Dans le cadre de notre thème annuel de réflexion, « Femmes et travail », nous avons auditionné des associations de défense des droits des femmes, notamment l'Union nationale « Retravailler », ainsi que le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF). Nous avions également envisagé d'auditionner la Coordination française pour le lobby européen des femmes, mais sans parvenir à trouver une date ; la présente audition nous permettra en quelque sorte de le compenser dans la mesure où Mme Olga Trostiansky, est membre de votre conseil d'administration.
J'ai tenu à ce que nous puissions vous entendre aujourd'hui car, à travers le Laboratoire de l'égalité, nous pouvons recueillir le fruit de la réflexion commune de nombreuses associations et personnalités qui militent en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes.
Le Laboratoire de l'égalité avait rédigé un « Pacte pour l'égalité » comportant une vingtaine de propositions sur lesquelles les candidats à l'élection présidentielle ont été invités à se prononcer. Certaines d'entre elles se rattachent directement à notre thème de réflexion, en particulier celles qui portent sur « l'égalité salariale et la lutte contre la précarité » ou sur « la conciliation des temps de vie et l'implication des hommes ».
Il est vrai que Mme Olga Trostiansky est l'une des fondatrices de notre association, que j'ai rejointe il y a trois ans comme administratrice et qui a pour objet de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, non dans une logique d'affrontement, mais afin de changer de paradigme, de modifier la perception du rôle des femmes dans le monde du travail comme dans la vie familiale et sociale. Notre conseil d'administration est mixte, il compte de brillants hommes d'entreprises. Nous rassemblons 900 personnes, chercheurs, universitaires, militantes et militants associatifs, ayant chacun leur périmètre, en lien avec la communauté scientifique, afin de réfléchir ensemble à nos objectifs et aux réponses à apporter.
Le Pacte pour l'égalité a été présenté à l'ensemble des candidats à la présidentielle. Tous ne l'ont pas signé, car il comporte quelques propositions assez radicales, comme la suppression de tout financement public si le taux de 50 % de femmes éligibles n'est pas atteint, ce qui n'est pas simple pour les partis au pouvoir. Nous avons discuté avec chacun d'entre eux - à l'exception d'une candidate extrémiste, par un choix librement assumé - et nous avons constaté leur intérêt pour la logique de nos propositions.
Nous avons aussi sondé les Français, grâce à l'institut Mediaprism, qui travaille pour nous quasi-bénévolement, sur leurs préoccupations relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes : 24 % citent au premier rang les différences de salaires, 14 % dans la fonction publique. La retraite est également au coeur de leurs préoccupations, puisque c'est à ce moment que les femmes subissent de plein fouet les conséquences des différences de salaires, des trimestres non travaillés et que se manifeste leur précarisation. Beaucoup d'épouses de commerçants, d'artisans, d'agriculteurs ne touchent que la moitié de la retraite de leur conjoint décédé.
La dernière enquête sur la perception des politiques d'égalité par les Français montre qu'ils sont conscients que la lutte contre les discriminations a progressé, mais imaginent qu'elle est récente. Or, de 1981 à 2012, 21 lois et 400 décrets ont été pris dans ce domaine. Mais le « Traité de l'égalité entre les hommes et les femmes » a été publié par Marie de Gournay, « nièce » de Montaigne, en 1622.
À 60 %, les Françaises et les Français estiment que ce sont les associations qui accompagnent d'abord ce mouvement ; ils sont entre 20 % et 30 % à considérer que c'est le fait des politiques et entre 4 % et 10 % que c'est celui des entreprises. Or, au-delà des lois, ce sont bien les employeurs publics et privés qui devront modifier leur management et leurs équipes, afin de lutter contre les différences salariales et les stéréotypes.
La loi Copé-Zimmermann a fixé à 40 % la proportion de femmes dans les conseils d'administration. Dans les entreprises du CAC 40, on est ainsi passé de 10 % à 25 % de femmes en un an d'application, puis la progression s'est arrêtée, parce qu'on ne trouve plus de femmes en capacité d'accéder aux conseils. L'ascenseur s'est grippé. Le « plafond de verre » est une réalité. Il n'y a pas suffisamment de femmes dans les comités exécutifs des grandes sociétés, non plus que de créatrices d'entreprise (30 % de femmes seulement parmi les entrepreneurs). Les femmes ont plus de mal à trouver un financement auprès des banques, qui prêtent plus volontiers aux hommes, et à diriger une entreprise, en raison des mêmes stéréotypes. Le lancement du label « Égalité », en 2004, à l'initiative de Nicole Ameline, a engagé les entreprises à poursuivre leur politique en faveur de l'égalité. Elles l'ont fait.
Dans la fonction publique, le rapport Guégot, commandé par M. Sauvadet en 2010, a marqué une étape. Le mouvement a été amplifié par le nouveau Gouvernement. Le public et le privé ont désormais les mêmes obligations de parité dans les conseils, les jurys. Si, dans un jury de vingt personnes, il n'y qu'une femme, quand elle prend la parole, c'est « la femme » qu'on entendra. S'il y a 30 % de femmes, on l'écoutera comme un membre du jury. C'est une règle inconsciente. Il en va de même dans les conseils d'administration, ou au Conseil d'orientation des retraites - qui ne comprend qu'une seule femme ! Comment peut-on évoquer l'avenir des retraites, dans ces conditions, quand on sait qu'il y a 56 % de femmes dans la fonction publique et 52 % de femmes en France, dont beaucoup travaillent, y compris à temps partiel ? Comment ne pas anticiper davantage ? Il en va de même à la télévision, où quatre experts sur cinq invités à l'antenne sont des hommes. Et que dire du milieu culturel, où 90 % des directeurs de théâtre ou d'opéra sont des hommes ; de la fonction publique, où la majorité des directeurs de centres hospitaliers universitaires (CHU) sont masculins, contrairement aux directeurs de centre médico-sociaux ?
Dès qu'il s'agit de postes de pouvoir, d'argent et d'influence, on ne trouve que des hommes. À partir d'un certain niveau, les recrutements se font par cooptation. Quand vous n'êtes pas là, vous n'existez pas. Dans 80 % des cas, c'est la femme qui s'arrête de travailler à la naissance du deuxième enfant. Quand la femme qui travaille est à la maison, en fin de journée, pour s'occuper des enfants, elle n'est pas auprès de son directeur de cabinet, du ministre ou du chef d'entreprise, à l'heure où se tiennent les réunions décisives. Dans le monde du travail, il est mal perçu qu'un homme consacre du temps à élever ses enfants tout en menant sa carrière professionnelle. Beaucoup d'hommes y aspirent pourtant.
Le gouvernement Ayrault montre l'exemple, puisqu'il est paritaire. Cet énorme progrès a été salué par la presse internationale. Mais si l'on descend au niveau des directeurs, directeurs-adjoints et chefs de cabinet, on tombe à 25 % de femmes. Il reste beaucoup à faire pour relever le nombre de femmes à des postes clés dans les cinq ans, en en recrutant davantage aux postes de direction. Il y a moins de 8 % de femmes en position de responsabilité à Bercy, aucune patronne du CAC 40, sauf dans une entreprise, d'ailleurs anglo-saxonne. Les jurys, les « short-lists » doivent être paritaires : s'il faut choisir cinq femmes parmi douze et cinq hommes parmi quarante, la liste doit être équilibrée, cinq à cinq. C'est le seul moyen de progresser.
Le temps partiel est le plus souvent subi. Pas moins de 83 % des salariés à temps partiel sont des femmes, employées dans des métiers où les contraintes horaires sont éprouvantes, souvent avec des temps de transport longs. La garde des enfants a un coût. Beaucoup de femmes préfèrent arrêter de travailler ou travailler à temps partiel plutôt que de payer une nounou. Il faudrait construire 500 000 places de crèche en France, de toutes sortes, y compris dans des crèches mutualisées, car l'État n'en a pas les moyens. Il faut en assurer aussi le bénéfice aux personnes en recherche d'emploi car celles-ci ont besoin de faire garder leurs enfants pour se rendre aux entretiens ou à Pôle emploi. Les modes de garde actuels ne sont pas suffisants et imposent aux femmes de longues courses-poursuites entre la crèche, la maternelle et leurs obligations.
Autre travers bien français, une réunion commencée à 17 heures ne se termine pas avant 19 heures. Dans les administrations, les cabinets ministériels et les entreprises, il est mal vu de rentrer chez soi avant 18 heures. Il en va tout autrement en Europe du Nord ou du Sud. Chez nous, la politique de présence est essentielle. Il faut être là le soir, avec ses pairs, pour entourer le décideur, sinon vous ne pouvez pas donner votre point de vue et il ne sera pas entendu. Si vous ne faites pas partie du cercle d'hommes qui décident et réfléchissent à ces heures tardives, personne ne pensera à vous pour une promotion ou une nomination. Il n'est pas étonnant, dès lors, que la majorité des dirigeants soient des hommes, blancs, quinquagénaires, mariés et pères de famille...
Si des circulaires ont été prises par le Premier ministre à l'été 2012 pour que soit mesuré l'impact de toute loi sur l'égalité homme-femme ou sur le handicap, c'est grâce à la mobilisation des associations. Il importe d'introduire cette parole complémentaire qui n'est pas entendue et de s'en donner les moyens.
Le Sénat est lui aussi employeur et a un devoir d'exemplarité, d'autant qu'il est constitué d'élus qui sont eux-mêmes entourés d'équipes, au contact des collectivités, des administrations et des entreprises. Ce discours, vous devez le porter, mieux : l'incarner.
Je le dis aux ministres que je suis chargée de former à ces questions, car c'est aussi aux ministères employeurs qu'il appartient de s'approprier cette réflexion et de lutter contre les stéréotypes.
Oui, les élus de la République doivent montrer l'exemple. Je n'aurais jamais été élue conseillère régionale sans la parité. Vous connaissez la triste plaisanterie : « le féminin de candidat, c'est suppléante ». Je ne pense pas qu'il faille modifier la loi, il faut l'appliquer. Peut-être peut-on aller plus loin sur les sanctions financières. Quand elles sont suffisamment fortes, on y réfléchit à deux fois et l'on préfère jouer le jeu et respecter la règle.
Les personnes à temps partiel travaillent en moyenne 25 heures par semaine ; un quart d'entre elles, 18 heures. Les personnes qui ont un conjoint dépendant ou malade, un enfant handicapé avec le soutien d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS) quelques heures par semaine seulement, sont conduits, bien souvent, à arrêter de travailler, raison pour laquelle les carrières professionnelles sont de plus en plus longues et se prolongeront bien au-delà de 65 ans, jusqu'à 70 ans, voire davantage, pour compenser les interruptions. J'ai la chance de faire un métier passionnant, intellectuel, mais je ne sais si je souhaite travailler aussi longtemps. Quid des femmes qui subissent un temps partiel mal rémunéré ? Que fait-on pour changer la vie et l'organisation des entreprises et des services publics, pour rompre cette spirale infernale ?
Il faut construire des crèches, mais aussi aménager le temps de travail et les obligations de présence. On peut travailler à distance, mais pas dans tous les métiers, comme ceux de la grande distribution ou des services qui sont de gros utilisateurs de travail à temps partiel aux horaires décalés. Des entreprises expérimentent dans ce domaine. Les employeurs doivent faire le choix de la responsabilité sociale. Il faut repenser le temps de travail, aménager le temps partiel, en supprimant le temps partiel subi, soutenir les entreprises qui sont prêtes à le faire. Les services de 30 heures peuvent être transformés en 35 heures. Certes, les charges sociales représentent un coût pour l'État. Mais avec un temps partiel à bas salaire, avec une allocation handicapé ou un revenu de solidarité active (RSA) de quelques centaines d'euros par mois, on ne vit pas, on survit, on ne peut pas consommer une fois qu'on a payé les dépenses contraintes liées à l'énergie et au logement. Avec de nouveaux horaires, une meilleure rémunération, on consomme, on tire la production, on paie des impôts. À terme, je ne pense pas que la collectivité soit perdante. Il faudrait alléger les charges en faveur de ces actions innovantes. C'est la logique de court terme qui est fautive, tout comme en matière d'environnement, parce qu'elle ne tient pas compte de l'ensemble des coûts réels. Pensons à l'amélioration de la qualité de la vie, à l'augmentation du pouvoir d'achat, à la micro-consommation.
Plus de la moitié des femmes exercent leur activité professionnelle au sein de dix familles de métiers sur 87 au total : les services, l'accueil, l'accompagnement, la santé, l'éducation, le nettoyage. Ce sont pour la plupart des métiers à faible valeur ajoutée. Les stéréotypes répandus au sein de l'opinion, de l'éducation nationale, des conseillers d'orientation, des recruteurs, empêchent les femmes de se diriger vers des métiers dits masculins : 40 % de filles en filière « S », mais seulement 22 % dans les écoles d'ingénieurs. Il y a un fossé.
Lorsque je siégeais au conseil consultatif de la HALDE, je suivais une expérience réalisée dans un lycée professionnel d'Aquitaine, financée par l'Union européenne, afin que les filles s'orientent vers des filières techniques, supposément masculines, bien mieux rémunérées que les métiers de l'esthétique qui leur sont traditionnellement conseillés et où les salaires plafonnent à 1 300 euros. Quand le financement européen s'est tari, l'expérience s'est arrêtée. Elle était pourtant positive. Pourquoi ne pas la reconduire ? Une réflexion doit être engagée sur les conseils d'orientation.
Les discriminations envers les femmes et les personnes handicapées relèvent des mêmes processus cognitifs : elles sont tributaires des perceptions sociales, stéréotypées, de ce que « peuvent » faire les hommes et les femmes. Nous avons étudié une campagne réalisée par l'Éducation nationale pour recruter des enseignants : ces stéréotypes y étaient flagrants, une fois que l'on mettait en regard les images des femmes, forcément blondes, comme dans la grande majorité des publicités - alors qu'elles ne sont que 10 % dans la population - et celles des hommes sur les visuels censés représenter des choix de carrière attractifs pour les jeunes. Les stéréotypes se retrouvent aussi sur les fameux T-shirts Petit Bateau : pour les filles, en rose, l'inscription « jolie, douce, coquette, amoureuse, mignonne » ; pour les garçons, en bleu, « courageux, fort, vaillant, robuste, déterminé ». Or, avant trois ans, l'enfant n'a pas la notion de son genre, qui est une construction sociale : on induit la notion de force, de courage et de ténacité chez le petit garçon, qui ne doit pas pleurer, quand la petite fille, elle, en a le droit. Ainsi, on coopte des hommes dans des métiers qui requièrent de la ténacité et de l'énergie, alors que des femmes seraient tout à fait capables de les exercer. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de grutières, métier bien payé qui demande de l'attention et du doigté mais pas de force physique ? Encore une fois, les stéréotypes sont ancrés dans le subconscient.
Le congé de maternité ? Rien n'empêche de le préparer à l'avance, de trouver des solutions pour ces seize semaines. Il faut déconnecter la présence physique des compétences. Ce n'est pas parce que la femme est absente quelques temps qu'elle perd ses compétences, même s'il peut être utile de prévoir un sas de réadaptation. L'évolution de carrière, l'ascension professionnelle se fait surtout entre 30 et 40 ans - c'est-à-dire à l'âge des grossesses, en général. Les femmes sortent alors du circuit. Après 45 ans, elles ne peuvent plus présenter les concours de la fonction publique qui leur permettraient d'évoluer.
Les progrès passeront d'abord par la négociation avec les partenaires sociaux. Or sur l'annualisation du temps partiel, toutes les négociations collectives ont échoué... Il faut notamment donner sa place à la formation continue, qui doit combler les périodes de latence. Le rapport de Séverine Lemière et Rachel Silvera sur la valeur du travail montre que les métiers de la propreté, par exemple, exigent de vraies compétences - autonomie, constance, sens de l'effort et de l'organisation - qui sont parfaitement transposables dans d'autres métiers. Il faut aussi penser aux personnes illettrées, qui peinent de plus en plus à trouver du travail.
Face à ce constat, quelles sont les propositions du Laboratoire de l'égalité ? Il faut une réflexion sur les crèches, sur la rémunération et l'organisation du temps partiel. La négociation collective doit se pencher sur la surpondération de femmes dans certains métiers, sur leur maintien dans des emplois usants qui produisent du handicap et de la maladie, et donc une précarisation croissante au moment de la retraite. Une organisation plus efficace permettrait à des centaines de milliers de femmes d'avoir un métier complémentaire, donc des ressources supplémentaires, donc de consommer davantage : tout le monde y gagnerait.
La situation de ces cohortes de femmes très pauvres, en temps partiel, est souvent épouvantable. Ne pourrait-on proposer des mesures législatives ? Il faut travailler sur le temps de travail, le nombre d'employeurs, le lieu de travail. Les entreprises ont été encouragées à développer le temps partiel. Comment les aider à faire le chemin inverse ? En abaissant à nouveau leurs charges ? L'idée de l'annualisation du temps de travail me fait peur : n'est-ce pas un synonyme de flexibilité, de mise à disposition totale ? Peut-être peut-on toutefois la penser de manière progressiste, autour de la formation. Sur le fond, je partage pleinement vos analyses et vos propositions !
Le problème du temps partiel des femmes fait penser à celui des préretraites. Il faut dire que les syndicats sont très majoritairement masculins : on connaît la présidente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), celle du MEDEF-Île-de-France, mais sur 122 présidents de section, moins de dix sont des femmes... Les postes de pouvoir et d'action vont aux hommes, les femmes se refusant trop souvent à entrer en compétition et privilégiant l'éducation des enfants. Ainsi, 40 % des femmes adaptent leur temps de travail à l'arrivée du premier enfant, contre 7 % des hommes. Étant donné les écarts de salaires, le choix est vite fait. Or, la retraite est calculée sur les revenus de l'individu, pas du couple, d'où un déséquilibre croissant entre l'homme et la femme. Il faudrait réfléchir à un rééquilibrage au sein du couple.
N'oublions pas qu'il y a beaucoup de ruptures, et beaucoup de familles monoparentales...
Réfléchissons aux moyens d'éviter la spirale dans laquelle trop de femmes se retrouvent prises. Cela passera par un rééquilibrage entre emplois stables et emplois flexibles. Flexibilité n'est pas un gros mot : il s'agit simplement d'organiser autrement le travail, afin de permettre une activité complémentaire. Le temps partiel, comme l'intérim, est trop souvent une variable d'ajustement.
Une proposition serait d'instaurer des mesures fiscales incitatives ; l'effet d'aubaine serait marginal, compte tenu du nombre de femmes en temps partiel subi. On peut imaginer un emploi stable avec des plages horaires variables, car temps partiel est souvent synonyme de précarité. La formation continue doit faire l'objet d'un accord professionnel, si nécessaire imposé par l'État. Les partenaires sociaux - essentiellement des hommes, qui ne connaissent donc pas ces problèmes - n'ont pas modifié leur vision des choses. Les allègements de charges ne sont pas toujours une mauvaise chose : le contrat de génération, par exemple, est une excellente initiative. Oui aux mesures coercitives, oui aux mesures incitatives, mais aussi à une révision du mode de calcul de la retraite, pour éviter la « double peine » imposée aux femmes.
Oui aussi à plus de places en crèche, qui peuvent être financées par les collectivités mais aussi par les employeurs, publics et privés.
L'entreprise doit se responsabiliser. Cette question soulève également celle de la stabilité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises (TPE-PME), qui peinent à accéder à un financement pérenne. Il faut organiser une réponse globale de solidarité. Les grandes entreprises, qui ont les reins solides, sont souvent de mauvaise foi...
N'oublions pas que les grandes entreprises ont des PME-PMI et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) comme sous-traitants et prestataires, auxquelles elles imposent un mode de fonctionnement. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), le Centre des jeunes dirigeants d'entreprises (CJD), les chambres de commerce et d'industrie sont des vecteurs précieux. Tenons compte de leurs problématiques propres, notamment en matière d'intérim.
Le précédent gouvernement avait avancé sur le groupement d'employeurs, qui ne sert guère le salarié. Ne faudrait-il pas plutôt un droit à la stabilité attaché au salarié lui-même, articulant périodes d'emploi et de formation sans passer par la case chômage ?
C'est l'idée de la formation tout au long de la vie. De nos jours, on ne reste plus trente ans dans le même emploi. Il faut pouvoir changer de métier, de secteur d'activité. Il faut sensibiliser les recruteurs, ainsi que Pôle emploi et les sociétés d'intérim, qui sont encore trop frileux en la matière. Revoyons également les formations proposées aux personnes entre deux emplois. Ayant été moi-même deux fois au chômage, j'ai été atterrée par ce que l'on me proposait. Le bilan de compétences - que le conseil régional d'Île-de-France finance à 80 % - mériterait d'être généralisé. Il permet de passer du « ce que vous faites » au « ce que vous êtes » et de transférer ce savoir-être en compétences utilisables dans un autre métier. Il n'y a pas lieu de le réserver aux cadres : chacun est capable de changer de métier, dès lors qu'on lui en donne les moyens.
Le personnel de Pôle emploi mériterait d'être mieux formé pour accompagner les personnes de manière plus opérationnelle. Il faut également en finir avec la posture du corps enseignant en général à l'égard de l'entreprise, accusée d'incarner le grand capital. Au contraire, elle a toute sa place dans la vie scolaire : l'apprentissage et l'alternance permettent aux jeunes de se frotter à la réalité du monde du travail. Il en va de même pour l'université : trop de brillants doctorants ne trouvent pas d'emploi ! Les ministres de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur devront se pencher sur la question avec pragmatisme. Des pistes existent, même s'il faudra sans doute du temps pour créer des viviers de femmes susceptibles de diriger des CHU ou des universités. Pour mémoire, sur 122 présidents d'universités, huit sont des femmes. L'État ne s'applique pas à lui-même ce qu'il impose au privé !
Projetons un changement d'organisation qui permette aux femmes mais aussi aux hommes de concilier vie privée et vie professionnelle, neutralisons le genre avec la parentalité - d'autant que le mariage pour tous changera le paradigme. Permettons aux parents de travailler, de se former, de recommencer. Le marché de la formation, qui représente des centaines de millions d'euros, est un véritable fromage, fort mal géré, en raison du poids des groupes d'intérêt. Tout le monde doit balayer devant sa porte. À l'État, au Parlement d'imposer aux acteurs une remise à plat de leur mode de fonctionnement.