Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Michel Thiollière, rapporteur des crédits de l'audiovisuel de la mission « médias », sur l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2009 à 2012 de France Télévisions.
a rappelé que cette communication avait lieu conformément aux dispositions de l'article 53 de la loi de 1986 offrant aux commissions des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat la possibilité de formuler un avis sur des contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public, avant leur signature définitive. La définition du COM et les rapports sur son exécution présentés chaque année aux commissions chargées de la culture et des finances de chaque assemblée tendent ainsi à devenir un des outils majeurs du contrôle parlementaire.
En l'occurrence, il a observé que l'avenant transmis par le Gouvernement devait être considéré comme un nouveau COM dans la mesure où il tend à prolonger le précédent contrat 2007-2010 jusqu'en 2012, ce qui n'est pas conforme à la limitation légale de la durée des COM à cinq ans.
Le document conventionnel qu'est le contrat d'objectifs et de moyens présente le grand avantage de permettre à l'État de fixer un cadre à la fois éditorial et organisationnel au groupe France Télévisions, tout en lui assurant une visibilité à moyen terme sur son financement.
Il a ensuite présenté ses observations sur les chapitres successifs du COM :
Le premier objectif de cette stratégie est la promotion des valeurs identitaires du service public, qui passe tout d'abord par la diffusion de programmes culturels. A cet égard, France Télévisions s'engage à proposer au moins un programme culturel et de découverte en première partie de soirée sur son bouquet de chaînes, soit 365 par an, ce qui est une volonté louable. Force est cependant de constater qu'il s'agit surtout d'un objectif d'affichage, 870 programmes culturels ayant été diffusés en première partie de soirée en 2008 sur les antennes de France Télévisions. M. Michel Thiollière a proposé que cet indicateur soit complété de sous indicateurs de suivi sur la diffusion des différents types de programmes culturels que sont le spectacle vivant, les émissions musicales, les magazines et documentaires de culture, les émissions culturelles exceptionnelles et les oeuvres de fiction dites « culturelles ».
Il a souligné que les indicateurs permettant d'évaluer la qualité de l'information se fondent sur le baromètre annuel de l'image des chaînes, qui retrace la perception par le public du traitement par les chaînes de France Télévisions des questions relatives à l'information, d'une part, et la perception par le public du reflet de la diversité des points de vue, d'autre part. À cet égard, il a proposé d'inciter l'État et France Télévisions à se fixer des objectifs plus ambitieux, dans la mesure où les cibles qui sont présentées dans le COM sont de quatre points en deçà de ce qui est réalisé aujourd'hui. Il a également suggéré de créer des indicateurs de suivi complémentaires sur la qualité des journaux télévisés de France 2 et France 3, qui sont des outils essentiels de la vie démocratique française, et sur le nombre d'heures consacrées à la diffusion de débats parlementaires ou de magazines relatifs à ces débats.
S'agissant des programmes sportifs, M. Michel Thiollière a reconnu que France Télévisions a enrichi son offre et que le choix de retransmettre des épreuves majeures et particulièrement fédératrices, comme les Jeux olympiques et le Tour de France, est conforme aux objectifs de service public qui doivent guider le groupe. Toutefois, il a regretté le manque d'ambition des objectifs cibles choisis, qui sont en-deçà des réalisations des années précédentes.
Il a ensuite souligné que le reflet de la diversité française est un objectif intéressant fixé par le projet d'avenant, conformément à ce qui est imposé par la loi du 5 mars 2009. La perception par le public du reflet de la diversité de la société française dans le cadre du baromètre annuel de l'image des chaînes constitue, à cet égard, un bon instrument d'évaluation. Il est cependant regrettable que le comité permanent pour la diversité, dont la création avait été fortement médiatisée par France Télévisions en 2009, ne soit pas davantage utilisé dans le cadre de l'évaluation par le groupe de la promotion de la diversité dans ses programmes, mais aussi dans le cadre de sa politique de ressources humaines.
S'agissant de la promotion de l'identité européenne, M. Michel Thiollière a préconisé la création d'un indicateur permettant de constater le nombre de programmes européens diffusés.
Il a en outre rappelé que, à l'initiative de la commission, une mission de promotion de l'apprentissage des langues étrangères a été confiée à France Télévisions, ayant pour objectif que l'ensemble des programmes d'origine étrangère puissent être accessibles en version originale sous-titrée. Il a proposé d'inciter France Télévisions à mettre en place un indicateur d'évolution du pourcentage de programmes étrangers en version multilingue, assorti d'un objectif de 100 % de programmes concernés en 2012.
a ensuite relevé que le deuxième objectif de la stratégie éditoriale du groupe France Télévisions concerne l'amélioration de la contribution de France Télévisions à la création d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Sur cette question de soutien à la création, il s'est déclaré pleinement satisfait des engagements pris par la direction de France Télévisions. En effet, plus de 384 millions d'euros devront être consacrés aux seules oeuvres audiovisuelles en 2010, plus de 390 millions en 2011 et enfin en 2012, année d'extinction du signal analogique, un effort exemplaire de 420 millions d'euros devrait être fourni. Le plan d'affaires montre, à cet égard, que l'État va poursuivre son effort de financement de France Télévisions et que les excédents dégagés par la fin de la diffusion en analogique vont être consacrés à une stratégie ambitieuse en matière de soutien à la production audiovisuelle.
L'État et France Télévisions se sont donc engagés dans une démarche de soutien renforcé et ambitieux au secteur de la production audiovisuelle au service du virage éditorial de France Télévisions, ce qui devrait pleinement permettre de valoriser la spécificité des chaînes du groupe.
Par ailleurs, M. Michel Thiollière a insisté sur l'attachement de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à la garantie de diversité des producteurs et des auteurs auxquels le groupe fait appel, notamment afin que l'originalité des formats et des écritures soit renforcée. Il a estimé que les Journées de la création organisées par France Télévisions les 3 et 4 février 2010 ne constitueront une expérience intéressante que si elles sont le support d'une politique de diversification des auteurs. Il a proposé que soient introduits dans le COM quatre indicateurs de suivi relatifs au nombre de producteurs et d'auteurs travaillant pour France Télévisions et au nombre de nouveaux producteurs et auteurs auxquels il est fait appel.
Par ailleurs, en matière de fiction et de documentaire, il a recommandé la mise en place d'indicateurs d'évaluation de la qualité des programmes d'information sur les palmarès et sur le volume horaire de diffusion dans chaque catégorie.
En outre, dans le secteur dynamique de la production de programmes d'animation, il a considéré qu'un objectif plus ambitieux que les 2 100 heures de diffusion pourrait utilement être fixé, dans la mesure où la diffusion moyenne sur les trois dernières années de ces programmes dépasse les 2 600 heures. Les engagements en matière d'investissements dans la production cinématographique sont par ailleurs très satisfaisants.
S'agissant du rayonnement et de la circulation des oeuvres, qui fait l'objet d'un encouragement incantatoire dans le COM, il a préconisé que soit inséré un objectif a minima de maintien du montant atteint en 2008 du coût des programmes qui ont circulé entre les chaînes du groupe.
Sur la question importante, en cette période de crise, de la relocalisation des tournages, il a insisté sur la création d'un indicateur de suivi permettant de connaître le nombre d'oeuvres de fictions télévisuelles produites par France Télévisions tournées à l'étranger et sur l'importance de disposer de la liste de ces oeuvres.
Ainsi, alors que l'objectif n° 2 relatif à la création d'oeuvres est la preuve de l'ambition de l'État et du groupe de faire de France Télévisions un acteur majeur du monde de la création et un outil de diffusion culturelle unique dans le paysage audiovisuel français, il lui est apparu nécessaire que la tutelle se donne les moyens de contrôler le respect de ces engagements.
Il a ensuite émis le souhait que l'objectif n° 3 soit redéfini.
Sur la question de l'audience, rappelant que la réforme de France Télévisions avait précisément pour objectif de réduire son impact sur la programmation, il a souhaité inciter France Télévisions à donner au conseil consultatif des téléspectateurs, auquel le Sénat a redonné vie dans la loi du 5 mars 2009, un rôle majeur en termes d'évaluation de la qualité des programmes diffusés par le groupe. Afin d'assurer une équité de traitement des territoires, des indicateurs géographiques des zones couvertes par France 3 et par les futures « web tv » locales mériteraient en outres d'être insérés dans le COM.
Sur la stratégie de média global, il a préconisé que l'évaluation des éléments concourant à la réalisation de l'objectif de « diffusion systématique sur l'ensemble des supports de diffusion » se fasse sur la base des indicateurs suivants :
- l'évolution du pourcentage de programmes diffusés à la télévision mis à disposition gratuitement du public en télévision de rattrapage, avec une tendance vers la réalisation de l'objectif de 100 % fixé par la loi pour 2012 ;
- le pourcentage de programmes diffusés à la télévision disponibles en vidéo à la demande ;
- le nombre de pages vues sur France Télévisions Info et sur Culturebox ;
- le pourcentage de programmes disponibles en ligne sous-titrés et « audiodécrits » ;
- l'évolution du pourcentage de la population française ayant accès aux chaînes de France Télévisions différentes.
Enfin s'agissant de la modernisation du groupe France Télévisions, de la gouvernance avec l'État et du plan d'affaires, il a estimé que la tutelle et France Télévisions avaient réalisé un travail de fond important et convaincant.
Il s'est contenté de demander l'insertion d'indicateurs de satisfaction concernant la suppression de la publicité et relatifs au volume horaire consacré à la publicité en journée et au parrainage avant et après 20 heures.
a insisté sur l'importance du conseil consultatif des programmes dont le rôle, les modalités de travail et les compétences devraient être précisés dans le COM.
a regretté l'augmentation de la diffusion d'images violentes à la télévision, tout en reconnaissant que le service public audiovisuel était moins concerné.
a rappelé l'importance qu'une pluralité d'auteurs travaillent pour les programmes diffusés par France Télévisions et a soutenu l'idée de fixer un indicateur permettant de disposer d'informations précises sur ce sujet.
a enfin souligné la qualité des programmes de France Télévisions et la spécificité du groupe dans la promotion des oeuvres culturelles.
La commission a donné un avis favorable à l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, sous réserve des modifications proposées au groupe France Télévisions et à l'État.
Puis, elle a entendu le rapport pour avis de M. Michel Thiollière en vue de la deuxième lecture de la proposition de loi n° 121 (2009-2010), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre la fracture numérique.
a indiqué que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'était déjà saisie pour avis de la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique, adoptée en première lecture au Sénat en juillet 2009, et puis par l'Assemblée nationale le 1er décembre 2009.
Il a ensuite rappelé que, à l'initiative de M. Bruno Retailleau, rapporteur au nom de la commission de l'économie du Sénat, le texte avait été enrichi d'un titre Ier composé de 8 articles, visant à faciliter la transition vers la télévision numérique. Ces dispositions adoptées par le Sénat consistent notamment :
- à conforter la légalité des listes des zones qui devront être couvertes par la télévision numérique terrestre (TNT) au plus tard le 30 novembre 2011, en confiant explicitement le soin au Conseil supérieure de l'audiovisuel (CSA) de définir une couverture minimale par département ;
- à autoriser l'administration à transmettre au groupement d'intérêt public « France Télé numérique » la liste des personnes dégrevées de contribution à l'audiovisuel public, afin de lui permettre de remplir sa mission ;
- à créer un fonds pour faciliter la couverture du territoire en TNT dans les zones d'ombre ;
- et à améliorer l'information des élus locaux avant l'extinction du signal analogique (article 1er B).
a ensuite expliqué que l'Assemblée nationale avait approfondi la réflexion, tout en conservant le même cap :
- en mettant en place une commission de transition vers le numérique dans chaque département, réunissant le GIP France Télé numérique, l'État, le CSA et les collectivités territoriales (article 1er CB) ;
- en permettant au CSA de contraindre les opérateurs à augmenter la puissance des émetteurs pour améliorer la couverture du territoire (article 1er DA) ;
- en étendant les compétences du GIP à l'assistance aux publics les plus fragilisés (article 1er DB) ;
- en créant une aide financière au profit des collectivités territoriales mettant en oeuvres des solutions alternatives pour assurer la continuité de la réception de la télévision (article 1er DC introduit à l'initiative du Gouvernement) ;
- en modifiant la gouvernance du GIP France Télé numérique (article 1er DE) ;
- en mettant en place un fonds « parabole » destiné à contribuer à la continuité de la réception gratuite des services de télévision, qui se concrétisera par une aide attribuée sans condition de ressources aux personnes se retrouvant en zone d'ombre après le passage au tout numérique pour acquérir un dispositif leur permettant de disposer de la TNT via le satellite, l'ADSL ou le câble. Cette disposition, introduite à l'article 1er D, est issue d'un amendement du Gouvernement, qui a annoncé un engagement financier à hauteur de 90 millions d'euros. Compte tenu de la santé financière des entreprises de télévision, M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis, a insisté sur le fait qu'il ne lui paraissait pas souhaitable de leur imposer d'abonder ce fonds ce qui n'est pas au demeurant prévu par la proposition de loi ;
- en définissant un cadre juridique favorable au lancement de la TMP (article 1er GB). Au cas où un consensus se dégagerait pour le démarrage de la télévision mobile personnelle (TMP), il s'agit de permettre à une chaîne de déléguer à un tiers, dans des conditions approuvées par le CSA, le déploiement et l'exploitation du réseau, ainsi que la commercialisation d'une offre de gros auprès des distributeurs de service ;
- en permettant au CSA d'assigner des ressources radioélectriques en cas de brouillage par des immeubles des services de télévision ou de radio (article 1er GC),
Il a finalement estimé que l'Assemblée nationale avait fait un exercice de « microchirurgie législative » utile et que le Gouvernement était parvenu à convaincre de nombreux parlementaires inquiets grâce à un engagement financier très conséquent.
Suivant ses préconisations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi, dont elle a estimé l'entrée en vigueur urgente.