Déposé le 27 juin 2023 par : MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme Mélanie Vogel.
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière d’exportations de matériels de guerre, de biens sensibles et à double usage ainsi que l’évaluation de sa politique en la matière sont exercés par une commission de vérification des exportations d’armement.
La commission de vérification constitue une formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement. Elle est composée de deux députés et de deux sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense en sont membres de droit. Les deux autres membres de la commission de contrôle sont désignés de manière à assurer une représentation pluraliste. Le président de la commission est désigné chaque année par les membres de la délégation.
II. – La commission prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les décisions prises par le Gouvernement dont :
1° Les licences générales d’exportation visées au 1° de l’article L. 2335-3 du code de la défense ;
2° Les licences globales d’exportation visées au 2° du même article ;
3° Les licences individuelles d’exportation visées au 3° du même article ;
4° Les rapports d’activité et avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre ;
5° Les demandes ayant fait l’objet d’un refus explicite ou implicite ;
6° Les demandes retirées de l’instruction à l’initiative des demandeurs :
7° les procès-verbaux des contrôles adressés au comité ministériel des contrôles a posteriori ainsi que des rapports d’activité et avis de celui-ci ;
8° Les rapports des inspections compétentes dans ce domaine.
III. – La commission peut entendre :
1° Le Premier ministre ;
2° Les membres du Gouvernement, leur directeur de cabinet, leurs directeurs généraux et directeurs d’administration centrale ;
3° Le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale ;
4° Le Chef d’État-major des armées ;
5° Le Délégué général pour l’armement ;
6° Les directeurs des services de renseignement.
IV. – Les travaux de la commission et l’établissement de son rapport sont réalisés dans les conditions prévues par les IV, V et VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
V. – La désignation des membres de la commission de vérification des exportations d’armement intervient dans un délai de quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
VI. – Le VIII de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi rédigé :
« VIII. – La délégation parlementaire au renseignement exerce les attributions de la commission de vérification des fonds spéciaux prévue à l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 et de la commission de vérification des exportations d’armement prévue à l’article … de la loi n° du de programmation militaire pour les années 2024-2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. »
Cet amendement vise à une extension du champ de compétence de la délégation au renseignement dans le but d'y ajouter des prérogatives relatives à l'exportation d'armements et des biens à double usage.
L’amendement s’inscrit dans la droite ligne du rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement présenté par M. Jacques MAIRE et Mme Michèle TABAROT et sa proposition n° 30 « Instituer une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armement et de biens à double usage, bicamérale et en format restreint ». Il s’inscrit également dans de nombreuses propositions de loi déposées tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat par plusieurs groupes politiques (Proposition de loi n° 3253 visant à renforcer le contrôle par le Parlement des exportations d’armes du député Alexis Corbière ; Proposition de loi constitutionnelle n° 3542 instituant une Commission parlementaire de contrôle des exportations d’armements du député Sébastien Nadot, Proposition de loi n° 878 visant à renforcer le contrôle sur le commerce des armes et relative à la violation des embargos de la sénatrice Michelle Gréaume).La nécessité de renforcer le poids de l’Assemblée nationale et du Sénat est un constat partagé de manière transpartisane et répond à une double problématique.
L'examen actuel est largement insuffisant. Les parlementaires ne disposent que de la diffusion d’un rapport annuel produit par le Gouvernement sur l’exportation d’armements ainsi que, plus récemment, du rapport annuel sur les biens à double usage. Outre les retards observés, les informations délivrées ne sont pas assez détaillées pour effectuer un contrôle robuste et efficace, ce qui a été confirmé par le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot (page 108) : “L’information du Parlement se limite à un rapport annuel du Gouvernement sur la politique d’exportation de la France (...) Il ne permet pas une information réelle du Parlement, au-delà d’une approche statistique et des informations générales qu’il contient », ainsi que par des ONG telles qu’Amnesty International. Amnesty International rappelle également que le rapport annuel au Parlement sur les biens à double usage présente aujourd’hui les mêmes manquements, de même qu’il s’avère insuffisant tant sur le processus décisionnel à l’œuvre que sur le cadre juridique en vigueur et ses contours.”
Cette absence parlementaire est d’autant plus inquiétante que la politique française d’exportation d’armements est caractérisée par un manque de transparence, explicité avec justesse dans le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot : « ce système est aujourd’hui interrogé, voire critiqué, compte tenu de son opacité et donc des doutes qu’il génère sur sa capacité à assurer le respect par la France de ses engagements européens et internationaux sur le plan du droit international humanitaire ».
Ainsi, une délégation parlementaire permettrait de donner au Parlement toute l’étendue nécessaire pour effectuer un réel contrôle a posteriori de la politique d’exportation d’armements et de biens à double usage de la France et ainsi d’avoir la matière nécessaire pour s’assurer que les décisions respectent les engagements internationaux.
Cette délégation permettrait, de manière plus générale, de renforcer le caractère démocratique de la politique de la défense française. L’opacité qui y règne est source de vives critiques. Sans remettre en cause les nécessités du secret-défense, le Parlement est mature et en capacité d’exercer ses prérogatives sur des matières sensibles, comme le prouve le travail de la délégation parlementaire au renseignement. Le rapport de Mr Maire et Mme Tabarot le résume parfaitement : « la crainte d’être exposée ne saurait justifier le maintien d’un rôle marginal du Parlement dans ce domaine. Il faut faire le pari que le Parlement saura, par la qualité du contrôle et le dialogue avec la société civile, consolider le consensus national sur la politique d’exportation de la France ».
NB:Rectification en séance à la demande de l'auteur (rendu identique à l'amdt 293)
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