Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu la communication de M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT).
Notre collègue Louis Nègre nous présente aujourd'hui les conclusions provisoires du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), qu'il préside. Un débat sur ce schéma est prévu le 15 février prochain en séance publique et devrait durer trois heures trente et cette communication permet de préparer ce débat.
Me voici aujourd'hui devant vous pour vous présenter les conclusions provisoires du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, que j'ai l'honneur de présider. Ce groupe a été créé par le Bureau de notre commission le 14 septembre dernier. Il a auditionné le Ministère, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier et effectué deux déplacements en décembre, l'un dans le Gers, à l'invitation de notre collègue Raymond Vall, pour étudier le dossier de la RN 21 dans ce département, l'autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le dossier de l'A 51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond. J'ai également pris l'initiative d'envoyer à l'ensemble des sénateurs une lettre fin décembre pour leur demander de me faire part de leurs observations sur l'avant-projet de SNIT. J'ai reçu à ce jour une quinzaine de contributions écrites, et je tiens à remercier leurs auteurs.
Qu'est ce que le SNIT ? Je serai bref car nous avons eu l'occasion d'entendre sur ce sujet devant notre commission M. Jean-Louis Borloo en octobre dernier, Mme Michèle Pappalardo en janvier et Mme Nathalie Kosciusko-Morizet hier après-midi. Je dirai que le SNIT est la « feuille de route » de l'État pour les vingt ou trente années à venir en matière d'investissements pour les infrastructures majeures de transport, dans les domaines ferroviaire, du transport urbain, routier, fluvial, portuaire et aérien, afin de rendre opérationnels les engagements que nous avons votés dans la loi dite Grenelle I.
Le Gouvernement a présenté vendredi dernier son avant-projet consolidé de SNIT, et nous l'avons analysé pour observer les avancées par rapport à l'avant-projet initial publié en juillet. Les conclusions que je vous présente aujourd'hui ne sont que provisoires et permettront d'alimenter la réflexion en séance publique que nous aurons mardi 15 février prochain, à la demande du groupe RDSE. Le Gouvernement prévoit quant à lui un débat au Parlement en mai ou juin sur le projet consolidé du SNIT, et le Conseil des Ministres devrait adopter le SNIT dans la foulée.
J'articulerai mon intervention en trois temps. Tout d'abord, quels sont les éléments de satisfaction que nous avons relevés dans la démarche du SNIT ? Ensuite, quelles sont les avancées de l'avant-projet consolidé par rapport à celui de juillet ? Enfin, quelles sont les limites qui demeurent dans l'avant-projet et quelles sont les préconisations du groupe de suivi ?
Schématiquement, nous ne pouvons que nous féliciter de disposer enfin dans notre pays d'un document stratégique sur les infrastructures de transports, opérant une mutation écologique et soumis à concertation.
Un document stratégique à long terme tout d'abord. Il s'agit d'une planification, pas d'une programmation financière. Nous disposons avec ce document d'une feuille de route pour les décennies à venir, que tout citoyen peut consulter, et qui offre une vision globale des projets de l'État. C'est une démarche nouvelle qui tranche avec les schémas de transports définis précédemment par les Comités interministériels d'aménagement du territoire, comme celui de 2003.
Un document opérant une mutation environnementale ensuite. Ce schéma donne clairement la priorité aux modes de transports alternatifs à la route.
Enfin, ce document est soumis à concertation. Madame la Ministre nous a indiqué hier le calendrier qui sera suivi. Depuis juillet, l'avant-projet est soumis au Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE). L'Autorité environnementale a également été consultée et son avis public du 22 septembre est précieux. Le Conseil économique, social et environnemental sera également consulté. Le Gouvernement a donc tourné le dos à l'ancienne logique de prise de décision « du haut vers le bas ».
Venons-en aux avancées de l'avant-projet consolidé par rapport à la version initiale, car force est de constater que la concertation a été utile depuis juillet.
En premier lieu, je me félicite que le SNIT aborde enfin la question des coûts de rénovation des réseaux de transports existants. Il est indiqué que les projets nouveaux, portant sur le développement du réseau, représentent 166 milliards d'euros. Les investissements en matière de régénération, permettant la remise à niveau des réseaux, s'élèvent quant à eux à 30,5 milliards d'euros, et les investissements de modernisation se montent à 59,5 milliards d'euros. L'enveloppe globale du SNIT passe de 170 milliards d'euros à 260,5 milliards d'euros. Le Ministère chiffre très précisément les coûts de régénération et de modernisation, mais sans expliciter les besoins ni l'échelle de temps des travaux.
D'où la première préconisation du groupe de suivi : le Gouvernement doit présenter un schéma des besoins de rénovation des réseaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts. En matière fluviale, le Parlement a déjà demandé au Gouvernement un audit sur la régénération du réseau fluvial à vocation de transport de marchandises, et son coût financier, mais ce rapport n'est toujours pas déposé. Dans le domaine ferroviaire, suite au fameux rapport de l'École polytechnique de Lausanne en 2005, d'importants travaux de régénération du réseau ont été entrepris pour pallier 30 ans de retard, mais notre réseau ferroviaire, hier fierté nationale et internationale, est toujours en convalescence. Quant au secteur routier, qui concentre je le rappelle 90 % du transport de marchandises, il doit faire l'objet de la même attention que les autres réseaux. Nous souhaitons un diagnostic du réseau routier existant, réalisé si possible par un organisme étranger et indépendant, avec un échéancier des coûts de rénovation sur 20 ans. L'Union routière de France, qui regroupe tout le monde de la route, défend une idée comparable.
En deuxième lieu, l'avant-projet consolidé explicite la clef de financement entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport. Certes, le SNIT n'est qu'un document stratégique, mais dès lors que l'on parle de son coût, il est indispensable de disposer d'une vision financière pour rendre crédible ce schéma aux yeux de nos concitoyens, des collectivités territoriales, des entreprises et de nos voisins européens. Comme l'a souligné notre collègue Roland Ries, par ailleurs président du Groupement des autorités responsables de transport (le GART), la participation des collectivités territoriales devrait être de l'ordre de 80 milliards d'euros sur les 170 milliards d'euros prévus par le schéma. Le document du Ministère évoque le chiffre de 71 milliards pour les projets de développement, et 97 milliards pour tous les projets confondus. En définitive, sur une enveloppe globale du SNIT de 260 milliards, les collectivités territoriales dépenseront plus que l'État, qui ne contribuera au SNIT qu'à hauteur de 86 milliards.
C'est pourquoi notre groupe de suivi préconise une concertation approfondie avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT d'ici mai-juin.
Le groupe de suivi demande également une hiérarchisation des projets présentés. Tous ne sont pas à placer au même niveau. L'avant-projet consolidé le reconnaît d'ailleurs clairement : l'ensemble des dépenses du SNIT « n'ont pas nécessairement vocation à se réaliser toutes et à 100 % sur la période considérée ». Le document conclut avec honnêteté qu'en tout état de cause, il n'y aura que 70 à 80 % du volume des mesures prévues dans le SNIT qui seront effectivement réalisées. Il existe des projets plus structurants et prioritaires que d'autres. Les engagements du Grenelle ont été pris avant la crise. Nous devons nous adapter aux contraintes économiques actuelles et hiérarchiser les projets, notamment parmi les nombreux projets de ligne grande vitesse. Je rappelle que la création d'un kilomètre d'une ligne LGV coûte 20 à 25 fois plus cher que la régénération ou l'électrification d'un kilomètre de voie ferrée de base. Le Grenelle, c'est concrètement 85 milliards d'euros de lignes nouvelles à grande vitesse avant 2030. Même en demandant des aides à Bruxelles, comme le suggère M. Raymond Couderc pour la ligne Nîmes-Montpellier-Perpignan, l'effort financier demeure considérable. C'est pourquoi je pense qu'il faudra à terme un Grenelle du ferroviaire pour poser clairement les enjeux financiers actuels du volet ferroviaire du Grenelle de l'environnement. Les projets concrets inscrits dans le Grenelle I ne sont pas intouchables, compte tenu de l'évolution actuelle des finances publiques. Ils doivent vivre, évoluer et se modifier sans que ces changements soient taxés de volte-face. Je pense notamment à la proposition intéressante de nos collègues Jean-François Mayet et Louis Pinton, sénateurs de l'Indre, de prolonger la future ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL), que soutient Rémy Pointereau, vers Limoges via Châteauroux, ce qui rendrait inutile la branche LGV entre Poitiers et Limoges pourtant inscrite dans la loi Grenelle I. À l'évidence, la question du raccordement entre la ligne Paris-Orléans-Limoges-Poitiers d'une part, et Paris-Orléans-Clermont-Lyon, qu'évoque également Jean Milhau, n'est pas tranchée aujourd'hui.
Troisième avancée : les projets qui bénéficient d'une déclaration d'utilité publique sont dorénavant regroupés dans une nouvelle annexe II dans un but pédagogique. En effet, les projets déclarés d'utilité publique étaient systématiquement exclus du SNIT dans la version initiale. C'était le sens de la contribution de notre collègue Alain Dufaut, relative à la deuxième tranche des travaux de la liaison Est-Ouest d'Avignon, et de notre collègue Bruno Retailleau au sujet de l'autoroute A 831. Leurs préoccupations ont été entendues. Malheureusement, le nouveau document n'est pas suffisamment explicite sur les mesures de modernisation du réseau ferroviaire. D'où l'interrogation de notre collègue Philippe Paul, qui s'étonne de ne pas voir figurer dans le SNIT l'amélioration de la desserte entre Paris, Brest et Quimper, financée dans le cadre des contrats de projet État-Région.
C'est pourquoi nous souhaitons que le SNIT présente dans une nouvelle annexe les efforts conséquents de l'État et de RFF en matière de régénération ferroviaire. Je rappelle en effet que 1 000 kilomètres de voies sont régénérées chaque année.
J'en viens maintenant aux difficultés récurrentes relevées par notre groupe de travail et aux solutions que nous préconisons.
Tout d'abord, nous constatons que les projets de développement portuaire et d'interconnexion avec le réseau fluvial manquent d'ambition pour relancer le fret ferroviaire. Les projets portuaires stricto sensu ne représentent que 2,7 milliards d'euros. Il est peu vraisemblable que ce schéma donne à nos ports, aujourd'hui encore bloqués par des grèves très pénalisantes, l'impulsion nécessaire pour rattraper voire dépasser les ports de l'Europe du Nord.
Le groupe de suivi estime que le développement du fret ferroviaire et des grands ports maritimes passe par une série de réformes, qui ont été exposées dans le rapport du Sénat sur l'avenir du fret ferroviaire, qui comprend en annexe les contributions des groupes politiques. Je pense par exemple à la création rapide de corridors européens de fret ou à l'embranchement des ports avec le canal Seine - Nord-Europe.
Le groupe de suivi demande également une nouvelle évaluation des externalités négatives générées par le transport routier de marchandises au niveau tant français qu'européen. Cette évaluation, réalisée si possible par un organisme étranger et indépendant, est indispensable pour sortir par le haut du débat sans fin sur les coûts réels respectifs de la route et du fer.
Plus globalement, nous estimons que le schéma doit montrer comment les projets ferroviaires, fluviaux et portuaires s'inscrivent dans le réseau de transport transeuropéen (RTE-T). L'annexe V, introduite par le nouvel avant-projet, n'est pas satisfaisante car elle évoque vaguement les flux européens par des flèches imprécises, au lieu de recenser l'ensemble des projets inscrits au RTE-T. Jean-Pierre Vial regrette que le SNIT n'insiste pas suffisamment sur la dimension européenne de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Notre collègue Daniel Raoul souhaite l'inscription dans son intégralité de la voie ferrée Centre Europe Atlantique (VFCEA) dans le schéma afin de donner au Port de Nantes - Saint-Nazaire un débouché sur Lyon.
En outre, le SNIT n'aborde pas la question de l'écluse fluviale au port du Havre, qui fait l'objet d'une étude entre le Port et Voies navigables de France (VNF) et que connaît bien notre collègue Charles Revet.
Par ailleurs, il manque au schéma une vision à long terme, car il n'évoque pas la question des ports avancés à l'intérieur des terres, qui pourraient pourtant se développer en vallée du Rhône comme le remarque Didier Guillaume. Enfin, la dimension de la lutte contre le bruit, essentielle pour garantir à long terme le développement du fret ferroviaire, doit être approfondie dans le SNIT.
Nous avons identifié une deuxième difficulté : l'aménagement et la modernisation des routes nationales existantes sont insuffisamment pris en compte par le SNIT, alors que la majorité des contributions que j'ai reçues traitent de cette question. Je peux citer l'aménagement de la RN 122 dans le Cantal, chère à notre collègue Jacques Mézard, de la RN 21 dans le Gers, sujet de préoccupation de Raymond Vall, des RN 12 et 162 dans la Mayenne, dont la mise à deux fois deux voies est défendue par Jean Arthuis. Je pourrais également évoquer la RN 149 défendue par Michel Bécot, la RN 2 évoquée par Antoine Lefevre, et la RN 164 mentionnée par Dominique de Legge. Vous le voyez, la liste est longue ! Face à ces demandes, le Ministère estime que ces questions doivent être traitées dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros par an.
Il refuse en effet d'inscrire dans le SNIT, en tant que projets de développement, les projets d'aménagement des routes existantes qui répondent seulement, je cite, à des « problèmes locaux de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou encore d'intégration environnementale » et qui ne créent pas « de nouvelles fonctionnalités » qui viendraient modifier « à grande échelle les comportements » au travers « de nouveaux trafics ou des reports modaux ». En outre, chacun sait que les crédits de l'action budgétaire « entretien et exploitation du réseau routier national », qui ne servent qu'à la régénération des routes s'élèvent à 300 millions d'euros en 2011, en baisse de 27 % par rapport à 2010, ce qui creuse un fossé entre les demandes des sénateurs et les décisions du Gouvernement.
C'est pourquoi le groupe de suivi propose de davantage prendre en compte l'aménagement du territoire, en adoptant une interprétation plus raisonnable des critères du Grenelle. L'article 10 de la loi dite Grenelle I a posé comme principe que l'augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d'intérêt local. Le Gouvernement a une lecture très stricte, voire trop stricte de ces critères. Il en va peut-être ainsi du projet de nouveau franchissement de la Loire, évoqué par nos collègues Bruno Retailleau et Daniel Raoul, car le pont de Cheviré est aujourd'hui saturé. Ou encore du projet d'effacement de l'autoroute A 7 à Valence, que défend Didier Guillaume. Le groupe de suivi considère que le troisième critère, celui de besoin local, doit englober la notion de désenclavement, notamment en l'absence de desserte par le rail. On pourrait ainsi répondre aux souhaits de nombreux sénateurs, comme Michel Teston, qui souhaite la réalisation d'ouvrages de franchissement du Rhône et du canal du Rhône pour relier la route départementale 86 au sud de Teil, à l'échangeur autoroutier de Montélimar-sud et désenclaver ainsi l'Ardèche. Plus globalement, je distingue trois régions qui posent questions en termes d'aménagements du territoire. Le Massif Central est relativement oublié dans l'avant-projet, comme l'ont regretté Mireille Schurch et Jacques Mézard. La question du franchissement des Pyrénées doit être approfondie, comme le souhaite notamment Raymond Vall, dans le cadre d'une réflexion stratégique sur les liens entre la France et l'Espagne. Enfin, la Bretagne, et plus particulièrement le Finistère, doit être reliée à Paris par une voie rapide.
Le groupe de suivi demande également que le Gouvernement engage, dès la prochaine loi de finances, des crédits d'études pour établir les cahiers des charges des 11 projets de désenclavement routier visés par la nouvelle fiche ROU 6 de l'avant-projet consolidé. On pourra alors savoir si des subventions publiques sont nécessaires pour réaliser les aménagements de ces axes.
Que dire enfin du projet emblématique de l'A51 ? La loi Grenelle indiquait, je cite, que « Les projets permettant d'achever les grands itinéraires autoroutiers largement engagés seront menés à bonne fin ». Quel sens y a-t-il à laisser un tel axe inachevé alors qu'il ne reste que le tronçon central à réaliser ? Cette jonction est d'ailleurs une question d'« équité territoriale » pour reprendre l'un des critères de l'avant-projet de SNIT. Enfin une traversée nord-sud des Alpes déchargerait l'axe rhodanien qui joue un rôle essentiel dans l'économie française et pourrait même servir de recours si cet axe était interrompu pour quelque raison que ce soit. Je crois donc nécessaire de mettre le plus rapidement possible tous les acteurs autour d'une table pour définir un plan d'action concret d'achèvement de cet axe.
Autant il est juste de tourner le dos à une politique publique donnant la priorité à la route, autant « passer à l'excès inverse de l'interdiction de tout projet routier » reviendrait à condamner les territoires à une « mort » certaine. Ces mots, ce sont ceux du Président de la République à Morée le 9 février 2010 et je les fais miens.
Dernière difficulté : l'évaluation environnementale du SNIT comporte de nombreuses limites. À la lecture du rapport environnemental, on ne sait pas clairement si la France parviendra, grâce au SNIT, à atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle : diviser par 4 les émissions de CO2 entre 1990 et 2050 à l'échelle de la France ; et, pour les transports, réduire de 20 % les émissions de CO2 qu'ils génèrent par le secteur des transports et porter la part modale des transports alternatifs à 25 % en 2022.
C'est pourquoi nous souhaitons que l'évaluation environnementale du SNIT soit améliorée, notamment en termes de méthodologie, en suivant l'avis de l'Autorité environnementale.
Comment mesure-t-on l'impact, territoire par territoire, des nouvelles infrastructures ? Quelles sont les solutions de substitution possibles pour les grands projets d'infrastructures ? Quels sont les différents scénarios de référence à retenir ? Comment mesurer les ruptures dans les changements de comportements des usagers, et les effets de réseaux ? Toutes ces questions essentielles doivent être à nouveau abordées afin d'éclairer le débat prévu au Parlement sur le SNIT.
L'évaluation environnementale du schéma pourrait être précisée comme l'ont demandé nos collègues Mireille Schurch et Evelyne Didier lors de l'audition de Michèle Pappalardo, commissaire générale.
En tant que membre du groupe de suivi sur le SNIT, je n'ai pas de désaccord fondamental à formuler à l'encontre des conclusions provisoires de notre collègue Louis Nègre. En revanche, j'estime que sa contribution comporte de nombreuses lacunes. Tout d'abord, sur la philosophie générale du schéma, il est indispensable de réaffirmer le droit au transport et à la mobilité pour tous les citoyens, qui doivent avoir un égal accès aux différents modes de transport. En outre, il faut déclarer d'intérêt général le fret ferroviaire, et non pas seulement le transport par wagon isolé si l'on souhaite véritablement respecter les engagements du Grenelle de l'environnement. Par ailleurs, les besoins de nombreux territoires enclavés sont insuffisamment pris en compte par le schéma, alors qu'une étude décisive de la DATAR en 2003 a identifié les aires géographiques mal desservies par les réseaux de transport actuels. L'avant-projet consolidé n'a répondu aux attentes de ces populations que par des artifices rédactionnels dont le seul but est de calmer les élus concernés qui ont protesté. Par surcroît, le financement du SNIT repose essentiellement sur les collectivités territoriales qui contribueront à la réalisation des projets à hauteur de 37 % en moyenne. Ce niveau de participation est inédit ! L'État n'a pas respecté sa parole lors du CIADT de 2003. Il s'est déjà désengagé du secteur routier en transférant des routes nationales au département lors de l'acte II de la décentralisation en 2004 et aujourd'hui, il demande aux collectivités territoriales de contribuer à l'aménagement des routes nationales. Cela est scandaleux. Quelle crédibilité financière doit-on accorder à cet avant-projet consolidé alors que la dette de l'État est abyssale et que celui-ci ne mène aucune politique de relance efficace pour y remédier ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles contribuer financièrement au SNIT alors que leur marge nette d'autofinancement est très réduite ? Le groupe socialiste que je représente ne pourra donner un avis favorable aux conclusions du groupe de suivi sur le SNIT que si toutes ces lacunes sont comblées.
Je voudrais connaître le sort réservé par le SNIT au projet autoroutier reliant Châteauroux, Bourges, Auxerre et Troyes, qui a été lancé il y a maintenant une vingtaine d'années et qui pourrait aboutir à doubler la RN 151 ou à créer une autoroute. S'agissant du projet de ligne ferroviaire à grande vitesse Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) qui permettra de doubler la ligne à grande vitesse actuelle Paris-Lyon, en voie de saturation, son coût est estimé à 13 milliards d'euros sur 10 à 12 ans. Le débat public débutera en octobre prochain. Ce projet est essentiel en termes de revitalisation rurale et d'aménagement du territoire pour le Centre et l'Auvergne. Il faut davantage préciser son tracé, sans préjuger du débat public, mobiliser les collectivités territoriales, identifier les possibilités de financement privé, notamment au travers des partenariats public-privé, et mobiliser les fonds européens. Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité d'établir un ordre de priorité entre les différents projets de LGV. Enfin, je souhaite savoir si l'on peut communiquer au groupe de suivi de nouvelles contributions.
Je soutiens la position de mon collègue Michel Teston. L'avant-projet consolidé continue de favoriser une approche infrastructure par infrastructure sans analyser pour chaque territoire l'impact des nouveaux projets de transports tous modes confondus. Dès lors, le risque est grand de mettre en concurrence nos territoires et les infrastructures. Il aurait fallu partir de la cartographie établie par la DATAR en 2003 pour répondre aux besoins des zones enclavées. En outre, je constate que 8 000 camions empruntent chaque jour la Route-Centre-Europe Atlantique (RCEA) soit bien plus que sur n'importe quelle autoroute dans le Massif Central. Pire, ce chiffre augmentera avec la récente autorisation de circulation des 44 tonnes ! Il est donc essentiel de développer le réseau de fret ferroviaire dans cette région. Par ailleurs, je me félicite de la proposition de Louis Nègre de demander une étude sur les externalités négatives du transport routier de marchandises. Je constate ensuite que les collectivités territoriales devraient contribuer à hauteur de 37,2 % au financement du SNIT contre 32,2 % pour l'État. Or, les collectivités territoriales doivent faire face à la suppression de la taxe professionnelle... Plus généralement, il faut donner plus d'importance aux critères d'aménagement du territoire et d'accès au transport et ne plus seulement se focaliser sur les flux attendus par les nouveaux projets. Il faut traiter en priorité les projets de ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont d'une part, et Paris-Orléans-Limoges d'autre part, car Limoges et Clermont sont deux capitales régionales qui ne sont pas aujourd'hui desservies par des lignes à grande vitesse. Dès lors, le barreau Limoges-Poitiers deviendrait superflu. Nous devons rapidement engager la réflexion sur cette question. Enfin, il manque une cartographie des travaux de la DATAR et des réseaux européens dans l'avant projet.
Le dernier rail de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône branche Est a été posé hier en présence du Premier ministre, de parlementaires et d'élus locaux. Trente ans ont été nécessaires pour construire 140 km de LGV : il nous faut donc raisonner en décennies ! Le Premier ministre n'a pas rappelé que les cinq régions du Grand Est ont participé pour moitié au financement de ce projet, et pour cause : ce fait ne connaît pas de précédent. Il a en revanche mis sur un même plan cinq projets de LGV, ce qui n'est pas raisonnable. Il faut sérier les projets et ne pas faire rêver les gens sur le SNIT ! Quant au projet POCL, il ne verra le jour que si le temps du trajet entre Paris et Clermont-Ferrand est très court. Le bon sens conduit à concevoir un axe principal Paris-Lyon où la vitesse de circulation serait de 360 km/h et des embranchements moins rapides vers Limoges et Clermont. Enfin, je suis dubitatif quant à la volonté de l'État de s'occuper de la RCEA...
La RCEA figure dans le SNIT. Nous devons d'ailleurs poursuivre la réflexion sur les avantages que présenteraient les partenariats public-privé et les concessions sur cet axe.
S'agissant de la RCEA, je souhaite faire observer que le nord des Deux-Sèvres est dépourvu d'autoroute comme de voie ferrée. Or les fonds disponibles dans le cadre du PDMI sont insuffisants. Certains concessionnaires semblent prêts à financer le projet, même si l'adossement est impossible.
L'adossement est en effet interdit, mais il n'y a pas d'obstacle a priori à la réalisation d'un projet si celui-ci ne coûte rien à l'État.
À quel stade d'avancement du dossier, les nouvelles infrastructures peuvent-elles être inscrites dans les documents d'urbanisme ? Certains projets de zone d'activité sont bloqués en raison de l'incertitude sur la réalisation des infrastructures. S'agissant par ailleurs du contournement ouest de Lyon, l'avant-projet du SNIT ne prévoit qu'une réalisation partielle d'une trentaine de kilomètres dans sa partie nord : or je ne vois pas de sens à en réaliser seulement un morceau.
La ruralité a été sacrifiée dans cet avant-projet de SNIT, alors même qu'une région comme Midi-Pyrénées a fait un effort considérable sur l'ensemble des moyens de transport. Par ailleurs, je constate que la plus grande partie des fonds de cet avant-projet sont consacrés à des projets de transports publics, qui sont déficitaires : on pourrait tout de même garder quelques ressources pour des projets routiers qui sont souvent plus rentables. L'État a fait un premier pas pour l'aménagement et le désenclavement des territoires, mais il faut un fléchage spécifique pour ces objectifs. Enfin le document fait preuve d'humour en positionnant dans ses documents graphiques la nouvelle traversée des Pyrénées non pas sur un point particulier de la chaîne, mais sur un faisceau allant de l'Océan atlantique à la mer Méditerranée...
Je constate que le Jura est oublié dans ce document, alors qu'il est de plus en plus enclavé. Il y avait des crédits sur la RN 5 il y a dix ans : ils n'ont toujours pas été débloqués et l'administration nous néglige, alors qu'il existe une section de onze kilomètres sur laquelle tout doublement est impossible. S'agissant de la LGV Rhin-Rhône, elle aura pour effet de réduire la qualité de la desserte locale du Jura alors que les impôts régionaux ont contribué à sa réalisation. Certains disent que la branche sud va coûter cher : seuls nos petits-enfants auront-ils donc accès à cette branche d'intérêt européen ?
Je mettrai l'accent sur l'espace qui va de l'Indre à la Corrèze et au Cher : la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) est notre seul espoir de connexion à la grande vitesse. Je crains que la poursuite du funeste projet de branche LGV Poitiers-Limoges à voie unique n'empêche la rénovation de la ligne historique Paris-Orléans-Limoges, qui se connecterait à la ligne POCL jusqu'à Vierzon et à laquelle je crois. Malheureusement ce dernier projet n'est plus soutenu par SNCF mais seulement par certaines collectivités.
Je regrette que l'avant-projet de SNIT ne contienne pas une réflexion à long terme sur les mécanismes de financement. Je crois que l'allongement des durées de concessions aurait permis, par mutualisation dans un pot commun, de financer les nouvelles infrastructures. Le recensement des projets déclarés d'utilité publique dans l'annexe II est un point positif, mais quel est le statut de cette liste pour affirmer la nécessité de leur réalisation ? Enfin, comme Daniel Raoul, je demande que le franchissement routier de la Loire soit inscrit dans le SNIT afin d'assurer une meilleure connexion du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes aux réseaux de transport.
Je m'inquiète pour l'avenir de nos ports, lorsque je vois le nombre de bateaux déroutés, en raison non seulement du comportement des personnes qui y interviennent mais surtout du retard sur les investissements dans ces ports. La loi sur le Grand Paris a prévu par ailleurs la remise d'un rapport sur la possibilité de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine, car des emprises pourraient être utilisées : ce rapport va-t-il être remis bientôt ? Si les études ont été faites, quels en sont les résultats ?
En Bretagne, sur le dossier de la RN 164 qui dure depuis vingt-cinq ans, la part des collectivités territoriales est déjà très importante : il est temps que l'État, qui a inscrit des crédits dans les contrats de plan et de projet, tienne ses engagements ! S'agissant de la grande vitesse, où un effort conséquent a été entrepris sur la section Le Mans - Rennes, je ne vois pas de prise en compte dans l'avant-projet de SNIT des sections Rennes - Brest et Rennes - Quimper ; or les collectivités ont inscrit des crédits notamment pour la suppression des passages à niveau. Je pense également à la liaison Rennes - Nantes, qui, il est vrai, n'est pas prévue à court ni à moyen terme. Il est bon que cet avant-projet consolidé prenne en compte les projets déjà programmés pour les prochaines années, mais je constate que, en dépit de la perte de la compétence générale pour les départements et les régions, ceux-ci sont sollicités à un niveau important.
J'insiste sur la répartition des engagements financiers. La hiérarchisation des projets dépendra des capacités financières et de la volonté politique. Alors que l'avant-projet consolidé de SNIT prévoit que 37 % des financements incomberont aux collectivités, je rappelle qu'un texte de loi récent prévoit l'interdiction des financements croisés. Si nous ne payons pas, nous dit-on, nous n'aurons pas les infrastructures. Je souscris aux propos de Raymond Vall sur la traversée des Pyrénées : il faudra bien choisir un tracé pertinent. Le prolongement de la LGV de Toulouse jusqu'à Narbonne devra également être abordé. Enfin, l'aménagement de la liaison entre Toulouse et Castres, inscrite au SNIT, fait débat ; je fais observer à ce sujet qu'une infrastructure autoroutière est un dévoreur d'espace et que le coût serait subi par le contribuable et l'usager, alors que le conseil général de Haute-Garonne a déjà consenti de nombreux aménagements sur la voie existante.
Je me félicite de constater que le projet de ligne à grande vitesse Montpellier Perpignan est inscrit dans le SNIT et sera lancé avant 2020. Il n'est pas trop tôt, nous attendons ce projet depuis trente ans ! Je regrette le sort réservé au transport fluvial et notamment l'absence du canal du Midi dans ce schéma. Il n'a aujourd'hui qu'un usage touristique et les travaux de modernisation se font attendre car VNF affirme ne pas avoir les ressources financières suffisantes. Quant aux projets d'autoroute de la mer, ils sont aujourd'hui paralysés compte tenu des difficultés que rencontre l'Union pour la Méditerranée suite au conflit israélo-palestinien. Il faudra contourner ces problèmes géopolitiques si l'on veut relancer ces projets.
Je ne souhaite pas relayer aujourd'hui les demandes des territoires dont je suis élu mais m'exprimer en tant que président du GART. Je me félicite de l'existence du SNIT qui constitue une première dans notre pays d'autant que cet exercice est très difficile à réaliser, eu égard au grand nombre d'autorités organisatrices de transport concernées par ce schéma. La question du financement est cruciale et risque de transformer le SNIT en un simple « élément de l'art poétique » ! Je m'étonne qu'aucun orateur n'ait évoqué aujourd'hui les coûts de fonctionnement des nouvelles infrastructures prévues par ce schéma. Dans ma communauté urbaine de Strasbourg, un quart du budget est consacré à l'amortissement des projets de transport et aux charges d'entretien ! Pour le choix des projets, il ne faudra pas se fonder sur le seul critère du trafic mais prendre en compte aussi les critères d'aménagement du territoire et de politique urbanistique.
Une réflexion sur les partenariats public-privé et sur les concessions permettrait justement d'aborder la question de l'entretien des nouvelles infrastructures.
Lorsque j'observe les cartes de l'avant-projet consolidé du SNIT, j'ai le sentiment que l'histoire s'est arrêtée à Louis XIV et à la paix d'Utrecht ! L'Europe est absente de ce document, les infrastructures des pays frontaliers ne sont même pas évoquées. C'est invraisemblable ! Quant au financement du schéma, nous n'avons pas fini de regretter la funeste décision de Monsieur Dominique de Villepin de vendre les parts de l'État dans des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes car le Gouvernement s'est privé ainsi d'une ressource pérenne. Je m'étonne de constater que le projet de mise en deux fois deux voies de la route nationale passant par Maubeuge ne soit pas évoqué dans ce document. Je déplore également le retard pris dans le projet d'aménagement de la RN2 alors que le Conseil général du Nord a voté depuis longtemps les crédits pour financer les études préalables et acheté les terrains nécessaires. Aujourd'hui, ce dossier est bloqué. Par ailleurs, je regrette l'attitude systématiquement hostile de l'ancien conseil général des ponts et chaussées à l'encontre des projets portés par les élus. Enfin, il faut mettre un terme à la mode du « tout TGV » dans notre pays. La SNCF privilégie les lignes à grande vitesse au détriment des lignes TEOZ Intercités au travers notamment d'une politique de communication partiale et d'un manque d'investissement sur les lignes traditionnelles.
Je voudrais informer notre commission que le projet d'achever l'autoroute A 51 vient de recevoir deux soutiens de poids puisque le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ont envoyé récemment une lettre au Gouvernement en faveur de ce projet. D'ailleurs, le président de la République a promis de se déplacer avant juin sur Gap. S'agissant des TER, il est fort dommageable que les régions et la SNCF se rejettent mutuellement la responsabilité des dysfonctionnements observés. Enfin, je m'inquiète de l'augmentation du prix des billets TGV car le train perd déjà aujourd'hui de la compétitivité par rapport à la route.
Vos interventions montrent que personne ne remet en cause la philosophie du Grenelle de l'Environnement. Toutefois, la concertation doit pouvoir continuer. S'agissant des lignes à grande vitesse, il faut souligner que leur construction coûte beaucoup plus cher que la requalification des lignes existantes, ce qui se retrouve dans le prix du billet : le taux de remplissage des trains montre qu'il s'agit d'un vrai besoin.
J'ai bien noté que les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale avaient apporté leur soutien au projet de l'A 51.
Nous avons reçu des observations relatives à la RN 164 en Bretagne : saisissez-nous sur les points soulevés et nous essaierons de voir comment faire avancer le dossier avec le ministère.
L'aspect européen n'était pas du tout pris en compte dans la version initiale de l'avant-projet. Désormais les cartes indiquent quels axes franchissent les frontières, mais il manque encore une prise en compte globale des axes européens traversant la France.
Les sujets liés à la RN 2, à la liaison Maubeuge-Paris, et au contournement ouest de Lyon nécessitent d'être étudiés.
Le dossier du pont sur la Loire pose une question de fond : quelle doit être la place respective, dans le financement, de l'État, des collectivités territoriales et des partenariats public-privé après la réforme des collectivités territoriales ?
S'agissant des documents d'urbanisme, il me semble que les projets y apparaissent après avoir été déclarés d'utilité publique. Quoi qu'il en soit, le débat public permet d'alerter toutes les personnes concernées, même si la marge d'incertitude demeure importante.
Concernant la RN 5 dans le Jura, il faudrait voir avec le ministère pourquoi des crédits sont votés mais pas utilisés.
L'administration est particulièrement lente pour répondre au besoin d'amélioration de l'axe.
S'agissant des ports, je partage le diagnostic pessimiste de Charles Revet. Quel est l'objet de l'étude relative au port sur la Seine ?
Les trains ont du mal à accéder au port. Or des milliers d'hectares sont disponibles en amont et aval du pont de Tancarville : on pourrait y construire des bassins reliés aux voies ferrées. J'ai suggéré qu'on fasse une étude, mais il y a un problème de partage de responsabilité entre les ports du Havre et de Rouen.
En conclusion, je souhaiterais que nous parvenions à hiérarchiser les projets dans le cadre du SNIT. Il faudrait également déterminer lesquels pourraient être réalisés dans le cadre d'un partenariat public-privé, ce qui est sans doute le cas de celui-ci.
- Présidence de MM. Jean-Paul Emorine, président, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -