Déposé le 5 mai 2023 par : MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Parigi, Mmes Poncet Monge, Mélanie Vogel.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 12 qui complexifie inutilement le droit existant et pose une définition problématique de l’intérêt général.
Tout d’abord, cet article propose que des mesures législatives ou réglementaires allant plus loin que la réglementation européenne, ne soient adoptées que si elles sont justifiées par un motif d’intérêt général suffisant.
Cette précision est inutile, puisqu’au regard du droit actuel, les réglementations et législations doivent déjà être justifiées par l’intérêt général : l’intérêt général est ainsi une condition de la constitutionnalité de la loi, et un instrument de contrôle de la légalité des textes réglementaires comme le rappelle différentes communications du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État (voir par exemple les Cahiers du Conseil Constitutionnel N° 16 « L'intérêt général, norme constitutionnelle » ou le rapport public du Conseil d’État, « Réflexions sur l'intérêt général »), ou encore l’article L. 100-2 code des relations entre le public et l’administration, qui établit que « l'administration agit dans l'intérêt général »
Par ailleurs, en plus d’être inutile, cet article est particulièrement problématique puisque, pour l’application de ce principe selon lequel, pour proposer des mesures allant plus loin que le droit européen, il convient de s’appuyer sur l’intérêt général, il propose que le Gouvernement remette au Parlement et au public un rapport sur les conséquences financières de ces mesures.
Les autres dimensions des politiques publiques qui permettent pourtant de qualifier l’intérêt général - objectifs environnementaux, santé de la population, développement des territoires, ne seraient ainsi pas incluses dans ce rapport. L’article 12 semble ainsi par sa rédaction, réduire l’évaluation de l’intérêt général à une analyse des conséquences financières pour les entreprises agricoles des mesures proposées, ce qui semble particulièrement réducteur et dangereux pour la construction des politiques publiques.
De plus, si une analyse de l’articulation entre droit européen et droit national devrait être proposée en amont de l’adoption des textes législatifs et réglementaires, elle devrait permettre d’identifier également les manquements de la France aux différents textes européens, alors que la France est régulièrement mise en cause voire condamnée pour non-respect de réglementation européenne notamment environnementale.
Il convient ainsi de rappeler que la Commission européenne a adressé à la France, en février 2023, un avis motivé lui demandant de se mettre en conformité avec la directive sur l’eau potable, rappelant que « l'eau potable actuellement distribuée à plusieurs milliers de personnes dans le pays ne respecte toujours pas la valeur limite applicable aux nitrates, en violation de la directive sur l'eau potable ».
De même, dans une décision du 15 novembre 2021, le Conseil d'Etat a enjoint au Gouvernement de prendre, sous six mois, les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’utilisation de pesticides soit effectivement restreinte voire interdite dans les zones Natura 2000, pour se conformer au droit européen.
Les cas de « sous réglementation » pourraient ainsi être plus nombreux que ce que les auteurs du projet de loi appellent des « surrèglementations » : un rapport du Gouvernement remis au Parlement en 2022 montre que les surtranspositions sont rares, et que, lorsqu’elle existent elles correspondent à une volonté politique assumée. Ce rapport estime ainsi qu’il serait « inopportun » voire « néfaste » de remettre en cause cette volonté car cela « conduirait, le plus souvent, à s’aligner sur le niveau minimal d’harmonisation au niveau européen ». Il estime aussi qu’il est « totalement assumé de maintenir des règles qui vont au-delà des normes minimales européennes », afin de mieux « protéger les entreprises et les citoyens, que ce soit en matière économique, sociale, environnementale ou en termes de sécurité ».
Dans cet esprit, le Groupe Écologiste, Solidarité et Territoires rappelle qu’au regard de l’accumulation des informations scientifiques sur les risques liés aux impacts des pratiques agricoles industrielles pour la santé et l’environnement, aller au-delà du droit européen est dans bien des cas nécessaire. La France devrait se positionner en leader sur les sujets sociaux, sanitaires et environnementaux, afin d’anticiper les problématiques à venir, et de tirer vers le haut la réglementation européenne.
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