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...uestion qui nous est posée n’est donc pas nouvelle. Nos prédécesseurs dans cet hémicycle nous ont légué une réponse qui se résume en deux verbes : surveiller et punir, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Michel Foucault. Aujourd’hui, cette réponse ne peut nous satisfaire. Une triple évidence s’impose à nous. La première évidence est simple, et elle a été rappelée à de multiples reprises : un détenu reste un homme malgré les murs de sa prison. À l’exception de la liberté d’aller et de venir, qui lui a été retirée provisoirement, il conserve les droits qui sont ceux de l’homme. La deuxième évidence est tout aussi forte : la prison reste « une humiliation pour la République », selon le titre du rapport de la commission d’enquête que présidait Jean-Jacques Hyest voilà maintenant neuf ans. La p...
Cependant, j’ai l’impression que cette évidence, cette ardente obligation serait affaiblie si elle se trouvait inscrite dans la loi. Pour autant, cela ne nous empêche pas de nous en inspirer. Par exemple, la commission des lois propose d’établir une obligation d’activité qui ait pour contrepartie une indemnisation en nature ou en numéraire. Actuellement, les détenus ayant des ressources insuffisantes sont contraints de travailler – généralement, ils sont chargés d’apporter les plats à leurs codétenus de coursive – pour pouvoir cantiner, et donc survivre. Avec la proposition de la commission, ils pourront, notamment les jeunes, bénéficier d’une formation professionnelle, si c’est le choix le plus pertinent pour eux, et vivre autrement. La commission est déf...
...entiaire, au sein duquel notre collègue Robert Badinter a joué un grand rôle. Pourtant au cours de ces états généraux, le candidat Nicolas Sarkozy avait assuré : « Je me suis clairement engagé à ce que la dignité de la condition carcérale soit une priorité de notre action. » Où en est le droit commun en prison ? Malheureusement, il n’est que l’exception. Il est absent quand un caïd asservit un codétenu, « une mule » dans le langage carcéral, pour organiser ses petits trafics en restant impuni. Il est absent quand les stupéfiants s’achètent et se vendent dans le mutisme de l’administration. Il est absent lorsque règne la pire sauvagerie. Permettez-moi de vous citer deux cas. À Rouen, Idir, vingt-six ans, condamné pour conduite en état alcoolique, a été égorgé par Sofiane, qui avait tenté plusie...
...arriver à qualifier le système carcéral d’humiliation pour la République ? L’examen du présent projet de loi nous permet aujourd’hui de le comprendre et de regarder en face ce qui pourrait apparaître comme un paradoxe : tandis que le droit en prison a progressé au cours des trente dernières années, ces avancées ne se sont pas accompagnées d’améliorations suffisantes dans les conditions de vie des détenus, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, le droit en prison a progressé en l’absence d’intervention coordinatrice du législateur, par touches impressionnistes et très insuffisamment. Ensuite, la politique carcérale a été pensée indépendamment de la politique pénale. Alors, ce projet de loi pénitentiaire répond-il de façon pertinente à ce double constat ? Pour bien répondre à cette question, il c...
...près l’abolition de la peine de mort, de la perpétuité réelle, après les lois Badinter de 1983-1985, après la création des services d’insertion et de probation, comment notre pays en est-il arrivé, au XXIe siècle, à être montré du doigt pour l’état de ses prisons ? Le constat est sévère et, depuis longtemps, des voix s’élèvent pour appeler les politiques à se ressaisir et à reconnaître enfin les détenus comme des sujets de droits. Aujourd’hui, hélas ! on est loin de l’esprit qui prévalait en 1945 ; on est loin de la commission d’enquête sénatoriale sur les prisons françaises qui proposait de se garder « de tout parti pris », qui constatait « que la situation dans les prisons était la résultante d’une absence de politique d’envergure et de réformes chaotiques imposées aux gouvernements successi...
..., madame la ministre, que vous refuseriez l’amendement de la commission des lois et que vous entendiez maintenir cette durée à quarante jours. En tout état de cause, on est bien loin de la circulaire de l’administration pénitentiaire du 29 mai 1998 qui, elle-même, insistait sur le fait qu’une politique de prévention du suicide « n’est légitime et efficace que si elle cherche non à contraindre le détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie ». Notre rapporteur a cité Albert Camus : « une société se juge à l’état de ses prisons ». Alors, mes chers collègues, posons-nous ensemble la seule question qui vaille : ce projet de loi va-t-il contribuer à créer de meilleures conditions carcérales et de nouveaux rapports entre la société et la prison ?
...elle fort justement que « l’incarcération doit, dans tous les cas, constituer l’ultime recours ». Ce texte permettra-il de limiter le recours à la prison ? Il ne le permettra pas si la loi continue de remplir les prisons, ce que tend à indiquer l’augmentation du nombre de places : 13 200 places supplémentaires sont prévues entre 2002 et 2012 C’est donc considérer qu’il y aura au moins autant de détenus. Sans remise en cause de la politique pénale en œuvre, la fuite en avant continuera : construction de prisons pour accueillir davantage de détenus. Vous refusez l’encellulement individuel au motif qu’il faudrait augmenter les places. Nous vous proposons donc d’essayer de réduire le nombre de détenus et d’accepter l’encellulement individuel. Ce texte ne permettra pas de limiter le recours à la ...
...ient avant leur incarcération ou qui sont apparus durant la détention ne fait que croître. La réduction drastique des lits en psychiatrie publique alliée à la frénésie répressive fait de la prison un hôpital psychiatrique. Il est vrai que celle-ci coûte dix fois moins cher, ce qui est très intéressant du point de vue de la RGPP, mais certainement pas au regard des êtres humains concernés ou des codétenus ! Christiane de Beaurepaire, qui a une longue expérience comme psychiatre en prison, a poussé un cri d’alarme : « la prison n’est pas un lieu pour soigner les malades mentaux ». Vous ne pouvez pas occulter cette question ! Limiter le recours à la prison, c’est faire de la détention provisoire l’exception, c’est chercher, avant la prison, les alternatives à l’incarcération, c’est prévoir les am...
... surprenant et exceptionnel ! Depuis bien longtemps, les élus de mon groupe militent pour un changement radical de la politique carcérale française. Nous n’avons de cesse de répéter que la privation de liberté doit constituer le dernier recours et qu’elle doit être assortie d’une prise en charge à la fois sociale, éducative et psychologique, de façon à permettre l’insertion ou la réinsertion des détenus dans la société, faute de quoi l’incarcération n’a nulle valeur. Comme l’a souligné Nicole Borvo Cohen-Seat dans la discussion générale, nous dénonçons également de façon récurrente l’état scandaleux des prisons en France, les droits bafoués des personnes incarcérées, la criminalisation de plus en plus forte de la société, la bureaucratisation incessante de la justice. Tous ces phénomènes créen...
...leurs inquiétudes quant à l’avenir. À n’en pas douter, cet effort financier devra continuer d’être soutenu dans les prochaines années, a fortiori dans le cadre de l’entrée en application de la nouvelle loi pénitentiaire. Mais il est tout aussi certain que la démarche de rationalisation de l’activité pénitentiaire devra se poursuivre. En particulier, la problématique des transfèrements de détenus, actuellement supportés par la police et la gendarmerie nationales, appelle, dès 2009, des réponses concrètes, réalistes et plus conformes à l’esprit de la LOLF. Dans cette perspective, l’audit en cours de réalisation par le ministère de l’intérieur, à la demande du Sénat, débouchera prochainement sur des conclusions. Celles-ci devront servir de base de négociation entre ce ministère et la Chanc...
Le dispositif de rétention de sûreté a anticipé le débat sur la loi pénitentiaire, compromettant les objectifs affichés de donner plus de droits aux détenus. Avec cette loi, dictée une fois encore par l’émotion, il s’agissait, disiez-vous, de combattre de nouveau la récidive. Or, en 2005, le taux moyen de récidive était de 2, 6 % pour les crimes – il était de 3 % en 2004 –, et la récidive de crime à crime était de 1 %. De plus, les dispositions ne manquent pas. La loi du 27 juin 1990 permet d’interner les malades mentaux, criminels ou non, même p...
... de loi n’a pas pour but d’abroger des lois que nous avons adoptées récemment et que nous revoterions demain si la nécessité s’en faisait sentir… Je précise que la rétention de sûreté existe dans bien d’autres pays. Une délégation de la commission des lois s’est rendue, par exemple, au Canada, qui passe pour un pays extrêmement libéral en termes de politique pénale : nous y avons découvert les « détenus dangereux », selon la dénomination officielle dans ce pays. J’ai appris que ces détenus dangereux ne sortent jamais de prison, purement et simplement : il vaut mieux être condamné à perpétuité plutôt qu’être « labellisé » ainsi et classé dans cette catégorie ! Avec la rétention de sûreté, nous sommes loin d’une telle rigueur : tous les ans, la dangerosité de la personne concernée peut être réex...
...ts articles 11 ter, 13, 14 et 14 bis de ce projet de loi, excellemment revisité par le rapporteur, M. Jean-René Lecerf, à qui je veux rendre le même hommage que celui que j’ai entendu depuis le début de ce débat sur l’ensemble des travées – je voudrais évoquer le sujet crucial de la réinsertion sur lequel je vous avais déjà alertée lors du débat budgétaire. Pour avoir rencontré des détenus et des personnels pénitentiaires à la fois dans une maison d’arrêt aux conditions matérielles insoutenables et dans un centre de détention, à l’inverse, humanisé, j’ai surtout retenu la volonté partagée de faire du temps de détention non pas un temps mort, mais un temps de resocialisation, de reconstruction, un temps pour permettre aux hommes et aux femmes détenus de se remettre debout.
Je mettrai donc en cause non pas les personnels pénitentiaires, même si certains peuvent, par leur attitude, avoir contrarié cette volonté partagée, mais l’institution elle-même. Je citerai, pour illustrer mon propos, l’expérience d’un détenu qui a dénoncé dans un livre récemment paru non pas tant les problèmes de surpopulation et d’hygiène que ceux de la formation et du travail, deux puissants leviers d’une réinsertion sociale réussie.
Ce détenu écrit : « Pour qu’une condamnation soit efficace, il est nécessaire d’atteindre un juste équilibre entre les objectifs de neutralisation, de punition, d’amendement, de réparation, de conscientisation et de réhabilitation ». Or le défaut majeur du système actuel est de ne pas croire en l’homme, de poser pour principe que le détenu doit être, à raison de ses crimes, un être dominé et privé d’auton...
Comment ce pont permettra-t-il à 60 % des personnes incarcérées qui ne détiennent aucun diplôme, à 50% d’entre elles qui sont illettrées, d’intégrer un plan de formation individualisé, élaboré en pleine concertation entre le détenu et un conseiller d’orientation compétent ? Comment seront financées les activités scolaires, qui, aujourd’hui, s’adressent à 23 % de la population des détenus ? Pourquoi ne pas examiner, en particulier, la proposition de certains de ces détenus de créer des postes d’auxiliaires aides enseignants, détenus qui seraient associés à des activités éducatives et pourraient animer des ateliers sur le li...
...arcération. La loi pénitentiaire, quant à elle, restait dans le domaine des colloques et des articles de presse. Heureusement, nous avons connu avec bonheur l’influence du mouvement européen, auquel nous devons beaucoup dans ce domaine. Sans ce mouvement européen, avec ce qu’il représente ici et particulièrement au Conseil de l’Europe de volonté d’humanisation et de reconnaissance des droits des détenus et des personnels pénitentiaires, je ne suis pas sûr que le Gouvernement nous aurait enfin saisis de ce projet de loi pénitentiaire. Je tiens également à souligner, à cet égard, la pression exercée par la commission des lois du Sénat. Le Parlement européen adopta des résolutions, dont une en 1998, invitant chaque pays à adopter une loi pénitentiaire. Plusieurs résolutions du Conseil de l’Europe...
Il s’agit là de principes que nous aurons à mettre en œuvre demain et après-demain. Dans une remarquable intervention, M. Alain Anziani a rappelé que chacun des droits des détenus devait être pris en compte au regard de ces principes fondamentaux, auxquels le président Jean-Jacques Hyest a eu raison d’ajouter la réinsertion du détenu, devenue un objectif de valeur constitutionnelle à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1994.
...des peines ; l’emprisonnement ne doit être qu’un dernier recours. Je me réjouis également des modalités qui sont offertes aux magistrats – ce sont eux qui en ont la responsabilité au premier chef – pour prononcer des mesures alternatives à l’emprisonnement ou pour recourir à des aménagements de peines. En pratique, de telles possibilités sont complètement oubliées. Aujourd'hui, moins de 20 % des détenus bénéficient d’aménagements de peines avant leur sortie de prison. Or nous savons à quel point la « sortie sèche » de prison est dangereuse. Toutes ces facultés sont considérablement élargies. J’aurais aimé que l’on s’en vantât ; j’aurais souhaité entendre des expressions telles que « admirable conversion » ou – cela doit naturellement s’entendre en termes maritimes – « changement de cap ». On r...
...ement l’article 1er A nouveau. Ma volonté en proposant cet article, qui vise à définir de manière plus précise le sens de la peine, était qu’il serve en quelque sorte de guide pour les décisions qui peuvent être prises tout au long d’une détention. Or, à titre exceptionnel, il m’avait paru opportun de reprendre une règle pénitentiaire européenne selon laquelle il y a lieu de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie « responsable et exempte d’infractions ». Cela m’a semblé intéressant, car, à partir de là, on peut répondre à toute une série de questions. Par exemple, afin d’inciter une personne à mener une vie exempte de crimes et d’infractions, est-il opportun de généraliser le travail en milieu carcéral ? Est-il souhaitable de généraliser la formati...