La réunion

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La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis d'Anne-Marie Payet sur le projet de loi n° 496 (2007-2008) pour le développement économique de l'outre-mer, dans le texte n° 233 (2008-2009) adopté par la commission des finances le 19 février 2009.

Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé qu'en dépit des nombreuses lois adoptées depuis plus de vingt ans pour compenser les handicaps structurels majeurs dont souffre l'outre-mer, la crise sociale qui secoue les Antilles et la Guyane depuis trois mois révèle la persistance d'un malaise profond. Le projet de loi a été élaboré au début de l'année 2008 et adopté en conseil des ministres le 28 juillet mais le contexte a changé depuis lors : d'une part, la crise économique et financière mondiale a entraîné le monde entier dans une grave récession ; d'autre part, les revendications fortes entendues en Guadeloupe, mais aussi en Martinique et à la Réunion, remettent en cause l'organisation du système économique, social, éducatif et sociologique de l'outre-mer.

Pour répondre à cette situation préoccupante, ce texte constitue la première étape de la révision des politiques publiques menées outre-mer et Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, s'est félicitée de l'annonce par le Président de la République de la réunion d'états généraux de l'outre-mer et de la création par le Sénat d'une mission commune d'information.

Elle a ensuite évoqué les dispositions économiques ou fiscales du texte, qui ne concernent pas directement la commission des affaires sociales : instauration de zones franches globales d'activité sur les territoires de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ; création d'une aide au fret, d'une aide pour la rénovation des hôtels anciens et d'un fonds exceptionnel d'investissement pour contribuer à la réalisation d'équipements collectifs structurants.

Le projet de loi propose également une réforme des exonérations de charges sociales patronales, qui a en fait été adoptée par anticipation dans la loi de finances initiale pour 2009 et qui doit entrer en vigueur le 1er avril prochain. Elle consiste en un recentrage du dispositif : l'exonération sera intégrale pour une rémunération inférieure à 1,4 Smic, puis elle baissera jusqu'à s'annuler lorsque la rémunération atteindra 3,8 Smic.

Par ailleurs, le texte souhaite améliorer les dispositifs existants en matière de mobilité des résidents d'outre-mer, en fixant des conditions de ressources pour bénéficier de l'aide et en établissant un forfait de remboursement.

Enfin, il réforme profondément la politique du logement outre-mer. Face à la situation extrêmement dégradée de l'habitat outre-mer, notamment à la Réunion, il propose d'étendre aux départements d'outre-mer (Dom) la possibilité de réquisitionner des logements vacants, d'assouplir les règles d'indivision en vue de faciliter la remise sur le marché locatif de logements vacants, de créer un groupement d'intérêt public chargé de travailler sur l'indivision et les titres de propriété, de prolonger la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques, créées en Martinique et en Guadeloupe, et d'étendre la compétence de l'agence nationale de l'habitat (Anah) à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Surtout, il réoriente le dispositif existant de défiscalisation vers le financement du logement social : il supprime à court terme la défiscalisation pour les logements en secteur libre et à usage locatif, il la conserve pour les primo-accédants qui font du logement leur résidence principale, il éteint progressivement le dispositif pour le logement intermédiaire et il crée un mécanisme spécifique de défiscalisation pour le logement social qui pourra s'ajouter aux crédits budgétaires de l'Etat et qui bénéficiera également à la location-accession.

En conclusion, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a rappelé qu'après le projet de loi pénitentiaire, ce texte sera le deuxième que le Sénat examinera selon la nouvelle procédure issue de la révision constitutionnelle ; le texte qui viendra en séance sera donc celui adopté par la commission des finances le 19 février dernier. Celle-ci a pris plusieurs initiatives bienvenues relatives au pouvoir d'achat, notamment la fixation par décret en Conseil d'Etat du prix de cent produits de première nécessité dans les Dom, ce qui constitue un premier élément de réponse aux difficultés de l'outre-mer et le moyen d'engager une réflexion sur les mécanismes de formation des prix dans ces départements.

Sur une question de Nicolas About, président, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a précisé que les agences des cinquante pas géométriques ont été créées en Guadeloupe et en Martinique pour gérer la bande côtière de ces territoires.

A André Lardeux, qui demandait le coût du projet de loi pour le budget de l'Etat, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a répondu qu'il permet d'un côté des économies pour les finances publiques, notamment grâce aux réformes de la TVA non perçue récupérable et de l'exonération des charges sociales patronales, et qu'il prévoit, de l'autre, de nouvelles dépenses, principalement du fait de la création de zones franches. Au total, le coût net était estimé par le Gouvernement à 22 millions d'euros lors du dépôt du projet de loi mais, depuis lors, le Président de la République a annoncé le déblocage d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros.

Interrogée par Annie Jarraud-Vergnolle sur l'articulation du projet de loi, déposé en juillet 2008, avec les nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a confirmé que le Gouvernement déposera des amendements pour traduire les engagements pris par le Président de la République le 19 février dernier.

Guy Fischer a déploré la précipitation avec laquelle le Sénat va examiner ce projet de loi ; il ne sera pas possible d'intégrer des mesures nouvelles, notamment en termes d'amélioration du pouvoir d'achat, puisque des négociations sont encore en cours dans les Antilles. L'essentiel des dispositions du projet de loi consiste encore en des mesures de défiscalisation ou d'exonération de charges, c'est-à-dire des outils maintes fois utilisés et qui ont en outre montré leurs effets pervers sur les prix de l'immobilier. Or, face aux difficultés majeures des populations, quelles sont les propositions réelles qui permettent de répondre durablement à la baisse du pouvoir d'achat ? Le décalage entre les ressources des habitants, souvent inférieures en outre-mer, et les prix plus élevés des produits de première nécessité, par exemple le carburant, montre pourtant l'acuité du problème de l'organisation du système économique.

Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué que si, voici quelques semaines, plusieurs élus ultramarins avaient effectivement demandé le report de l'examen du texte, l'impatience de la population les a ensuite conduits à réclamer son vote en urgence. Les états généraux de l'outre-mer et la mission commune d'information du Sénat viendront compléter ce premier travail et il n'est pas exclu qu'ils débouchent sur un nouveau projet de loi plus global. En réponse à Guy Fischer, elle a précisé que la réforme des exonérations de charges aura pour effet de diminuer leur montant total et sera donc favorable aux finances sociales.

Jacky Le Menn a mis en avant le problème essentiel de l'indivision outre-mer ; le projet prévoit la création d'un groupement d'intérêt public à ce sujet, mais cela signifie-t-il qu'il n'y aura qu'un seul Gip pour l'ensemble des départements d'outre-mer ?

Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a répondu que la commission des lois, sensible à cette difficulté, présentera un amendement pour créer un Gip pour les Antilles et la Guyane et un autre pour l'Océan indien.

A Catherine Procaccia, qui s'enquérait de la compétence éventuelle de ce Gip à Saint-Pierre-et-Miquelon, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué qu'à ce stade, le Gip n'est créé que pour les Dom.

A l'issue de ce débat, la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur pour avis.

Après l'article 11, elle a adopté un amendement portant article additionnel tendant à harmoniser les secteurs prioritaires bénéficiaires du régime majoré d'exonération de charges sociales et à y rendre éligibles des zones rurales défavorisées définies par décret.

Avant l'article 17, elle a adopté un amendement portant article additionnel tendant à rétablir l'égalité entre la métropole et l'outre-mer en ce qui concerne le montant forfaitaire des charges, qui est une composante de l'aide au logement.

A l'article 20 (politique du logement), elle a débattu de plusieurs propositions d'amendements :

après intervention de Gilbert Barbier et Isabelle Debré portant sur le type de logements et la catégorie de propriétaires susceptibles de bénéficier de la mesure, elle n'a pas adopté un amendement tendant à rétablir la défiscalisation des travaux de réhabilitation supprimée par le projet de loi ;

elle a longuement débattu d'un amendement visant à accorder le bénéfice de la défiscalisation des logements acquis dans le secteur libre à usage de résidence principale, non pas seulement aux primo-accédants mais aussi aux propriétaires n'ayant jamais bénéficié d'une mesure de défiscalisation auparavant.

Isabelle Debré a demandé si cette mesure s'appliquerait aux foyers fiscaux ou à chacun de ses membres.

André Lardeux a souhaité savoir si des dispositifs similaires sont appliqués en métropole.

Gilbert Barbier ayant posé la question de l'existence éventuelle d'un délai obligatoire de conservation du bien, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a précisé que le propriétaire devra s'engager à le conserver au minimum cinq ans. Elle a également indiqué que les listes d'attente de logements sont particulièrement longues outre-mer et que la démographie y est plus dynamique qu'en métropole, à la fois en raison d'un taux de natalité encore élevé et de l'immigration. Dans ces conditions, il est nécessaire de faire un effort particulier en faveur du logement.

Dominique Leclerc a rappelé que la défiscalisation a produit des excès et entraîné une hausse des prix de l'immobilier.

Patricia Schillinger a considéré qu'il est nécessaire de trouver un équilibre pour favoriser l'activité dans le cadre des mesures de relance de l'économie et que la situation très dégradée de l'habitat à la Réunion justifie des mesures spécifiques.

Guy Fischer a insisté sur la nécessité de moraliser les dispositifs de défiscalisation.

A l'issue de ce débat, la commission n'a pas adopté cet amendement ;

elle a adopté un amendement précisant la notion de programme immobilier ;

elle a adopté un amendement rédactionnel ;

enfin, elle a examiné un amendement proposant d'étendre le dispositif de défiscalisation prévu en faveur du logement social à la construction de logements destinés à l'hébergement des personnes âgées.

Françoise Henneron s'est interrogée sur le coût du dispositif et les risques d'abus qui pourraient en résulter.

Nicolas About, président, a fait observer que les opérations supérieures à un million d'euros seront soumises à l'agrément du ministère du budget, ce qui encadre le dispositif. A sa question sur la destination des biens au terme des cinq années prévues, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a répondu que les logements devront être vendus à cette échéance à l'organisme gestionnaire, comme le prévoit aussi le dispositif applicable aux logements sociaux.

A la demande de Gilbert Barbier, elle a confirmé que les personnes âgées hébergées seront soumises à conditions de ressources.

Enfin, pour répondre aux inquiétudes exprimées par Isabelle Debré sur la complexité du montage proposé, elle a souligné combien les évolutions sociologiques récentes justifient l'instauration du dispositif qu'elle propose : les personnes âgées ne sont plus hébergées comme auparavant dans leur famille, si bien que les besoins en logements pour cette catégorie de population sont élevés outre-mer.

A l'issue de ce débat, la commission n'a pas adopté l'amendement proposé.

A l'article 33 (commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer), elle a examiné un amendement précisant le contenu du rapport triennal de la future commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer.

Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué son souhait d'y voir figurer le bilan des mesures relatives au logement, ainsi qu'une référence à l'ensemble des rémunérations et non pas seulement au traitement des fonctionnaires d'Etat, notion trop réductrice à son sens.

Bernadette Dupont a rappelé que les sur-rémunérations des fonctionnaires de l'Etat sont une des causes de certains problèmes de l'outre-mer.

Gilbert Barbier s'est demandé s'il ne serait pas nécessaire d'évaluer l'impact des rémunérations de l'ensemble des fonctionnaires, sans omettre les revenus des retraités.

Jean-Pierre Godefroy a rappelé, pour le regretter, l'acuité des débats qui ont eu lieu lors du vote du budget à propos des pensions des fonctionnaires outre-mer et, avec le soutien de Guy Fischer, il s'est en conséquence déclaré favorable à la rédaction plus large et moins polémique proposée par le rapporteur pour avis.

Isabelle Debré a demandé si une étude d'impact a été réalisée sur cette question du rapport triennal de la commission d'évaluation.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'amendement dans une rédaction précisant que le rapport tiendrait compte de l'impact des traitements des fonctionnaires et du niveau des rémunérations sur les mécanismes de formation des prix.

Enfin, Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle déposera, à titre personnel, les amendements non retenus par la commission, afin de permettre un débat en séance publique sur ces questions essentielles pour le développement de l'outre-mer.

Puis la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis, ainsi modifiés.

Alain Milon a demandé des éléments de calendrier pour l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires dont l'Assemblée nationale poursuit actuellement la lecture. Dans ces conditions, il lui semble techniquement difficile de respecter la date précédemment envisagée de présentation du rapport en commission le 18 mars.

Nicolas About, président, a répondu que ce point est encore flou et sera fixé sans doute lors de la prochaine conférence des présidents. Toutefois, les éléments dont il dispose laissent entendre que le texte pourrait être appelé en séance à compter du 12 mai, ce qui conduirait à l'examiner en commission le 29 avril.

Guy Fischer a souligné l'intérêt de connaître cette date suffisamment tôt pour que les sénateurs qui veulent déposer des amendements dès le stade du vote du texte de la commission aient le temps de s'y préparer.

A Gilbert Barbier, qui souhaitait savoir quand aura lieu l'audition du ministre en commission pour présenter le projet de loi, Nicolas About, président, a indiqué que cette date sera fixée dès que l'on disposera du texte complet adopté par l'Assemblée nationale.

Il a ensuite évoqué la question de la destination à retenir pour la mission annuelle de la commission. Le choix initial de la Polynésie semblant poser des difficultés, il a proposé d'étudier l'idée d'un déplacement en Californie, ce qui permettrait d'avoir recours à la compagnie aérienne avec laquelle des contacts ont déjà été pris. La mission pourrait avoir notamment pour objet d'étudier le régime d'assurance maladie, dont on annonce la réforme prochaine, et la gestion sociale de la crise économique et financière qui frappe tout particulièrement cet état américain déclaré « en faillite ». Ce déplacement pourrait avoir lieu en septembre et, avec l'accord des questeurs, être conduit par une délégation de neuf sénateurs afin de bénéficier des tarifs aériens avantageux précédemment négociés.

Jean-Pierre Godefroy a déclaré regretter l'abandon du choix de la Polynésie dans le contexte actuel des difficultés économiques, sociales et identitaires que connaît l'outre-mer. Il s'est ému du fait que certains se soient permis de commenter avec ironie ce projet de la commission, alors qu'il entre pleinement dans son champ de compétences, et plus encore lorsqu'on constate que d'autres commissions effectuent chaque année deux, voire trois missions différentes, dont l'objet pourrait prêter le flanc à la critique.

Dans le même sens, Guy Fischer a déploré l'attitude souvent méprisante de certains à l'égard de la commission des affaires sociales et le parti pris, qu'il a eu plusieurs fois l'occasion de constater, à son encontre.

Pour conclure, Nicolas About, président, a confirmé qu'il n'est certes pas dans les usages de la commission de multiplier les missions à l'étranger, ce que d'ailleurs sa charge de travail ne lui permettrait pas de faire.

A Catherine Procaccia qui demandait quel sera l'effectif des missions ultérieures, il a indiqué que les autres commissions organisent désormais plusieurs missions annuelles de six sénateurs pour permettre à tous les groupes politiques d'y être représentés.