Déposé le 5 mai 2023 par : MM. Labbé, Salmon, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Parigi, Mme Mélanie Vogel.
Supprimer cet article.
L’article 19 modifie les missions générales de Pôle emploi, en inscrivant dans la loi le principe d’une « orientation active » des demandeurs d’emploi vers les secteurs « en tension ».
Tout d’abord, sur la forme, il semble éminemment problématique de modifier les missions générales de Pôle emploi dans un texte à la thématique agricole, sans saisine de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, sur le fond, cette réforme des missions de Pôle emploi apparaît particulièrement problématique.
En effet, les études de Pôle emploi ont montré que les échecs de recrutement sur les postes non pourvus étaient davantage liés à un manque d’expérience, de compétence ou de motivation des candidats qu’à une absence de candidatures. Il semble donc que l’orientation active des demandeurs d’emploi vers les secteurs en tensions ne peut que se révéler inefficace sans réflexion sur la formation et le parcours, les aspirations et les compétences du demandeur d’emploi.
Il semble ainsi plus efficace de réfléchir à l’attractivité des conditions de travail dans les secteurs dits en tensions, d’accompagner les TPE pour la construction de fiches de poste, et l’accueil de salariés dans des conditions permettant de créer des emplois durables et de qualité.
Ainsi, la DARES avait bien souligné que les problèmes d’embauche dans la plupart des métiers en tension résultaient d’un manque d’attractivité lié aux conditions de travail et de salaires dans son étude “Quelle relation entre difficultés de recrutement et taux de chômage”, où elle estime que « l’apaisement des difficultés de recrutement (et la baisse du chômage) pourrait aussi passer par l’amélioration des conditions de travail et/ou la revalorisation des salaires dans certains métiers ». La notion d’« orientation active » des demandeurs d’emploi vers les secteurs en tensions semble donc reposer sur une analyse en grande partie erronée.
Sur le secteur agricole, qui est défini par l’article 19 comme étant structurellement réputé « en tension », une réflexion importante est à amorcer sur les conditions de travail.
S’il peut en effet être difficile de trouver de la main d’œuvre dans des systèmes agricoles industriels c’est bien parce qu’elles offrent des conditions d’emploi très souvent défavorables en particulier pour les saisonniers (rémunération, horaires, logement, température, posture, exposition à des pesticides, ammoniac, poussières…). De plus, même si ces pratiques ne concernent pas l’ensemble du monde agricole, il convient de noter ici les révélations et dénonciations régulières d’emploi de saisonnier dans des conditions particulièrement délétères et parfois proche de l’esclavage moderne, notamment pour les travailleurs détachés.
Des initiatives sont pourtant présentes sur les territoires, pour rendre plus attractifs les métiers de salariés agricoles, en réfléchissant à l’amélioration des conditions de travail, à l’ergonomie des postes, à la formation, à la création d'emplois permanents plutôt que temporaires pour pallier les difficultés de recrutement. Il s’agit d’accompagner ces dynamiques plutôt que de passer par une simple « orientation active » par Pôle emploi vers des postes aux conditions de travail peu attractives, voire abusives dans certains cas.
De plus, une politique d’emploi incitative en agriculture est possible en travaillant à l’installation dans des systèmes paysans : ainsi, dans les systèmes biologiques et paysans, les agriculteurs semblent aujourd’hui contraints de refuser des stagiaires du fait d’un nombre trop important de demandes, et reçoivent de nombreuses demandes lorsqu’ils créent un emploi salarié, du fait d’une forte aspiration à travailler dans ces systèmes.
De même, on compte de très nombreux candidats à l’installation dans des modèles agroécologiques, candidats qui sont souvent non issus du milieu agricole et en reconversion, ce qui devrait être une chance pour créer des emplois dans le secteur agricole. Pourtant, ils sont trop souvent découragés par un parcours à l’installation qui ne soutient pas suffisamment ce type de candidatures, et une politique agricole qui ne favorise pas les systèmes d’agriculture paysanne auxquels ils aspirent, alors même qu’ils sont vertueux pour l’environnement et les territoires.
C’est donc encore une fois, sur un diagnostic et une solution erronée que se fonde l’article 19. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires souhaite sa suppression.
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