La commission spéciale a entendu M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, première adjointe chargée de l'urbanisme et de l'architecture, et M. Pierre Mansat, adjoint chargé de Paris-métropole et des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France.
a souligné avoir renforcé les investissements concernant la métropole parisienne et les transports en Île-de-France depuis 2001. Désireux de créer une dynamique de travail commune avec tous les élus concernés, indépendamment de leur orientation politique, ainsi qu'une relation de confiance avec l'ensemble des collectivités voisines de Paris, il a rapporté qu'une centaine d'entre elles était favorable à la création de Paris-métropole, syndicat mixte compétent en matière de logement, de transport et d'aménagement urbain, dont la gouvernance va être renforcée.
Il a rappelé que, depuis neuf ans, il a cherché à développer des transports alternatifs à l'automobile dans Paris et les collectivités riveraines, en veillant à prendre prioritairement en compte les enjeux de déplacement entre la capitale et la petite couronne, ainsi que de banlieue à banlieue. La ville de Paris verse désormais 350 millions d'euros au syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), contre 100 seulement avant 2007.
Appelant de ses voeux un partenariat avec l'Etat, ainsi que des relations ouvertes et respectueuses entre ce dernier et les collectivités, il a rappelé avoir défendu la proposition du « penser ensemble » lors de la tenue de l'Atelier international du Grand Paris, dont il a souligné que les projets seraient cofinancés par la capitale.
Regrettant, d'une façon générale, que le projet de loi ne s'inscrive pas dans une telle approche, qu'il avait pourtant relevée dans le discours du Président de la République du 29 avril 2009, ainsi que dans une réunion de travail ayant eu lieu six jours auparavant, il a déploré que le projet de loi se limite globalement aux transports. Appelant à plus d'ambition, il a estimé indispensable que ce texte vienne compléter les projets de court terme déjà élaborés et financés potentiellement par les collectivités territoriales à hauteur de 12 milliards d'euros. Ainsi, il s'est dit favorable à un projet de transport en grande couronne, dont il a néanmoins souligné l'imprécision du coût, à condition qu'il soit complémentaire de ceux couvrant les zones d'habitat dense et qu'il relie les pôles économiques de ces zones.
Préférant l'expression de « métropole parisienne » à celle de « Grand Paris », il s'est inquiété du contenu du projet de loi tel que voté en première lecture par l'Assemblée nationale, et a placé ses espoirs dans son examen par le Sénat.
a tout d'abord relevé dans le texte des éléments de progrès, tels que le financement par l'Etat, au moyen de l'emprunt national, du futur métro automatique en rocade, ou encore l'élaboration des contrats de développement territorial, illustrant le partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales. En outre, il a souhaité que le projet de loi intègre un schéma de développement du TGV permettant de mieux relier la métropole parisienne aux différents points du territoire national, mais également au reste de l'Europe.
Il a interrogé le maire de Paris sur le tracé du projet de métro en rocade, son articulation avec le pôle du plateau de Saclay, le contenu des contrats de développement territorial et la prise en considération des problématiques liées au logement.
Estimant que le tracé du métro en rocade devait être articulé avec les projets déjà développés par les collectivités, et jugeant que la concertation sur ce point devrait permettre d'atteindre un consensus, M. Bertrand Delanoë a cependant insisté sur la nécessité de ne pas multiplier les consultations, au risque de retarder la prise de décision. Appelant à un enrichissement du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), y compris par les départements, il a mis en avant l'indispensable cohérence métropolitaine et régionale des contrats de développement territorial, regrettant à cet égard l'absence de référence à Paris-métropole dans le projet de loi. Enfin, il s'est dit favorable au développement du pôle de Saclay, à condition toutefois qu'il ne donne pas lieu à un transfert à son profit d'établissements ou d'organismes actuellement situés à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.
a déploré que le projet de loi oppose deux logiques en matière de transports, l'une favorisant la desserte des zones denses et l'autre une liaison à grande vitesse entre des sites stratégiques, alors qu'il est essentiel de les rendre compatibles. Craignant que la valorisation foncière attendue dans les espaces proches des gares et destinée à financer le projet entraîne la relégation des logements sociaux dans les zones plus reculées, elle a critiqué l'absence des sciences sociales dans le pôle de Saclay, à l'encontre de la démarche d'intégration transversale retenue dans la majorité des universités de renommée mondiale.
a regretté l'absence d'un maillage territorial à la fois dense et fin, en matière de transport, dans le projet de loi. Estimant que le mode de financement devait prendre en compte les coûts d'exploitation de la double boucle, il a jugé que le texte ne permettait pas de hiérarchiser les différentes priorités.
Se félicitant de ce que le débat sur le Grand Paris ait été lancé au mois de septembre 2009 au sein du conseil municipal de la Ville de Paris, et relevant les propos alors sévères du maire à son encontre, M. Yves Pozzo di Borgo a noté que des progrès avaient été réalisés, grâce à la bonne volonté de l'ensemble des acteurs. Estimant que la démarche de construction de grands pôles urbains allait créer une véritable dynamique en faveur des villes et du logement social, il a jugé nécessaire de coordonner le contenu du projet de loi avec les projets déjà existants en ce domaine. Enfin, il a interrogé l'intervenant sur l'évolution possible de son appréciation du projet de loi.
Relevant le climat constructif des relations entre Paris et ses communes riveraines, M. Christian Cambon a anticipé un surcroît de pouvoir de l'Etat, dans la mesure où la création de grandes infrastructures régionales nécessiterait un pilotage plus centralisé. Stigmatisant à cet égard l'incapacité de la région durant ces quinze dernières années à faire aboutir de nouveaux projets, il a appelé à résoudre prioritairement les problèmes actuels, notamment s'agissant du réseau RER. Voyant dans la densification du noyau central, prévue par le SDRIF, la source d'un engorgement des transports, il a questionné l'intervenant sur les améliorations qu'il souhaiterait y apporter. Enfin, il s'est interrogé sur la capacité de Paris-métropole à assurer une gouvernance efficace des collectivités qu'il regroupe.
Après avoir salué la continuité des propos du maire de Paris avec ceux de ses prédécesseurs sur certains sujets, M. Philippe Dominati a regretté l'absence de propositions de sa part, notamment sur le plan institutionnel. Le maire de Paris est-il favorable à la liberté d'organiser des transports collectifs en surface en dehors du monopole de la société d'État ? Est-il favorable à la normalisation du statut de la capitale par rapport au droit de commun ? Quelles sont ses propositions s'agissant du périmètre du Grand Paris ?
a déclaré avoir identifié, au terme des auditions menées tant par la commission spéciale que par le rapporteur, deux sujets particulièrement importants :
- les contrats de développement territoriaux (CDT) : comment les utiliser ? Comment respecter la libre administration des communes ? Comment répartir la richesse créée par les aménagements ? Comment assurer la cohérence des CDT avec les documents existants, notamment le SDRIF ? Comment faire en sorte que les territoires concernés puissent construire des logements, notamment sociaux ?
- l'articulation entre le « double huit », le plan de mobilisation du conseil régional et le maillage : si le Gouvernement a annoncé que l'État financerait l'intégralité du projet, aucune garantie n'a été formulée s'agissant du financement de l'articulation entre les différents réseaux.
a indiqué partager le point de vue du maire de Paris sur le projet de loi. Ce projet est parcellaire, il se contente d'évoquer les questions de transport et du développement des territoires où seront implantées les gares. Certains sujets essentiels ne sont pas évoqués : le logement, le partage de la richesse fiscale ou encore la cohésion urbaine et sociale.
La méthode adoptée par le ministre est certes efficace mais elle ne permet pas l'émergence d'une véritable vision métropolitaine : les questions centrales de gouvernance sont remises à plus tard et les négociations sont menées bilatéralement avec certains maires. Cette situation montre que sans outil de gouvernance, les projets les plus importants ne peuvent être mis en oeuvre : personne n'est aujourd'hui légitime pour parler au nom de la métropole.
S'agissant des possibilités d'amender le présent projet de loi, qu'attend exactement le maire de Paris du Sénat ?
a souligné que la réflexion sur le Grand Paris trouvait un écho en Normandie. Jacques Attali a en effet souligné que la consécration de Paris comme « ville monde » était conditionnée par sa capacité à être reliée à la mer. Sur ce sujet, il faut préférer à la liaison Paris-Rouen-Le Havre la liaison entre Paris et l'ensemble de la façade maritime. Les réflexions sur le Grand Paris doivent donc rejoindre les réflexions menées aujourd'hui par les deux Normandie, et la capitale doit rechercher des synergies non seulement avec Rouen et Le Havre mais aussi avec Caen.
a relevé plusieurs lacunes du projet de loi : outre la nécessité du maillage et de la complémentarité entre le plan de mobilisation et le projet du Grand Paris, la poursuite de l'interconnexion en région parisienne du réseau ferroviaire à grande vitesse et les flux en matière de fret ne sont pas pris en compte. Ainsi, rien n'est prévu pour que la région Île-de-France puisse s'engager dans le transport écologique des marchandises.
Un projet de transport ne doit pas seulement porter sur la mise en place d'infrastructures de qualité mais également sur la capacité à les relier à l'ensemble du réseau ferroviaire.
A la suite de ces interventions, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a apporté les éléments de réponse suivants :
- les améliorations du projet de loi pourraient porter sur la reconnaissance du SDRIF par l'État après les élections régionales, la prise en charge par l'État non seulement du financement du « double huit » mais également de son fonctionnement qui, dans le projet actuel, est laissé à la charge du STIF, ce qui entraîne un accroissement des coûts additionnels inacceptable pour les collectivités territoriales ;
- le financement du service public par le secteur privé n'est pas souhaitable, même si l'intervention du privé ne doit pas être rejetée par principe : le projet CDG Express doit ainsi aboutir ;
- la décision du Conseil constitutionnel qui a permis à Paris de rentrer dans le droit commun s'agissant de l'ouverture des commerces le dimanche doit être saluée ;
- l'État s'est longtemps désintéressé de Paris et le projet de loi ne repose pas sur la bonne méthode : il faut mettre en place un véritable partenariat entre l'État et les collectivités territoriales. La nomination du directeur de l'Atelier international du Grand Paris sans consultation de la mairie de Paris constitue un contre-exemple regrettable ;
- s'agissant de la gouvernance, la mise en place d'une communauté urbaine autour de Paris n'est pas envisageable à court terme. Une nouvelle étape peut en revanche être franchie en matière de gouvernance à partir de Paris-métropole, en s'appuyant sur des décisions et des réalisations concrètes ;
- le plan de mobilisation de la région et le rapport Carrez doivent être pris en compte par le Sénat lors de l'examen du projet de loi ;
- s'agissant de la Normandie, les liens entre Paris et la façade maritime sont essentiels et aucune ville ne doit être exclue dans la mise en oeuvre des synergies ;
- l'accessibilité à Paris de toute la France et de toute l'Europe est un enjeu essentiel. L'arrivée des grandes lignes TGV dans le centre de Paris est de ce point de vue un atout, qui ne doit pas être remis en cause par l'intéressant projet d'ouverture d'une gare TGV en Seine-Saint-Denis.