La commission a procédé à l'audition de l'Amiral Alain Oudot de Dainville, chef d'Etat-major de la Marine, sur le projet de loi de finances pour 2007 (Mission « Défense » - Forces navales).
L'Amiral Alain Oudot de Dainville, chef d'Etat-major de la marine, a tout d'abord souligné que le budget 2007 marquait une année charnière après une première année d'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de réforme de la répartition des responsabilités entre le chef d'Etat-major des armées et les chefs d'Etat-major d'armée.
Il a évoqué l'activité de la marine au cours de l'année 2006, saluant au préalable la mémoire des deux commandos marines décédés en opérations en Afghanistan. Il a rappelé que le premier semestre avait été marqué par un certain désarroi après l'épisode du Q 790, la coque de l'ex-porte-avions Clemenceau. Cependant le moral des marins était bon et leur rôle reconnu. Il a cependant relevé une certaine fragilité liée à la sensibilité des personnels à l'accompagnement social des sujétions de leur métier.
Le contrat opérationnel de la marine a été rempli. Les missions de dissuasion ont été exercées sans discontinuité, la lutte contre le terrorisme s'est poursuivie dans le nord de l'Océan indien avec une participation de la marine maintenue à un niveau élevé. Une capacité permanente de soutien à l'opération Licorne a été déployée dans le Golfe de Guinée, cette mission étant doublée d'une assistance aux marines riveraines. Il a indiqué que l'opération Baliste menée au cours de l'été au large des côtes libanaises était désormais entrée dans une deuxième phase de soutien à la reconstruction du pays et de surveillance des côtes libanaises. Il a précisé que le dispositif avait été allégé au début du mois d'octobre avec le maintien d'une frégate sur zone et d'un bâtiment amphibie en alerte à Toulon.
L'Amiral Alain Oudot de Dainville, chef d'Etat-major de la marine, a précisé les enseignements tirés de l'opération Baliste. Cette opération a validé l'organisation du nouvel Etat-major de conduite des forces. Les capacités du bâtiment de projection et de commandement Mistral ont été confirmées ainsi que l'importance d'une frégate d'escorte. La polyvalence des équipages et des bâtiments, conjuguée à la liberté de mouvement d'une force en mer, ont permis de garantir une réactivité exceptionnelle. Ainsi, les équipes de soutien ont poursuivi les travaux au cours de l'opération, le Mistral n'étant pas encore admis au service actif lors du déclenchement de l'opération.
Le chef d'Etat-major de la marine a rappelé que, en moyenne, 28 navires et trois aéronefs de patrouille maritime étaient déployés en permanence. Évoquant l'action de l'Etat en mer, il a souligné que l'approche française permet une fédération des moyens des différentes administrations en évitant les doublons et en dotant l'Etat de capacités indispensables d'action dans la profondeur. Il a rappelé que la coopération interministérielle se doublait d'une coopération internationale, notamment dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants et contre l'immigration clandestine. Dans ce dernier domaine, il a souligné que l'installation de deux radars de veille à Mayotte avait permis l'interception de quelque 80 bâtiments. Il a indiqué que les actions de pêche illicite semblaient diminuer, même si les réactions des contrevenants étaient de plus en plus violentes. Dans le domaine de la lutte contre la pollution, les actions portent également leurs fruits avec une diminution très significative du nombre d'infractions.
L'amiral Alain Oudot de Dainville a souligné que la marine poursuivait ses efforts en vue de l'amélioration de la disponibilité des matériels, le taux de disponibilité ayant été porté à 72 % en 2006 pour les bâtiments. Le service de soutien de la flotte a poursuivi son travail de redéfinition de sa politique contractuelle, privilégiant l'achat de disponibilités, qui permet une meilleure organisation des chantiers. Les efforts de structure interarmées de maintenance des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) devraient conduire à une amélioration du service et des délais.
voquant les crédits de la marine pour 2007, le chef d'Etat-major de la marine a rappelé que « l'agrégat marine » n'était plus disponible en tant que tel, mais qu'il lui revenait, es qualité, de veiller à la cohérence de cette armée. Il a estimé que les équipes de gestionnaires s'étaient approprié la démarche de performance induite par la LOLF, même si elle entraîne une complexité réelle dans les procédures budgétaires et comptables. Il a souligné que la gestion des crédits restait placée sous une forte contrainte qui constituait une réelle incitation à maîtriser la masse salariale.
Détaillant les crédits du programme « équipement des forces », il a précisé que le niveau des effectifs était maintenu en 2007, les différences constatées étant imputables à des changements de périmètre. L'année 2006 a été marquée par la recherche d'économies de fonctionnement portant sur les déplacements, les relations publiques ou encore les dépenses courantes d'entretien, ces efforts ayant atteint leur limite. La dotation consacrée aux produits pétroliers a conduit à des consignes strictes pour le ravitaillement et à l'accélération des prélèvements sur les stocks, qui représentent actuellement trois mois d'activité. Les prévisions d'activité ont dû être révisées à la baisse de 7 % pour le dernier trimestre. Pour l'année 2007, le fonctionnement courant des unités restera placé sous forte contrainte, alors que la surveillance des installations portuaires civiles représente une charge nouvelle pour la marine.
Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progressent de 19 %, tout en restant à l'intérieur de l'enveloppe prévue par la loi de programmation militaire. Cette progression s'explique par les indisponibilités concomitantes, pour entretien et réparation, du porte-avions Charles de Gaulle et du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), le Téméraire. Les projections de dépenses d'entretien restent élevées et représentent le quart des dépenses prévues par la loi de programmation. La réduction des coûts d'entretien est d'autant plus nécessaire du fait du vieillissement de la flotte et des retards intervenus dans son renouvellement. Cette réduction dépendra de l'action du service de soutien de la flotte, mais surtout du réalisme des industriels.
L'Amiral Alain Oudot de Dainville a ensuite évoqué les crédits du programme « équipement des forces », marqué par la construction du SNLE, le Terrible, dont les essais sont prévus au début de l'année 2009 et par le lancement des programmes de sous-marins nucléaires d'attaque, du second porte-avions et du missile de croisière naval. Le plan de charges des industriels est conforté et les crédits pour 2007 sont conformes à la loi de programmation militaire. Il a rappelé l'admission prochaine au service actif des bâtiments Mistral et Tonnerre, la livraison de 7 avions Rafale au standard F 2 et le début de la mise en fabrication des frégates multi missions. Par ailleurs, les essais à la mer de la frégate Horizon Forbin et la première sortie de la frégate Horizon Chevalier Paul sont programmés à brève échéance.
Enfin, 231 millions d'euros sont consacrés à la marine, dans le cadre du programme « soutien de la politique de défense », au titre des systèmes d'information et des infrastructures.
Le chef d'Etat-major a conclu son propos en estimant que le projet de budget pour 2007 était exigeant pour le fonctionnement et l'activité mais que la marine était attachée à la culture de performance. Il a estimé que la réussite dépendrait notamment de la simplification des procédures de la LOLF et a formé le voeu d'une continuité de l'effort dans les années à venir.
Un débat a suivi l'exposé du chef d'Etat-major de la marine.
a souhaité savoir si le service de soutien de la flotte était désormais pleinement opérationnel et si une réduction des coûts pouvait en être attendue. Il s'est interrogé sur les axes de la réorganisation de l'Etat-major de la marine et sur ses conséquences en termes d'effectifs. Il a souhaité savoir quelles explications pouvaient être apportées à l'augmentation notable du tonnage prévu pour le second porte-avions. Évoquant le programme des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, il a souhaité obtenir des précisions sur la compatibilité du devis avec l'enveloppe prévue par la loi de programmation, sur la préservation des caractéristiques techniques des bâtiments et sur leur calendrier de livraison.
s'est interrogé sur l'avenir du rapprochement entre DCN et Thalès à la suite du rejet du projet « convergence » par le comité d'entreprise de DCN.
a rappelé que l'Etat-major de la marine s'était engagé à une mise en concurrence des entreprises pour l'entretien des navires faiblement armés. Elle a souligné que les premiers appels d'offre lancés semblaient indiquer que DCN restait un contractant privilégié et que le recours formé par une entreprise de construction navale à l'encontre d'un appel d'offres portant sur les pétroliers ravitailleurs et les bâtiments amphibies avait conduit à son annulation par la justice administrative. Elle a souhaité savoir quels étaient les critères de choix de la marine dans ces appels d'offre, quelles mesures avaient été prises pour garantir une mise en concurrence effective et quel degré d'ouverture, notamment quant à l'implantation géographique de l'opération d'entretien, serait possible dans les prochains appels d'offres.
s'est interrogée sur l'évolution de DCN qu'elle a qualifiée de préoccupante après le précédent de GIAT Industries. Elle a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier du processus de désamiantage de l'ex-porte-avions Clemenceau.
a souhaité connaître le jugement de la marine sur la capacité opérationnelle du Rafale, dont elle est dotée. Il s'est interrogé sur les modalités du financement innovant, un temps envisagé par la marine, pour le programme franco-italien de frégates multimissions.
a souhaité savoir si la fermeture du centre d'essais de lancement de missiles de Gâvres était confirmée au profit d'un transfert au centre d'essais des Landes. Il s'est par ailleurs interrogé sur la contribution budgétaire de la marine aux opérations extérieures.
s'est interrogé sur la poursuite du recrutement d'engagés initiaux de courte durée (EICD) et sur le bilan de cette expérience.
L'Amiral Alain Oudot de Dainville a apporté les éléments de réponse suivants :
- le service de soutien de la flotte (SSF) a pour mission de faire baisser les coûts, ce qui est vital pour l'avenir de la marine. Cette baisse est rendue possible par l'activité du SSF lui-même, mais aussi par l'engagement des industriels. Certains modes d'organisation industrielle doivent encore évoluer pour s'adapter à un environnement dont l'évolution va se poursuivre avec le projet « convergence ».
La mise en concurrence des industriels reste encore très partielle, puisqu'elle ne porte que sur les navires faiblement armés. Pour les autres bâtiments, la marine reste liée par le contrat d'entreprise de DCN, valable jusqu'en 2008. Les secteurs mis en concurrence l'ont cependant été avec succès, comme à Concarneau, mais dans l'appel d'offres pour les pétroliers ravitailleurs et les bâtiments amphibies, des dysfonctionnements ont en effet été observés. La marine travaille à y remédier dans la perspective de la fin du contrat d'entreprise de DCN. Elle recherchera la concurrence la plus large possible, afin de renforcer le tissu de petites et moyennes entreprises actives dans le secteur de l'entretien naval. Le recours à DCN demeurera indispensable pour l'entretien des navires à propulsion nucléaire et des navires fortement armés ;
- la réaction négative du comité d'entreprise à l'égard du projet « convergence » s'inscrit, à sa connaissance, dans une procédure consultative et n'empêche pas la démarche de se poursuivre ; DCN dispose d'un savoir-faire unique en Europe qu'il convient de préserver, la responsabilité du chef d'Etat-major de la marine étant d'obtenir des coûts compétitifs ;
- dans les appels d'offres pour l'entretien des bâtiments, la priorité est donnée à l'entretien au port base où des installations sont disponibles, qu'il convient de rentabiliser. Les installations de la marine doivent d'ailleurs pouvoir être utilisées par des entreprises extérieures quand elles ne sont pas sollicitées par les bâtiments de la flotte ;
- l'opération Baliste qui a permis l'évacuation des ressortissants étrangers du Liban et sa mission de ravitaillement de la FINUL I suscitent une fierté légitime en apportant la démonstration du bon niveau de formation des personnels de la marine, de leur motivation et de leurs capacités à agir dans un cadre interarmées. La mission de ravitaillement de la FINUL était une mission risquée dans laquelle les hommes ont fait preuve d'une fraternité d'armes indéniable et montré la valeur ajoutée d'un soutien interarmées ;
- les opérations d'expertise sur l'ex-porte-avions Clemenceau devraient s'achever prochainement et un appel d'offres pourrait être lancé avant la fin de l'année 2006. La volonté du gouvernement est de trouver pour ce bâtiment, en Europe, un chantier de démantèlement qui respecte la santé des personnels et l'environnement ;
- le Rafale Marine est en service depuis 2001. Les problèmes initiaux de mise au point, qui doivent être relativisés au regard des difficultés rencontrées par ses différents concurrents, sont désormais surmontés. L'appareil est désormais pleinement opérationnel dans sa version F 1 Air-Air et doit être livré à la marine dans sa version F 2 en 2007 ;
- le recours à un financement innovant pour le programme des frégates multimissions n'a pas été retenu, en particulier en raison de l'absence de possibilités d'utilisation duale (civile et militaire) et de la nécessité d'une acquisition patrimoniale que ne permettait pas une telle formule de financement. Au demeurant, ce programme n'est pas financé sur les seuls crédits du ministère de la défense ;
- la fermeture du centre de Gâvres n'est pas envisagée ;
- le surcoût représenté par la contribution de la marine aux opérations extérieures s'élève à 63 millions d'euros, dont 10 pour les carburants et 12 pour l'entretien ;
- la marine recrute environ 600 EICD par an, dont une partie intègre la marine dans le cadre de contrats de plus longue durée, les autres bénéficient d'une reconversion professionnelle, l'échec concernant quelque 30 % des recrues ;
- les crédits destinés au programme de sous-marins nucléaires d'attaque seront consacrés au développement et à la commande d'une première unité. Les commandes s'échelonneront de 2006 à 2017 et les livraisons de 2016 à 2027 ;
- s'agissant du second porte-avions, un accord franco-britannique, Memorandum of Understanding (MOU), a été signé en mars 2006 pour l'accès aux études de définition, pour un montant de 145 millions d'euros. L'objectif reste d'obtenir la plus grande « communalité » possible entre les versions française et britannique, avec cependant deux différences notables : l'emport de l'arme nucléaire et le besoin de catapultes pour la version française, tandis que la marine britannique sera dotée d'avions à décollage court et atterrissage vertical. Une proposition financière est attendue prochainement de la part des industriels. Le tonnage important du bâtiment s'explique notamment par la nécessité de disposer de doubles coques ;
- la réforme de l'Etat-major de la marine n'a pas conduit à des réductions significatives de personnels. Les principaux transferts ont été effectués, non en direction des forces, mais vers l'Etat-major des armées. L'Etat-major de la marine doit en effet conserver un certain volume d'effectifs en raison de la présence à Paris de ses principaux interlocuteurs (Secrétariat général de l'Administration, Délégation générale pour l'Armement, Direction des Affaires financières). La réforme a conduit à la mise en place d'un fonctionnement nouveau dans lequel les chefs de bureau ont acquis une plus grande responsabilité sur les dossiers dont ils ont la charge. Une déconcentration plus importante vers les forces nécessiterait une révision des décrets du 14 juillet 1991.
La commission a procédé ensuite à l'examen du rapport de M. André Rouvière sur le projet de loi n° 450 (2004-2005) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention pénale sur la corruption.
a tout d'abord rappelé que la convention pénale sur la corruption, adoptée en 1999, sous l'égide du Conseil de l'Europe et déjà notifiée par le Parlement, était particulièrement ambitieuse. Elle vise à incriminer, de façon coordonnée, un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale. Elle couvre les cas de corruption passive et active d'un grand nombre d'acteurs, agents publics, parlementaires, membres du secteur privé, ainsi que les délits de trafic d'influence, de blanchiment et d'infractions comptables.
Il a précisé que la convention était entrée en vigueur le 1er juillet 2002, après avoir été ratifiée par 14 Etats. Le Parlement français en a autorisé la ratification par une loi du 11 février 2005 mais, à ce jour, les instruments de ratification n'ont toujours pas été déposés par la France, en l'absence des modifications législatives nécessaires à l'application du texte.
a considéré que ce retard était préjudiciable à l'image de la France pourtant très active dans la lutte contre la corruption. Il a rappelé que le « groupe d'Etat contre la corruption » (GRECO), organisme du Conseil de l'Europe chargé du suivi de l'application de la convention, procédait régulièrement à des cycles d'évaluation de la législation des différents Etats. Le prochain cycle pour la France risquait de ne pas être satisfaisant, alors même que les modifications législatives nécessaires n'étaient pas très substantielles. Le projet de loi avait d'ailleurs été annoncé dans « l'étude d'impact » soumise par le gouvernement au Parlement, lors de l'examen au Sénat de la convention pénale en novembre 2004. Par ailleurs, la France prévoyait de formuler un certain nombre de réserves sur les points les plus incompatibles avec sa législation.
Il a précisé que les travaux s'étaient poursuivis au sein du GRECO en vue de compléter la convention. Le groupe s'est accordé sur la nécessité d'élargir ce dispositif aux arbitres et aux jurés, qui n'étaient pas explicitement concernés par la convention originelle. Cet élargissement est apparu nécessaire en raison de l'impact économique des décisions prises par les instances arbitrales et de l'assimilation de leur fonction à celle des juges.
Il a indiqué qu'un protocole additionnel à la convention pénale avait été signé le 15 mai 2003. Il étend le champ d'application de la convention aux arbitres en matière commerciale, civile et autres, ainsi qu'aux jurés. Il a précisé que ce protocole était entré en vigueur le 1er février 2005.
Il a souligné que le protocole était déjà applicable à la France pour ce qui concerne les arbitres et les jurés nationaux et que la France formulerait des réserves similaires à celles retenues pour la convention pénale.
Soulignant que le protocole s'inscrivait dans le prolongement de la convention précédemment adoptée par le Parlement, il a recommandé l'adoption du projet de loi.
La commission a alors adopté le projet de loi.