Déposé le 29 septembre 2021 par : Mmes Boulay-Espéronnier, Belrhiti, M. Saury, Mmes Dumas, Bellurot, Noël, M. Sol, Mme Muller-Bronn, MM. Genet, Henri Leroy.
Après l’alinéa 7
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’il est sollicité par une personne physique, propriétaire, pour procéder à l’euthanasie non médicalement justifiée de son animal de compagnie ou de son équidé, l’animal n’étant pas jugé dangereux après l’évaluation comportementale prévue à l’article D. 211-3-1 du code rural, le vétérinaire convoque dans les cinq jours ouvrés une réunion collégiale. Cette réunion est chargée, en vue de statuer sur le sort de l’animal en fonction de son intérêt, de proposer le cas échéant des alternatives dans les cinq jours ouvrés suivants.
« Le fait d’avoir fait procéder à l’euthanasie de l’animal sans la tenue d’une réunion collégiale est passible de la sanction prévue au présent article.
« Un décret fixe les conditions de mise en œuvre de ces dispositions. »
L’euthanasie de convenance correspond à une euthanasie demandée par le propriétaire de l’animal qui n’est pas justifiée médicalement ou sanitairement. En ce sens, elle devrait être condamnée au titre de l’article R655-1 du code pénal. Or, il n’en est rien, le propriétaire pouvant toujours évoquer un cas de nécessité (économique, sociale, etc.) que les tribunaux lui reconnaissent beaucoup trop facilement.
L’euthanasie de convenance est une préoccupation majeure de l’ensemble des associations de protection animale. A ce titre, sa suppression était incluse dans les propositions portées par le collectif Animal politique lors de la dernière élection présidentielle.
L’euthanasie de convenance sur les animaux de compagnie est fréquente.« L’association Animal Cross en a établi une estimation concernant les refuges et fourrières sur la base des données du ministère de l’agriculture et de l’alimentation ( DGAL/SDSPA/2017-638, « Bilan de l’opération protection animale vacances 2016 » juillet 2017). Les euthanasies sans justification sanitaire sont ainsi évaluées en 2016 à 8.428 pour les chiens et 19.450 pour les chats. Un total donc de 27.878 sur approximativement 112.508. À ces dernières devraient s’ajouter les euthanasies réalisées en établissement vétérinaire. D’après une étude menée par Claire Borrou-Mens, celles-ci atteindraient approximativement les 40.000 annuellement » ou 8% des euthanasies si tous les 5000 vétérinaires libéraux ont la même pratique que cette vétérinaire. (Le bien-être des animaux de compagnie et des équidés, Rapport du député L. Dombreval, p64). Selon l’enquête de cette vétérinaire, 39% des vétérinaires canins (8 % parfois et 31% rarement) pratiquent des euthanasies considérées comme de convenance pour eux, à quoi s’ajoutent les euthanasies essentiellement motivées par des motifs d’agressivité (pour la sécurité humaine) ou de coût du traitement (propre au propriétaire comme en cas de décès, déménagement, divorce, caprice etc. ) qui sont les plus nombreuses.
Concernant les équidés, la fin de vie est une réelle problématique dans cette filière, surtout depuis que la filière bouchère ne constitue plus un débouché important en lien avec la baisse de l’hippophagie. Alternative à l’exclusion de la chaîne alimentaire et au coût élevé d’entretien d’un cheval inactif, la question de l’euthanasie de convenance est malheureusement régulièrement posée à des vétérinaires, les propriétaires d’équidés n’étant pas toujours enclins à assumer leur animal jusqu’au bout une fois qu’ils ne peuvent plus l’utiliser... Nous ne disposons pas de chiffres permettant d’évaluer l’importance des euthanasies dans la filière équine. Nous savons juste qu’environ 160 000 chevaux ont été mis à la retraite en 2019.
Le défaut de structures d’accueil pour ces équidés âgés est régulièrement pointé du doigt et il y a en effet très peu d’endroits pour les accueillir en France. Des administrations comme la garde républicaine disposent d’un point de chute spécifique pour les équidés qui ne sont plus utilisés mais une telle option est rare.
Par ailleurs, la Cour de cassation a récemment émis un avis reconnaissant pour la première fois le « le droit à la vie du chien » dans le cadre d’une affaire où le Préfet de Paris souhaitait euthanasier un chien catégorisé contre l’avis d’un vétérinaire.
L’amendement vise spécifiquement les animaux de compagnie et équidés possédés par un particulier. Il s’agit d’une motivation pragmatique, pour rejoindre la proposition du Comité d’éthique animal environnement santé remise en juillet 2020 à la demande de l’Ordre des vétérinaires.
L’amendement exclut aussi de son champ les euthanasies à la demande d’une autorité.
Selon ce Comité d’éthique, « il semble nécessaire de procéder à la distinction entre les animaux de compagnie ou de loisir et les animaux d’élevage, de zoos ou de refuges. L’acquisition et/ou la détention d’un animal de compagnie ou de loisir relève du plaisir et de la satisfaction du propriétaire. Ce dernier doit assumer son choix, même si les contraintes financières ou matérielles, en cas de maladie chronique ou de sénilité avancée par exemple, peuvent s’avérer importantes. Il appartiendra au praticien d’évaluer le caractère insoutenable pour le propriétaire de ces contraintes et de pratiquer l’euthanasie à la lumière de cette évaluation. Si au contraire, la situation ou l’état de santé de l’animal (des animaux) peut s’améliorer par l’intermédiaire d’une solution alternative ou d’un traitement, la demande d’euthanasie devrait être rejetée. Pour les animaux d’élevage, de zoos ou de refuges, des contraintes de soutenabilité financière doivent être prises en compte. »
En instaurant une réunion collégiale, l’amendement cherche à offrir une ultime chance à l’animal en desserrant l’étau qui pèse sur le vétérinaire seul.
Les vétérinaires sont formés pour soigner les animaux, et l’euthanasie de convenance, quand ils doivent prendre seuls leur décision, est un dilemme moral pour un grand nombre. Le burnout compassionnel lié aux euthanasies de convenance a fait l’objet de nombreuses communications scientifiques. Ils se sentent « coincés » par la demande pressante du propriétaire de l’animal, obligés de procéder à un acte qu’ils réprouvent.
Par ailleurs, la discussion avec des parties extérieures peut apporter des solutions nouvelles. Enfin, certains vétérinaires peuvent être moins scrupuleux que d’autres et euthanasier facilement.
Le principe d’une décision collégiale est inspiré de ce qui se passe pour l’être humain. En effet, lorsqu’une décision de sédation profonde et continue est décidée pour une personne humaine, la décision est prise de manière collégiale. La Haute autorité de santé recommande « une procédure collégiale avec le médecin qui suit le patient, les membres présents de l’équipe soignante et au moins un médecin extérieur ».
L’animal étant un individu sensible, chaque cas doit être considéré spécifiquement. Il ne saurait y avoir de décision globale.
La forme que peut prendre cette réunion collégiale est très simple : par exemple le vétérinaire filme avec son téléphone l’animal sur la table de consultation ou se déplaçant dans son cabinet, décrit son état de santé et ses autres caractéristiques et la demande du propriétaire et envoie ce film court aux personnes membres de la réunion collégiale. La charge de travail additionnelle paraît acceptable en comparaison des enjeux pour l’animal.
Cette réunion collégiale réunirait le vétérinaire sollicité, ses collègues vétérinaires, le propriétaire de l’animal, une (des) auxiliaire(s) spécialisées vétérinaire(s), une (des) association(s) de protection animale, d’autres experts de la condition animale (ex : inspecteurs de santé publique vétérinaire). La durée de 5 jours ouvrés après la tenue de la réunion permet de trouver des solutions, même si cette durée reste limitée. Il reviendrait à chaque vétérinaire de choisir les membres de sa réunion collégiale selon des principes à préciser dans un décret.
Cet amendement appelle par la suite un financement permettant de venir en aide aux animaux susceptibles d’être euthanasiés. Il rend aussi visible une situation trop souvent cachée.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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