Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, s'est félicité que les commissions des finances et des affaires sociales aient, pour la première fois, mené conjointement une mission de contrôle budgétaire, sur un sujet d'intérêt commun, celui de l'adoption internationale. Il a souhaité que cette coopération entre les deux commissions puisse se renouveler sur d'autres thèmes.
Yann Gaillard, vice-président de la commission des finances, a indiqué que, au moment où le Gouvernement annonce sa volonté de réforme dans ce domaine, il est utile que le Sénat apporte son expertise sur l'agence française de l'adoption (Afa) et, plus généralement, sur le système français de l'adoption internationale, qui ont fait l'objet de critiques récentes à la fois de la Cour des comptes, dans le cadre de son dernier rapport public annuel, et de Jean-Marie Colombani, dans son rapport sur l'adoption.
A la demande des présidents Jean Arthuis et Nicolas About, ce sujet fera d'ailleurs l'objet d'un prochain débat en séance plénière dans le cadre de la semaine d'ordre du jour réservé au contrôle.
Après avoir précisé le cadre de la mission de contrôle et la démarche suivie, Auguste Cazalet, co-rapporteur au nom de la commission des finances, a rappelé que l'Afa a été créée par la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption afin d'offrir une troisième voie pour l'adoption à ceux qui ne peuvent pas être pris en charge par un organisme autorisé pour l'adoption (OAA) et qui ne souhaitent pas engager seuls les démarches pour adopter. Face à la politique de fermeture progressive aux adoptions individuelles appliquée par certains pays parties à la convention de La Haye de 1993, la création d'un intermédiaire public de l'adoption avait alors suscité de grands espoirs dans les foyers concernés.
Trois objectifs principaux ont été assignés à l'Afa : favoriser la diminution de la part des adoptions individuelles dans les adoptions internationales, souvent mal perçues par les pays d'origine ; accepter tous les dossiers sans critères discriminants, sans qu'il en résulte un engagement de succès de la procédure d'apparentement, le choix relevant des pays d'origine ; permettre un meilleur accompagnement des parents dans toutes les démarches nécessaires à l'adoption.
L'agence a donc une triple mission : informer, conseiller et servir d'intermédiaire pour l'adoption de mineurs étrangers de moins de quinze ans. Or, cette dernière mission d'accompagnement des familles, en particulier, semble n'avoir pas été pleinement remplie.
L'agence est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l'adoption sur l'ensemble du territoire national, alors que les OAA doivent faire l'objet d'une autorisation dans chaque département. Sa capacité à agir dans les pays d'origine des enfants varie selon deux cas de figure : l'Afa est habilitée à intervenir de droit dans l'ensemble des Etats parties à la convention de La Haye ; dans les pays qui n'en sont pas signataires, elle peut exercer son activité sur habilitation du ministre chargé des affaires étrangères. Du point de vue juridique, l'agence prend la forme d'un groupement d'intérêt public (Gip), constitué de trois catégories de personnes morales : l'Etat, les départements et les trois fédérations représentatives des OAA.
Puis Albéric de Montgolfier, co-rapporteur au nom de la commission des finances, a présenté le budget et les effectifs de l'Afa, ainsi qu'un premier bilan de son action. Ses ressources proviennent pour l'essentiel des subventions versées par l'Etat, inscrites sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » : une dotation de 4 millions d'euros a ainsi été votée chaque année en loi de finances. L'agence perçoit également des recettes provenant des familles, ainsi que des produits financiers correspondant au placement de ses fonds disponibles. Ses dépenses sont, pour la quasi-totalité, des dépenses de fonctionnement dont, pour les deux tiers, des dépenses de personnel.
La mise en place progressive, voire lente, de l'Afa s'est traduite par une sous-consommation des crédits qui lui ont été alloués. A cet égard, le maintien à 4 millions d'euros de la subvention accordée à l'agence en loi de finances initiale peut apparaître comme une volonté d'affichage. La subvention n'a été intégralement versée qu'une seule fois, en 2006, et s'est élevée à 2,9 millions d'euros en 2007 et en 2008. En dépit des réductions opérées, l'Afa conserve, à la fin de l'exercice 2008, un fonds de roulement de 2,2 millions d'euros, correspondant à près de six mois de fonctionnement. Une partie de ce fonds de roulement est cependant mobilisée au cours des premiers mois de l'année, en raison du versement tardif des subventions de l'Etat.
Pour fonctionner, l'agence s'appuie sur des effectifs directs travaillant au siège de l'agence à Paris, soit 32,3 équivalents temps plein (ETP) au 1er janvier 2009, hors mises à disposition. Outre quelques détachements, les agents sont majoritairement des agents de droit public en contrat à durée déterminée. Au départ, l'agence avait embauché des agents de droit privé mais il est apparu ensuite qu'elle n'en avait pas la possibilité en tant que Gip présentant un caractère administratif. Cette situation témoigne du manque d'expertise de l'agence, faiblesse que l'on retrouve encore aujourd'hui dans sa difficulté à définir précisément les évolutions qu'elle envisage pour ses personnels.
En effet, alors que la loi de finances pour 2009 a fixé un plafond d'emplois de trente-trois ETP, l'Afa avait pensé procéder en 2009 à des recrutements allant au-delà de ce plafond. En outre, se pose un problème technique lié à une éventuelle requalification de certains agents aujourd'hui mis à disposition par le ministère de la justice. Au-delà de l'aspect anecdotique, ce défaut d'analyse révèle les difficultés rencontrées par l'agence dans sa gestion, notamment celle de ses personnels. Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a toutefois précisé qu'elle n'est pas seule en cause, les services de tutelle devant exercer un suivi plus sérieux de ces sujets.
L'agence dispose par ailleurs de correspondants départementaux, qui sont des agents des conseils généraux, ainsi que de correspondants locaux à l'étranger dans certains pays. Ces derniers, rémunérés par l'agence, ne sont pas inclus dans le plafond d'emplois pour le moment. Or on observe, même s'il convient d'être prudent dans l'analyse de ces données, que leur nombre n'est pas proportionnel à celui des adoptions réalisées par l'agence. A cet égard, la mise sous plafond d'emplois conduirait à une meilleure justification des choix opérés. En outre, selon le contrôleur financier, la rémunération accordée à ces agents est la plupart du temps supérieure à celle pratiquée par le ministère des affaires étrangères pour ses recrutés locaux.
L'agence dispose donc de moyens publics importants, notamment en comparaison des subventions versées aux OAA : ceux-ci ont reçu de la part du ministère des affaires étrangères et européennes des subventions d'un montant global oscillant entre 125 000 et 143 000 euros de 2004 à 2008. Un effort supplémentaire est toutefois prévu en 2009, puisque plus de 450 000 euros sont inscrits au budget, dont 300 000 euros au titre de la coopération.
Tous ces éléments conduisent à qualifier de décevants les premiers résultats de l'agence. On constate ainsi la baisse du nombre des adoptions réalisées par l'Afa en 2008, qui ne représentent que 17,8 % du total des adoptions réalisées contre 19 % en 2007. De plus, contrairement aux OAA, l'Afa n'assure pas l'accompagnement financier des familles adoptantes. Par ailleurs, les pays étrangers ont souvent du mal à identifier l'agence, parfois confondue avec l'autorité centrale ou avec les organismes autorisés pour l'adoption.
Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a ajouté que les appréciations portées sur l'action de l'agence au cours des auditions menées par la mission ont été variables. Certains, notamment les représentants des conseils généraux, l'ont jugée positive du point de vue de l'information mise à leur disposition. D'autres ont été beaucoup plus critiques, en particulier les familles adoptantes, qui ont parfois mal compris certains choix de l'Afa. Quant aux relations entretenues par l'agence avec les OAA, une forme de compétition ou de concurrence a pu naître, ce qui n'apparaît pas souhaitable dans le cadre de la stratégie globale de la France en matière d'adoption internationale.
Puis Paul Blanc, co-rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, a fait valoir que, sans contester le caractère décevant des résultats obtenus par l'Afa, les critiques de son action ont été, à son sens, d'une sévérité excessive.
En effet, au-delà des dysfonctionnements propres à l'agence, la dégradation du contexte de l'adoption internationale et le caractère inachevé de la réforme de 2005 expliquent, pour une large part, les difficultés rencontrées par l'Afa.
En premier lieu, sa création est intervenue alors que le nombre d'adoptions internationales diminuait, quelle que soit la nationalité des familles candidates : entre 2005 et 2008, celles accordées aux ressortissants français sont passées de 4 136 à 3 271, soit une baisse de plus de 20 % en trois ans. On a toutefois observé une légère amélioration en 2008, avec une hausse de 3,4 %.
Par ailleurs, 70 % des adoptions françaises à l'étranger ont été réalisées dans des pays non signataires de la convention de La Haye, dans lesquels l'agence n'est pas présente de plein droit. Elle n'est, par exemple, pas implantée en Ethiopie, en Russie ou Haïti - ce devrait toutefois être le cas en 2009 pour ces deux derniers pays - alors que près de la moitié des enfants adoptés par des familles françaises sont originaires de ces trois Etats non signataires de la convention.
Il faut savoir que sa mise en oeuvre progressive a conduit les pays signataires à durcir peu à peu leur législation vis-à-vis de l'adoption internationale. Il peut alors en résulter la fermeture du pays aux adoptions individuelles, la priorité donnée, dans l'intérêt de l'enfant, à l'adoption nationale ou encore un degré d'exigence accru sur les qualités requises des futurs parents adoptifs (âge, revenus, niveau de diplôme, etc.).
Le second facteur expliquant les difficultés de l'Afa tient au caractère inachevé de la réforme de 2005.
D'abord, la réorganisation des institutions françaises en charge de l'adoption n'est intervenue que tardivement. Ainsi, le transfert à l'agence des dossiers individuels d'adoption et des compétences de gestion de l'ex-mission pour l'adoption internationale (MAI) n'a été que partiel. L'absence de réflexion d'ensemble sur les conséquences de ce transfert s'est traduite à la fois :
par un effacement du secrétariat général de l'autorité centrale pour l'adoption internationale (SGAI), qui n'a exercé ni son rôle de pilotage et de coordination, ni celui de représentant de l'autorité centrale française à l'étranger et dans les instances internationales de l'adoption ;
par l'absence de convention d'objectifs et de gestion entre l'agence et les ministères de tutelle et, de fait, l'absence de stratégie coordonnée des implantations des OAA et de l'Afa dans les pays d'origine des enfants à adopter ;
en conséquence, par une mauvaise identification des rôles respectifs de l'autorité centrale et de l'agence, qui a pu conduire à des incohérences dans les informations transmises aux familles ou à des doubles emplois.
Ceci étant, les réformes engagées en août 2008 par le Gouvernement, sous la responsabilité du nouvel ambassadeur pour l'adoption internationale, Jean-Paul Monchau, semblent aller dans le bon sens. Elles visent notamment à renforcer et réorganiser l'autorité centrale.
Paul Blanc, co-rapporteur, a ensuite fait observer que les deux autres objectifs de la réforme de 2005 qui visaient respectivement à harmoniser les conditions de délivrance des agréments et à développer l'adoption nationale n'ont pas davantage été atteints. Avec plus de 28 000 agréments en cours de validité, soit sept fois plus que d'enfants à adopter, et seulement 775 enfants adoptés en France sur les quelque 3 200 pupilles d'Etat, les chiffres plaident en faveur d'une évolution des pratiques dans ces deux domaines.
Enfin, il a évoqué certaines difficultés propres à l'Afa, qui ont affecté son action :
le statut public de l'agence, qui justifie son assujettissement aux règles de la comptabilité publique, l'a empêchée d'assurer l'accompagnement à l'étranger des transactions financières des familles adoptantes, celles-ci se faisant très souvent en liquide. Des solutions existent mais elles nécessitent des montages parfois complexes ;
l'agence, contrairement aux OAA, n'est pas habilitée à mener seule des opérations de coopération, même lorsqu'elles sont de nature humanitaire. Or, celles-ci sont souvent l'unique moyen de nouer des relations de confiance avec les orphelinats des pays d'origine ;
l'Afa ayant vocation à accueillir l'ensemble des demandes sans opérer de sélection, les familles peuvent déposer simultanément jusqu'à trois ou quatre dossiers dans différents pays. Outre l'engorgement qui en résulte, cette situation pose un problème éthique : il n'est en effet pas acceptable qu'un enfant déjà abandonné une fois puisse l'être une seconde fois après l'apparentement, par une famille qui aurait, entre-temps, accueilli un autre enfant. Qui plus est, la multiplication de ces cas de renoncement tardif contribue évidemment à discréditer l'organisme accompagnateur et le pays d'accueil. Au vu de ces observations, il semble souhaitable d'engager une réflexion sur la limitation du nombre de démarches d'adoption réalisées simultanément par un même foyer.
Il faut donc espérer que la réforme annoncée de l'adoption créera des conditions favorables à un meilleur fonctionnement de l'agence et à l'atteinte des objectifs qui lui ont été fixés.
Puis Auguste Cazalet, co-rapporteur, a plaidé pour qu'une seconde chance soit donnée à l'Afa, considérant que les réformes engagées ou envisagées par le Gouvernement sur le double front de l'adoption internationale et nationale vont dans le bon sens. Pour en accroître l'efficacité, la mission a préconisé une clarification des rôles et de l'organisation de l'ensemble des acteurs en charge de l'adoption.
Cette première série de recommandations porte sur :
le renforcement de la mission de pilotage et de coordination de l'autorité centrale française, tant à l'égard de l'Afa que des OAA, ce qui suppose à la fois la signature rapide d'une convention pluriannuelle d'objectifs et de gestion avec l'agence et chaque OAA ; la présence d'un représentant de l'autorité centrale à l'ensemble des réunions internationales et européennes sur l'adoption et la création d'un portail Internet unique de l'adoption internationale, afin de garantir la cohérence des informations communiquées aux familles ;
l'analyse globale des effectifs et des compétences respectifs de l'autorité centrale, de l'Afa et du réseau diplomatique ;
la définition d'une stratégie coordonnée d'implantation des OAA et de l'agence dans les pays d'origine des enfants ; ceci suppose que l'Afa soit habilitée à intervenir, de droit, dans les pays non parties à la convention de La Haye, dans lesquels on observe généralement un nombre important de démarches individuelles et que soient précisées les actions de coopération et d'aide humanitaire qui pourraient favoriser l'implantation de l'agence dans de nouveaux pays ;
le renforcement des OAA, notamment sur le plan financier : la contractualisation prévue avec l'Etat doit être l'occasion de faire le point sur leur situation financière, que la Cour des comptes qualifie, pour certains d'entre eux, de « fragile » ; elle doit aussi permettre d'instaurer des mécanismes d'incitation financière à la mutualisation de leurs moyens, voire à leur regroupement. De ce point de vue, il apparaît souhaitable que le ministère des affaires étrangères et européennes devienne l'interlocuteur budgétaire unique des OAA ;
la mobilisation de l'ensemble du réseau diplomatique et consulaire pour faciliter et améliorer le suivi des dossiers d'adoption, lorsqu'ils ont été transmis aux pays d'origine.
Puis Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a présenté une deuxième série de propositions relative à la rationalisation du fonctionnement de l'Afa, ce qui suppose :
de permettre à l'Afa d'accompagner financièrement les familles dans les pays d'origine des enfants, comme peuvent le faire les OAA, grâce à la mise en place de régies et à la mobilisation du réseau diplomatique ;
de modifier la loi afin d'autoriser l'Afa à mener des actions de coopération dite « humanitaire », sous la forme de micro-projets, étant entendu que la coopération institutionnelle continuerait de relever du ministère des affaires étrangères et européennes. Pour des raisons éthiques, ces actions de coopération humanitaire devront faire l'objet d'une validation expresse et préalable de l'autorité centrale ;
de mieux mettre en valeur les actions de coopération menées par l'Etat, les collectivités territoriales et les acteurs privés pour renforcer l'image de la France auprès des pays d'origine. La mise en place d'un fonds dédié ou d'une fondation, fonctionnant de manière souple, pourrait ainsi être étudiée ;
enfin, pour remédier à certaines incompréhensions qui ont pu naître, d'accorder un siège d'observateur, sans droit de vote, aux associations des familles au sein du conseil d'administration de l'agence.
En revanche, il n'a pas jugé souhaitable d'élargir les compétences de l'Afa au domaine de l'adoption nationale.
Il a ensuite formulé plusieurs propositions visant à remédier à certaines faiblesses administratives de l'agence :
renforcer le pilotage des dépenses et des effectifs, en lien avec la tutelle qui devrait exercer un contrôle plus attentif de la structure et mieux analyser les enjeux en amont. La prochaine convention d'objectifs et de gestion (Cog) devrait pouvoir y contribuer ;
définir une évolution des effectifs sur le moyen terme, dans le cadre de la Cog et en tenant compte de la nouvelle stratégie d'action de l'agence. Les moyens de l'agence devront être analysés de manière globale, en prenant en compte ceux dédiés par le ministère des affaires étrangères à l'adoption internationale, tant au sein de l'autorité centrale que des postes diplomatiques à l'étranger. Il serait utile que le ministère des affaires étrangères et européennes procède à un audit des procédures en vigueur, afin de maîtriser l'évolution des effectifs dans leur ensemble et d'identifier les complémentarités ou les redondances qui peuvent exister ;
prévoir que le plafond des autorisations d'emplois englobe l'ensemble des effectifs de l'agence, y compris les correspondants locaux à l'étranger et que l'agence s'aligne sur les grilles de référence du ministère des affaires étrangères pour la rémunération de ces correspondants.
Dans ces conditions, Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a estimé que le budget de l'agence pour 2010 apparaîtrait comme un « moment de vérité », permettant de définir un nouveau cadre pour l'Afa. Il a donc invité le Gouvernement à justifier très précisément les crédits qui seront proposés par le prochain projet de loi de finances, les dotations attribuées les années passées à l'Afa ayant été surévaluées compte tenu du niveau de son fonds de roulement.
Paul Blanc, co-rapporteur, a ensuite présenté les propositions relatives à l'amélioration des conditions de délivrance des agréments par les conseils généraux :
améliorer l'information des candidats à l'adoption, en particulier grâce à des réunions d'information collectives intervenant avant la confirmation de la demande d'agrément ;
harmoniser les pratiques des conseils généraux en créant, de façon concertée, un référentiel national d'évaluation des candidats à l'adoption ;
constituer un fichier nominatif national unique des agréments et des refus d'agréments, afin d'éviter que des candidats qui se seraient vu refuser l'agrément dans un département ne postulent dans un autre département ;
contrôler chaque année, de façon systématique et rigoureuse, la validité des agréments, ce qui pourrait se traduire par leur retrait, définitif ou temporaire ;
engager une réflexion sur l'adaptation de la législation de l'adoption aux nouvelles réalités familiales, en particulier sur les modalités d'accès à l'adoption pour les couples concubins ou pacsés, qui en sont exclus pour l'instant.
Enfin, une dernière série de propositions vise à mieux encadrer les demandes d'adoptions internationales, l'afflux de demandes exerçant en effet une pression souvent mal ressentie par les pays d'origine des enfants. Conformément aux principes de la convention de La Haye, il conviendrait de :
favoriser le développement de la coopération institutionnelle avec les pays non signataires de la convention pour les encourager à fermer peu à peu leurs frontières aux adoptions individuelles ;
engager une réflexion sur la limitation du nombre de démarches simultanées d'adoption réalisées par une même famille, que ce soit individuellement, par un OAA ou par l'Afa ;
encourager le développement de l'adoption nationale en informant mieux les familles sur les voies de l'adoption en France, en favorisant les déclarations d'abandon lorsqu'elles sont dans l'intérêt de l'enfant et en étudiant la possibilité de développer l'adoption simple.
Indiquant que certaines des mesures proposées devraient figurer dans un futur projet de loi, dont l'adoption en conseil des ministres est prévue pour le début du mois d'avril, Paul Blanc, co-rapporteur, a souhaité que les préconisations du Sénat contribuent utilement à la réflexion de tous sur ce sujet sensible.
Reconnaissant l'intérêt d'agir, en amont de l'agrément, pour permettre l'information des familles, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a regretté que l'on ne se préoccupe pas suffisamment du suivi des enfants après l'adoption, ce qui conduit à la méconnaissance des problèmes qui peuvent survenir ensuite, soit de violence à l'encontre des enfants adoptés, pouvant aller jusqu'à la maltraitance, soit de rejet des parents adoptifs.
Alain Milon a salué la pertinence des propositions des rapporteurs et a souligné que, avec dix fois moins de moyens, les OAA réalisent deux fois plus d'adoptions, ce qui conduit à s'interroger sur le bien-fondé de l'existence de l'agence. Cette contre-performance provient essentiellement, selon lui, des défaillances de la gouvernance de l'Afa, que ce soit au niveau des autorités de tutelle ou de la direction générale de l'agence elle-même.
Dans le cadre de l'adoption nationale, il a suggéré que les procédures judiciaires qui conduisent à une déclaration d'abandon interviennent plus tôt, à savoir dès l'apparition des premiers signes de délaissement et lorsque les enfants sont encore jeunes et plus facilement adoptables.
S'agissant de l'adoption internationale, il a confirmé la nécessité de doter l'agence de la faculté de mener des opérations de coopération humanitaire en faveur des enfants placés qui ne seront pas adoptés. Le soutien apporté aux orphelinats des pays d'origine constitue bien souvent le passage obligé pour obtenir l'accréditation du pays d'origine et se voir proposer des enfants à l'adoption ; c'est notamment le cas au Vietnam.
En ce qui concerne l'utilité de l'agence, Paul Blanc, co-rapporteur, a fait valoir que le titre retenu pour le rapport, « Une seconde chance pour l'Afa », illustre bien le sentiment des rapporteurs : en l'absence de résultats probants, cette institution n'aura pas une autre occasion de justifier son maintien.
Il a par ailleurs souligné la qualité des réponses apportées par l'agence tout au long de la mission de contrôle et estimé que la nomination d'une nouvelle directrice générale en février dernier témoigne de la volonté de rectifier les erreurs passées.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a considéré comme paradoxal que 70 % des adoptions internationales soient réalisées dans des Etats non parties à la convention de La Haye, alors que l'agence n'est habilitée de droit que dans les pays l'ayant ratifiée. Il a souhaité connaître la répartition entre les pays d'origine et les pays d'accueil parmi les Etats signataires.
Paul Blanc, co-rapporteur, a répondu que les pays d'origine représentent un peu moins de la moitié des soixante-dix-huit Etats parties à la convention.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a estimé nécessaire de favoriser l'intervention de l'Afa dans les pays non signataires de ladite convention.
Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a précisé que l'Afa est actuellement habilitée par la loi à intervenir dans les pays signataires de la convention de La Haye, tandis que son implantation dans ceux qui ne l'ont pas signée nécessite une autorisation spécifique de l'autorité centrale française. Dans les deux cas, l'Afa doit aussi être accréditée auprès du pays d'origine. De ce fait, l'agence n'a encore réalisé aucune adoption en Haïti, en Ethiopie ou en Russie, alors que près de la moitié des enfants adoptés à l'étranger par les familles françaises proviennent de ces trois pays, non signataires de la convention. En 2009, l'Afa devrait toutefois concrétiser son implantation en Russie et en Haïti, afin d'être présente là où les enfants proposés à l'adoption sont les plus nombreux.
Paul Blanc, co-rapporteur, a rappelé qu'une des préconisations de la mission consiste précisément à permettre à l'Afa d'intervenir, de droit, dans les pays non parties à la convention de La Haye.
Guy Fischer a observé que le constat dressé par les rapporteurs fait apparaître un certain nombre de difficultés relatives à la gouvernance et aux compétences de l'agence. Il s'est interrogé sur la portée et l'intérêt de la signature d'une convention d'objectifs et de gestion.
Paul Blanc, co-rapporteur, a considéré à nouveau que la désignation d'une nouvelle directrice générale devrait permettre de donner un nouvel élan à l'Afa et a jugé nécessaire la signature d'une convention d'objectifs et de gestion, afin de clarifier la stratégie de l'agence et ses modalités d'évaluation. Par ailleurs, les autorités de tutelle devraient s'impliquer davantage dans le suivi de sa gestion.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, s'est enquis de l'adaptation éventuelle des procédures d'adoption au regard de l'application de la kafala, qui constitue une modalité spécifique pour recueillir un enfant, compatible avec la religion musulmane.
Il a signalé les difficultés rencontrées par les candidats à l'adoption pour obtenir leur agrément, ce qui peut les inciter à multiplier les démarches pour accroître leurs chances, et s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'allonger la durée de validité des agréments.
Il a également souhaité obtenir des précisions sur les relations entretenues par l'Afa avec les OAA, notamment dans les pays non parties à la Convention de La Haye.
Jacky Le Menn s'est interrogé sur la capacité de l'Afa à intervenir dans ces pays et a suggéré l'établissement d'un modus operandi entre l'agence et les OAA.
Alain Milon a fait observer que les OAA n'acceptent pas d'accompagner un candidat à l'adoption qui déclare avoir déjà engagé une démarche par le biais d'un autre organisme. Il a également considéré que l'Afa n'a pas joué le jeu de la coordination avec les OAA et a souligné le grand nombre des adoptions individuelles.
Paul Blanc, co-rapporteur, a répondu que le développement de l'adoption simple pourrait apporter une solution à la problématique spécifique de la kafala, dans le cadre de procédures adaptées, dans la mesure où elle n'entraîne pas de rupture du lien biologique. Il existe également un système de parrainage, plus souple, qui est en train de se développer.
Revenant sur la question de l'adoption nationale et des moyens de la développer, Albéric de Montgolfier, co-rapporteur, a observé que les travailleurs sociaux ont, pour des raisons culturelles, des difficultés à admettre la rupture du lien biologique et à signaler des enfants délaissés et susceptibles d'être adoptés. Une autosaisine des juridictions permettrait de résoudre cette difficulté.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a confirmé le caractère délicat de la reconnaissance d'une situation d'abandon.
a noté l'attachement traditionnel au maintien des liens biologiques et a estimé que la procédure de l'adoption simple, qui constitue une voie médiane, est insuffisamment mise en avant et développée. Cette question conduit, de manière plus large, à aborder la problématique de la capacité à éduquer un enfant et à construire une vie, au-delà des liens biologiques entretenus avec la famille. Elle a enfin signalé qu'il n'est juridiquement pas possible, pour un candidat à l'adoption, d'obtenir un agrément dans plusieurs départements.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a fait valoir qu'il est néanmoins possible d'essayer d'obtenir un agrément dans plusieurs départements successifs, le cas échéant en déménageant. Il est revenu sur les difficultés rencontrées par les candidats pour l'obtenir et sur le caractère parfois contestable de refus d'agrément dont on ne comprend pas les motifs. Il a par ailleurs estimé que la progression du nombre de familles recomposées pourrait faciliter une meilleure compréhension de la démarche de l'adoption simple.
Yann Gaillard, vice-président de la commission des finances, a pris la mesure des nombreuses questions soulevées à l'occasion de cette mission de contrôle, dont l'ampleur justifierait la conduite d'investigations complémentaires. Les difficultés évoquées ne peuvent que faire conclure à la nécessité de rendre le système français de l'adoption plus efficace.
Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a confirmé qu'un débat sur les conclusions de ce rapport interviendra en séance plénière au mois d'avril, dans le cadre de l'ordre du jour réservé à l'évaluation et au contrôle du Sénat.
Enfin, la commission des finances et la commission des affaires sociales ont donné acte de leur communication aux rapporteurs et ont autorisé la publication de ces travaux sous la forme d'un rapport d'information.