La commission a tout d'abordé procédé à l'audition de M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement général et de la recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche.
Brossant à titre liminaire un état des lieux de l'enseignement agricole, M. Jean-Louis Buër a mis l'accent sur cinq points :
- l'offre de formation de l'enseignement agricole est en voie de transformation dans le cadre du cinquième schéma prévisionnel national des formations, dont les contours avaient été esquissés par le groupe consultatif présidé par Mme Françoise Férat. Un équilibre doit être trouvé entre les formations en lien avec le secteur de la production, qui représentent environ 40 % des effectifs, celles conduisant aux métiers des services, qui accueillent une proportion sensiblement équivalente d'élèves, et, enfin, celles qui préparent aux autres professions, notamment de l'aménagement paysager, et qui sont fréquentées par environ 20 % des effectifs de l'enseignement agricole. Cette transformation est conduite sous l'autorité des directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) qui sont en charge de l'ouverture et de la fermeture des classes, à l'exception des sections de techniciens supérieures dont la carte demeure gérée au niveau national. Le développement des autres missions de l'enseignement agricole est également une priorité ;
- la prochaine rentrée scolaire sera marquée par la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans. Pour permettre le bon fonctionnement de ces cursus, des classes de seconde professionnelle vont être créées. Le brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) demeurera et les épreuves correspondantes seront passées durant la formation au baccalauréat professionnel. De plus, des classes spécifiques seront créées afin de permettre aux élèves qui ne parviendraient pas à suivre ces nouveaux cursus d'obtenir un BEPA. En fin de seconde professionnelle, les élèves concernés pourront donc les rejoindre pour obtenir le diplôme, avant, s'ils le souhaitent, de réintégrer une classe de première professionnelle ;
- l'enseignement agricole a connu des difficultés budgétaires, auxquelles l'amendement adopté par le Sénat à l'initiative de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur, Mme Françoise Férat, a permis de répondre. Sur les 38 millions d'euros supplémentaires finalement votés en loi de finances initiale pour 2009, 8 millions ont été destinés à l'enseignement public, afin notamment de financer les assistants d'éducation et de garantir la solidité financière des centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA). 11,6 millions ont permis d'apurer le contentieux naissant avec l'enseignement privé du temps plein, un protocole ayant été signé par le ministre de l'agriculture et de la pêche et visé par le contrôleur budgétaire. De même, 12,6 millions supplémentaires ont été affectés à la réduction du report de charges qui pesait sur l'enseignement du rythme approprié. Un accord a également été trouvé pour poursuivre cette diminution. 5 millions d'euros sont enfin utilisés pour les bourses qui bénéficient tant aux élèves du public que du privé ;
- la loi de finances pour 2009 prévoyait que deux agents administratifs sur trois et un enseignant sur deux partant à la retraite dans l'enseignement agricole ne seraient pas remplacés. Dans ces conditions, la dotation globale horaire (DGH) allouée aux DRAAF devait baisser de 1,8 % en moyenne, avec des variations entre - 1,2 % et - 2 % selon les régions. Une analyse plus fine de la situation budgétaire du programme 143 et des redéploiements effectués au sein du ministère a toutefois permis de rétablir 132 postes et d'ouvrir une enveloppe de 90 000 heures supplémentaires. Ces modifications ne concernent cependant que les seuls personnels enseignants, les suppressions de postes d'agents administratifs n'ayant pas été revues à la baisse ;
- à moyen terme, ce contexte budgétaire imposera une réflexion sur la dimension et le positionnement des établissements, dès lors qu'un large accord se fait sur les finalités éducatives de l'enseignement agricole et sur ses missions de coopération internationale, d'expérimentation et de développement du territoire. La fermeture de certains sites devra être envisagée, puisqu'elle est le seul moyen de ne pas avoir à choisir entre la mission d'enseignement et les autres missions.
Un large débat a suivi l'intervention de l'orateur.
Après s'être réjouie de cette audition inédite, la commission n'ayant jamais reçu jusqu'ici le directeur général de l'enseignement et la recherche, Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole, a noté que le rétablissement de 132 postes d'enseignants donnait raison rétrospectivement à la commission et au Sénat, qui avaient souligné l'impossibilité de supprimer des emplois supplémentaires dans l'enseignement agricole public, sans parvenir à convaincre le Gouvernement.
Après avoir rappelé que l'amendement voté par le Sénat avait été « arraché », elle a ensuite formulé une première série de questions sur l'exécution de la loi de finances pour 2009. Ainsi, elle s'est interrogée sur l'effet des suppressions de postes administratifs dans les établissements, qui lui semblent être sources de risques. Elle a également souhaité savoir si des mesures de régulation budgétaire étaient envisagées, le programme 143 étant coutumier des annulations liées à l'ouverture de crédits supplémentaires destinés à la gestion de crises et de calamités agricoles. Enfin, elle a demandé des informations sur le montant des crédits destinés aux organismes de formation des personnels de l'enseignement agricole.
En réponse à ces interrogations, M. Jean-Louis Buër a apporté les précisions suivantes :
- la régulation budgétaire est un fait inévitable. Il est vrai que le ministère de l'agriculture et de la pêche, qui doit faire face à des crises agricoles soudaines et violentes, doit parfois annuler les crédits de certains de ses programmes pour gager des ouvertures sur d'autres. Pour autant, les mesures de régulation budgétaire pour 2009 semblent devoir porter essentiellement sur les lignes destinées au financement des assistants d'éducation et à la prise en charge des subventions aux organismes. En tout état de cause, il y aurait une certaine contradiction à prendre acte, d'une part, du souci du législateur de réduire les reports de charge et de pratiquer, d'autre part, des annulations de crédits systématiques qui conduiraient à leur reconstitution ;
- les crédits de formation progresseront en 2009, afin, en particulier, d'accompagner les enseignants dans la mise en place des nouveaux cursus en trois ans ;
- s'agissant des personnels administratifs, force est de constater que les établissements sont désormais confrontés à de véritables difficultés ;
- le rétablissement de 132 équivalents temps plein dans l'enseignement agricole était le maximum autorisé. Transformer 90 000 heures supplémentaires en emplois aurait exposé le ministère de l'agriculture et de la pêche à un refus de visa de la part du contrôleur budgétaire. Pour autant, les heures supplémentaires permettent de répondre à de vrais besoins locaux de manière souple et efficace, en évitant notamment de proposer aux enseignants des services partiels ou éclatés entre plusieurs établissements.
a mis l'accent sur la préparation du projet de loi de finances pour 2010, en souhaitant connaître l'état des discussions budgétaires et le ratio de remplacement des départs en retraite anticipé par la direction générale de l'enseignement et de la recherche. Elle a également souligné que l'essentiel de l'amendement adopté par le Sénat devait être reconduit pour 2010. Elle s'est ensuite interrogée sur le point de savoir si la deuxième tranche de la revalorisation de la subvention versée aux établissements du temps plein serait effectivement versée en crédits de paiement. En outre, elle a demandé à connaître les intentions du ministère de l'agriculture et de la pêche vis-à-vis du processus de masterisation de recrutement des enseignants. De plus, elle a souhaité savoir si, pour la direction générale de l'enseignement et de la recherche, les effectifs de l'enseignement agricole étaient appelés à progresser au cours des années à venir ou si une stabilisation était envisagée. Elle a conclu son propos en affirmant que les effectifs devaient déterminer les moyens, alors que la politique suivie par le ministère semble rigoureusement inverse. Il y a là de quoi faire naître un certain agacement dans la communauté de l'enseignement agricole, les élèves et leurs familles n'ignorant pas les tergiversations budgétaires dont font l'objet chaque année leurs établissements. Il serait donc souhaitable que le ministère de l'agriculture et de la pêche assume toutes ses responsabilités à l'égard de l'enseignement agricole.
En réponse à ces questions, M. Jean-Louis Buër a formulé les réflexions suivantes :
- comme M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) est parfaitement consciente de la valeur de l'enseignement agricole, qui permet à des jeunes issus de catégories sociales modestes de trouver un cadre scolaire accueillant, de suivre une formation, d'obtenir un diplôme et, bien souvent, d'accéder à un emploi. Mais nul ne peut s'exonérer de l'effort budgétaire qui est demandé à l'ensemble des services de l'État. L'amendement adopté par le Sénat a permis d'éviter que certains problèmes majeurs ne surviennent dans l'enseignement privé. Il a bénéficié également à l'enseignement public, même s'il ne comportait au final pas de crédits de personnel ;
- la DGER souhaite qu'un nombre significatif des éléments de l'amendement voté par le Sénat servent de base de calcul au budget du programme « Enseignement technique agricole ». Les discussions à ce sujet avec le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique sont en cours. De manière générale, il faut noter que la préparation du budget de l'enseignement supérieur agricole se fait dans un cadre réellement interministériel, l'unité de la mission « Recherche et enseignement supérieur » prévalant. Tel n'est pas le cas pour le programme 143, dont les budgets sont élaborés en tenant compte des crédits attribués au seul ministère de l'agriculture et de la pêche ;
- les ratios de remplacement des départs à la retraite ne sont pas encore connus. Il n'y a toutefois pas de raison de penser qu'ils puissent être substantiellement différents. Sur un plan purement technique, il n'est pourtant pas certain qu'il soit possible d'aller plus loin en matière de suppression de postes de personnels administratifs. De fait, la charge de travail correspondante se reporte désormais sur les directeurs d'établissements ;
- s'agissant des effectifs d'élèves, la stabilité est sans doute souhaitable, du moins à court terme. En effet, la création des cursus en trois ans va entraîner un double flux d'élèves dans les filières conduisant aux baccalauréats professionnels, certains poursuivant dans un parcours en quatre ans, d'autres commençant une formation en trois ans. Par ailleurs, le maintien, dans la mesure du possible, de classes à faibles effectifs dans des secteurs cruciaux, comme la production ou la transformation, est une garantie pour l'avenir. Il arrive en effet régulièrement que des sections un temps délaissées redeviennent attractives. Dès lors que des classes existent encore, il est possible d'accueillir un flux soudain d'élèves ;
- l'enseignement agricole est partie prenante dans le processus de masterisation du recrutement des enseignants. Ses modalités restent encore à préciser, notamment pour les formateurs de l'enseignement du rythme approprié ;
- le ministère de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'éducation nationale travaillent de plus en plus ensemble. C'est le cas pour la masterisation du recrutement, et il en va de même, à l'échelon déconcentré, pour la création de classes communes décidée par les DRAAF et les recteurs ;
- les engagements pris vis-à-vis de l'enseignement privé du temps plein seront tenus, la revalorisation de la subvention qui lui est versée faisant partie intégrante du protocole récemment signé.
Après avoir souligné les conséquences dévastatrices de la politique de réduction budgétaire poursuivie dans l'enseignement agricole public, comme dans l'éducation nationale, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a mis l'accent sur les principales difficultés rencontrées dans les établissements. Ainsi, des filières complètes sont supprimées, empêchant les élèves engagés dans un cursus de le poursuivre jusqu'au bout ; de même, des élèves sont refusés et d'autres, parce qu'ils redoublent, peinent à rester dans le même établissement ; les fusions de lycées s'accélèrent. Au total, c'est un véritable cri d'alarme que lancent les personnels, les élèves et leurs familles. Il conviendrait de l'entendre enfin.
a rappelé les inquiétudes que lui inspire la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans et s'est interrogée sur la place qu'aurait le BEPA dans les futurs cursus.
s'est élevé contre l'éternelle antienne de l'optimisation des moyens, qui n'est qu'une formulation technocratique destinée à masquer la réalité de la suppression de classes, de postes et désormais d'établissements.
a mis en exergue la mission de l'enseignement agricole en matière de développement durable. La réduction de l'usage d'insecticides prévue par le « Grenelle » suppose qu'une formation adaptée soit délivrée aux producteurs. A cet égard, il serait souhaitable que ceux-là mêmes qui commercialisent les produits phytosanitaires n'interviennent pas dans les établissements : cela relève de la confusion des genres.
Après avoir souligné les difficultés inhérentes aux rapprochements d'établissements, Mme Bernadette Bourzai a observé que les investissements consentis par les régions, souvent très importants, devraient être mieux pris en compte lorsque l'ouverture ou la fermeture de classes sont décidées. La cohérence doit être le maître mot de l'action publique en la matière.
a constaté que la commission était unanime sur la nécessité de soutenir l'enseignement agricole. Le Sénat restera donc vigilant sur cette question et suivra avec une attention toute particulière le budget du programme 143. Les inquiétudes dans les régions sont en effet nombreuses : l'enseignement public y connaît des difficultés et, dans certains établissements, des filières entières sont supprimées. Il y a là un véritable sujet de préoccupation, dont témoigne la situation du lycée public Sains du Nord.
En réponse à ces interrogations, M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement et de la recherche, a apporté les précisions suivantes :
- le plafond d'emplois du programme ne peut être dépassé par le ministère de l'agriculture et de la pêche. Mais, en tout état de cause, les heures supplémentaires offrent l'avantage de la souplesse. De fait, les enveloppes mises à disposition des DRAAF les années précédentes ont été utilisées. Il n'y a donc pas a priori lieu de s'interroger sur la possibilité de les consommer effectivement ;
- les 38 millions de l'amendement adopté par le Sénat ont été répartis entre les formes d'enseignement au prorata des effectifs qu'elles accueillent ;
- le BEPA restera un véritable diplôme professionnel, dont les épreuves s'appuieront sur un cadrage national. Un calendrier unifié sera également proposé pour l'examen ;
- les élèves qui peineront à suivre les enseignements de seconde professionnelle pourront, à l'issue de cette classe, rejoindre une section de préparation du BEPA. De fait, la possibilité de suivre une formation en deux ans demeurera ;
- les classes de seconde seront très professionnalisantes. C'était un point essentiel aux yeux de la DGER. Sur les vingt-neuf heures hebdomadaires que suivront les élèves, un tiers sera consacré aux enseignements professionnels. Par ailleurs, quatre heures seront laissées à l'initiative de chaque établissement pour renforcer la dimension professionnelle ou générale de la formation, trois de ces quatre heures pourront être dédoublées ;
- le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, a pris des engagements très clairs en matière de développement durable. L'enseignement agricole jouera donc son rôle en la matière : lors de la rénovation des référentiels des diplômes, une place significative a été accordée à la sensibilisation des élèves à l'utilisation raisonnée des intrants et des produits phytosanitaires. De plus, tous les établissements doivent héberger au moins une parcelle en mode d'exploitation biologique, afin de permettre aux élèves de constater les différences existant entre les différents modes d'exploitation. Enfin, si les professionnels qui commercialisent des produits phytosanitaires interviennent légitimement dans les établissements, il est nécessaire de faire en sorte qu'ils ne soient pas les seuls interlocuteurs des élèves, mais, le plus souvent, tel n'est pas le cas ;
- à l'exception des STS, les ouvertures et les fermetures de classes sont de la compétence des DRAAF, qui sont les mieux placés pour prendre en compte la politique poursuivie par les conseils régionaux. Le travail en commun entre les DRAAF et les régions est au demeurant une réalité ;
- l'avenir du lycée Sains du Nord n'est pas en cause. En l'espèce, il s'agit de prendre acte de la très grande faiblesse des effectifs dans une filière donnée, alors même qu'il ne s'agit pas d'une formation extrêmement spécialisée. La décision prise par le DRAAF a toutefois donné lieu à des mesures d'accompagnement : tout a été fait pour que les familles et les élèves concernés disposent des moyens et des informations nécessaires pour poursuivre leur scolarité dans un autre établissement. La DGER est au demeurant prête à le vérifier sur place et se tient disponible à cet effet.
La commission a ensuite procédé à l'audition de l'intersyndicale de l'enseignement agricole public, représentée par MM. Jean-Marie Le Boiteux, Frédéric Chassagnette, Serge Pagnier, Mmes Sylvie Debord, Marie-Madeleine Dorkel, MM. Pascal Lepeltier et Michel Delmas.
Revenant sur les difficultés que traverse l'enseignement agricole public, qui ont conduit à la constitution de l'intersyndicale, M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement agricole public - fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU), a insisté sur quatre points :
- la situation budgétaire de l'enseignement agricole public est particulièrement difficile, cinq années de restriction s'étant succédé. Au total, ce sont six cents emplois qui ont été supprimés et deux cents classes qui ont été fermées. Un étiage est désormais atteint et, sauf à asphyxier définitivement l'enseignement agricole public, il ne sera pas possible d'aller plus loin. A cet égard, l'amendement adopté par le Sénat n'a eu que peu d'effet sur l'enseignement public, puisqu'il ne visait que des crédits hors titre 2. Par ailleurs, si les 38 millions d'euros supplémentaires votés en loi de finances initiale avaient été répartis au prorata des effectifs scolarisés, l'enseignement agricole public aurait dû bénéficier de 14 millions d'euros supplémentaires. Or ce sont 8 millions d'euros seulement qui lui ont été attribués et cette somme n'a pas permis de renforcer les moyens d'enseignement, mais seulement de couvrir des sous-budgétisations qui n'avaient que peu de rapport avec l'activité des classes ;
- comme l'avait souligné Mme Françoise Férat lors d'une question orale adressée au ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, l'enseignement agricole public a besoin non de crédits, mais d'emplois. Or sur ce point, aucune avancée réelle n'a été constatée. Certes, 132 équivalents temps plein ont été rétablis et 90 000 heures supplémentaires dégagées. Mais le recours à une enveloppe d'heures supplémentaires n'est pas une réelle solution. De plus, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est engagé dans une politique de forte réduction du nombre de contractuels, menaçant ainsi de priver d'emploi des agents, du jour au lendemain. Au total, la question du plafond d'emplois voté en loi de finances initiale reste décisive ;
- si l'intersyndicale n'a pas vocation à jeter l'opprobre de quelque façon que ce soit sur l'enseignement agricole sous contrat, il faut rappeler le rôle majeur de l'enseignement public dans la formation aux métiers de la production. Les établissements publics sont ainsi les piliers de l'identité de l'enseignement agricole ;
- la réduction de la dotation globale horaire (DGH) a des effets massifs dans l'enseignement agricole, car la différence d'échelle démultiplie les conséquences que cette même diminution aurait dans l'éducation nationale. Dans cinq régions, la seule manière pour les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) de respecter l'enveloppe qui leur est allouée est de supprimer toutes les options proposées jusqu'ici aux élèves, ce qui met à mal l'attractivité des formations. Quant à la réforme du baccalauréat professionnel, elle va à l'encontre de l'objectif de remédiation qui suppose que les élèves puissent prendre le temps de construire des parcours de réussite ;
- le ministère de l'agriculture et de la pêche semble désormais diriger son attention vers les décharges dont bénéficiaient certains personnels au titre de leur activité. Ainsi, les professeurs d'éducation socioculturelle, dont l'action contribue directement à faire des lycées agricoles des lieux vivants et accueillants, pourraient voir remises en cause les décharges dont ils bénéficiaient pour exercer certaines missions d'animation essentielles. L'enseignement agricole risque donc de voir sacrifiés ses atouts et les missions qui le singularisaient pour des raisons de pure économie budgétaire.
Concluant son intervention, M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général du syndicat national de l'enseignement agricole public - fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU), a indiqué que l'intersyndicale demandait le maintien des postes de contractuels menacés de suppression et, au-delà, le rétablissement des emplois d'enseignants et de personnels administratifs supprimés.
Après avoir rappelé que la commission venait d'entendre M. Jean-Louis Buër, directeur général de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de la pêche et qu'un message très clair lui avait été adressé, Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole, a observé que les difficultés de l'enseignement agricole public étaient désormais bien connues. La commission avait demandé le rétablissement d'emplois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. Elle n'avait pas été entendue, mais avait indiqué très clairement qu'elle souhaitait que l'enseignement agricole public bénéficie de manière substantielle des 38 millions d'euros supplémentaires finalement adoptés. En tout état de cause, le ministère de l'agriculture et de la pêche est à présent au pied du mur.
a observé que la question du plafond d'emplois était centrale : c'est en effet le principal outil des réductions budgétaires au sein de l'enseignement agricole public. A l'évidence, le recours aux heures supplémentaires n'est qu'un pis-aller alors que les établissements ont besoin de s'appuyer sur des enseignants stables. Il est aussi regrettable que l'enseignement agricole public n'ait bénéficié qu'à la marge des crédits supplémentaires votés par le Sénat. Par ailleurs, il est insatisfaisant de devoir prélever les crédits de l'éducation nationale pour les verser à l'enseignement agricole, notamment privé. Certes, l'article 40 de la Constitution interdit qu'il en aille autrement à l'initiative des parlementaires, mais il revient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et d'abonder sans contrepartie le budget de l'enseignement agricole. Enfin, il faut mieux prendre en compte l'action des régions, qui subissent régulièrement les décisions du ministère sans que leurs investissements et leurs projets n'aient été pris en considération.
En réponse à ces observations, M. Frédéric Chassagnette, secrétaire général adjoint du SNETAP-FSU, a fait les constats suivants :
- certains conseils régionaux, mis devant le fait accompli, ont refusé de signer les avenants au plan régional de développement des formations (PRDF) ;
- le ministère fait souvent sienne la stratégie consistant à concentrer les baisses de DGH sur un seul établissement. Pour la première fois depuis les années 1980, des lycées agricoles vont être fermés, alors même que la carte de l'enseignement agricole public a été largement rationalisée depuis vingt-cinq ans. Cette situation est symptomatique, puisque dans certains territoires, il n'y aura plus d'établissement public capable de répondre aux demandes des élèves et des familles. Deux régions sont particulièrement sources d'inquiétude : Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes ;
- les prévisions de Mme Françoise Férat dans son rapport pour avis sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2009 sont en passe de se réaliser : d'ores et déjà, soixante-deux classes ont été fermées ou gelées. Il est dès lors probable que les fermetures atteignent un ordre de grandeur de quatre-vingts à quatre-vingt-dix classes. Pour l'essentiel, ce sont les formations de production qui sont menacées et avec elles, l'identité de l'enseignement agricole. En tout état de cause, le fait que la carte de la rentrée 2009 ne soit toujours pas connue témoigne des incertitudes qui planent sur l'avenir des établissements ;
- les classes de 4e et 3e, auxquelles les parlementaires portent un intérêt particulier, sont également sur la sellette dans au moins cinq régions.
a indiqué que la commission serait très vigilante sur le budget 2010 de l'enseignement agricole, qui se trouve désormais sur une ligne de crête où se joue son avenir. Sa valeur de modèle doit être réaffirmée, car bien souvent l'enseignement agricole pourrait tenir lieu de source d'inspiration pour les politiques publiques menées au sein du ministère de l'éducation nationale. Pour autant, il n'est pas satisfaisant de devoir prélever sur le budget de ce dernier les crédits destinés à l'enseignement agricole. C'est cela qui a conduit les sénateurs de l'opposition à préférer l'abstention bienveillante à un vote en faveur de l'amendement présenté par la commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.
a alors rappelé que l'enseignement agricole constituait un exemple, dont la valeur a d'ailleurs été reconnue par M. Richard Descoings au cours de sa mission sur le lycée.
a témoigné du fait que la fermeture d'établissement apparaissait pour certains DRAAF comme la meilleure solution pour retrouver des marges de manoeuvre en matière de DGH. De tels calculs sont d'autant plus regrettables que les élèves qui reviendront dans les lycées de l'éducation nationale y ont déjà connu l'échec. Ce n'est donc pas la solution. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les réalités locales dans la réorganisation de la carte des lycées : certains territoires peuvent paraître proches, mais les habitudes font que cette proximité n'est qu'apparente. Les flux de population sont des réalités géographiques et non administratives.
a indiqué à son tour que l'optimisation des moyens n'était qu'une manière de présenter la réduction de l'offre publique d'enseignement. Par ailleurs, le plafond d'emplois est sans doute contraignant, mais lorsqu'il y a sous-consommation des crédits de titre 2 dévolus à l'enseignement public, ceux-ci sont reversés à l'enseignement privé grâce aux mesures de fongibilité asymétrique.
a déploré que l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé ne figurent pas dans deux programmes budgétaires séparés, comme c'est le cas dans la mission « enseignement scolaire ». Par ailleurs, il a observé que les projets de fusion et de fermeture d'établissements en cours d'examen concernaient bien souvent l'enseignement agricole public.
a enfin mis l'accent sur la dimension concrète des réductions budgétaires. Outre la suppression de filières complètes, le plafonnement des effectifs, la suppression de nombre d'options, la fragilisation de la gestion administrative des établissements et les refus de réinscription opposés à des élèves redoublants, il faut également avoir conscience des conséquences de la réforme de la voie professionnelle. Le ministère de l'agriculture et de la pêche annonce qu'il maintiendra des classes spécifiques destinées aux élèves préparant le brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) en deux ans. Mais à ce jour, aucune DRAAF ne connaît les crédits dont il disposera pour ce faire. Au mieux, semble-t-il, il y aura une seule classe pour l'ensemble d'une région. Par ailleurs, aucun programme ne sera défini. Au total, il y a tout lieu de s'interroger sur la réalité de la faculté qui sera offerte aux élèves de préparer un BEPA si, en cours de seconde professionnelle, le rythme d'enseignement ne leur convenait pas.
a fait observer que la commission unanime tirait une même conclusion des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé : l'enseignement agricole est un modèle qu'il convient de préserver dans des circonstances budgétaires difficiles.
Enfin, Mme Brigitte Gonthier-Maurin a souhaité attirer l'attention de la commission sur les projets de décret relatifs à la formation des enseignants. Ceux-ci ont été adoptés en comité technique paritaire ministériel, alors même que les représentants des personnels étaient absents ou s'abstenaient, ces derniers estimant à juste titre que la préparation de ces décrets empiète sur les prérogatives de la commission nationale de concertation sur la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, dite commission « Filâtre-Marois ». Un tel passage en force n'est pas de nature à apaiser les tensions qui s'expriment légitimement dans la communauté éducative.