La commission a procédé à l'audition de M. Frank Mordacq, directeur général de la modernisation de l'Etat.
a tout d'abord fait observer que, conformément à ce qui avait été annoncé, la direction de la réforme budgétaire dont il assurait la direction avant le 1er janvier 2006 avait été supprimée avec l'entrée en vigueur de la LOLF. Il a indiqué que l'application de la LOLF dépendait désormais de plusieurs directions, la direction générale de la comptabilité publique étant responsable de la réalisation du bilan d'ouverture, et donc des aspects comptables de la LOLF, la direction du budget de la justification au premier euro (JPE), s'agissant de la préparation du projet de loi de finances, la direction générale de la modernisation de l'Etat étant, elle, centrée sur les aspects portant à proprement parler sur la gestion de l'Etat, c'est-à-dire la mise en place du volet « performance » des budgets opérationnels de programme, l'animation du réseau des responsables de programme et l'analyse des coûts des actions.
Il a ensuite souligné un certain nombre d'aspects positifs dans les premiers mois de mise en oeuvre de la LOLF, parmi lesquels un fonctionnement satisfaisant de l'application informatique « Palier 2006 » et une déconcentration très significative des budgets opérationnels de programme. Il a précisé, en effet, que sur 2.000 budgets opérationnels de programme, 1.200 étaient positionnés au niveau déconcentré, le plus souvent au niveau régional ou interrégional. Il s'est en conséquence réjoui de ce que la gestion des crédits soit déléguée aux gestionnaires de terrain.
Il a observé, par ailleurs, que la mise en oeuvre des budgets opérationnels de programme au niveau déconcentré avait conduit à modifier les relations des gestionnaires de crédits avec le préfet, celui-ci intervenant désormais, en amont, au moment de la définition des besoins en crédits, puisqu'il présidait un comité des administrations, chargé, au niveau local, d'examiner la préfiguration des budgets opérationnels de programmes les plus significatifs.
Il a regretté que certains budgets opérationnels de programme restent néanmoins au niveau central, citant néanmoins des cas justifiés, comme la gestion des dépenses électorales ou celle des personnels du ministère de l'équipement, pour lesquels il convenait d'attendre de connaître les effets de la décentralisation sur les transferts d'effectifs aux collectivités territoriales. Il a considéré, en outre, qu'une moindre importance avait été portée, à ce stade, à la performance, se demandant s'il n'y avait pas aujourd'hui trop d'indicateurs de performance. Il a souligné que la multiplication des indicateurs conduisait à demander beaucoup trop d'informations aux gestionnaires et que « trop d'indicateurs tuaient les indicateurs ».
Il a enfin indiqué que des corrections restaient à apporter, certains crédits délégués par le niveau central étant en réalité « fléchés » jusqu'au niveau local, réduisant la marge de manoeuvre des gestionnaires de terrain. Il a jugé que les débuts de la LOLF pouvaient conduire à des difficultés, car certaines notions budgétaires étaient nouvelles. Il a reconnu que certaines de celles-ci apparaissaient parfois comme une source de travail supplémentaire, citant l'exemple des autorisations d'engagement, pour tous les crédits et pas seulement pour les crédits d'investissement, et la nécessité de renseigner non seulement la nature de la dépense, mais également l'action à laquelle elle était rattachée. Il a souhaité que la gestion des budgets opérationnels de programme soit encore simplifiée, par exemple en réduisant le nombre d'ordonnateurs secondaires.
Il a enfin exprimé la crainte que la LOLF puisse être confondue avec la diminution des crédits que vivaient un certain nombre de gestionnaires, alors que l'une et l'autre n'était pas liées.
a souhaité connaître le lien entre la mise en oeuvre de la LOLF et la conduite des audits de modernisation lancés par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat.
En réponse, M. Frank Mordacq a indiqué que les audits de modernisation étaient conduits au sein des nouveaux programmes en mode « LOLF ». Il a rappelé que l'objectif de ces audits était de contribuer à des économies au sein de l'appareil de production de l'Etat, en travaillant sur l'organisation des services et les processus administratifs. Il a indiqué que d'ici à l'été, 100 audits devraient être lancés, portant sur 100 milliards d'euros de dépenses de l'Etat, chaque audit étant mené à la demande du ministère concerné. Il a constaté que les ministères avaient globalement bien joué le jeu, ce qui conduisait à réaliser des économies sur des fonctions non stratégiques, comme les achats. Il a cité, parmi les audits les plus intéressants en termes d'économies, un audit concernant le ministère de la justice permettant de réaliser des économies sur les frais de justice, en revenant, pour les empreintes génétiques, d'un coût moyen de 300 euros à 60 euros, ou en conduisant à développer la visioconférence pour certaines audiences. Il a rappelé que, s'agissant de Bercy, un audit de modernisation avait montré qu'un million de télé-déclarations à l'impôt sur le revenu menait à 75 emplois économisés.
Un débat s'est ensuite engagé.
En réponse à M. Paul Girod, M. Frank Mordacq a admis que certaines procédures imposées aux gestionnaires, ou des demandes d'information, permettant d'établir des tableaux de bord, avaient pu alourdir la charge de travail des services. Il a indiqué que ces informations supplémentaires pouvaient, certes, parfois, leur être demandées par Bercy, mais aussi, souvent, par l'administration centrale de leur ministère. Il a indiqué qu'un dialogue avec les ministères avait été engagé pour réduire le nombre d'informations demandées aux gestionnaires locaux.
a souhaité que les lourdeurs, éventuellement normales, dans une phase de mise en oeuvre des nouvelles règles budgétaires, ne deviennent pas pérennes.
a souligné que la mise en oeuvre de la LOLF révélait parfois des inégalités entre générations, certains agents ayant passé toute leur carrière à gérer des crédits sous le régime de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
a souhaité savoir si des indicateurs relatifs à la satisfaction des partenaires de l'Etat, comme les collectivités territoriales, ou des usagers, avaient été mis en place.
évoquant sa propre expérience en tant que rapporteure spéciale de la mission « sécurité sanitaire », a regretté qu'au sein de certaines missions interministérielles, le dialogue de gestion entre les différents programmes reste artificiel. Elle a considéré que certains programmes regroupant les emplois étaient peu lisibles. Elle a appelé enfin à mettre en cohérence la structure budgétaire et l'organisation administrative.
En réponse aux différentes interventions, M. Frank Mordacq a rappelé que la LOLF ne concernait que le budget de l'Etat et ne prenait pas véritablement en compte les relations avec les autres collectivités publiques. Il a néanmoins indiqué, s'agissant de la satisfaction des usagers, que celle-ci était au coeur de l'action de la direction générale de la modernisation de l'Etat. Il a par ailleurs montré que les préoccupations de sa direction allaient bien au-delà du périmètre de l'Etat, citant les travaux associant l'Etat et les collectivités territoriales, visant à garantir l'interopérabilité des systèmes d'information.
Il a rappelé que 70 programmes, sur les 133 que comptait le budget général, comprenaient des crédits de personnel, mais que 10 à 12, dont ceux de l'éducation nationale, regroupaient l'essentiel de la masse budgétaire. S'agissant du dialogue de gestion au sein des missions interministérielles, il a montré l'intérêt des documents de politique transversale visant à garantir la lisibilité des actions interministérielles. S'il a convenu que les missions constituaient des unités de vote au Parlement, mais pas des unités de gestion, il a souligné que l'existence des missions interministérielles conduisait à une convergence des programmes, citant l'exemple de la mission interministérielle de sécurité, au sein de laquelle les deux programmes « police » et « gendarmerie » avaient, peu à peu, à la demande du Parlement, harmonisé, et mis en commun, leurs objectifs et indicateurs de performance. Il a, enfin, souligné que le ministère de l'éducation nationale avait entièrement revu son organigramme en fonction de la structure de ces programmes en « format LOLF ».
Interrogé par M. Philippe Adnot, président, sur les contrats de modernisation signés par la direction du budget avec d'autres directions de Bercy ou du ministère des affaires étrangères, M. Frank Mordacq a considéré qu'il s'agissait d'un bon outil permettant, pour les ministères, en échange d'une prévisibilité des dotations budgétaires sur une période pluriannuelle, de s'engager sur des gains de productivité et des économies.
Répondant à Mme Nicole Bricq sur le cloisonnement des applications informatiques au sein de l'Etat, il a indiqué que sa direction générale travaillait à promouvoir une vision unifiée des systèmes informatiques de ressources humaines, mais que s'agissant des systèmes d'information de gestion, c'est-à-dire par exemple des tableaux de bord, ceux-ci n'avaient pas vocation à être unifiés.
En réponse à M. Philippe Adnot, président, il a indiqué que le rattachement de la réforme de l'Etat au ministère délégué au budget avait été bien compris par les ministères, car cela était le gage d'une plus grande cohérence dans la modernisation de l'action publique. Il a précisé que les audits liés à la fonction « achat » étaient très appréciés par les ministères, rappelant que l'objectif fixé par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, était d'économiser un milliard d'euros en trois ans. Il a indiqué qu'il rencontrait les secrétaires généraux des ministères chaque mois et qu'il avait défini avec eux une stratégie de modernisation, qui constituait leur feuille de route.
En conclusion, M. Philippe Adnot, président, se félicitant de la modernisation entreprise, a souhaité qu'elle puisse conduire, prenant l'exemple de l'industrie automobile fixant des objectifs ambitieux de réduction des coûts à ses équipementiers, à un effet réel sur les dépenses publiques.