des moyens de marketing de la grande distribution.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Aux me too.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ne sont-ce pas plutôt les génériques qui sont des copies ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Vous avez raison ; pardonnez-moi cette confusion. Le me too désigne plus précisément ce à quoi je fais référence.

L'industrie pharmaceutique va surtout changer de clients. A partir de là, le médecin ne devient plus qu'un intermédiaire, et le patient client des firmes : il s'agit du direct to consumer dont je viens de parler. D'ailleurs, les laboratoires ne s'en cachent pas.

Si le malade est le client, il va falloir le convaincre de son produit. Un dernier rempart s'oppose à cela : l'interdiction en France et en Europe de faire de la publicité pour les médicaments soumis à prescription. Depuis 2002, l'industrie pharmaceutique mondiale fait tout pour lever l'interdiction de publicité. Elle y est parvenue aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande.

A Bruxelles, au collectif Europe et Médicament, elle exerce un lobbying considérable pour modifier la législation à son avantage, utilisant de pseudo-associations de malades pour laisser croire que la demande viendrait expressément de la population et des malades eux-mêmes. Nous verrons que cette utilisation des associations est un viatique qu'utilisent fréquemment les firmes pharmaceutiques.

Ne pouvant obtenir l'autorisation de faire de la publicité directe, l'industrie demande de faire de l'information ; j'y reviendrai. Vous autres, sénateurs et sénatrices, avez été devant la question de l'observance. On vous a récemment demandé votre accord.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Tout à fait. On vous a demandé votre accord pour que l'industrie pharmaceutique participe au programme d'observance thérapeutique. Nous sommes bien là dans le cadre du direct-to-consumer, où un industriel est en contact direct avec le patient. Avant que nous puissions voir en Europe une publicité pour un antidiabétique ou un antidépresseur, l'industrie pharmaceutique s'est adaptée et professionnalisée à cette communication grand public. Un exemple pour illustrer la publicité dans certains pays : photo d'un cadavre à la morgue, une voix off : « et dire qu'un simple test de cholestérol aurait pu éviter cela ».

L'histoire d'un médicament est longue, y compris pour un copie. Elle commence en général une dizaine d'années avant que le médicament n'apparaisse sur le marché. D'études en études, le fabricant prépare son dossier d'autorisation de mise sur le marché. Deux ans avant, il sait à quelle date son produit sera commercialisé et peut commencer à préparer le terrain de la vente ; j'appelle cela la « phase de labour ». On plante, dans l'esprit du consommateur patient, l'idée d'un mal dont il pourrait être atteint (surpoids, fatigue, mal de dos, etc.).

La publicité étant interdite, l'industrie fait de l'information : cela coûte moins cher et rapporte bien davantage en termes d'impact. On montre qu'il s'agit d'un très grave problème de santé, qui touche beaucoup d'entre nous. Si la marque de la firme apparaît, c'est seulement comme un bienfaiteur ayant permis de rappeler ce grave problème, qu'il s'agisse d'un médecin, d'une association ou d'une société savante.

Evidemment ce ne sont pas les responsables des firmes qui s'expriment devant la presse. On fait appel à des intermédiaires rémunérés (instituts de sondage), à des sociétés savantes, à des grands professeurs de médecine, à des ex-champions de football, etc., pour blanchir l'information. Je les appelle d'ailleurs des « agents de blanchiment ». Fin du premier acte.

Tout cela est orchestré, planifié et professionnel. On alerte alors la presse pour la bonne cause, à l'aide de chiffres, de sondages et de témoignages d'experts. Sans un esprit critique aiguisé, on ne voit rien des intentions commerciales, qui ne sont pas annoncées clairement.

Quelques mois après vient la « phase d'ensemencement » : on annonce qu'un produit qui répond à la problématique soulevée quelques mois plus tôt va révolutionner la prise en charge. Le Viagra répond exactement à cette planification.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le Viagra n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Oui, mais il s'agit d'un médicament de prescription, donc interdit à la publicité.

Là encore, la parole n'est pas portée par l'industrie elle-même, mais par les « agents de blanchiment ».

Ce que je viens de décrire n'est pas un cas isolé, et peut être appliqué à bon nombre des produits qui reçoivent une AMM à l'heure actuelle.

Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique :

- crée de nouvelles maladies de toutes pièces et étend les indications des produits, comme le fait n'importe quel industriel de n'importe quel secteur d'activité ;

- élargit les définitions des maladies : vous avez ainsi dû entendre parler du pré-diabète, du pré-cholestérol et de la pré-hypertension ;

- transforme les événements de la vie en maladies : le deuil, la vieillesse, le chagrin d'amour deviennent ainsi des maladies ;

- transforme les facteurs de risques réels en maladies, sans que l'on dispose de traitement opérant (ostéoporose) ;

- exagère une menace (exemples de la grippe H1N1 et de la maladie d'Alzheimer) ;

- aggrave un symptôme (c'est le cas de la spondylarthrite ankylosante et de la fibro-myalgie).

Afin que mon propos soit concret, je vais l'illustrer par la présentation d'une campagne. Je vais justement prendre l'exemple de la spondylarthrite ankylosante, qui est devenue Le mal de dos pour un laboratoire produisant un médicament, certes reconnu efficace contre certaines spondylarthrites (quoique pas toutes), mais certainement pas contre toutes les dorsalgies.

Pour vous faire prendre la mesure de cette campagne, je vais me mettre à la place d'un Français souffrant du dos, regardant la télévision l'an dernier au moment de la Coupe du Monde de football. Avant que ne commence le match, dans un spot de publicité, il entend Franck Leboeuf, ancien champion du monde de 1998, évoquer son mal de dos. Le spot s'achève pas une adresse Internet facilement mémorisable ; après le match, la personne se rend naturellement sur le site, dans lequel plusieurs rubriques sont proposées, sous forme de petits films.

Le premier se décompose de la façon suivante :

- témoignage d'une personne, qui fait apparaître que le médecin généraliste n'est pas compétent, et qu'il est préférable de consulter un rhumatologue ;

- mise en scène de l'aggravation du symptôme : « maladie fréquente : 0,5 % de la population va souffrir d'une spondylarthrite »

- mise en avant de la gravité du mal destinée à faire peur : « maladie grave : 10 % des maladies ont des formes handicapantes ».

Le spot sème le doute quant à l'efficacité des traitements classiques, en même temps qu'il met en avant une alternative grâce au progrès et à l'innovation.

Le second film met en scène un professeur et commence par une explication de ce qu'est une société savante, gage de sérieux. La société savante et le professeur jouent le rôle d'intermédiaires. Le professeur provient d'un CHU : l'image du monde hospitalier public est donc utilisée ici pour « vendre de la lessive ». Le grand professeur affirme : « 150 000 personnes seront atteintes en France » ; on étend l'indication aux jeunes ; les signes d'appel sont banals (mal de dos). Le mot « spondylarthrite » a disparu ; l'expression « mal de dos » commence à être imposée.

Là encore, on remet en cause les traitements classiques : « les douleurs vont aussi être soulagées par certains antidouleurs, certains anti-inflammatoires, mais attention cela peut être un piège, car cela peut retarder la consultation, le diagnostic, et peut-être la mise en route de traitements beaucoup plus spécifiques. » Là encore, on fait peur aux malades. Puis on les rassure : « On dispose aujourd'hui de traitements particulièrement efficaces, avec lesquels on peut rendre une vie tout à fait normale à des sujets jeunes. »

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Il s'agit du professeur René-Marc Flipo, du CHU de Lille, secrétaire général de la société française de rhumatologie.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il serait intéressant que nous puissions l'auditionner.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

On fait donc passer un médicament très spécialisé pour un médicament pour tout un chacun. De 150 000 potentiels clients annoncés, la firme a multiplié son portefeuille de clients par 100.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Il s'agit de Pfizer. Je vous donnerai le nom du médicament ultérieurement. Pour vous donner une échelle, d'après les registres nationaux, la lombalgie a une prévalence élevée, qui en fait un problème de santé publique dans les pays industrialisés ; la prévalence annuelle est de 35 % à 50 % de la population, avec une prévalence de vie entière supérieure à 60 %. On est donc arrivé à faire passer un médicament de 150 000 personnes à 60 % de la population (soit plus de 20 millions).

Sinon, comment expliquer un tel budget pour seulement 150 000 personnes ? Combien faudra-t-il que la firme vende de boîtes de médicaments pour amortir un tel budget ?

D'après des spécialistes de la publicité, un tel spot publicitaire sur des grandes chaînes à une heure de grande écoute, des spots radio pendant trois semaines, le site Internet et le mix marketing avec le journal L'Equipe coûtent environ 2,5 millions d'euros au minimum, auxquels il convient d'ajouter le salaire de Franck Leboeuf. Le « coût contact » (2,5 millions divisés par 150 000) revient ainsi à plus de 16 euros. Ceci est la preuve que tout cela est orchestré.

J'en viens à présent à la presse, qui joue un rôle déterminant dans la stratégie marketing des firmes. En 1998, avec Sophie Guillot, sociologue et le Docteur Cohen, spécialiste des études de comportement, nous avons mené une des seules études, sinon la seule, sur les circuits de l'information médicale. Qu'a-t-elle révélé qui soit encore aujourd'hui d'actualité ?

Les journalistes de la presse grand public qui traitent de la santé n'ont majoritairement pas de formation spécifique à la médecine. Je ne suis pas certain que cela soit un véritable problème. Le vrai problème réside davantage dans leur absence d'analyse critique systématique, surtout avec les moyens d'investigation que nous avons à disposition (Internet). Il est désormais très facile pour chacun d'entre nous de valider une information.

Le deuxième point qu'a révélé cette étude est que les journalistes n'ont pas assez de temps pour faire correctement leur travail : on leur demande ainsi parfois d'écrire une page entière en une journée sur un sujet pour lequel ils n'ont aucune connaissance ni aucune formation de base. L'industrie, qui a parfaitement compris cela, rédige des articles courts et longs, prend des photos et fait des interviews de grands professeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vos propos portent-ils aussi bien sur la presse généraliste que professionnelle ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non. Cette étude a été menée spécifiquement sur la presse grand public.

Les rédactions demandent à leurs journalistes du sensationnel (un médicament ou une technique miracle) et du scandale. De façon générale, la santé publique n'a pas bonne presse. Les sources d'information sont majoritairement d'origine industrielle, mais ne sont jamais citées.

Je vais évoquer une anecdote révélatrice à ce sujet. Un journaliste spécialisé d'une grande agence de presse nationale a un jour repris un communiqué de laboratoire presque mot à mot dans sa dépêche. Prescrire, qui s'en est rendu compte, l'a dénoncé. Ledit journaliste a alors intenté un procès à Prescrire pour diffamation. Ces dysfonctionnements sont tellement entrés dans les moeurs que ce journaliste n'a pas vu où était le mal.

Enfin, la notion d'éthique revêt parfois un sens assez surprenant. Ainsi, une journaliste, qui avait profité d'un voyage de presse organisé par l'industrie, nous a déclaré : « J'estime, d'un point de vue éthique, que quand on accepte de partir dans un voyage de presse, il faut écrire un papier après. S'ils vous invitent, c'est bien pour parler d'eux ; donc si vous acceptez, il faut le faire. J'ai des confrères qui acceptent les voyages et n'écrivent rien au retour. Pour moi, ils n'ont pas d'éthique. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Au cas où vous en douteriez, les journalistes ont néanmoins un peu d'éthique. Cette phrase est toutefois révélatrice d'une grande naïveté.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Nous pouvons dire cela : naïveté pour les uns, mais également duplicité pour les autres. Vous avez raison : on ne peut laisser penser que tous les journalistes qui traitent de la santé ont des pratiques à la limite de la déontologie. Certains réalisent un travail très sérieux ; qu'ils en soient remerciés ici.

Où le dérapage commence-t-il ? Le fait d'être invité à un déjeuner de presse est-il l'amorce d'une compromission ? Le fait d'être invité à Boston à un congrès scientifique comportant un important programme d'agrément est-il contraire à la déontologie ? La plupart des personnes que j'interroge estiment qu'un déjeuner ne comporte pas de compromission ; pour ma part, je considère que si. Je crois que l'on perd son libre-arbitre dès lors que l'on entre dans une relation autre que professionnelle.

Déjeuner ou dîner est évidemment un acte commercial, en tout cas du côté de la firme ; il ne faut pas en être dupe.

J'ai commencé mon exposé en affirmant que j'espérais que l'affaire du Mediator servirait de leçon. S'agissant de la presse, j'ai nourri des espoirs qui ont été rapidement anéantis. Plusieurs informations médicales parues depuis dans la presse grand public ont montré des intérêts commerciaux, qui prouvent qu'aucun enseignement n'a pour l'instant été tiré. Il suffit d'aller sur le site d'une société savante pour savoir d'où celle-ci tire ses profits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ceci est d'autant plus simple que toutes les sociétés savantes sont financées par l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Je vais à présent évoquer le cas plus spécifique des propriétaires et des rédacteurs en chef de presse. La presse a accepté tous les compromis et a laissé croire que l'information pouvait être gratuite. Elle a arrêté de produire des analyses, mais personne n'a été dupe. La crise de la presse en France est immense.

Toutefois, il existe des raisons de rester optimistes. Certains journaux proposent un autre modèle économique et financier : ils développent un contenu sérieux, fiable et indépendant même s'ils font payer cher cette indépendance à leurs lecteurs. Et malgré la crise et Internet, ils s'en sortent très bien.

Si vous le permettez, je vais à présent faire quelques recommandations.

La première concerne le statut de journaliste, qui est octroyé par le fisc. Pour en bénéficier, plus de 50 % des revenus doivent provenir de la presse. Il paraît surprenant que le fisc soit le garant du fait que l'on soit journaliste ou non. Il n'existe pas de commission d'éthique à la commission de la carte d'identité professionnelle.

Puisque le fisc voit passer les déclarations d'impôts des journalistes, pourquoi ne lui demande-t-on pas d'aller jusqu'au bout de sa démarche ? Certains multiplient par trois ou quatre leurs émoluments d'une chaîne de radio ou de télévision du service public « en faisant des ménages » : ils ne sont donc plus journalistes, gagnant davantage en ménage qu'en salaire. Peut-être, vous, législateurs, devriez-vous vous intéresser à la manière dont est octroyé le statut des journalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Comme vous le savez, les politiques se méfient beaucoup des journalistes. Nous prenons acte de votre proposition.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Par ailleurs, une réflexion est actuellement menée par le Groupe d'experts stratégiques consultatifs (Sage) sur les conflits d'intérêts. Il serait bon d'y associer les journalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Apparemment, la commission des lois du Sénat travaille sur les conflits d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Je rappelle que l'utilisation des noms commerciaux des médicaments est interdite. Un de mes combats à la Haute Autorité de santé pendant plusieurs années a été la prescription en DCI (dénomination commune internationale).

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

J'ai oeuvré pour que cela le devienne.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Certes, mais nous l'avons rendu obligatoire dans les logiciels de prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Est-ce le cas y compris dans ceux qui ne sont pas agréés par l'HAS ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non. Il serait intéressant que les législateurs que vous êtes reprennent la loi pour inviter à citer les noms des dénominations commerciales. Cela garantit davantage de sécurité et coupe les effets du marketing de l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Oui, car la simple citation du médicament est autorisée.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

La loi interdit la citation.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Absolument.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Est-ce le Bureau de vérification de la publicité (BVP) qui exerce un contrôle ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non. Au sein de l'Afssaps, une commission s'en charge. J'ignore si elle a les moyens de faire respecter la réglementation.

Enfin, je m'adresserai directement à vous : lorsque l'on viendra vous présenter les prochains articles de loi, pensez au Mediator ; même si l'on vous dit que cela provient des patients, cela provient probablement de l'industrie : ayez une analyse critique. Continuez à nous aider dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Existe-t-il dans la presse médicale des liens d'intérêts qui expliqueraient le traitement de certains médicaments et qui occulteraient certaines problématiques du médicament ? Je pense par exemple au RU486, pour lequel un cas de décès a été relevé. Le contexte socioculturel occulte-t-il certaines problématiques, qui peuvent pourtant avoir des effets sur la santé ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Je ne vois pas pourquoi cela n'existerait pas, étant donné le contexte dans lequel nous nous trouvons. Cela existe dans les deux sens, nous l'avons constaté depuis l'affaire du Mediator. Les soixante-dix-sept médicaments examinés sont devenus « dangereux ». Le message de base selon lequel le médicament est efficace mais également potentiellement dangereux n'est donc pas passé.

Parce que l'on n'a pas assimilé le fait qu'un médicament est potentiellement dangereux, on ne peut envisager la question de la balance bénéfices-risques de la même façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Etes-vous d'accord que certaines problématiques sont occultées, y compris par des journaux tels que Prescrire ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Je ne pense pas que vous puissiez affirmer cela. Je serais très surpris que le médicament n'ait pas été suivi par la rédaction de Prescrire. Les effets secondaires ont dû être mesurés, identifiés et rendus publics. Toutefois, comment ces effets secondaires néfastes peuvent-ils être jugés, par exemple sur une question telle que celle de l'avortement ? La problématique du bénéfice-risque sur une question telle que celle-ci est très difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Quels sont les laboratoires qui selon vous ont une réputation plus spécifique dans le secteur de la presse médicale ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Les laboratoires Servier. Pendant vingt ans, j'ai eu en charge le magazine médical de France Culture, lieu d'observation privilégié. Deux ans après avoir pris mes fonctions, j'ai commencé à être invité.

La même année, j'ai été reçu par Jacques Crozemarie dans un sublime appartement du boulevard Haussmann, servi par des personnes en gants blancs, etc. Il ne pouvait faire de doute que ce dîner ne reposait pas sur des principes et des valeurs éthiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En acceptant cette invitation, le journaliste que vous étiez n'a-t-il pas rencontré de conflit d'intérêts ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non. J'allais simplement rendre visite au président de l'association pour la recherche sur le cancer (ARC), ce qui entrait dans le cadre de mes attributions. Qui plus est, les rapports de l'Igas n'avaient pas encore été effectués. Néanmoins, le fait d'être reçu de cette manière m'a surpris et gêné. De la même façon, je me suis rendu au cercle Hippocrate de Jacques Servier dans un hôtel particulier de Neuilly.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

J'ai été frappée par vos propos sur les pathologies ayant une dimension « pathétique ». Pensez-vous réellement que celles-ci puissent être mises en exergue à des fins industrielles ? Je pense en particulier à la maladie d'Alzheimer.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Oui, la maladie est si mal connue qu'il est difficile d'en faire ne serait-ce qu'une sérologie. Nous avançons, mais les résultats s'avèrent très différents selon la prise en charge et le fait est que l'on met rapidement une personne dans une situation de dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Existe-t-il actuellement une structure dont la compétence est explicitement l'information des patients ? Serait-il souhaitable qu'il en existe ou que l'une de ces agences développe cette spécificité à l'exclusion de toutes les autres ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Il est effectivement compliqué de déterminer les tâches de chaque entité : le ministère, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), la Haute Autorité de santé et certains services de l'Afssaps. Je me demande toujours s'il est de la compétence de l'Etat de faire de l'information de santé. L'Etat devrait en tous cas fournir une information brute, validée et sérieuse.

A l'heure actuelle, nous ne disposons pas de base de données publique sur les médicaments. La base de données des médicaments en France est une société privée, le Vidal.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Oui. Il s'agit plus d'un outil de recherche hospitalier.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Certes, mais avant de créer l'outil, il faudrait créer la source. Si je travaillais encore à France Culture, il me faudrait une information - source crédible et sérieuse. Très vite, je me suis rendu compte que les pouvoirs publics n'avaient pas la réponse ni même l'expertise ; la notice de la boîte était la meilleure information que je pouvais obtenir. Or j'attendais une analyse critique et un avis autorisé. Selon moi, c'est une mission régalienne que de fournir l'information de base. Il me semble que nous pouvons favoriser des initiatives associatives, voire privées.

Je ne crois plus en l'information par les médias audiovisuels classiques, qui dispensent une information à un moment donné à des personnes qui ne sont pas nécessairement concernées. Lorsqu'elles traitent de santé, la télévision et la radio évoquent la sexualité, le sommeil et l'alimentation. En effet, seuls ces sujets sont suffisamment transversaux pour intéresser un public assez large.

Avec l'arrivée d'Internet, nous avons pu obtenir l'information adéquate au moment où l'on en a besoin. L'outil de la puissance publique qui apporte l'information de base est donc bien Internet. Il revient par ailleurs à l'Etat de fournir les informations de base et de fournir une transparence totale à tous les dossiers d'AMM, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. De même, le Parlement européen n'a pas encore autorisé l'accès par le grand public à l'ensemble des dossiers.

Il est temps de considérer le citoyen, qui est aussi un assuré qui paie cher pour sa santé. Le grand public serait très preneur d'une offre d'information sérieuse. Si un tel site avait existé avant l'affaire du Mediator, il aurait très bien fonctionné, bien plus que Doctissimo.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pour l'information des patients, vous militez donc en faveur d'un site dédié, qui serait alimenté par une base de données de l'Afssaps.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Oui, mais il s'agirait d'une base de données critique, et non d'une simple notice de médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pour cela, une collaboration de l'Afssaps et de l'HAS et nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Il nous manque un système tel que celui qui existe en Grande-Bretagne. La Cnam envisage de mettre en place une base de données par un regroupement d'informations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous évoquez là une base de données médicamenteuse, alors qu'à l'Afssaps, la base de données concerne la prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Les deux peuvent s'apparenter.

Je suis d'accord avec votre analyse. Il nous faut trouver un fournisseur de cette information qui soit indépendant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il existe déjà une base indépendante, Thériaque, à partir de laquelle Thesorimed a été construite. Celle-ci doit néanmoins être adaptée.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Il faut pour cela une volonté politique. Cela fait quinze ans que je milite pour une base de données. On me répond à chaque fois que les moyens sont insuffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'ai pour ma part déposé plusieurs amendements qui ont toujours été refusés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

De quels moyens de diffusion parlez-vous si la base existe ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non, c'est là qu'est le problème. La base est si segmentée qu'elle n'existe pas. Il n'y a pas d'équivalent public du travail réalisé par Prescrire. Nous sommes coincés entre Vidal Cegedim, qui utilise l'information à des fins de vente, et Prescrire, qui effectue un travail précis de discrimination de chaque étude. Pourquoi n'est-ce pas fait par les pouvoirs publics ? J'ai participé à des réunions de consensus public où l'on assimilait des études qui n'avaient rien à voir et qui auraient pu être éliminées. Je relève un problème de professionnalisation, et non de moyens.

La volonté politique manque. Il vous revient de faire partager ce constat rapidement au plus haut niveau. Des mesures de base permettraient un vrai travail de communication avec le patient et l'assuré. Le jour où nous aurons fait comprendre au patient que l'enveloppe de la sécurité sociale représente une quantité d'argent limitée, les choix pourront être explicites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Ne croyez-vous pas que c'est la sécurité sociale qui devrait le faire ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Bien sûr, mais elle ne le fait pas. C'est à vous, législateurs, de la forcer à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Thesorimed constitue un début, mais il s'agit d'une base privée ; elle n'est pas opérationnelle et est incomplète. Il faudrait un outil plus adapté à la demande des médecins et des patients.

J'ai observé que nous rencontrions des difficultés pour obtenir l'application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, à savoir l'obligation dans laquelle se trouvent les médecins de déclarer leurs liens d'intérêts lorsqu'ils s'expriment en public ou écrivent un article dans la presse. Les journalistes estiment que c'est impossible, et les médecins n'y pensent pas ou n'en ont pas connaissance.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Pour les généralistes, je veux bien le croire, mais pas pour les médecins ayant travaillé pour des sociétés savantes. Pendant une dizaine d'années, à France Culture, pas une seule personne ne s'est opposée à déclarer ses liens d'intérêts, y compris si elle travaillait pour l'industrie pharmaceutique. Le consommateur est tout à fait capable d'entendre cela.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

N'y a-t-il donc pas d'objection valable de la part des journalistes ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Non, et encore moins en presse écrite.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Que faut-il faire pour que cette loi soit enfin appliquée ?

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Une volonté politique est nécessaire. La situation n'a guère changé depuis l'étude qui a été réalisée. Je suis frappé par le fait que le statut de journaliste dépende de l'administration fiscale.

Je constate que les grandes rédactions prônent enfin une information de qualité payante. J'ignore s'il est trop tard pour cela. Cela signifie que les gens sont prêts à accepter ce raisonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Connaissez-vous la Drug Information Association (DIA) ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il s'agit d'une organisation mondiale financée par l'industrie pharmaceutique qui se réunit tous les ans à Genève. Se rendent à ce rendez-vous l'ensemble des représentants des grandes agences de santé, et encore récemment sous la direction de M. Dalli, commissaire européen.

Nous constatons que tous les directeurs de l'évaluation de l'Afssaps ont été décorés par cette association pour « services exceptionnels » rendus à l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Je ne suis pas surpris. Cela reflète l'état de délabrement de la morale et la confusion entre intérêts publics et privés.

Je pense que la situation peut évoluer. Il y a quelques années, le Club Santé comprenait quatre-vingts journalistes traitant de la santé dans les médias grand public. Il emmenait les journalistes dans des palaces au bout du monde : pendant trois jours, des professeurs venaient parler de pathologies. J'ai eu connaissance du dossier envoyé aux industriels par la société qui organisait ces voyages. Il s'agissait d'acheter la presse, pour un coût de 800 000 francs. Cela expliquait pourquoi dans le même mois, tous les journalistes traitaient des mêmes sujets avec les mêmes intervenants.

Lorsque nous avons commencé à évoquer cette question, par le biais du Canard enchaîné, cela a commencé à poser problème. Le Club Santé s'est arrêté, mais le même fonctionnement se poursuit pour les journalistes de manière individuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les rencontres de Lourmarin semblent tout naturelles à ceux qui y participent. Je n'arrive pas à trouver chez eux de commencement de culpabilité ou de remise en cause. Le travail à faire sera considérable.

Debut de section - Permalien
Antoine Vial, spécialiste de l'information médicale et grand public, membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute Autorité de santé

Oui, mais j'ai la naïveté de croire que s'il existait une alternative d'information santé grand public de qualité payante sur Internet, les Français l'utiliseraient. Les Français n'achètent plus la presse, car ils savent qu'elle est « vendue ». Je fais là une généralisation et m'excuse pour les médias qui font correctement leur travail.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous allons lever la séance. Je vous remercie, Monsieur Vial.