Déposé le 20 mars 2018 par : Mme Morin-Desailly, MM. Henno, Kern, Laugier, Mme Doineau, M. Bonnecarrère, Mmes de la Provôté, Goy-Chavent, Vullien, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Maurey, Mizzon, Canevet, Cigolotti, Delcros, Loïc Hervé, les membres du groupe Union Centriste.
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre IV du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 420-2-2, il est inséré un article L. 420-2-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 420-2-3. – Est prohibée, lorsqu’elle tend à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché des services de communication au public en ligne ayant pour objet ou pour effet de subordonner de façon substantielle sur le marché des équipements terminaux la vente d’un tel équipement à l’achat concomitant d’un tel service. » ;
2° À la fin de l’article L. 420-3 et au premier alinéa du III de l’article L. 420-4, la référence : « et L. 420-2-2 » est remplacée par les références : «, L. 420-2-2 et L. 420-2-3 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 450-5, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 462-3, aux I, II et IV de l’article L. 462-5, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 462-6, à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 464-2 et au premier alinéa de l’article L. 464-9, la référence : « L. 420-2-2 » est remplacée par la référence : « L. 420-2-3 ».
La vente liée de matériels informatiques et d’applications ou services préinstallés constitue un réel frein pour le libre choix par les consommateurs de leurs outils numériques, qu’il s’agisse d’un moteur de recherche sur internet ou d’un système d’exploitation pour un ordinateur ou un smartphone. De plus, elle ne permet pas aux utilisateurs de ces matériels de choisir de façon optimale des services de communication au public en ligne en fonction de leur impact en termes de collecte et d’utilisation de leurs données personnelles.
Les contrats liant les fabricants de matériels et les concepteurs d’applications ou les éditeurs de services de communication, apparemment visés par le présent article, sont certes à l’origine de ces ventes dites liées ou subordonnées.
Pour autant, au regard des principes constitutionnels de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l’industrie comme des règles du code civil en matière de droit des contrats, de tels contrats sont licites. De plus, depuis 2009, la Cour de justice de l’Union européenne considère que les procédés de vente liée sont licites et juge contraires au droit européen les règles nationales les interdisant par principe, dès lors que ces procédés ne figurent pas dans la liste des pratiques interdites en toutes circonstances fixée par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales.
Sur la base de cette jurisprudence européenne, la législation française a d’ailleurs dû évoluer, après mise en demeure par la Commission européenne. L’article L. 121-11 du code de la consommation dispose ainsi qu’est « interdit le fait de subordonner la vente d’un produit (…) à l’achat concomitant d’un autre produit (…) dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale ». Or, telle qu’elle est définie de façon rigoureuse par l’article L. 121-1 du même code, la pratique commerciale déloyale ne saurait s’appliquer de façon générale au type de contrat visé par le présent article : « une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ».
Dans ces conditions, le nouvel article 17 bis du projet de loi, tel qu’il est conçu, soulève de sérieuses difficultés de constitutionnalité et de conventionnalité, en prévoyant la nullité de certains contrats au motif qu’ils auraient pour effet d’imposer à un tiers au contrat, consommateur, l’achat d’un produit combiné à un autre produit. En outre, l’hypothèse selon laquelle de tels contrats pourraient en eux-mêmes méconnaître les principes du recueil du consentement pour la collecte et le traitement de données à caractère personnel, tels qu’ils résultent du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, paraît trop indirecte et incertaine pour être admise au regard du droit européen.
Si la question posée est légitime, une autre réponse doit donc lui être apportée, au-delà du seul droit de la consommation, qui n’offre pas de garanties suffisantes.
Dans le domaine du droit de la concurrence, l’article L. 420-2 du code de commerce prohibe « l’exploitation abusive par une entreprise (…) d’une position dominante sur le marché intérieur », de tels abus pouvant notamment « consister (…) en ventes liées ».
L’Autorité de la concurrence est compétente pour connaître et sanctionner de telles pratiques. L’article L. 420-3 du même code ajoute qu’est « nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée ». La compétence appartient ici au juge civil. Dès lors, il conviendrait de renforcer des moyens offerts par le droit de la concurrence pour lutter contre les abus de position dominante ayant pour effet d’imposer au consommateur d’acheter des matériels informatiques dotés dès l’achat d’applications et services, du fait de la position dominante des éditeurs de ces applications et services vis-à-vis des fabricants, alors que le marché de ces services et celui des matériels constituent deux marchés distincts au sens du droit de la concurrence.
Tel est l’objet du présent amendement, qui propose d’introduire un nouvel article L. 420-2-3 dans le code de commerce pour prohiber l’exploitation abusive par une entreprise d’une position dominante sur le marché des services de communication au public en ligne ayant pour objet ou pour effet de subordonner de façon substantielle sur le marché des équipements terminaux la vente d’un tel équipement à l’achat concomitant d’un tel service. Les sanctions encourues pour de telles pratiques seraient celles que peut prononcer l’Autorité de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles, en particulier des sanctions pécuniaires. De plus, la prohibition de telles pratiques permettrait également, en application de l’article L. 420-3 du même code, d’obtenir devant le juge l’annulation des contrats à l’origine de telles ventes liées abusives.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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