Déposé le 4 juillet 2018 par : Mme Billon, M. Médevielle, Mme Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot, Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar, Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga, Maurey, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Jasmin, MM. Cadic, Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, de Cidrac, Laure Darcos, Boulay-Espéronnier.
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 9 du titre Ierdu livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « L’éducation à la santé, à l’égalité femmes-hommes et à la sexualité » ;
2° L’article L. 312-16 est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-16. – Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène.
« Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d’autres intervenants extérieurs conformément à l’article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé peuvent également y être associés.
« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles comprennent, à tous les stades de la scolarité, une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre les violences commises au sein du couple.
« Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences. » ;
3° Après le même article L. 312-16, il est inséré un article L. 312-16-… est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-16-.... – Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogène. Le dernier alinéa de l’article L. 312-16 est applicable. » ;
4° L’article L. 312-17-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-17-1. – Un cours d’apprentissage sur les premiers secours est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret. » ;
5° L’article L. 312-17-1-1 est abrogé.
Cet amendement est inspiré par les conclusions de deux récents rapports de la délégation aux droits des femmes : Prévenir et combattre les violences faites aux femmes, un enjeu de sociétéet Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : contribution au débat.
Ces recommandations concernent la prévention des violences faite aux femmes par l’éducation à la sexualité, et appellent à rendre effectives les trois séances prévues par l’article L. 312-16 du code de l’éducation. Le Défenseur des Droits concluait dans son dernier rapport d’activité à la même exigence et plaidaitpour une mise en œuvre obligatoire de ces séances dans tous les établissements scolaires, dans une logique delutte contre les stéréotypes.
Le présent amendement tire les conséquences du souhait de la délégation aux droits des femmes de mieux articuler les dispositions du code de l’éducation relatives à l’éducation à la sexualité et à l’« information consacrée à l’égalité entre hommes et femmes ».
L’amendement propose donc une nouvelle rédaction de la section 9 du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation, qui préserve tous les modules d’enseignement existants en renforçant la cohérence de leur cadre légal.
La loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a en effet prévu des séances d’éducation à la sexualité en milieu scolaire : l’article L. 312-16 du code de l’éducation dispose qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupe d’âge homogène ». Par la suite, la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a ajouté que ces « séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes ».
Malheureusement, cette obligation légale est inégalement mise en œuvre, comme l’a montré un rapport du Haut Conseil à l’Égalité (HCE) de 2016. Cette étude établissait un constat global d’insuffisance et d’inadaptation des séances d’éducation à la sexualité. Parmi les causes de ces insuffisances, le HCE relevait diverses origines :
- ces modules sont le plus souvent abordés dans un esprit de prévention du Sida et des grossesses non désirées, et non de manière à encourager des relations égalitaires entre filles et garçons et à contrer l’influence des code de la pornographie sur les adolescents, qui y font leur éducation sexuelle ;
- la notion de « respect » y est évoquée, mais « les questions de violences sexistes et sexuelles ou d’orientation sexuelle sont les moins abordées ».
La délégation a regretté, dans son rapport d’information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes, un enjeu de sociétéque, « faute d’une éducation à la sexualité adaptée aux besoins des jeunes, [ce soit] la pornographie qui, avec les réseaux sociaux, accompagne leurs débuts dans la vie amoureuse ». Or la pornographie, et les réseaux et outils numériques qui en véhiculent les images, sont responsables de ladiffusion de modèles de relations où la performance l’emporte sur les émotions et les sentiments, et où la soumission des femmes l’emporte sur le plaisir partagé. Ils contribuent à propager une conception très inégalitaire des relations entre femmes et hommes. De plus, le rapport précité du HCE relève que, du fait de cette influence, « la frontière entre sexualité et violence paraît très mince [pour] certains garçons ».
Il est donc absolument nécessaire que les séances d’éducation à la sexualité intègrent cette dimension essentielle de l’éducation à l’égalité prévue par l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation« dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogène ».
Il est essentiel aussi qu’elles concernent les élèves pendant toute leur scolarité : au moment du lycée, il est déjà trop tard et les stéréotypes sont déjà ancrés dans les esprits, tant des filles que des garçons. Ce constat appelle donc à agir dès les petites classes. Les clichés sur les rôles et attitudes attendus des hommes et des femmes sont en effet un piège pour les deux sexes, comme le souligne le rapport de l’Observatoire européen des violences scolaires, publié le 31 mai 2018. Il est nécessaire que les adolescents, filles et garçons, n’en soient pas prisonniers.
Or, comme la délégation l’a relevé dans son rapport d’information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes, un enjeu de société, le cadre légal de l’éduction à la sexualité est confus et « difficile à comprendre ».
En effet, les articles L. 312-16 à L. 312-17-2 du code de l’éducation, qui constituent un ensemble intitulé L’éducation à la santé et à la sexualité, prévoient, en plus des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité :
- une information sur les conséquences de la consommation d’alcool par les femmes enceintessur le développement du fœtus, dans les collèges et lycées ;
- une information sur la législation relative au don d’organesà fins de greffe, dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur.
Par ailleurs, l’article L. 312-16, qui concerne spécifiquement l’éducation à la sexualité, comprend un« cours d’apprentissage sur les premiers gestes de secours » : nul ne songerait à nier l’utilité de cette formation, mais elle n’aa priori aucun rapport avec l’éducation à la sexualité. De plus, destinée aux élèves des collèges et des lycées, elle insère une certaine confusion dans un dispositif concernant tous les élèves, de l’école au lycée.
À la même section du code de l’éducation appartiennent aussi deux articles qui, quant à eux, relèvent de l’égalité femmes-hommes :
- l’article L. 312-17-1 vise « l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences faites aux femmeset les violences commises au sein du couple » ; cette information est dispensée« à tous les stades de la scolarité » ; le code ne mentionne pas de nombre de séance spécifique ni de classe précise, se bornant à indiquer que cette « information » est « dispensée à tous les stades de la scolarité » ;
- l’article L. 312-17-1-1 porte sur une« information sur les réalités de la prostitutionet les dangers de la marchandisation du corps », « dispensée dans les établissements secondaires ».
Il est donc nécessaire de revoir le contenu de cette section du code de l’éducation, qui serait intitulée « l’éducation à la santé, à l’égalité femmes-hommes et à la sexualité » :
- pour permettre le rapprochement des séances d’éducation à la sexualité (article L. 312-16) et de l’ « information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes » (article L. 312-17-1), qui présentent la particularité, par rapport aux autres enseignements de cette section, de concerner tous les élèves de l’école au lycée ;
- pour créer un article spécifique concernant l’apprentissage des premiers gestes de secours (dernier alinéa de l’actuel article L. 312-16), destiné aux élèves des collèges et lycées.
Cette section du code de l’éducation comprendrait aussi, comme c’est le cas actuellement :
- une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation des corps (article L. 312-17-1-1, qui devient l’article L. 312-16-1), qui vise les élèves des collèges et lycées ;
- l’information sur l’alcoolisation du fœtus (article L. 312-17, qui devient l’article L. 312-17), destiné aux élèves des collèges et lycées ;
- l’information sur le don d’organe (article L. 312-17-2, qui conserve sa place dans la section), qui pour sa part relève des lycées et établissements d’enseignement supérieur.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.