Déposé le 9 avril 2018 par : M. Frassa, rapporteur.
Après l’article 1erter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre Ierdu livre III du code pénal est ainsi modifié :
1° Après la section 1, est insérée une section 1 bisainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Du détournement d’une information économique protégée
« Art. 314-4-1. – Le fait d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer de façon illicite une information protégée au titre du secret des affaires en application du chapitre Ierdu titre V du livre Ierdu code de commerce, en contournant sciemment les mesures de protection mises en place par son détenteur légitime, afin d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. »
2° La section 4 est ainsi modifiée :
a) Au premier alinéa de l’article 314-10, la référence : « et 314-3 » est remplacée par les références : «, 314-3 et 314-4-1 » ;
b) Au premier alinéa de l’article 314-12, la référence : « et 314-2 » est remplacée par les références : «, 314-2 et 314-4-1 ».
Le présent amendement vise à instaurer un délit spécifique d’espionnage économique, qui serait dénommé détournement d’une information économique protégée. Ce délit serait puni des mêmes peines que celles prévues par l’article 314-1 du code pénal pour le délit d’abus de confiance.
Seraient également prévues, par l’application des règles déjà fixées par le code pénal, des peines complémentaires (interdiction d’exercer certaines activités professionnelles, exclusion des marchés publics…) et des peines applicables aux personnes morales (quintuplement du montant de l’amende, interdiction d’exercer certaines activités, confiscation…).
L’instauration d’un tel délit est nécessaire, dans un texte relatif à la protection du secret des affaires, pour sa portée plus dissuasive que la simple action civile à l’égard de certains intérêts économiques étrangers cherchant à se procurer de façon illicite des informations protégées détenues par des entreprises françaises.
De plus, les incriminations pénales existantes (vol, violation du secret professionnel, abus de confiance, intrusion dans un système informatique…) ne suffisent pas à prendre en compte de façon complète, homogène et satisfaisante les différentes hypothèses de violation du secret des affaires par un concurrent.
Si la définition du secret des affaires par la proposition de loi peut paraître trop large et imprécise pour fonder en elle-même un délit, la formulation de cette nouvelle incrimination pénale est en revanche conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, en ce qu’elle comporte un élément matériel précis, avec le fait de contourner sciemment les mesures de protection mises en place par le détenteur légitime du secret, dans le but d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique. Cette infraction intentionnelle nécessitera, pour être constituée, la preuve du dol général – la volonté d’obtenir une information protégée en contournant sciemment des mesures de protection, et donc en ayant conscience de violer la loi pénale –, mais également la preuve d’un dol spécial – la volonté d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique.
Au demeurant, certaines incriminations pénales sont aujourd’hui rédigées dans des termes bien moins précis que la définition du secret des affaires. Il en est ainsi, par exemple, pour le délit de violation d’un secret de fabrication, que le code du travail définit comme « le fait pour un directeur ou un salarié de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrication», sans plus de précision sur la notion même de secret de fabrication (article L. 1227-1 du code du travail). Il en est de même pour le délit de violation du secret professionnel, que le code pénal définit comme « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire» (article 226-13 du code pénal) : la définition du secret des affaires dans la proposition de loi est plus précise qu’une simple information à caractère secret. Le secret professionnel de l’avocat, tel que défini à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, n’apparaît pas davantage plus précis que la définition du secret des affaires par la proposition de loi.
Enfin, ce délit d’espionnage économique ne pourrait en aucun cas s’appliquer à des journalistes, des lanceurs d’alerte ou des représentants des salariés, dès lors que l’élément moral de l’infraction consisterait à vouloir se procurer un avantage de nature exclusivement économique. Cette finalité exclut par définition les personnes auxquelles le secret des affaires n’est pas opposable dans le cadre de l’exercice de la liberté de la presse, du droit d’alerte ou de la représentation des salariés.
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