Déposé le 18 avril 2018 par : Mme Lienemann, M. Assouline, Mmes Taillé-Polian, Gisèle Jourda, Lubin, de la Gontrie, Meunier, MM. Jomier, Patrice Joly, Cabanel, Mme Préville.
Alinéa 21
Après le mot :
légitime
insérer les mots :
dans un but de concurrence illégitime, permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l’entreprise victime,
L’amendement de l’article L. 151-3 de la proposition de loi propose de protéger plus efficacement les chercheurs, journalistes, lanceurs d’alerte, associations, ONG ainsi que les personnes protégées par la loi sur le devoir de vigilance par l’encadrement du champ d’application de la proposition de loi n°675 à l’esprit initial du texte ayant inspiré la directive, c’est à dire par la protection des informations obtenues, utilisées et divulguées par des entreprises qui profiteraient indûment des investissements réalisés par d’autres dans un contexte exclusivement concurrentiel, et ce, conformément à l’Accord sur les aspects de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) conclu en 1994 dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce.
La proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, met en place un système de protection des savoir-faire et des informations commerciales (les secrets des affaires) dont la nécessité n’est pas contestée mais qui ne mentionne pas que son champ d’application se restreint au champ concurrentiel.
En l’absence d’une mention limitant la protection du secret des affaires à l’exploitation déloyale dans le commerce, toute personne ayant un intérêt - autre qu’économique - à obtenir, utiliser et divulguer des informations protégées devra prouver qu’elle peut se prévaloir de l’une des dérogations prévues par le texte de la directive.
Ce système reposant uniquement sur des dérogations est fragile dans la mesure où il est incomplet. En effet, en érigeant la protection du secret des affaires en principe assorti d’exceptions limitativement énumérées, le texte expose les chercheurs, les ONG, les syndicats, les journalistes et les lanceurs d’alerte à des procédures judiciaires longues et coûteuses qui auront nécessairement pour effet de générer de l’auto- censure. Ainsi, le problème posé est double car le système de dérogations ne permet pas de protéger efficacement toutes les personnes non-mentionnées dans le texte et contraint celles qui le sont à devoir justifier de leur qualité devant un juge.
Le texte menace aussi les personnes ayant obtenus des droits dans le cadre de la loi sur le devoir de vigilance. Sur ce point, le risque est d’exposer les personnes initialement protégées par la loi sur le devoir de vigilance à des risques accrus de poursuites sur le fondement du secret des affaires, lorsqu’elles essayent d’utiliser le mécanisme d’alerte prévu par la loi ou lorsqu’elles portent des actions judiciaires sur son fondement.
Sur le plan juridique, cet amendement de l’article L. 151-3 n’est pas contraire au texte de la directive dans la mesure où il s’inscrit clairement dans l’esprit du texte.
Ainsi, selon les considérants 5 et 6 du texte de la directive, “les efforts entrepris au niveau international dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce pour remédier à ce problème [l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites de renseignements non divulgués ayant une valeur économique importante] ont débouché sur la conclusion de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.” Cependant, “nonobstant l'accord sur les ADPIC, il existe d'importantes différences entre les législations des États membres en ce qui concerne la protection des secrets d'affaires contre leur obtention, leur utilisation ou leur divulgation illicite par des tiers”.
Comme le montrent les éléments précités, l’accord sur les ADPIC a donc servi de base à la directive pour renforcer et harmoniser la protection juridique accordée aux secrets des affaires dans les États membres. L’article 39 de l’accord sur les ADPIC relatif à la protection des renseignements non divulgués est à l’origine de la définition du “secret d’affaires” prévue à l’article 2§1 de la directive n°2016/943. En effet, selon les dispositions de l’article 39§1 et §2 :
“1. En assurant une protection effective contre la concurrence déloyale conformément à l'article 10bis de la Convention de Paris (1967), les Membres protégeront les renseignements non divulgués conformément au paragraphe 2 et les données communiquées aux pouvoirs publics ou à leurs organismes conformément au paragraphe 3.
2. Les personnes physiques et morales auront la possibilité d'empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d'une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements:
a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles;
b) aient une valeur commerciale parce qu'ils sont secrets; et
a. aient fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets.”
Il ressort donc de ces éléments que la directive a vocation à protéger les informations des acteurs économiques entre eux et non pas à l’encontre d’autres acteurs qui ont des intérêts à obtenir, diffuser et divulguer les savoir-faires et les informations commerciales dans un but non-économique.
De plus, il est d’autant plus important de circonscrire clairement le champ d’application de la directive aux informations utilisées dans le champ concurrentiel, que le droit français dispose déjà de nombreux textes en droit de la propriété intellectuelle, droit de la concurrence et du droit du travail pour protéger ces informations et qu’aucune étude d’impact du texte n’a été réalisée.
Par ailleurs, dans la mesure où cet amendement est conforme à l’esprit de la directive, cet amendement n’est pas en contradiction avec le texte de la directive.
Enfin, il est important de rappeler que la transposition d’une directive laisse une marge de manoeuvre aux États membres pour transposer les textes dès lors qu’ils remplissent les objectifs définis par la directive.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
La mention « Tombé » signifie qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'amendement au vote du Sénat dans la mesure où soit l'objectif poursuivi par l'amendement a été atteint par l'adoption d'un autre amendement (ex. : amendement de rédaction globale incluant la modification proposée), soit, au contraire, l'amendement était incompatible avec un amendement précédemment adopté (ex. : l'adoption d'un amendement de suppression fait tomber tous les autres).
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