Déposé le 11 mai 2015 par : Le Gouvernement.
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
Le présent amendement a pour objet de supprimer la disposition introduite par la Commission des lois conférant, « sauf circonstance particulière », à une décision définitive de rejet de l’OFPRA le caractère d’une OQTF.
Le Gouvernement est opposé à une telle disposition pour les raisons suivantes.
La disposition envisagée ne dit mot de l’autorité compétente pour apprécier les « circonstances particulières » qui justifieraient qu’une décision définitive de rejet de l’OFPRA ne vaut pas OQTF : OFPRA ? CNDA ? Préfet ? Juge administratif de droit commun ? La disposition envisagée fragilise ainsi toutes les décisions définitives de l’OFPRA qui vaudraient OQTF : toute personne intéressée serait en effet, par voie de conséquence, incitée à se prévaloir, quasi immédiatement et soit auprès de l’administration soit auprès du juge administratif de droit commun, de « circonstances particulières » de nature à priver l’effet (une OQTF) que l’on souhaite conférer à un rejet définitif de la demande d’asile.
Plus généralement, le dispositif constitue un mélange des genres entre l’appréciation du bien-fondé d’une demande d’asile (c’est le rôle exclusif de l’OFPRA et, le cas échéant, de la CNDA) et l’appréciation du droit au séjour qui relève d’abord de l’autorité préfectorale. D’une part, le dispositif envisagé ferait peser sur l’institution et la juridiction concernées (OFPRA et CNDA) une sorte de pression très peu compatible avec leurs missions et les conditions dans lesquelles elles doivent sereinement les remplir. En cas de rejet d’une demande d’asile, ce rejet vaudrait mesure d’éloignement : l’éloignement, phase ultérieure éventuelle, ne relève pas des missions de cette institution ou de cette juridiction, ni de la problématique spécifique quant à un besoin de protection. Il convient de laisser l’OFPRA et la CNDA travailler en toute sérénité. D’autre part, il est surprenant que le dispositif envisagé « court-circuite » en quelque sorte l’autorité préfectorale, compétente pour statuer sur un éventuel droit au séjour et pour décider de l’ensemble des mesures propres à la procédure d’éloignement : en effet, il permet aux personnes intéressées de saisir directement le juge administratif de droit commun pour contester la décision définitive de l’OFPRA en tant qu’elle vaut OQTF. Dans le cadre de ce dispositif, ce serait directement le juge qui apprécierait les « circonstances particulières » en cause et le droit au maintien ou non des intéressés sur le territoire.
En outre, alors même que la demande d’asile est finalement rejetée, la situation du demandeur a pu connaître des changements tels qu’il peut prétendre à un titre de séjour pour un autre motif (motif professionnel, familial, de santé…), ce qui fait que dans de tels cas, la décision de rejet de l’OFPRA valant OQTF serait automatiquement illégale. Certes, il est nécessaire – et c’est l’objet même de la réforme – de réduire et maîtriser les délais d’examen des demandes d’asile. Mais, en tout état de cause, de tels changements peuvent intervenir, même avec des délais réduits ou mieux maîtrisés. Et c’est d’abord à l’administration de tenir compte de ces changements et d’en tirer toutes les conséquences : soit une admission au séjour, soit la mise en œuvre d’une procédure d’éloignement. Or le dispositif envisagé ne laisse aucune place à cette phase administrative. Pire : il favorise une phase contentieuse immédiate qui se traduira au demeurant par un flux contentieux devant les juridictions de droit commun, sans que l’administration ne se soit préalablement prononcée.
Enfin, la directive « retour » de 2008, transposée par la législation sur l’éloignement votée en 2011, et les principes de notre droit imposent, en matière d’éloignement, à la fois une appréciation de chaque cas individuel et le prononcé d’un certain nombre de décisions : outre la mesure d’éloignement en elle-même (OQTF), le délai de départ volontaire ou non (qui doit être fixé dans chaque cas), la décision fixant le pays de renvoi, l’interdiction de retour sur le territoire français (qui appelle là encore une appréciation au par cas), et le cas échéant des mesures de surveillance (assignation à résidence ou rétention). Dans tous les cas, c’est au préfet d’agir et de prendre ces décisions. Dans le dispositif envisagé, aucune articulation n’est prévue entre la décision de rejet définitive de l’OFPRA qui vaudrait OQTF et les autres mesures propres à la procédure d’éloignement qui relèvent de la compétence du préfet (décision d’octroi ou non d’un délai de départ volontaire ; décision fixant le pays de renvoi ; interdiction de retour sur le territoire français ; assignation à résidence ou rétention). D’autre part, aucune articulation n’est davantage prévue entre la nouvelle disposition qui risque d’engendrer un nouveau flux contentieux devant les juridictions de droit commun (uniquement sur la valeur de principe conférée aux décisions de rejet définitives de l’OFPRA) et la procédure contentieuse mise en place en 2011 et prévue à l’article L. 512-1 du CESEDA. En particulier, si le dispositif envisagé prévoit qu’« à ce titre, [la décision définitive de rejet de l’OFPRA valant OQTF] peut faire l'objet d'une contestation devant la juridiction administrative de droit commun », le texte est muet sur le caractère suspensif ou non du recours juridictionnel, sur le délai de recours contentieux, sur la formation de jugement compétente ou encore sur le délai de jugement imparti.
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