Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France.
a rappelé que cette audition s'inscrit dans le cadre du suivi effectué par la commission sur la crise financière et la mise en oeuvre du dispositif de financement de l'économie française. Il a questionné M. Christian Noyer sur quatre sujets.
D'abord, quel devrait être, aujourd'hui, le rôle du Fonds monétaire international (FMI) ? Un élargissement des missions de cette institution est-il souhaitable, et ces missions doivent-elles se limiter au suivi et à la prévention des risques systémiques, ou intégrer une compétence de prescription ?
Ensuite, que penser des préconisations formulées, fin février 2009, par le groupe d'experts mandaté par la Commission européenne, et présidé par M. Jacques de Larosière, sur la supervision financière en Europe ? En particulier, la création de deux nouvelles instances a été envisagée : d'une part, pour la supervision « macroprudentielle », un conseil européen du risque systémique, qui serait placé sous l'égide de la Banque centrale européenne (BCE) ; d'autre part, au plan « microprudentiel », un système européen de supervision financière, qui résulterait de la transformation des actuels comités techniques dits « de niveau 3 » (pour les marchés, pour les banques, et pour les assureurs et institutions de prévoyance).
Par ailleurs, quelles suites donner aux propositions émises par M. Bruno Deletré dans son rapport sur l'organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, remis en janvier 2009 à la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ? Ce rapport, notamment, tend à privilégier une fusion entre la commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), pour constituer un pôle prudentiel intégré de régulation au sein d'une autorité dotée d'un collège unique. L'Autorité des marchés financiers (AMF), quant à elle, serait consacrée comme pôle « déontologique », et verrait sa compétence élargie aux conditions de commercialisation de l'ensemble des produits financiers. Cette compétence devrait-elle comprendre la réglementation de la commercialisation du crédit à la consommation, voire du crédit en général ?
Enfin, alors que les banques centrales sont chargées de veiller à la stabilité des prix des biens et des services, serait-il opportun de leur confier une mission similaire visant le prix des actifs ?
a souligné que toutes ces questions sont précisément celles que les banques centrales et autres autorités de supervision se posent à l'heure actuelle.
En ce qui concerne le rôle du FMI, il a plaidé pour une répartition équilibrée des compétences avec le Forum de stabilité financière internationale (FSF), sous réserve que cette dernière instance parvienne à mieux représenter l'ensemble des économies, au-delà du seul G7 qu'elle reflète aujourd'hui. Le FSF permettrait d'apporter des solutions rapides et efficaces aux problèmes posés. En revanche, le FMI doit assumer, en propre, deux compétences : en premier lieu, la détection des risques systémiques existant dans les différentes économies du monde et, le cas échéant, la demande aux autorités compétentes d'y remédier par les mesures appropriées de régulation ; en second lieu, l'examen des politiques macro-économiques de chaque Etat, afin de repérer d'éventuels déséquilibres constitutifs de risques majeurs. Ce type d'examen, en l'état actuel des statuts du Fonds, n'est possible que sur la base du volontariat de chaque Etat. C'est ainsi, par exemple, que la France a fait procéder à l'examen de la stabilité de son système financier. M. Christian Noyer a préconisé de donner à cet examen un caractère systématique et obligatoire. Pour le reste, il a estimé qu'une recommandation « forte » du FMI s'apparente d'ores et déjà à une forme de prescription, eu égard à la pression politique qu'elle représente pour le pays destinataire.
S'agissant des propositions du groupe d'experts présidé par M. Jacques de Larosière, il s'est déclaré « très favorable » à la création des deux nouvelles entités envisagées. D'une part, un conseil européen du risque systémique pour la supervision « macroprudentielle » permettrait, selon lui, d'améliorer l'efficacité de la politique de stabilité financière au niveau européen et, concomitamment, de renforcer l'influence de l'Europe au plan international. Il a jugé pertinent un adossement de cette structure à la BCE. En effet, les banques centrales sont désormais couramment perçues comme devant jouer un rôle en matière de stabilité financière. Il a indiqué que le conseil des gouverneurs de la BCE a mené une réflexion sur ce thème ; il reste à la traduire au niveau institutionnel. Les statuts de la Banque de France pourraient d'ailleurs opportunément se trouver complétés, en ce sens, par le législateur.
D'autre part, sous l'aspect « microprudentiel », il a souscrit à la proposition d'un système européen de supervision financière. Cependant, il a estimé que la crise récente a mis en évidence des faiblesses dans la régulation, davantage que dans la supervision proprement dite.
a fait observer que la notion de « fonds propres », au sein de l'Union européenne, est différemment entendue d'un Etat à l'autre. M. Christian Noyer, confirmant ce point, a indiqué que les critères mis en oeuvre aux Etats-Unis d'Amérique, en ce domaine, correspondent à une version « moyenne » des définitions retenues parmi les Etats européens. Il a précisé que la conception française était « plus rigoureuse » que cette moyenne. Mais seule une définition harmonisée des fonds propres autoriserait des comparaisons internationales véritablement pertinentes.
Puis il a relevé les quatre enjeux essentiels qui, d'après lui, s'attacheraient à la mise en place d'un système européen de supervision financière. Il s'agit de la médiation entre superviseurs, de la désignation d'un superviseur chef de file pour les groupes, de l'adoption de standards de supervision unifiés, et de la mise en oeuvre de pouvoirs de gestion des crises. Il a noté que la supervision exercée par la Réserve fédérale américaine, avec son architecture décentralisée, s'avérait relativement proche du modèle proposé par le groupe d'experts présidé par M. Jacques de Larosière.
Abordant ensuite les recommandations du rapport de M. Bruno Deletré, il s'est déclaré, de manière générale, « très ouvert ». Néanmoins, il lui apparaît comme une condition « sine qua non » que les réformes qui pourraient être introduites sur cette base ne conduisent pas à éloigner l'autorité de supervision de la banque centrale. En effet, il a souligné qu'actuellement, les équipes chargées de la supervision financière se trouvent fortement intégrées au sein de la Banque de France. Cette situation, dans la pratique, permet l'échange rapide d'informations ; par exemple, à l'été 2007, elle a rendu possible une anticipation de l'éclatement de la crise financière. Il a donc souhaité qu'on ne la remette pas en cause.
Quant à l'évolution des compétences de l'AMF, il a reconnu l'opportunité de regrouper les fonctions de réglementation et de surveillance en matière de protection des épargnants et des investisseurs. En revanche, il a douté de l'opportunité d'attribuer à l'AMF la totalité des compétences assurant la défense des consommateurs dans le domaine du crédit. En effet, les procédures de lutte contre le surendettement, aujourd'hui en partie confiées à la Banque de France, requièrent une implantation territoriale dont l'AMF, en l'état de son organisation, ne dispose pas.
Enfin, sur la possibilité pour les banques centrales de veiller à la stabilité du prix des actifs, il a indiqué que la difficulté réside dans la détermination ex ante d'un prix d'équilibre pour les actifs, et dans sa pondération, en l'absence d'indice équivalent à ceux relatifs aux biens et services. Fixer un objectif de stabilité des prix, pour les actifs, s'avère donc sensiblement plus délicat qu'en matière de biens et de services. Toutefois, dans l'hypothèse de la formation d'une « bulle » en ce domaine, il a précisé qu'il appartient aux banques centrales de prendre en compte la situation (comme le fait l'Eurosystème à travers son « pilier monétaire ») et de faire prendre, à l'égard des établissements de crédit notamment, des mesures prudentielles adaptées.
a fait observer que de telles mesures, pour être efficaces en France, devraient être appliquées parallèlement dans l'ensemble des pays européens. A défaut, la délocalisation des établissements visés suffirait à les rendre vaines. Par ailleurs, il a suggéré que la Banque de France procède à la notation des établissements financiers, en fonction de la soutenabilité de leurs opérations.
s'est interrogée sur le caractère réalisable de l'engagement souscrit par les établissements de crédit, dans le cadre du dispositif de financement de l'économie, d'augmenter leurs offres de crédit, en 2009, à hauteur de 4 % par rapport à 2008. Par ailleurs, elle a souhaité connaître les avantages et inconvénients que présenterait un partage des bilans bancaires entre « bonne banque » et « mauvaise banque » (« bad bank »), cette dernière catégorie concentrant les actifs réputés « toxiques ».
Sur le premier point, M. Christian Noyer a indiqué que si, entre janvier 2008 et janvier 2009, la progression du crédit a atteint un niveau satisfaisant (à hauteur de 7,9 % en moyenne pour l'ensemble du système bancaire), il en va différemment de l'évolution enregistrée entre décembre 2008 et janvier 2009, proche de zéro. A ce rythme, il existerait un risque que l'engagement d'une hausse de 4 % de l'offre de crédit ne soit pas tenu. Dans cette période caractérisée par l'incertitude, même si les établissements financiers ont adopté un comportement particulièrement prudent, la situation résulte cependant moins d'un déficit d'offre, de leur part, que d'une faiblesse de la demande des consommateurs. En outre, la prise en compte des risques par les établissements prêteurs, en les conduisant à augmenter le niveau de leurs provisions, a induit un renchérissement des crédits proposés, lequel peut contribuer à dissuader les emprunteurs potentiels. Néanmoins, la détente des conditions de crédit devrait améliorer la situation et permettre aux banques de tenir leur engagement.
Sur le second point, il a exposé que le partage des bilans bancaires devrait en théorie faciliter le refinancement de l'économie, en neutralisant les actifs dits « toxiques », qu'il a distingués des simples actifs manquant de liquidité. Toutefois, la mesure se heurte à la difficulté de valoriser ces actifs. En effet, la fixation d'un prix trop bas sanctionnerait les établissements financiers pour leurs erreurs de gestion mais, en devenant une référence comptable, risquerait d'entraîner un effet déstabilisant pour l'ensemble du système. A l'inverse, un prix trop élevé reviendrait indirectement à faire subventionner les établissements financiers par le contribuable. Au surplus, il a estimé que le recours au modèle de la « bad bank » n'apparaît pas nécessaire en France, y compris dans le cas du groupe Natixis.
a demandé s'il existe une définition précise du caractère « systémique » d'un risque économique ou financier. D'autre part, il a estimé que le FMI doit remplir son rôle de surveillance des économies avec une plus grande régularité, sans discrimination entre grands pays développés et pays émergents.
a indiqué que la notion de risque « systémique » n'a guère d'autre définition que celle de risque « pour le système », apprécié selon l'ampleur du choc que causerait sa réalisation sur l'économie considérée dans sa globalité. Ainsi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, en septembre 2008, a-t-elle déclenché une crise financière globale à la suite d'un « choc de défiance ».
a fait remarquer que la croissance excessive d'un établissement bancaire peut être envisagée comme un risque systémique. M. Christian Noyer a reconnu que le développement de la taille des établissements financiers constitue un enjeu important en termes de régulation. Il a rappelé que le droit européen l'encadre en conséquence.
Concernant le FMI, il a considéré que le rôle fondamental de l'institution, consistant à surveiller l'équilibre des balances des paiements et à inciter les Etats à corriger leurs déséquilibres économiques majeurs, a été exercé avec constance. Cependant, il a admis qu'un rééquilibrage dans la représentation des Etats membres pourrait modifier sa pratique dans le sens d'une plus grande indépendance de vue.
s'est interrogé sur l'éventualité que la France, en raison du niveau de son endettement public et des prévisions de baisse des recettes fiscales, fasse l'objet de recommandations du FMI. Il a souhaité connaître l'état des analyses au sujet des modalités de sortie de la crise actuelle.
a indiqué que, la balance française des paiements n'étant que très légèrement déficitaire, des recommandations du FMI ne sont pas à redouter. L'institution, à ce jour, a seulement préconisé des réformes structurelles qui, globalement, ont été mises en oeuvre. Quant aux anticipations de sortie de crise, il a indiqué que, compte tenu des mesures de l'ensemble des plans de relance nationaux, des politiques monétaires des derniers mois, et de la désinflation constatée, il est espéré une stabilisation au second semestre 2009, ou au plus tard dans le courant de l'année 2010, si les Etats-Unis, dans l'intervalle, sont parvenus à résorber leurs propres difficultés.
a fait observer que le Royaume-Uni, n'appartenant pas à la zone euro, peut jouer des variations de la valeur de sa monnaie comme d'un instrument d'atténuation des effets de la crise. Par ailleurs, il s'est inquiété des écarts de taux constatés au sein de cette zone, entre les émissions de dette souveraine, d'un Etat à l'autre. Cette situation, à terme, ne comporte-t-elle pas des risques pour la stabilité de l'euro ? Enfin, remarquant que le déficit commercial de la France retient davantage l'attention des analystes que son déficit des paiements, il a souhaité savoir si la Banque de France, sur ce second aspect, disposait d'éléments de comparaison avec les autres pays européens.
a tout d'abord précisé que le Royaume-Uni, à l'instar des Etats-Unis, se contente de laisser le marché fixer le taux de change de sa monnaie. S'agissant du déficit des paiements, il a indiqué que les enjeux de refinancement de l'économie se situent au niveau européen, et non national. Le cas français, en ce domaine, ne soulève pas de problème particulier. Enfin, il a estimé que l'hypothèse de l'effondrement d'une économie nationale au sein de la zone euro n'est pas un scénario envisageable ; au besoin, il appartiendrait aux autorités européennes de prendre les mesures de soutien requises par la situation critique d'un pays.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Etienne Pflimlin, président du Crédit mutuel.
a rappelé que, pour faire face à la crise financière, la France a créé, au cours de l'automne 2008, la Société de financement de l'économie française (SFEF), dont le rôle est de consentir des financements à moyen terme aux établissements financiers qui le souhaitent, et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), chargée de renforcer les fonds propres des principales banques françaises.
Dans ce contexte, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la manière dont le groupe Crédit mutuel a utilisé ces instruments et sur son attitude future. Il a souhaité connaître le jugement porté par le Crédit mutuel sur l'objectif d'augmentation de 3 % à 4 % de l'encours de crédit des banques figurant dans les conventions qui conditionnent l'octroi des financements de la SFEF et de la SPPE, ainsi que sa vision du rôle du médiateur du crédit, opérationnel depuis le mois de novembre 2008. Il a estimé qu'un regard mériterait également d'être porté sur les exigences passées des fonds d'acquisition par effet de levier (leveraged buy-out, ou LBO) et sur le risque que ces fonds peuvent représenter dans la crise actuelle. Enfin, il s'est demandé quelle était la politique du Crédit mutuel en matière de rémunération de ses dirigeants, de ses courtiers (traders) et de ses sociétaires.
a tout d'abord rappelé que son groupe compte 15 millions de clients, 36 000 employés et 24 000 élus. Son encours de crédit s'élevait à 260 milliards d'euros au 31 décembre 2008, en augmentation de 9,7 % sur douze mois. Cependant, une « rupture conjoncturelle » est intervenue depuis le mois d'octobre 2008, traduisant les difficultés non seulement du secteur financier mais de l'économie tout entière. S'agissant plus spécifiquement du crédit aux entreprises, l'encours du Crédit mutuel s'établit à 124 milliards d'euros, en progression de 9,4 % sur douze mois, la moitié de cette hausse ayant été permise par les aides de la SFEF (pour environ 5 milliards d'euros) et de la SPPE (pour environ 1,2 milliard d'euros).
Il a ensuite estimé que le dispositif de soutien de l'Etat au secteur financier apparaît pertinent, l'action de la SFEF ayant permis, en particulier, le redémarrage de l'activité bancaire à un moment où la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, avait bloqué le crédit interbancaire dans un climat de forte défiance entre les établissements.
Toutefois, la production de prêts a diminué de 16 % entre 2007 et 2008, avec une détérioration très sensible sur les derniers mois. Le Crédit mutuel finance lesdits prêts par l'augmentation de ses ressources comptables, dans une proportion d'un tiers et, pour les deux tiers restants, par le recours au marché, à un taux moyen compris entre 5 % et 6 %. C'est pourquoi le « taux de sortie moyen » de ces fonds de son établissement est d'environ 5 %.
a déclaré que le ralentissement sensible du marché du crédit ne provient pas de l'attitude des banques mais d'une crise de la demande. Dès lors, le Crédit mutuel devrait « tout juste » atteindre l'objectif de 4 % d'augmentation de son encours figurant dans la convention qu'il a signée avec l'Etat, étant entendu que, aux termes de ladite convention, le non-respect de cet objectif pourrait ne pas être sanctionné en cas de dégradation trop marquée de la conjoncture économique.
Du côté de l'offre, les banques, dont le coût du financement a augmenté, ont renforcé leurs demandes de garantie, notamment pour octroyer des prêts immobiliers. S'agissant des LBO, le Crédit mutuel ne financerait sans doute aujourd'hui qu'environ un tiers des opérations qu'il a pu soutenir précédemment. De fortes menaces pèsent d'ailleurs sur l'ensemble des banques du fait de ces opérations.
a particulièrement insisté sur le fait que c'est l'atonie de la demande de crédit qui ralentit fortement le marché, relevant que la répétition des messages de défiance à l'égard des banques pourrait être l'un des facteurs pénalisant la reprise. D'autre part, l'absence de produits d'épargne longue dans le bilan des banques, pouvant constituer un « socle d'intermédiation », risque de poser des problèmes à terme.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué ne pas avoir observé de mouvement de retrait des produits « actions » en faveur de placements plus sécurisés de la part des clients de son réseau, soulignant que le Crédit mutuel n'avait pas distribué de produits « toxiques » à sa clientèle.
Puis M. Etienne Pflimlin a déclaré que le groupe Crédit mutuel avait participé à la première opération de recapitalisation du secteur bancaire par la SPPE essentiellement par « solidarité de place ». Le groupe n'a pas encore arrêté de décision au sujet de la deuxième tranche de refinancement, le coût élevé de cette ressource pouvant l'inciter à ne pas se joindre à cette nouvelle opération. En toute hypothèse, une participation du Crédit mutuel ne s'effectuerait que sous la forme d'émission de titre super subordonnés (TSS) et non d'actions de préférence. Répondant à Mme Nicole Bricq, M. Etienne Pflimlin a précisé qu'une telle participation pourrait toutefois être rendue nécessaire par un durcissement des conditions de collecte de fonds sur le marché, exprimant, à cet égard, ses craintes au sujet des contraintes pouvant résulter du sommet du G 20 qui doit se tenir à Londres en avril 2009. En revanche, une définition commune des fonds propres bancaires apparaît souhaitable, d'autant que la France dispose déjà de critères pertinents en la matière.
a ensuite qualifié de « remarquable » la mise en place, dans un délai réduit, du dispositif de médiation du crédit. Cependant, sans mettre en cause son utilité, le nombre relativement réduit (environ 6 000) de dossiers déposés auprès des services du médiateur conduit à relativiser l'ampleur des problèmes dus au durcissement de l'offre de crédit. S'agissant du groupe Crédit mutuel, moins de 1 200 dossiers ont été soumis à la médiation, parmi lesquels la moitié a été réglée sans l'intervention des services du médiateur et environ 400 ont été traités par lesdits services, dont seulement 4 au niveau national. Pour ce qui concerne l'avenir, l'orateur a estimé, à titre personnel, que les dispositifs d'exception ne devraient pas avoir vocation à être pérennisés.
Enfin, au sujet des engagements éthiques demandés aux banques, M. Etienne Pflimlin a fait valoir que leur mise en oeuvre a été simple pour le groupe Crédit mutuel, qui n'est pas coté en bourse et ne distribue donc pas de stock options. De plus, le groupe a procédé à l'abandon des bonus des dirigeants dès décembre 2008. Il a également entrepris une réforme de la rémunération des traders qui se heurte, cependant, aux dispositions du code du travail empêchant une révision unilatérale des contrats de travail. Des actions contentieuses de la part des intéressés ne sont pas à exclure. Toutefois, il ne devrait pas revenir à la loi de régler de tels cas au risque de rendre le droit plus complexe. En outre, des dispositions trop rigoureuses pourraient poser un problème de compétitivité à la place financière française après la fin de la crise actuelle.
s'est interrogé sur les nouveaux produits que pourraient créer les banques afin de drainer une épargne de long terme, se demandant, en particulier, si le secteur du développement durable ne pourrait pas fournir un support adéquat.
a souhaité obtenir des précisions sur les raisons pour lesquelles le groupe Crédit mutuel n'est pas coté en bourse. Les fortes évolutions du cours de bourse des banques cotées, parfois sur le fondement de rumeurs, n'auraient-elles pas contribué à brouiller l'image de ces établissements ? D'autre part, la faillite de Lehman Brothers peut-elle être considérée comme le véritable déclencheur de la crise actuelle alors même que l'ampleur des déséquilibres accumulés depuis des années dans l'économie mondiale paraît fournir une explication plus convaincante ? Enfin, le Crédit mutuel ne s'est-il pas éloigné de ses principes originels en accordant trop facilement des crédits immobiliers ou en finançant certaines opérations de LBO ?
a souhaité savoir si le dispositif public d'octroi de prêts à taux zéro n'a pas fragilisé les bénéficiaires.
s'est interrogé sur l'évolution de l'encours des livrets A en dépôt au sein du groupe Crédit mutuel et sur les moyens mis en oeuvre par celui-ci pour faire respecter le principe de l'interdiction pour un particulier de détenir plusieurs livrets.
a demandé les raisons pour lesquelles seul un très petit nombre de dossiers du groupe Crédit mutuel a été traité au niveau national par les services du médiateur du crédit. Par ailleurs, une augmentation de la taille des dossiers soumis à la médiation n'est-elle pas à craindre ?
En réponse à ces interventions, M. Etienne Pflimlin a déclaré :
- qu'une réforme de l'épargne logement, certes délicate à mener en une période de forte tension sur les finances publiques, pourrait répondre au besoin d'épargne longue des établissements bancaires, certains d'entre eux considérant toutefois que l'épargne boursière pourrait remplir cette fonction ;
- que l'introduction en bourse pose un problème en ce qui concerne la rémunération des dirigeants, l'attribution de stocks options conduisant certains d'entre eux à privilégier de manière excessive l'évolution du cours de bourse. C'est avant tout ce constat qui a conduit le groupe Crédit mutuel à ne pas souhaiter être coté ;
- que la crise actuelle résulte avant tout des déséquilibres nord-américains, l'endettement des ménages français demeurant plus raisonnable. A cet égard, le groupe Crédit mutuel se caractérise par un taux de surendettement de ses clients inférieur à la moyenne nationale ;
- que la très forte concurrence entre les banques au cours de la période précédente a conduit l'ensemble des acteurs à assouplir les conditions d'octroi de prêts, notamment immobiliers, aux ménages, ou les critères de participation à des opérations de LBO, lesquelles ont d'ailleurs contribué pendant de nombreuses années au dynamisme de l'économie ;
- que le prêt à taux zéro est un bon dispositif qui a solvabilisé les emprunteurs de manière « raisonnable ». A cet égard, le taux de sinistralité des clients ayant bénéficié d'un prêt à taux zéro est inférieur à la moyenne des prêts au logement ;
- que le réseau du Crédit mutuel n'a pas observé de mouvement massif sur le livret A, les ouvertures de comptes compensant presque exactement les fermetures. En revanche, sa filiale CIC, qui ne pouvait distribuer de livret A avant le 1er janvier 2009, a collecté 1,9 milliard d'euros au cours du mois de janvier 2009 ;
- que le fonctionnement très décentralisé du réseau du Crédit mutuel peut probablement expliquer le petit nombre des dossiers remontés jusqu'au niveau national des services du médiateur du crédit. D'autre part, il est probable que la taille des dossiers appelés en médiation augmente à l'avenir. Néanmoins, une proportion significative desdits dossiers pourrait ne pas véritablement relever de la médiation et être transférée vers des dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté.
Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Frédéric Oudea, directeur général de la Société générale.
Evoquant une récente enquête sur les très petites entreprises, M. Jean Arthuis, président, a relevé les apparentes contradictions dans la communication des banques sur l'évolution des encours de crédits. Il s'est interrogé sur un éventuel resserrement de leurs conditions d'octroi, sur le bilan que fait la Société générale de ses relations avec le Médiateur du crédit, et sur la dégradation des conditions de financement des fonds de rachat avec effet de levier « leveraged buy-out » (LBO).
Il a également posé plusieurs questions concernant les émissions réalisées au profit de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) et les résultats de la Société générale : les titres super-subordonnés ne sont-Ils pas assimilés de façon trop « audacieuse » à des fonds propres ? Les modalités de rémunération de l'Etat et d'incitation à la sortie du dispositif sont-elles bien calibrées ? Comment la Société générale compte-t-elle utiliser le bénéfice net de 2 milliards d'euros qu'elle a réalisé en 2008 ?
a formulé quelques remarques préliminaires sur la crise. Assimiler cette dernière à une simple crise bancaire est, selon lui, à la fois réducteur et rassurant pour les observateurs. Après une période de croissance « dopée » par une liquidité très bon marché, qui a alimenté un endettement généralisé des entreprises et des ménages, la crise actuelle vient « purger » un excès d'endettement, dont le système bancaire a été un vecteur mais non l'acteur exclusif. Il importe aujourd'hui d'imaginer le nouvel équilibre entre consommation et épargne et le rôle du système bancaire dans le monde économique de demain. Il faudra notamment tenir compte de ce que les bilans des banques sont aujourd'hui soumis à une forte contrainte de diminution de leur levier, qui contribue à réduire l'offre de crédit.
Il a estimé que la situation des banques est aujourd'hui très variable selon les pays et le niveau de surendettement des ménages. Ainsi, aux Etats-Unis d'Amérique, ce surendettement n'est pas uniquement lié à la bulle immobilière, mais aussi à l'inflation des encours de cartes de crédit. La situation française est meilleure car elle se caractérise par un plus faible niveau d'endettement des ménages et des modalités de prêts moins risquées. Il apparaît cependant que la faillite de Lehman Brothers a rompu la confiance au sein du système bancaire. La disponibilité de liquidités à long terme, indispensable pour pouvoir prêter également à long terme, est actuellement assurée par des garanties et dispositifs gouvernementaux qui ne sauraient être pérennisés. Le dispositif français est néanmoins adapté et a permis à la Société générale d'anticiper l'augmentation de ses encours de crédit. En effet, en l'absence d'émission de titres super subordonnés, la banque aurait certes été en mesure de préserver ses ratios de solvabilité, mais au prix d'une forte réduction de ses prêts.
Il a ajouté que l'année 2008 a été difficile pour la Société générale, compte tenu de la « dislocation » du marché. Les effets de la fraude de M. Jérôme Kerviel ont néanmoins été bien traités et la Société générale a plutôt mieux affronté la crise que ses pairs, avec un bénéfice de 2 milliards d'euros et des ratios de fonds propres début 2009 de 8,8 % pour le « Tier One » et 6,7 % pour le « Core Tier One ». Ces ratios seront confortés si la Société générale, ainsi qu'elle l'envisage, réalise une deuxième émission au profit de la SPPE. En considérant les normes de fonds propres de manière dynamique, il a estimé que les perspectives de la Société générale sont plutôt bonnes, en dépit d'une visibilité faible qui contribue à renchérir le coût du risque.
Abordant la question du crédit aux agents économiques, M. Frédéric Oudea a relevé que la forte croissance des prêts, de 9,2 % fin 2008 (soit + 12,6 % pour les entreprises et + 5,8 % pour les ménages), s'est confirmée en janvier 2009. Elle est toutefois tributaire de la demande, qui diminue en matière immobilière alors même que les conditions de taux sont devenues plus favorables. Il a constaté un certain attentisme des consommateurs, et des reports - plutôt que des annulations - d'investissements du côté des entreprises.
S'agissant du coût du crédit, il a insisté sur le fait que la situation a notablement changé du fait de la forte augmentation du coût de la ressource, qui est passé de 5 à 10 points de base, il y a cinq ans, à 185 points de base en décembre 2008. Le coût de refinancement auprès de la Société de financement de l'économie française (SFEF) est quant à lui de 80 à 85 points de base, sur des maturités de 2 à 5 ans. Ce net renchérissement du coût de la liquidité est, selon lui, durable et appelé à être progressivement répercuté sur la clientèle, d'autant que les marges sur cette activité sont en France plus faibles que dans la plupart des pays voisins.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur les modalités de versement de la rémunération due à l'Etat au titre des prêts de la SFEF, dont M. Michel Camdessus avait affirmé, lors de son audition le 18 février 2008, qu'elle est perçue dès le versement du prêt, il a considéré que les intérêts sont vraisemblablement échus annuellement sur la durée des prêts, mais que ce point doit être confirmé.
Il a ensuite jugé que le dispositif du Médiateur du crédit fonctionne de manière satisfaisante, l'ensemble des parties prenantes ayant « joué le jeu ». Le traitement local des dossiers se révèle adapté, de même que le tri opéré en amont entre les litiges ponctuels sur les conditions de prêt et ceux qui révèlent des problèmes plus structurels de financement. Fin février 2009, environ 610 dossiers portant essentiellement sur de petits montants, concernaient la Société générale, et 365 le Crédit du nord, certaines difficultés pouvant s'expliquer par le manque d'expérience d'une partie des salariés du réseau, dont 30 % ont moins de 30 ans.
Concernant les opérations de rachat avec effet de levier (LBO), il a admis que ce secteur présente aujourd'hui des risques réels, mais qui ne se sont, pour l'instant, pas matérialisés de façon considérable pour la Société générale. Les difficultés que rencontrent ces fonds appellent un examen au cas par cas, mais sont logiques compte tenu de certains excès passés et de la brutalité du retournement des conditions de financement.
Il a précisé que le conseil d'administration de la Société générale se donne jusqu'à la fin du mois de mars pour décider d'une deuxième tranche d'émission - qui reste vraisemblable - au profit de la SPPE. Toutefois, une émission d'actions de préférence requerrait de présenter une résolution modifiant les statuts à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, ce qui ne pourrait se faire qu'au cours du mois de mai 2009, à l'occasion de l'approbation des comptes annuels. En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a ajouté que la Société générale n'exercera sans doute pas l'option de conversion des titres super-subordonnés en actions de préférence. S'il existe effectivement un débat sur le caractère de fonds propres réglementaires que revêtent ces titres super-subordonnés, ils n'en demeurent pas moins un instrument « classique », dont les modalités de souscription par la SPPE, lors de la première tranche, étaient bien adaptées à la situation des banques françaises.
a suggéré que les intérêts perçus par l'Etat au titre de la souscription aux titres super-subordonnés de la première tranche soient affectés à un système de caution mutuelle, éventuellement via Oséo, plutôt qu'aux recettes fiscales. M. Frédéric Oudea a considéré qu'il n'est pas en position de juger de l'opportunité d'une telle utilisation, mais a convenu que l'apport d'Oséo est précieux. Il a néanmoins estimé que toute aide aux entreprises doit respecter un principe de crédit responsable et éviter de trop grandes distorsions de concurrence, afin de ne pas pénaliser les entreprises compétitives.
Il a indiqué que la Société générale privilégie la politique de dividende, qui a notamment vocation à récompenser les actionnaires demeurés fidèles en dépit de la chute des cours boursiers, plutôt que les rachats d'actions, qui ont été limités au financement de plans d'attribution de stock-options et n'ont pas été engagés en 2008. Le taux de distribution du dividende au titre de l'exercice 2008 devrait être de 36 % du résultat net, et une option de paiement en actions - assorti d'une décote - sera proposée aux actionnaires, permettant, le cas échéant, de renforcer les fonds propres de la banque.
Concernant la rémunération variable des opérateurs de marché, il a tenu à prévenir tout « amalgame » entre les excès manifestes constatés dans certains pays et les pratiques courantes du marché français. Il a déclaré que les mécanismes en vigueur à la Société générale ont été revus, approuvés par le conseil d'administration et soumis au régulateur bancaire, de sorte qu'ils sont, pour l'essentiel, déjà conformes aux récentes recommandations formulées par le groupe de travail de place. Les bonus ont ainsi fortement baissé en 2008, en moyenne de près de 70 % par rapport à 2006 et de 40 % par rapport à 2007. La structure de la rémunération variable a également été révisée : elle peut désormais être différée, payée en actions et adossée à la performance future de la banque de financement et d'investissement.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, il a précisé que la période durant laquelle la rémunération variable peut être retenue et différée est de trois ans, selon un mécanisme dit de « claw back ». De même, des travaux sont en cours pour mettre en place un système plus responsabilisant, qui repose sur la performance individuelle plutôt que collective. Il a néanmoins rappelé, en se fondant sur l'exemple de Lehman Brothers, que la rémunération n'est qu'un des éléments à prendre en compte dans l'analyse de la performance ou de la défaillance d'une banque d'investissement.
Puis, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Frédéric Oudea a jugé essentiel que la réforme de la régulation financière ait une portée internationale et non pas seulement française, et contribue en particulier à harmoniser la définition des fonds propres des banques. A ce titre, il a exposé certaines qualités du système français de supervision, qui, selon lui, devraient constituer une source d'inspiration : le rôle déterminant de la banque centrale qui induit une proximité des banques, et une réglementation homogène, sans les failles que la régulation américaine présente, par exemple, à l'égard des courtiers. La supervision des activités bancaires doit néanmoins se renforcer dans le domaine du risque de liquidité et s'adapter aux nouvelles contraintes de financement des bilans. Enfin, il a fait part de son intérêt pour les travaux visant à atténuer la procyclicité des normes prudentielles et comptables, tout en appelant à une certaine progressivité dans leur application, afin d'éviter que les banques ne soient soudainement conduites à constituer des provisions supplémentaires.
En réponse à une interrogation de M. Jean-Pierre Fourcade sur les flux de livrets A domiciliés à la Société générale, il a indiqué que, jusqu'à présent, un million de livrets ont été ouverts, représentant environ 2,5 milliards d'euros. Il a ajouté, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, que le contrôle de la multidétention repose sur une déclaration sur l'honneur signée par le client.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, il a estimé que la Société générale ne sera sans doute pas en mesure de rembourser par anticipation, dans l'année, les prêts contractés auprès de la SFEF. La Société générale saisira néanmoins toute opportunité de refinancement direct en cas de détente du marché.
Il a enfin exprimé sa solidarité à l'égard des salariés de la Société générale, soumis de manière injuste au flux des critiques et aux incivilités, alors qu'ils ne sont pas responsables de la situation créée. Il est, selon lui, nécessaire d'éviter que ces comportements hostiles ne portent un préjudice durable à des réseaux qui fonctionnent plutôt mieux que dans d'autres pays.