Déposé le 5 mai 2023 par : MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Parigi, Mmes Poncet Monge, Mélanie Vogel.
Supprimer cet article.
Cet amendement propose de supprimer l’article 8, qui représente un recul environnemental et sanitaire important.
En effet, pour des raisons sanitaires et environnementales, les épandages aériens sont de principe interdits dans l’Union européenne. L'article 9 de la directive 2009/128/CE pose le principe d'une interdiction des traitements aériens par produits phytopharmaceutiques dans l'Union européenne, principe assorti de dérogations, qui doivent respecter des conditions strictes, et notamment l'absence d'autre solution viable ou la présence d’« avantages manifestes » de cette pratique par rapport à l'application terrestre des pesticides.
C’est dans ce cadre qu’une expérimentation de l’usage des drones avait été proposée dans la loi Egalim en 2018, avec un périmètre circonscrit aux territoires en pentes, et aux produits certifiés bio ou utilisés dans les exploitations à haute valeur environnementale. Cette expérimentation, à laquelle les écologistes s’étaient opposés, s’est achevée en 2021. Il conviendrait donc, en conformité avec le droit européen, de s’interroger sur ses résultats avant de généraliser l’épandage par drone à tous les types de terrains et tous les types d’exploitations, comme le propose l’article 8 de la présente proposition de loi.
Les membres du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estiment, de façon globale, que le triptyque « robotique, génétique, numérique » plébiscité par la politique gouvernementale, et dans l’esprit duquel s’inscrit cet article, n’est globalement pas le bon levier pour orienter la politique agricole, car il favorise l’agrandissement des exploitations, privilégie la mécanisation à l’installation de paysans nombreux permettant de faire vivre les territoires, et limite leur autonomie en les rendant dépendant d’industriels et d’acteurs du numérique pour la conduite de leur ferme, acteurs qui collectent au passage des données parfois stratégiques.
De plus, dans ce cas précis de l’épandage par drone, on constate une absence d’éléments permettant d’établir l’efficacité et la sécurité de ce dispositif sur les plans de la santé et de l’environnement, en particulier sur le risque de dérives, dans un contexte agricole français marqué par une forte proximité entre le parcellaire agricole et des habitations ou des cours d’eau.
En effet, l’ANSES a publié le 14 octobre 2022 une étude concernant l’utilisation de drones pour la pulvérisation de pesticides, qui ne permet pas de conclure qu’elle présente un intérêt pour la santé et l’environnement et pour l’efficacité de la protection des cultures, et met en évidence le manque d’informations disponibles sur le sujet.
Cette étude pointe une dérive aérienne 4 à 10 fois supérieure pour les vignes et les bananeraies, ainsi qu’une potentielle dérive dans les sédiments 3 à 5 fois plus importante pour les pommiers, par rapport à l’épandage terrestre. En effet, les drones entraînent un courant descendant, dû à leurs rotors, ce qui représente des risques différents des technologies préexistantes, risques sur lesquels l’ANSES pointe un manque de données.
Il y a donc des risques pour les riverains des lieux d’épandage, même si l’ANSES relève un manque de données pour apporter une conclusion définitive.
L’étude de l’ANSES pointe également un risque pour les travailleurs : si l’opérateur pourrait être mieux protégé, les travailleurs intervenant sur les parcelles pourraient être plus exposés du fait d’une variabilité des dépôts plus importante avec la pulvérisation par drone. Encore une fois, l’ANSES pointe un manque de données sur ce point.
Enfin, l’efficacité des drones par rapport à l’épandage terrestre semble remise en question par l’étude de l’ANSES puisqu'elle semble très dépendante de certaines conditions biologiques, végétatives, climatiques et topographiques.
Au regard de ces éléments, notamment le manque d’informations sur les impacts potentiels sur l’environnement et la santé des travailleurs et des riverains, il paraît aujourd’hui particulièrement risqué et inopportun d’autoriser l’utilisation de drone pour la pulvérisation de pesticides, d’autant plus que leur efficacité n’est pas consensuelle.
Outre ces éléments apportés par l’ANSES, l’Union Nationale de l’Apiculture s’inquiète également d’un autre problème qui pourrait découler de l’utilisation de drones : l’utilisation de drones la nuit est plus complexe en raison du manque de luminosité. Si des solutions existent (lumières infrarouges, installation de leds, etc.), celles-ci entraînent un coût supplémentaire. Ainsi, les traitements de nuit ne seront pas favorisés par ce procédé de pulvérisation. Or, ils sont à privilégier car c’est là que l’impact sur les pollinisateurs est moindre.
Au regard de tous ces éléments, cet article est particulièrement problématique, à l’heure où les études scientifiques sur l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement – et notamment sur la qualité de l’eau, continuent de s’accumuler.
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