Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 3 juillet 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, la commission a procédé à l'audition de S. Exc. M. Antonio Monteiro, ambassadeur du Portugal en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Accueillant M. Antonio Monteiro, M. Hubert Haenel, président de la Délégation pour l'Union européenne, a souligné l'intérêt d'entendre le représentant du pays qui exerce la présidence de l'Union européenne pour les six prochains mois et qui aura notamment pour tâche de conduire les travaux de la Conférence intergouvernementale sur le nouveau traité.

Debut de section - Permalien
Antonio Monteiro, ambassadeur du Portugal en France

a présenté les quatre principales priorités de la présidence portugaise de l'Union européenne, en précisant que ces priorités, guidées par l'idée directrice d'« une union plus forte pour un monde meilleur », s'inscrivaient dans le cadre du programme commun aux présidences précédente et suivante, allemande et slovène.

La première et principale priorité de la présidence portugaise est de conclure les travaux de la Conférence intergouvernementale sur le nouveau traité.

L'accord obtenu lors du Conseil européen des 21 et 22 juin dernier a été un succès, car l'essentiel de la substance du traité constitutionnel a été préservé, comme le caractère juridiquement contraignant de la charte des droits fondamentaux, auquel le Portugal est très attaché. M. Antonio Monteiro s'est également félicité du renforcement du rôle des Parlements nationaux pour le contrôle de la subsidiarité.

Le Conseil européen a aussi donné un mandat clair et précis à la Conférence intergouvernementale. La CIG se réunira le 23 juillet sur un premier projet de traité élaboré par la présidence portugaise. Le Conseil européen a fixé l'objectif de conclure rapidement ses travaux et, en tout état de cause, avant la fin de l'année, de manière à ce que le nouveau traité puisse entrer en vigueur avant les élections au Parlement européen de juin 2009.

Toutefois, un mandat n'est pas un traité et le travail de rédaction, au-delà du caractère technique ou juridique, revêt également une dimension politique, car le diable se cache souvent dans les détails...L'esprit de la négociation sera de ne pas s'éloigner de l'accord obtenu lors du Conseil européen.

La deuxième priorité de la présidence portugaise, a poursuivi M. Antonio Monteiro, concerne la relance de la stratégie de Lisbonne. Elaborée en 2000, sous présidence portugaise, cette stratégie a eu des résultats décevants. Il s'agit donc, aujourd'hui, de la redynamiser autour de ses trois volets économique, social et environnemental.

En matière économique, il s'agit de l'achèvement du marché intérieur, du renforcement de l'économie de la connaissance, mais aussi de thèmes plus spécifiques comme le tourisme, les régions ultrapériphériques ou l'approche intégrée pour les océans, les mers et les zones côtières, qui présentent un grand intérêt pour le Portugal. Une conférence ministérielle qui jettera les bases d'une politique maritime européenne sera organisée.

En matière sociale, dix ans après le lancement de la stratégie européenne de l'emploi, le Portugal souhaite promouvoir le débat sur les meilleurs modes de coordination de la politique de l'emploi, afin de favoriser la création d'emplois dans le contexte de la mondialisation. Cette ligne d'action devrait s'articuler à la qualification des ressources humaines, la conciliation entre travail et vie familiale, la lutte contre la pauvreté et le débat difficile sur le thème de la « flexisécurité ».

En matière environnementale, la présidence souhaite ouvrir un débat sur la question de l'énergie, et notamment l'efficacité énergétique et le rôle des biocarburants, important pour les relations entre l'Union européenne et le Brésil.

La troisième priorité de la présidence, a indiqué M. Antonio Monteiro, concerne l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans ce domaine, le Portugal souhaite surtout mettre l'accent sur la question des flux migratoires qui revêt une importance particulière, non seulement pour l'Europe, mais aussi pour ses voisins à l'Est ou au Sud. Le renforcement de la frontière méridionale en Méditerranée sera une priorité de la présidence, de même que la question de la levée des contrôles aux frontières avec les nouveaux Etats membres dans le cadre de la libre circulation des personnes.

Enfin, la quatrième priorité de la présidence portugaise, a précisé M. Antonio Monteiro, concerne le renforcement du rôle de l'Europe dans le monde. Sur ce point, l'agenda de la présidence portugaise sera extrêmement chargé. Outre des questions aussi délicates que celles concernant l'avenir du Kosovo, le dossier nucléaire iranien, la crise humanitaire au Darfour ou la question palestinienne, la présidence aura pour tâche d'organiser plusieurs sommets avec l'Inde, la Chine, la Russie et l'Ukraine. Les relations avec les Etats-Unis feront également l'objet d'un suivi particulier, compte tenu de l'importance particulière de la relation transatlantique.

Le Portugal espère aussi, au cours de sa présidence, relancer les relations entre l'Union européenne et le Brésil, l'Afrique et les pays du sud de la Méditerranée, sujets sur lesquels il peut apporter une plus-value significative.

Un sommet Union européenne/Brésil se tiendra le 4 juillet, qui revêt une importance stratégique fondamentale, car le Brésil est la seule puissance émergente des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) avec laquelle l'Union européenne n'avait pas noué, jusqu'à présent, de relation fondée sur un partenariat stratégique. Si le Portugal est attaché aux relations avec le Brésil, ce n'est pas seulement en raison de la langue, mais parce qu'il y a un vrai intérêt à ce partenariat, par exemple en matière de biocarburants, et parce qu'elles permettront de renforcer les liens avec le Mercosur et l'ensemble de l'Amérique latine.

Le Portugal souhaite aussi organiser au mois de décembre prochain un sommet Union européenne-Afrique. Là encore, il s'agit de corriger une lacune, puisqu'aucun sommet de ce type n'a été organisé depuis celui du Caire en 2000, également sous la précédente présidence portugaise, en raison des difficultés découlant de la situation au Zimbabwe. Or, l'Union européenne a besoin d'avoir une véritable politique africaine, de définir une vision commune et de renforcer ses liens avec ce continent, où l'influence de la Chine, des Etats-Unis et d'autres puissances n'a cessé de se renforcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Après avoir remercié M. Antonio Monteiro pour sa présentation, M. Robert del Picchia s'est félicité de la volonté de la présidence portugaise de renforcer le rôle de l'Europe dans le monde et, en particulier, de l'accent mis sur les relations avec l'Afrique et la Méditerranée. Concernant l'Amérique latine, il a rappelé que la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat avait organisé récemment une mission d'information qui s'était rendue en Argentine, au Brésil, au Venezuela et en Bolivie et que le renforcement des relations avec l'Amérique latine pourrait se heurter à la politique anti-occidentale du Président du Venezuela, M. Hugo Chavez. Il a également interrogé M. Antonio Monteiro sur la position du gouvernement portugais à l'égard du projet d'Union de la Méditerranée lancé par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

s'est également interrogé sur l'articulation entre le projet d'Union méditerranéenne et le partenariat euroméditerranéen dans le cadre du processus de Barcelone.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean François-Poncet

est revenu sur l'accord obtenu sur le nouveau traité lors du dernier Conseil européen, en estimant que le point le plus préoccupant n'était pas le report de la double majorité souhaité par la Pologne, mais les dérogations obtenues par le Royaume-Uni concernant la charte des droits fondamentaux et la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Ces concessions constituent un véritable recul pour un pays qui avait signé le texte du traité issu de la convention.

En effet, le Royaume-Uni, qui aujourd'hui ne participe ni à l'euro, ni à Schengen, semble de plus en plus avoir la qualité de membre associé plutôt que celle de membre plein et entier de l'Union européenne. Ces reculs permettent de s'interroger sur la légitimité du Royaume-Uni de s'opposer aux progrès souhaités par les autres Etats membres.

Debut de section - Permalien
Antonio Monteiro, ambassadeur du Portugal en France

En réponse, M. Antonio Monteiro a apporté les éléments suivants :

- en ce qui concerne le nouveau traité, le rôle de la présidence sera très important, dans la mesure où il lui revient de présenter, en liaison avec le Secrétariat général du Conseil, un projet de traité à la Conférence intergouvernementale. Celle-ci devrait s'ouvrir le 23 juillet prochain et le Premier ministre portugais a fixé pour objectif de conclure ses travaux pour la réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement des 18 et 19 octobre. Il faut, en effet, conserver la dynamique et résister à la tentation de certains de vouloir renégocier ce qui a fait l'objet d'un accord lors du dernier Conseil européen.

Une conférence intergouvernementale n'est pas seulement un exercice technique ou juridique, mais elle présente une dimension politique, ce qui implique une volonté politique ;

- l'attitude de l'actuel Président du Venezuela est surtout un problème qui affecte l'ensemble de l'Amérique latine. La récente tension avec le Brésil atteste la nécessité du renforcement des relations entre l'Union européenne et ce pays. Ce rapprochement n'a pas seulement pour vocation de régler des dossiers bilatéraux difficiles, comme les contentieux agricoles par exemple, mais il a aussi pour but de nouer des liens avec l'ensemble du continent sud-américain, dont le Brésil constitue la plus importante porte d'entrée ;

- si l'influence de la Chine s'est renforcée en Afrique, l'Union européenne dispose toujours d'atouts, comme la proximité culturelle et linguistique. Par ailleurs, sur de nombreux sujets, comme l'immigration, le réchauffement climatique, l'énergie, la sécurité et la défense, la santé ou la bonne gouvernance et les droits de l'homme, il existe une vision et des intérêts communs. Il est donc indispensable de renforcer ces relations pour nouer un véritable partenariat avec l'Afrique ;

- le Portugal a été l'un des premiers pays à avoir accueilli favorablement l'idée d'une Union méditerranéenne, sous réserve de certaines précisions. Tout d'abord, il paraît nécessaire d'en définir les contours. Ensuite, l'idée d'éviter les sujets politiques et de se concentrer sur les questions concrètes, qui paraît judicieuse, est difficile à traduire en pratique. En effet, les problèmes politiques, comme le conflit au Proche-Orient, ou le contentieux entre l'Algérie et le Maroc à propos du Sahara occidental, pèsent d'un grand poids.

Enfin, si le processus de Barcelone n'a pas donné jusqu'à présent des résultats très probants, il ne doit pas pour autant être abandonné.

Il est donc nécessaire d'avoir une réflexion commune entre les pays européens et entre ceux-ci et les pays du sud de la Méditerranée sur ce projet ;

- concernant le Royaume-Uni, dont le Portugal est le plus ancien allié sur le continent, on ne peut que constater un certain recul au vu des dérogations obtenues par ce pays. Si le Royaume-Uni semble ainsi cultiver son particularisme, puisqu'il ne participe ni à Schengen ni à l'euro, cela s'explique par le pragmatisme britannique. Il y a en effet des domaines, comme la défense, où le Royaume-Uni joue un rôle moteur en Europe. En tout état de cause, le recours aux coopérations renforcées, qui permettent aux Etats qui le souhaitent d'aller plus vite et plus loin dans le domaine de l'intégration, paraît inévitable si l'on veut continuer à progresser dans une Europe élargie.