Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en nouvelle lecture dont M. Yves Daudigny est le rapporteur général.
Vais-je vous surprendre ?
Le projet de loi de financement adopté la nuit dernière à l'Assemblée nationale ne ressemble en rien à celui que le Sénat avait adopté en première lecture.
Les députés se sont appliqués à détricoter toutes nos mesures, y compris celles défendues par les sénateurs de l'UMP.
Sur les 122 articles qui nous étaient soumis en première lecture, nous en avions adopté 58 conformes, qui correspondent à des mesures essentiellement techniques, supprimé 37, modifié 26 et ajouté 68 si bien que 131 articles restaient en discussion lors de la commission mixte paritaire qui, vous le savez, n'a pas abouti à un accord.
En nouvelle lecture, les députés ont marqué leur manque d'ouverture en rétablissant, purement et simplement, leur propre version. Nos propositions responsables, qui réduisaient le déficit de près de 4 milliards, méritaient mieux qu'une fin de non-recevoir. Je reviendrai en séance sur les critiques caricaturales du Gouvernement : elles sont surtout le signe de sa difficulté à nous répondre de manière argumentée.
A l'Assemblée, le Gouvernement a modifié le texte pour tenir compte des annonces du Premier ministre du 7 novembre, une solution qui lui paraissait totalement impossible une quinzaine de jours plus tôt au Sénat... Sur le fond, l'hypothèse d'une croissance du PIB de 1 % reste trop optimiste à en croire les experts, ainsi que nos partenaires européens qui nous incitent à plus de prudence.
Pour respecter la trajectoire des déficits, le Gouvernement a pris trois séries de mesures : réduction de l'Ondam de 2,8 % à 2,5 % ; accélération d'un an du calendrier de la réforme des retraites ; revalorisation des prestations familiales et de logement limitée à 1 % et décalée au 1er avril. Autant de coups de rabot ponctuels qui ne s'inscrivent dans aucune politique globale et visent encore et toujours les classes moyennes et modestes. Que fera-t-on si cette économie de 1,2 milliard ne suffit pas ? Constatera-t-on un surcroît de déficit ? Comment le financera-t-on ? De plus, n'y avait-il pas d'autre moyen que de s'en prendre à des prestations dont leurs bénéficiaires ont vraiment besoin en ces temps de crise et de chômage ? Je suis persuadé que si.
Les économies prévues pour limiter la progression de l'Ondam consistent en une série de grappillages ponctuels, aussi bien sur le prix des médicaments, les actes de biologie et de radiologie, les dépenses de gestion des caisses que sur l'investissement hospitalier. Auront-ils un impact après 2012 ? Rien n'est moins sûr. C'est d'une réforme de fond dont nous aurions besoin.
Enfin, inutile de tabler sur un retour à l'équilibre de la branche vieillesse du régime général en 2018 tant qu'on n'aura pas corrigé les hypothèses de baisse du chômage et de taux d'emploi des seniors.
Il y a un impératif de responsabilité et une exigence de crédibilité. Nous sommes parfaitement conscients de cette évidence que le Gouvernement a assénée tout au long des débats. Mais la crédibilité n'est pas de son côté. La responsabilité non plus. C'est le Sénat qui a décidé de mettre un terme à l'accumulation sans fin des déficits et aux mesures d'économies mal ciblées ! Pour marquer notre désaccord complet avec l'orientation du Gouvernement, et au nom des valeurs de sécurité et de solidarité qui fondent notre système de sécurité sociale, je propose que la commission adopte une motion tendant à opposer la question préalable.
Pour finir, je remercie, une nouvelle fois, nos rapporteurs - Christiane Demontès et Isabelle Pasquet, Ronan Kerdraon et Jean-Pierre Godefroy -, le rapporteur pour avis, Jean-Pierre Caffet, et, bien sûr, notre présidente, Annie David.
Avec un Ondam à 2,5 %, comment va-t-on financer les deux millions d'heures supplémentaires dues au personnel médical au titre des RTT ? Cela représente, au bas mot, une enveloppe de 600 à 700 millions d'euros à trouver avant le 1er janvier. Si les hôpitaux doivent se débrouiller seuls, ce sera catastrophique. Et encore, je n'ai pas évoqué le personnel soignant... Comment vont-ils payer quand la fédération hospitalière de France évaluait à 3,4 % la progression minimale de l'Ondam ? Comment faire rentrer tout cela dans la toute petite enveloppe attribuée à l'hôpital ?
Plus largement, se pose un problème de reconnaissance des personnels soignants, qu'il s'agisse des RTT, de la rémunération ou encore des repos compensateurs désormais obligatoires pour les anesthésistes, les obstétriciens et les chirurgiens, lesquels seraient une bonne chose, si ils pouvaient les prendre ! Ce qui pose problème, soit dit en passant, pour la sécurité des soins prodigués à l'hôpital. D'après une enquête publiée dans Le Monde auprès d'un syndicat d'anesthésistes, la moitié des médecins déconseille aux jeunes de s'engager dans leur métier, pourtant si beau. Bref, c'est la spirale infernale : des médecins toujours moins nombreux et en mal de reconnaissance qui, avec l'exigence de rentabilité, perdent le sens profondément humaniste de leur engagement. Sans tomber dans le catastrophisme, disons clairement que l'hôpital public traverse une grave crise morale. Les médecins passent désormais un temps fou à coter les actes ; c'est autant de présence en moins auprès des patients. Si nous voulons un avenir pour l'hôpital public, nous devrions travailler sur ces questions, qui dépassent largement les clivages politiques, ce dont témoignait le rapport de Gérard Larcher.
Je m'étonne que certains découvrent aujourd'hui ces deux millions d'heures à payer...
Il n'est pas dans mes habitudes de critiquer les gouvernements passés, cependant, appliquer les trente-cinq heures à l'hôpital était totalement inconscient de votre part, pour ne pas dire irresponsable en l'absence d'un personnel formé pour assurer les remplacements. Le commentaire vaut pour les lieux qui accueillent en permanence des personnes âgées, handicapées ou des enfants : ceux-ci ne s'arrêtent pas de vivre au-delà de trente-cinq heures !
Tout citoyen responsable partage les inquiétudes de Mme Génisson : ce n'est pas la qualité du personnel qui est en cause, mais une espèce de système qui disjoncte dans lequel on demande aux médecins de passer un temps incroyable à remplir des dossiers et des papiers. Je ne détiens pas la solution ; mais, franchement, ce système débilitant et démoralisant m'inquiète.
Tout, dans la T2A, n'est pas à jeter aux orties. Pour autant, elle mériterait des aménagements profonds : l'évaluation qualitative du travail est intéressante, mais coter correctement les actes prend un temps infini. Sans être spécialiste, je m'imagine que des modèles mathématiques ou l'apport de la statistique résoudraient bien des difficultés. Quant aux trente-cinq heures, sans reprendre le débat, nous ne vous contredirons pas totalement...
La situation est parfois catastrophique : certains personnels paramédicaux ont effectué l'équivalent de six mois d'heures supplémentaires. Le seul moyen d'en tenir compte sera d'avancer leur départ à la retraite. Travaillons sur ces problèmes...
J'allais faire la même proposition. Le rapporteur général réunira précisément la Mecss dès que nous en aurons terminé avec le PLFSS, afin d'élaborer son futur programme de travail qui ne saurait ignorer l'hôpital.
Le Gouvernement refuse d'abandonner la défiscalisation des heures supplémentaires, une mesure profondément injuste et totalement improductive. Dans le même temps, il limite la revalorisation des prestations familiales à 1 %. C'est une contradiction affligeante qu'il faut dénoncer avec force.
Madame Génisson, tout le problème vient de ce que la loi HPST a mis en exergue l'administratif contre le médical. Surtout, elle a gommé l'humain. Nous en rediscuterons au sein de la commission.
Effectivement, la loi HPST n'a pas apporté les réponses attendues. Pour autant, la tarification à l'activité reste peut-être la question centrale, comme le montre le temps passé à coter les actes, mais aussi l'absurdité du système consistant à rechercher le plus grand nombre d'actes, ce qui entraîne une diminution du coût par acte, l'enveloppe financière disponible étant fermée. La T2A est-elle la réponse aux problèmes des hôpitaux ? Le débat mérite d'être ouvert. Nous pourrons aussi nous interroger sur le sujet tabou des limites d'intervention des différents métiers du monde médical... Autant de questions à nous poser sur le service public à l'hôpital, et non sur l'hôpital public qui n'a plus d'existence juridique...
Je vous signale que la Mecss de l'Assemblée a récemment travaillé sur la tarification à l'activité.
QUESTION PRÉALABLE
Je propose à la commission de voter cette motion, que je défendrai en séance, pour toutes les raisons de fond exposées dans ses considérants. Je n'oublie pas les raisons de forme : souvenez-vous, le Gouvernement avait refusé de rectifier le texte par voie d'amendements au Sénat ; il fallait absolument un collectif pour des raisons constitutionnelles, ce n'est désormais plus indispensable... Le Gouvernement a le droit de changer d'avis, mais il doit le même respect aux sénateurs qu'aux députés.
La motion n° 1 tendant à opposer la question préalable est adoptée.