Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 20 mars 2013 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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  • artiste
  • artistique
  • culturel
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La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne Mme Marie Desplechin, présidente, et M. Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui Mme Marie Desplechin et M. Jérôme Bouët, respectivement présidente et rapporteur du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture.

Je crois pouvoir dire qu'en vous confiant cette mission, la ministre de la culture et de la communication rejoignait une préoccupation très largement partagée au sein de notre commission, celle de la diffusion et du partage des arts et de la culture.

Sans épuiser le sujet, j'observe d'ailleurs que le projet de loi sur la refondation de l'école institue un parcours d'éducation artistique et culturelle qui reste à définir et qui ne doit pas conduire à accroître les inégalités entre territoires ou entre les individus selon qu'ils ont accès - ou pas - à des pratiques culturelles, y compris nouvelles - je pense par exemple au numérique.

Autre volet abordé par votre comité, la formation des intervenants. Entre face à face avec l'artiste et médiation, c'est un point essentiel mais non consensuel. De plus, la future renégociation du régime de l'intermittence peut être une opportunité de favoriser des interventions à l'école.

Je vous laisse la parole, madame la présidente, pour vous exprimer sur ces thèmes qui nous sont chers. Puis, le débat s'engagera avec les sénatrices et sénateurs de la commission qui souhaiteront vous poser des questions.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

J'ai présidé cette commission qui s'est réunie en novembre 2012. Nous avons auditionné plus de quatre-vingt organismes et représentants sur le thème de l'éducation artistique et culturelle (EAC). C'est un vaste sujet qui touche tous les enfants, au-delà de l'école, même s'il est évident que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école tient une place particulière. La proposition m'a été faite de présider les travaux car j'ai souvent écrit pour les enfants. J'ai accepté avec enthousiasme cette mission car nous sommes nombreux à penser que l'EAC est capitale. Je n'avais en revanche aucune connaissance des différents rapports publiés sur le sujet auparavant.

Mon enthousiasme se doublait d'une grande perplexité compte tenu de l'ampleur du sujet qui couvrait tous les niveaux d'âge depuis la crèche jusqu'à l'université. Au début de nos travaux nous n'avions pas cerné tous les champs couverts par le rapport. Comment, par exemple, envisager l'intervention des professeurs de musique, d'arts plastiques ? Par ailleurs tous les temps devaient être traités, y compris les temps périscolaires. Aucun domaine ne devait être laissé de côté, ce qui incluait le numérique ou l'image. Or nous ne pouvions pas espérer faire tout le tour du sujet.

Par ailleurs, ce fut pour moi un choc culturel de constater que le rapport se contentait de formuler des incitations et des bons voeux. Nous avons organisé 10 séances de travail dans une atmosphère de grande curiosité et de très grande perplexité. Je suis persuadée que l'EAC constitue un enjeu fondamental pour nous tous.

La culture était un domaine parmi d'autres lors de nos réflexions. Nous étions orientés par le ministère de l'éducation nationale compte tenu de la réforme en cours, mais aussi par la prochaine réforme de la décentralisation, aux côtés des représentants des ministères des sports et de la jeunesse, et de l'agriculture. Les enjeux n'étaient donc pas complètement clairs, au moins pour moi et je dois souligner le remarquable travail de synthèse de Jérôme Bouët. Le rapport indique des pistes qui ne peuvent constituer que la toute première étape d'une réflexion sur l'EAC, nous devons continuer à travailler.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Dans ce rapport remis à la mi-janvier à la ministre de la culture et de la communication, j'ai commencé par décrire la situation en matière d'EAC. Celle-ci est le résultat de la politique menée depuis 30 ans. Plusieurs constats peuvent être dressés :

- on observe un foisonnement d'initiatives réalisées sur le terrain ;

- les fondamentaux de cette politique sont justes ;

- l'EAC repose en grande partie sur les artistes et les établissements culturels ;

- cette politique relève d'un engagement ancien et s'inscrit dans la durée, comme le prouve l'investissement des collectivités quelle que soit l'évolution des subventions du ministère de la culture ;

- la diminution des moyens dans la période récente a entraîné un essoufflement, justifiant aujourd'hui la volonté de la ministre de la culture de relancer cette politique.

Très rapidement je souhaiterais présenter les pistes que nous avons identifiées :

- le champ de la politique d'éducation artistique et culturelle : afin de toucher plus d'enfants, il est aujourd'hui nécessaire de l'élargir aux disciplines de l'image, du numérique, de la culture scientifique et technique. Ma position personnelle sur ce dernier point, que je sais partagée par beaucoup d'autres personnes, est qu'il essentiel de donner le goût de la science aux jeunes. Il existe un réseau de ressources sur lequel il est possible de s'appuyer, comme la Cité des sciences et de l'industrie ou les éco-musées ;

- la création d'espaces de liberté et d'initiatives : les décisions sont toujours prises au sommet de la hiérarchie alors qu'il faut laisser remonter les propositions des jeunes et de l'ensemble des acteurs. Les organisations de lycéens auditionnées nous ont fait part de leur souhait de devenir une force de proposition, ce qui est révolutionnaire pour les ministères de l'éducation nationale et de la culture ;

- la formation : nous étions dans le mode de l'incantation depuis 30 ans. Il faut aujourd'hui adopter une politique ambitieuse de formation de tous les intervenants - enseignants, artistes, etc. Cette mesure est davantage de l'ordre de l'information et de la sensibilisation ;

- la gouvernance : il faut garantir la présence de l'État et des collectivités territoriales. Alors que la participation du premier a parfois été incertaine, les collectivités ont souvent pris le relais, voire initié le mouvement, mais de manière inégale. Ce dispositif de coopération entre l'État et les collectivités territoriales doit être conservé, mais il doit être mieux organisé et offrir une approche globale. La démarche proposée dans le projet de loi présenté par Mme Lebranchu va d'ailleurs dans ce sens. Il ne faut en aucun cas opérer un transfert des compétences ni désigner un chef de file ;

- le Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC) : il doit être relancé et élargir son champ d'intervention, par exemple pour promouvoir les bonnes pratiques.

Je respecte l'opinion de Marie Desplechin mais ne la partage pas totalement, même si je constate également que l'on peut mieux faire. Ce rapport s'inscrit dans une continuité forte avec les précédents et les fondamentaux sont justes. Davantage de moyens budgétaires sont néanmoins nécessaires et c'est d'ailleurs pourquoi le ministère de la culture a dégagé des crédits supplémentaires en 2013 avec une augmentation d'environ 8 %. Il en faudra plus mais nous ferons avec ce que nous aurons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je vous remercie. Vous avez touché du doigt ce qui nous préoccupe : la transversalité de nombreux sujets qui relèvent de plusieurs ministères. Ainsi la culture scientifique est-elle entre les mains du ministère de la recherche. Or, les croisements d'informations et les décisions collectives sont extrêmement difficiles pour des questions d'agenda, de prérogatives et de budget partagé. Cette responsabilité incombe au gouvernement et au parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

J'ai le sentiment qu'en France nous avons un vrai défaut d'évaluation de ce genre de politique. Je parle de l'évaluation de l'impact en termes de réussite des élèves. Les enseignants manquent de cadrage, par exemple aujourd'hui dans le domaine de l'utilisation du numérique. La même chose est vraie, au niveau des collectivités, pour les initiatives en matière de sorties culturelles comme le théâtre ou les musées, développées dans les années 1970. Je me souviens que les sorties dans les théâtres en ville, organisées quand j'étais élève dans une zone relativement exclue de culture, étaient une activité formidable. Or, aujourd'hui, j'ai l'impression que ces initiatives sont extrêmement restreintes pour des raisons budgétaires.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Concernant l'évaluation, il est très difficile d'évaluer les sorties au musée et les éducations artistiques car ce ne sont pas des formations professionnalisantes. Un travail sur l'évaluation a été fait au sein du ministère de la culture. Il existe des documents que l'on peut se procurer mais ils ne sont pas définitifs. Cela reste un pari.

Sur la question du numérique, c'est très difficile car on ne sait pas où on va. On ne sait pas ce que cela va changer anthropologiquement. Comment accompagner nos enfants avec un outil que l'on découvre en même temps qu'eux ? L'enfant est parfois meilleur que le formateur. Ce sujet nécessite une réflexion plus approfondie.

Enfin, sur les centres urbains, je suis d'accord avec vous sur le coût des transports, c'est un gros poste budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Dans les constats que j'ai pu faire en matière d'évaluation, je n'ai jamais trouvé le chiffre du nombre d'enfants qui effectuent un déplacement dans un espace culturel au cours d'une année de scolarité.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (lolf), le ministère de la culture a mis en place des indicateurs C'est loin d'être parfait, mais ils donnent un premier aperçu. On connaît le nombre d'établissements culturels qui ont une action vers l'école. L'éducation nationale suit de son côté le nombre d'enfants qui ont une activité artistique. Mais il nous manque un outil global d'évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je partage le souci qui a été exprimé sur la place de la culture scientifique et technique. Comment mieux prendre en compte la culture scientifique dans la réflexion sur l'éducation culturelle des enfants du XXIe siècle avec comme objectif l'ouverture des esprits et la préparation du futur citoyen au rapport de la science et de la société ? C'est aussi une sensibilisation à la pédagogie de l'apprentissage par la méthode scientifique. Cette préoccupation me semble aujourd'hui très importante.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

C'est d'abord au ministère de l'éducation nationale de prendre l'initiative à travers la définition des programmes, le ministère de la culture ne peut pas agir seul.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je pense qu'il est très important, surtout dans le cadre du texte sur la refondation de l'école, d'avoir des actions éducatives complémentaires pour permettre aux élèves de mieux appréhender les savoirs, d'avoir cette ouverture d'esprit, cette formation à l'esprit critique, à la pédagogie de l'apprentissage par la méthode scientifique. Et ça, c'est de la culture, ce n'est pas de l'enseignement.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

C'est un sujet de réflexion important. Nous partageons ce souci.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je rappelle que 99 % des budgets de la culture scientifique sont destinés à l'Île-de-France, voire Paris. Nous sommes très frustrés dans les régions sur ce sujet-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Ces constats ont peu évolué dans le temps. Ce qui est mis en place, c'est grâce à des enseignants et des collectivités motivés. Nous attendons beaucoup de la future loi sur la refondation de l'école dans cette transversalité entre les différents ministères, la généralisation des expérimentations, l'égalité des territoires, le coût des sorties culturelles, la présence d'artistes en résidence. On attend aussi du comité national de pilotage qu'il coordonne les actions des ministères concernés. Il nous faudra peut-être légiférer en ce domaine.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Nous ne sommes pas un comité national de pilotage des ministères, nous ne sommes qu'un comité d'évaluation dont la mission est achevée. Il n'y a pas de délégation interministérielle sur le sujet, à ce jour. Cela a été évoqué mais pas retenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La ministre a mis en place une consultation nationale confiée à un comité de pilotage.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Votre mission était titanesque. Je trouve qu'une des difficultés est que l'on n'ait pas travaillé sur les missions de chacun. Comment tout cela s'articule et le finance-t-on ? J'adhère à l'idée de parcours et de coopération. Il existe un service public de l'éducation nationale qui a une responsabilité dans ce domaine-là. On ne peut pas déléguer aux collectivités locales ce qui devrait relever du service public de l'éducation nationale. Mon principal souci est de définir ce qui relève de l'éducation nationale. De plus, il est difficile d'intervenir dans un champ où les lois ne sont pas encore décidées ni votées. On devrait afficher une grande ambition. Je suis frustrée.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Je suis d'accord avec vous sur le partage des rôles avec l'éducation nationale. On ne peut pas demander à l'artiste d'exercer le rôle de l'enseignant. C'est là qu'est l'élan. Ce qui est artistique vient en complément, en éveil, en soutien. Quand il y a des initiatives, elles sont dues au charisme, à l'investissement, à la capacité de l'enseignant et du chef d'établissement. Ce n'est pas le rôle des artistes.

C'est effectivement extrêmement compliqué de travailler dans un contexte d'imbrication de lois à venir.

Il y a une grande ambition des personnes, des professeurs, des élèves, des parents... On a fait un bond en arrière. Aujourd'hui on parle d'art et culture à l'école, à mon époque, on le vivait. On annonce des projets qui ne se réalisent pas, ce qui peut générer de grandes déceptions.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Le souhait de la ministre est bien de généraliser les réalisations, elle porte une grande ambition. Il faut travailler dans les territoires où il y a un retard énorme. Concernant les moyens, le ministère de la culture a 30 millions d'euros à consacrer à ces actions et on touche environ 20 % des jeunes en milieu scolaire. De là à conclure qu'il faut multiplier les moyens par cinq pour toucher tous les jeunes...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je suis particulièrement sensible à la culture scientifique, qui est aussi l'affaire des territoires et des entreprises qu'il ne faut pas oublier d'intégrer. Il y a beaucoup de bonnes initiatives portées par des individus dans l'éducation nationale et par les collectivités locales. Néanmoins, on se heurte parfois à une certaine frilosité de l'éducation nationale.

L'inégalité des territoires, qui oppose souvent les communes rurales à celles qui disposent d'établissements culturels, est en partie gommée par la création des intercommunalités. Il existe beaucoup de choses dans le milieu rural et les initiatives portées par le numérique donnent accès à des musées, à des salles de concert, à la décentralisation de la culture.

Je pense enfin qu'il est utile de s'appuyer sur le tissu associatif qui est extrêmement riche. Je souhaite que l'on n'oublie pas d'intégrer le monde associatif à cette réflexion.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Concernant les entreprises, nous demandons dans le rapport à ouvrir les portes des écoles. Il en est de même pour le tissu associatif.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

On a vu toutes les fédérations d'éducation populaire. Elles souhaitent jouer un rôle. Ceci est plus difficile à systématiser mais il faut saisir toutes les opportunités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

La culture semble avoir perdu son caractère de priorité depuis quelques années, or la transmission à nos jeunes ne peut s'effectuer que si nous sommes nous-mêmes des adultes convaincus.

Par ailleurs, l'aspiration à la culture est, selon moi, un état d'esprit que l'on ne peut acquérir instantanément - j'ai moi-même mis quelques temps à mesurer parfaitement tout l'intérêt d'un site archéologique situé sur ma commune. Il importe donc que les jeunes soient très tôt sensibilisés à la richesse de notre patrimoine, dont l'étude pourrait être intégrée dans les programmes d'enseignement et prise en compte aux examens.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

L'éducation nationale pourrait en effet entamer une réflexion sur la façon de transmettre aux élèves le goût et la connaissance de notre patrimoine culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Il y a quelques années l'accord Lang-Tasca avait créé une véritable impulsion pour la diffusion des matières artistiques. Puis la priorité a été donnée aux enseignements fondamentaux. Ils sont certes essentiels, mais il faudrait susciter un nouvel élan : être un adulte culturellement accompli ayant des connaissances et une réelle appétence pour la culture, suppose d'avoir été placé enfant dans un environnement favorable. C'est l'un des objets de la réforme sur les rythmes scolaires et du projet éducatif territorial, qui prévoit une coopération entre l'éducation nationale, les lieux où s'expriment la culture et les arts, et les collectivités.

Nous devons nous appuyer sur les collectivités pour promouvoir la richesse et la variété culturelle des territoires et remédier aux inégalités portant sur l'accès à la culture. Les artistes et les acteurs culturels doivent quant à eux pouvoir intervenir dans les établissements d'enseignement, afin d'apporter une aide aux professeurs, qui ne sont pas toujours suffisamment armés pour ce type de transmission. Encore faudrait-il que les lieux de culture puissent intégrer ce volet formation et transmission à leur activité, ce qui supposerait une aide financière supplémentaire.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Notre rapport va dans le sens de ce que vous venez d'évoquer, en particulier sur le fait de privilégier les initiatives locales souvent plus pertinentes que les vastes programmes nationaux, de favoriser une implication nouvelle des établissements culturels - ce qui impliquerait une adaptation de leurs cahiers des charges - et de renforcer la formation des enseignants dans ces domaines. Le ministère de la culture espère pouvoir mettre le pied dans la porte des futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Il faut souligner les difficultés auxquelles se heurtent les établissements d'enseignement dans l'organisation des activités extrascolaires. Les sorties doivent par exemple être approuvées par le conseil d'établissement, qui ne se réunit qu'une fois par trimestre. Par ailleurs, un climat d'hyper-sécurisation s'est installé, qui interdit pratiquement toute activité ou initiative nouvelle susceptible de comporter le moindre risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Pour les établissements d'enseignement, l'ouverture sur l'extérieur est effectivement parfois difficile dans la mesure où, aujourd'hui, les déplacements sont soumis à la délivrance d'un agrément par le rectorat, qui ne consacre que deux réunions par an à ces sujets. D'où une certaine démotivation des équipes pédagogiques. L'ouverture aux autres est une chose importante.

Je voulais mentionner un précédent rapport de M. Jérôme Bouët, dans lequel il décrivait certaines coopérations entre l'État et les territoires. Vous évoquiez notamment l'importance croissante du rôle des collectivités territoriales. Je citerai par exemple les jumelages culturels d'une durée de trois ans entre 2 ou 3 collèges, une compagnie artistique ou un artiste plasticien. Ce sont les collectivités qui financent ces opérations.

Autre point, l'enseignement de l'histoire de l'art. Les enseignants sont malheureusement insuffisamment formés et une évaluation serait utile. Pourtant, même lorsqu'un artiste intervient dans une classe, le rôle du professeur est essentiel avant, pendant et après cette intervention, tout au long de l'année dans le cadre d'un véritable parcours.

En tant que présidente du groupe de travail de notre commission sur l'intermittence, je déplore que les artistes souhaitant intervenir dans des établissements doivent limiter ces interventions à 55 heures par an, qui comptent dans le total des 507 heures qui ouvre droit au régime d'assurance chômage spécifique. Il faut pouvoir augmenter ce volume horaire dans les établissements scolaires.

Je voulais dire enfin, qu'en dépit de l'avis du Conseil d'État relatif à la charte européenne sur les langues régionales, les parlementaires restent mobilisés et attendent de l'État un signal fort pour la valorisation, notamment auprès des jeunes, des spécificités et des richesses culturelles régionales, que celles-ci aient trait aux langues, à la toponymie, à l'histoire ou encore aux traditions culinaires, bref au patrimoine immatériel de nos régions.

Nous y reviendrons sans doute lors de l'examen du texte sur la refondation de l'école et lorsque viendra la loi d'orientation sur la création artistique et le spectacle vivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Nous érigeons trop souvent le passé en mythe ; nous le considèrerons comme une époque bénie. Pourtant, en matière d'éducation, nous n'avons jamais connu un monde si riche ni si ouvert, notamment grâce aux possibilités qu'offre le numérique. La différence d'accès à la culture entre les villes et les campagnes est désormais abolie : les musées s'invitent en classe grâce aux visites virtuelles, ce qui était impensable dans les années 1970.

Il n'en demeure pas moins que des progrès peuvent être réalisés. Ainsi, lorsque des événements culturels sont organisés dans un territoire avec l'appui financier des collectivités territoriales, il conviendrait de systématiquement prévoir, par convention avec les organisateurs de ces événements, d'y faire assister les élèves. Lorsque qu'une collectivité subventionne un club de sport, les sportifs sont régulièrement invités à intervenir dans les établissements scolaires. De même, les élèves devraient pouvoir avoir un accès gratuit aux grands événements culturels. Je citerai, à cet égard, l'exemple du festival du court métrage de Clermont-Ferrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Au cours de ma carrière de professeur des écoles, j'ai souvent observé un fossé entre la richesse de la pratique artistique en maternelle et l'indigence, dans ce domaine, des classes de l'enseignement élémentaire. Au lieu d'encourager, tout au long de la vie scolaire, le talent des enfants, cette rupture le bride dès l'entrée à l'école élémentaire : on tue l'artiste dans l'oeuf. Les enseignants de primaire devraient, il me semble, consacrer infiniment plus de temps à l'enseignement artistique et culturel, mais également à la pratique sportive. Il en va de la réussite scolaire des élèves, y compris dans des matières académiques comme le français et les mathématiques. Dans ce cadre, je souhaite que les prochains projets de loi de décentralisation et de refondation de l'école s'attachent à développer ces enseignements, afin de favoriser l'égalité entre les enfants et de bâtir l'école de la réussite.

Je ne partage pas, en revanche, les espoirs entretenus par notre collègue Sophie Frimas s'agissant du rôle que pourraient jouer les intercommunalités dans la réduction des inégalités en matière d'accès des jeunes à la culture entre les grandes villes, qui disposent de musées, de médiathèques et organisent des festivals, et les agglomérations périphériques les plus éloignées. A mon sens, les communes rurales, désertifiées par les acteurs culturels, voire sportifs et scolaires, demeurent trop à l'écart des grands centres urbains pour que l'intercommunalité constitue une solution suffisante à leur isolement culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je donne enfin la parole à notre collègue Vincent Eblé, qui interviendra non seulement comme sénateur de la commission, mais également en tant que membre du comité de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture, en sa qualité de président de conseil général.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

De nombreux collègues ont, ce matin, exprimé leur frustration devant les conclusions du rapport du comité de pilotage, qu'ils ont jugées en-deçà des enjeux de l'enseignement culturel et artistique. Ce sentiment est, sachez-le, partagé par les membres du comité, tant il est vrai que l'ampleur du sujet comme l'abondance et la diversité des axes de travail de notre feuille de route ne nous ont pas permis d'aboutir à une réforme miraculeuse de cet enseignement.

La relation entre les jeunes et la culture - arts et artistes confondus - est essentielle à l'éducation et ne peut se limiter au seul enseignement scolaire. Cette relation est en effet multiforme et varie, dans ses modalités, en fonction des disciplines artistiques : on ne peut comparer l'accès à la danse, au théâtre, au musée ou à la littérature. En outre, les artistes n'ont pas vocation à devenir des enseignants. Il est donc difficile de définir une norme unique qui réglementerait l'enseignement artistique et culturel sur l'ensemble du territoire national. Il me semble au contraire plus utile d'identifier les « bonnes pratiques » développées par une collectivité ou un établissement et d'en apprécier la reproductibilité. Il est en effet primordial, dans le cadre de l'enseignement artistique et culturel, de laisser des espaces de liberté et de créativité aux initiatives et aux acteurs locaux, mais également de savoir inciter les artistes à participer à ces actions sans les y obliger.

Il reviendra toutefois à l'État, dans la façon dont il allouera ses moyens financiers, de veiller à ce que ne se creusent pas les inégalités entre les territoires. A titre d'exemple, la mobilité d'une classe d'un établissement situé en zone rurale vers un lieu de culture du centre ville est infiniment plus coûteuse que de déplacer vers ce même lieu une classe d'un établissement de l'agglomération.

En conclusion, si le travail du comité de pilotage peut susciter des frustrations, je reste convaincu qu'il ne fut pas inutile. Il convient désormais qu'une instance permanente en fasse vivre les propositions. Le Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle, dont Didier Lockwood est vice-président, pourrait être chargé de cette mission, à la condition de se réunir plus fréquemment qu'aujourd'hui de façon à fournir un travail de suivi soutenu.

Debut de section - Permalien
Jérôme Bouët, rapporteur, du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

Je répondrai tout d'abord à Mme Maryvonne Blondin, dont je partage la critique sur la rigidité de l'agrément nécessaire aux interventions culturelles et artistiques en milieu scolaire. Le rapport du comité de pilotage suggère, sur ce point, de reconsidérer la méthode d'agrément, afin de faciliter et d'accélérer son obtention. S'agissant de l'enseignement de l'histoire de l'art en classe de troisième, j'indiquerai que le ministère de l'éducation nationale prévoit son évaluation, même si sa mise en oeuvre semble quelque peu récente pour fournir des résultats utiles. Enfin, j'approuve les propos tenus sur la nécessité d'augmenter le nombre d'heures que les intermittents du spectacle peuvent passer dans les écoles tout en les intégrant au total d'heures permettant de bénéficier de l'indemnisation chômage spécifique à leur régime : la réduction de 120 heures à 55 heures instaurée par le protocole de 2003 a constitué un frein considérable à la présence des artistes dans les établissements.

En réponse à M. Michel Le Scouarnec, je préciserai que le rapport insiste sur les efforts qu'il convient de mettre en oeuvre en faveur de l'enseignement artistique à l'école primaire, où les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) rencontrent plus de difficultés à intervenir que dans le secondaire, malgré les demandes répétées des communes.

J'indiquerai enfin à M. Vincent Eblé, qui s'inquiétait du suivi des propositions du comité de pilotage, qu'une réunion entre les DRAC et les recteurs sera prochainement organisée sur ce thème. Déjà, notre rapport est consultable sur le site du ministère de la culture, ce qui constitue le signe de l'intérêt du Gouvernement pour cette politique.

Debut de section - Permalien
Marie Desplechin, présidente du comité national de pilotage sur l'accès de tous les jeunes à l'art et à la culture

En conclusion, je rappellerai que l'objectif poursuivi par le comité de pilotage au cours de ses travaux était de réfléchir aux enjeux de l'enseignement artistique et culturel et de proposer des solutions réalistes de progrès.

La commission désigne, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, un candidat suppléant proposé à la nomination du Sénat pour siéger au Conseil national du numérique.

La commission propose la candidature de Mme Sophie Primas comme membre suppléant à la nomination du Sénat pour siéger au Conseil national du numérique.

Présidence de M. David Assouline, vice-président, puis de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -