Mes chers collègues, Edmond Hervé a eu, l'automne dernier, l'heureuse idée de nous proposer l'élaboration d'une synthèse des propositions adoptées depuis la création de la délégation, en avril 2009, et susceptibles d'animer les discussions législatives à venir. Il a bien voulu m'associer à ses travaux et je l'en remercie. Notre souhait est d'éclairer le Sénat en amont de la discussion législative sur l'ensemble des aspects de la décentralisation que nous avons eu l'occasion d'explorer, les commissions permanentes devant prendre le relais dès le dépôt du projet de loi en attente.
Nous avons donc repris les principales propositions que nous avions adoptées ces dernières années, dans la mesure où elles paraissent s'articuler à l'actualité de la décentralisation dans les prochains mois.
Nous avons souhaité consacrer au préalable des développements substantiels au cadre constitutionnel de la décentralisation. À quoi servent en effet les principes si le législateur ne s'y réfère pas, disait Edmond Hervé dans son rapport de juin 2011 sur le bilan de « Trente ans de décentralisation » ? Nous devons les faire vivre, continuait-il, et je compléterai en disant que nous devons nous appuyer sur ces mêmes principes pour donner un sens à la poursuite de la décentralisation. Dans la multitude des dispositions du projet de loi - 124 articles en quelque 150 pages -, ce qui sera peut-être le plus difficile à faire sera, en effet, la construction d'un sens...
Les principes constitutionnels pourront donc être nos repères. Je pourrais les résumer en citant l'article premier de la Constitution : « La France est une république indivisible (...). Son organisation est décentralisée ». L'indivisibilité plus la décentralisation, cela débouche sur le principe de libre administration, énoncé dans l'article 72 de la Constitution et développé dans les articles suivants, qui représente l'ossature de la décentralisation. Il s'exerce dans les conditions prévues par la loi : cela c'est l'indivisibilité. Et il se comprend comme une liberté d'agir des collectivités à l'égard de l'État : cela c'est la décentralisation. Cette liberté d'agir revêt trois aspects majeurs : la liberté institutionnelle, celle de s'administrer ; la liberté fonctionnelle, celle d'exercer des attributions effectives et de disposer des moyens humains et juridiques nécessaires ; la liberté financière, sans laquelle, nous le savons, la décentralisation est un faux-semblant. Renforcer la liberté d'agir, pousser plus loin la capacité des collectivités territoriales d'influencer les réglementations qu'elles appliquent sur leur territoire, ce sera sans doute un des thèmes de la prochaine discussion législative, nous y reviendrons.
Pour autant, un autre aspect de la liberté d'administration sera sans doute prégnant dans les débats : je pense à la tutelle. La liberté d'agir des collectivités territoriales ne concerne pas seulement leurs relations avec l'État, elle est aussi réciproque. C'est pourquoi la Constitution interdit l'exercice de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre. La notion de chef de file doit être comprise comme une dérogation à ce principe, une dérogation encadrée et limitée par le Conseil constitutionnel. Mais, si l'on veut éviter de s'en remettre à la seule bonne volonté des acteurs locaux pour assurer la coordination territoriale des politiques publiques, il faudra trouver le moyen d'en tirer toutes les conséquences utiles.
Cela sera sans doute un travail de précision, à faire politique par politique. C'est pourquoi nous nous en sommes tenus, dans notre rapport de synthèse, à une approche très générale que traduit notre proposition n° 1.
Proposition n° 1. Combiner le respect du principe de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre avec la mise en oeuvre de modalités efficaces de collaboration en application de la notion de chef de file.
Un autre enjeu de la décentralisation, un autre aspect de la liberté d'administration, est la différentiation territoriale des normes, à laquelle je viens de faire allusion. Historiquement, l'indivisibilité postule l'uniformité du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales et dans les collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel veille à son respect. Pour autant, le législateur constitutionnel a beaucoup nuancé ses implications, d'abord, au profit des collectivités d'outre-mer, mais aussi au profit de l'ensemble des collectivités en créant, par exemple, un pouvoir d'adaptation des lois et des règlements à titre expérimental. De son côté, le législateur est allé assez loin dans le sens de la différentiation, par exemple en permettant à la collectivité territoriale de Corse de définir les modalités d'application d'une loi sur son territoire. L'uniformité n'est donc pas un dogme constitutionnel. D'ailleurs, le législateur a lui-même directement institué nombre de dispositifs juridiques applicables sur une base territoriale, c'est le cas de la loi montagne, de la loi littoral, ainsi que des nombreuses politiques de zonage mises en place au profit des territoires défavorisés.
Faut-il aller plus loin en permettant aux collectivités territoriales de fixer plus largement certaines modalités d'application des lois et des règlements sur leur territoire ? C'est moins le principe d'indivisibilité que celui d'égalité qui y fait obstacle. C'est pourquoi, en fonction de cette analyse, et aussi en fonction de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 28 janvier dernier sur la régulation des normes applicables aux collectivités territoriales, nous vous présentons deux propositions, la première posant un principe de bon sens, la seconde proposant une modalité d'application pragmatique.
Proposition n° 2. Emprunter de façon dynamique, dans le respect du principe d'égalité, la voie de la différentiation du cadre juridique applicable aux collectivités territoriales et dans les collectivités territoriales.
Proposition n° 9. Conforter la différentiation territoriale inhérente à la décentralisation en systématisant la pratique d'insérer, en tant que de besoin, dans chaque loi ou texte réglementaire une disposition prévoyant la possibilité d'une adaptation aux circonstances locales et fixant les modalités de cette adaptation ou renvoyant cette fixation à des textes d'application.
La présidente a fait allusion au fait que la question des modalités d'exercice des compétences décentralisées sera centrale dans les discussions à venir. Je vais y revenir plus longuement.
Notre délégation a examiné ce sujet à plusieurs occasions dans le sillage du rapport que la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, que présidait Claude Belot et dont les rapporteurs étaient Jacqueline Gourault et Yves Krattinger.
Dans la mesure où une forte porosité existait entre cette mission d'information et notre délégation, nous avons repris les orientations qu'elle avait proposées en juin 2009 et qui restent tout à fait opportunes. C'est l'objet de notre proposition n° 3, qui tente d'approcher de façon pragmatique un sujet dans lequel les démarches théoriques ont toujours été démenties par la réalité.
Proposition n° 3. Mettre en place un dispositif de compétences obligatoires partageables par accord entre les collectivités. Affirmer un principe contractuel général. Mettre en place une procédure de constat de carence en cas d'inertie de la collectivité habilitée à exercer une compétence à titre obligatoire. Assurer l'information obligatoire de la ou des collectivités attributaires d'un domaine lorsqu'une autre collectivité intervient dans le même domaine. Créer un contrôle de légalité territorial permettant de trancher dans un délai déterminé les éventuels conflits entre collectivités relatifs au partage de leurs compétences.
Parmi cet ensemble d'orientations, il y a un point central sur lequel nous avons eu l'occasion de revenir, spécialement à la suite des états généraux de la démocratie territoriale d'octobre 2012, c'est la nécessité d'une méthode opérante de contractualisation et d'exercice coordonné des compétences. Je l'ai dit, les réalités du terrain peuvent contredire l'efficacité des principes théorique de partage. Ainsi, il est question d'attribuer, au demeurant selon des modalités assez complexes, la compétence économique aux régions. Pour autant, comme le rappelait Éric Doligé en tirant devant notre délégation les leçons des débats de l'atelier dont il était le rapporteur aux états généraux de la démocratie territoriale, les intercommunalités et les grandes communes ne veulent pas perdre la compétence économique, il faudra donc trouver une solution, en fonction de la diversité du contenu de cette compétence.
À cet égard, le rapport d'Antoine Lefèvre sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales a proposé, en février 2012, quelques pistes que nous rappelons dans la proposition n° 4.
Proposition n° 4. Pour permettre la gestion coordonnée des compétences partagées ou concurrentes, instituer des conférences territoriales regroupant les représentants de l'ensemble des catégories de collectivités ou des catégories de groupements de collectivités concernés. Les conférences territoriales, présidées par la collectivité chef de file dans le domaine de compétence concerné, négocieront et adopteront des schémas de mise en oeuvre des compétences. Elles devront satisfaire aux principes d'organisation suivants : mise à la disposition des participants de dossiers de séance avant les réunions, possibilité pour les participants d'obtenir la convocation de réunions supplémentaires ou d'appeler à la discussion des questions dont ils souhaiteraient débattre, possibilité pour les participants de présenter par écrit des observations sur les dossiers à l'ordre du jour, possibilité d'un vote sur les dossiers examinés, présence du préfet de région ou de son représentant aux réunions.
On sait que la coordination de la mise en oeuvre des compétences par des schémas négociés sous l'impulsion de collectivités chefs de file au sein de conférences territoriales à créer sera l'une des mesures phares du projet de loi. En fonction de cette perspective, nous avons élaboré une proposition destinée à renforcer l'efficacité des documents élaborés sous l'égide des collectivités chefs de file.
Proposition n° 5. Exiger un haut degré de compatibilité des actions des collectivités territoriales avec les orientations et objectifs fixés dans les schémas de mise en oeuvre des compétences décentralisées.
Par ailleurs, Jacqueline Gourault a abordé à travers l'idée de différentiation territoriale des normes le problème de l'étau normatif dans lequel l'État enserre les collectivités territoriales. Je ne vais pas y revenir, mais évoquer l'arrière-plan de cette question, qui est la nécessité d'un dialogue entre l'État, recentré sur ses missions stratégiques, et les collectivités territoriales.
Il semble qu'il y ait unanimité sur la notion d'État stratège. Nous voulons un État qui soit garant du pacte républicain, qui fournisse une vision de long terme, qui assure un environnement optimal à la croissance, un État régulateur et péréquateur qui organise l'implication de tous les acteurs territoriaux : en un mot, un État recentré sur ses missions stratégiques et intervenant le moins possible sur les compétences transférées. Le programme est ambitieux, nous l'avons résumé dans notre proposition n° 6.
Proposition n° 6. Recentrer l'État sur la mission stratégique de créer les conditions globales de la prospérité et de l'égalité au plan national et territorial.
L'État stratège pourra s'engager de façon optimale dans un dialogue avec les collectivités. Nous avons examiné ce thème de façon approfondie dans le cadre du rapport que nous avons adopté en février 2012 sur la proposition de Jacqueline Gourault et de Didier Guillaume. Ce rapport proposait de remédier à la multiplication des instances nationales et locales de dialogue et regrettait la tendance de l'État à utiliser celles-ci pour communiquer ses intentions plutôt que pour débattre de ses projets. On annonce une simplification des dispositifs de dialogue au niveau national comme au niveau territoriale. C'est pourquoi il nous a paru important de rappeler les propositions du rapport de février 2012, qui sont toujours pertinentes dans leur principe, tout en notant la nécessité de les actualiser en fonction de ce qui sera proposé.
Proposition n° 7. Institutionnaliser la conférence nationale des exécutifs (CNE) en l'inscrivant dans le CGCT. Modifier sa composition en lui ajoutant a minima une association nationale d'élus représentants les EPCI à fiscalité propre et quatre parlementaires. Prévoir la consultation de la CNE, notamment, sur les perspectives de réforme intéressant les collectivités territoriales et leurs groupements, les politiques publiques décentralisées nécessitant un partenariat entre l'État et les collectivités, l'évolution de la situation des finances publiques, les textes européens intéressants les collectivités. Fusionner les missions de la conférence nationale des déficits publics au sein de la CNE. Attribuer à celle-ci un secrétariat permanent et garantir la présence du Parlement au sein de ce secrétariat en permettant la présence de fonctionnaires parlementaires.
Proposition n° 8. Consacrer la possibilité pour les conférences des exécutifs régionaux d'associer à leurs réunions les préfets de région ou les préfets de département. Créer dans chaque département une conférence départementale des exécutifs chargée d'organiser la coordination locale et de favoriser le dialogue entre les représentants de l'État et les élus locaux.
Je poursuis notre présentation avec la question de l'intercommunalité. Elle répond très schématiquement à deux objectifs différents. D'une part, il s'agit de fournir à nos concitoyens des services qu'une collectivité, notamment rurale, n'a pas les moyens d'assurer seule. D'autre part, il s'agit de mettre à la disposition des grandes agglomérations françaises les moyens de mieux s'insérer dans la compétition mondiale en constituant des plates-formes intégrées de moyens et de ressources en matière d'enseignement, de recherche, d'innovation et de production. Ces deux aspects de l'intercommunalité se rejoignent en ce qu'ils conduisent à dessiner ce qui sera, peut-être, le paysage territorial français de demain ou d'après-demain. Sans préjuger de ce qu'il en sera nous devons nous montrer particulièrement attentifs au devenir de l'intercommunalité. D'ailleurs, ce dossier sera vraisemblablement l'un des thèmes centraux des discussions législatives à venir. Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années. Je ne rappelle pas les apports de la loi du 16 décembre 2010, ceux de la loi du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, et ceux de la loi du 31 décembre 2012 sur la représentation communale dans les communautés de communes. Je ne rappelle pas non plus l'achèvement, en cours, du programme de rationalisation des structures intercommunales.
Un des sujets qui nous occupera très prochainement sera certainement les compétences des intercommunalités. À cet égard, notre délégation a adopté en juillet 2012 un rapport de Pierre Jarlier « Pour une nouvelle architecture territoriale de l'ingénierie en matière d'urbanisme » dont il nous a semblé important de reprendre deux propositions.
La première est de portée assez générale.
Proposition n° 10. Faire de l'intercommunalité l'échelle privilégiée pour l'aménagement opérationnel et l'administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services instructions mutualisés des autorisations d'urbanisme pour le compte des communes.
L'idée sous-jacente est que les enjeux de déplacement, d'emploi et de logement sont liés au bassin de vie et doivent donc être traités au niveau intercommunal. Dans cette perspective, le transfert aux communautés de communes ou aux communautés d'agglomération de certaines compétences communales liées au droit de l'urbanisme permettrait de renforcer la cohérence de l'application du droit des permis de construire et du droit des sols sur un espace pertinent. D'où la proposition n° 11, reprise du rapport Jarlier, qui est une incitation.
Proposition n° 11. Encourager l'élaboration du plan local d'urbanisme à une échelle intercommunale.
Pour autant, il semble que le projet de loi en cours d'élaboration prévoit d'aller plus loin que l'institution d'une simple incitation en la matière, aussi avons-nous jugé important d'élaborer une proposition n° 12 qui ne figure pas dans les rapports passés de la délégation, mais nous semble indispensable à la pérennisation d'une compétence de proximité essentielle des maires.
Proposition n° 12. En cas de transfert de la compétence PLU à l'intercommunalité, les maires doivent conserver la signature des permis de construire.
La mutualisation est un autre aspect central du dossier de l'intercommunalité. Le rapport « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens », adopté par notre délégation en mai 2010 sur la proposition d'Alain Lambert, d'Yves Détraigne, de Jacques Mézard et de Bruno Sido, notait à cet égard que la mutualisation peut souvent constituer une première étape dans un processus plus ou moins long susceptible de conduire au transfert pur et simple de moyens dans un cadre intercommunal. Dans ce domaine, la loi du 16 décembre 2010 a fait progresser les choses, d'une part en posant le principe selon lequel tout transfert de compétences vers un EPCI entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargée de mettre en oeuvre cette compétence, d'autre part, en maintenant un régime dérogatoire de mutualisation ascendante en cas de transferts de compétences partielles, et enfin en instituant une nouvelle possibilité de mutualisation, sous la forme de services communs.
De nouveaux progrès sont envisageables, notre délégation n'a cependant pas travaillé sur ce dossier récemment. Je crois utile de rappeler cependant l'idée de coefficient d'intégration fonctionnelle, avancée par Philippe Dallier dans un rapport publié en octobre 2006 au nom de l'observatoire sénatorial de la décentralisation, reprise par la délégation en mai 2010 puis dans une proposition de loi d'Yves Détraigne, et de Jacques Mézard en septembre 2012. Il est justifié de réitérer cette proposition.
Proposition n° 13. Créer un coefficient d'intégration fonctionnelle calculé en fonction du rapport entre : d'une part, les équivalents temps plein affectés à des services fonctionnels ayant donné lieu à mutualisation dans le cadre intercommunal et, d'autre part, l'ensemble des équivalents temps pleins affectés à des services fonctionnels dans toutes les communes membres et au sein de l'EPCI. Se servir de ce coefficient pour augmenter proportionnellement la DGF des EPCI situés au-dessus de cette moyenne et diminuer la DGF des EPCI situés en dessous.
J'en viens maintenant au fait métropolitain, qui occupe une place importante dans le projet de loi de décentralisation qui va nous parvenir.
Je rappelle tout d'abord que le fait métropolitain correspond à une tendance majeure de l'économie postindustrielle. À la suite de la globalisation de l'économie mondiale, un phénomène de concentration métropolitaine s'est produit, qui paraît irréversible et dont il faut tenir compte dans la législation, alors qu'aujourd'hui, en France, selon de nombreux observateurs, les métropoles semblent pénalisées par une croissance insuffisante et bridée.
La mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales que présidait Claude Belot s'est intéressée à ce phénomène. Elle a présenté un certain nombre de propositions, tendant en particulier à créer des métropoles par la loi. La loi du 16 décembre 2010 a créé un régime juridique de la métropole au profit des communes formant un ensemble de plus de 500 000 habitants et s'associant au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire un projet d'aménagement et de développement susceptible d'améliorer la compétitivité et la cohésion de leur territoire. Jusqu'à présent, seule la métropole Nice Côte d'Azur a été créée, en décembre 2011.
Au vu de cette situation, nous proposons à la délégation de reprendre la proposition de créer des métropoles par la loi.
Proposition n° 14. Créer par la loi plusieurs métropoles.
Il nous semble intéressant, par ailleurs, de retenir l'idée de former les métropoles autour de convergences économiques et structurelles. En effet, l'approche démographique ou institutionnelle, privilégiée par la loi de 2010, ne doit pas écarter toute approche fonctionnelle et stratégique : une ville de 100 000 habitants dotés d'un bon projet stratégique doit avoir sa chance d'accéder au statut de métropole. De même, un réseau de villes peut avoir collectivement les caractéristiques d'une métropole, d'où la proposition n° 15.
Proposition n° 15. Réexaminer les critères de création des métropoles en fonction de l'objectif d'organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles et pas seulement démographiques.
Je vous propose d'aborder maintenant la démocratie locale et la transparence de la gestion locale, qui forment le cinquième chapitre de notre rapport.
Nous savons que la décentralisation, qui implique la gestion des affaires locales par des conseils élus, est intrinsèquement liée à l'idéal démocratique. Déconcentration et démocratie locale vont donc de pair, toutes deux appellent un effort de dépassement de l'acquis, une tension vers la transparence.
Dans son rapport « Trente ans de décentralisation » de juin 2011, Edmond Hervé relevait la nécessité de dynamiser les politiques d'information, de consultation, de participation et d'orientation pour redonner du dynamisme à la société civique. Pour autant, il estimait satisfaisants les textes en vigueur et concluait : « il faut simplement les mettre en oeuvre. » Je ne saurais mieux dire. Gardons-le à présent l'esprit.
La démocratie locale, c'est aussi un statut de l'élu ouvrant à tous la possibilité d'accéder au mandat. Notre délégation s'est beaucoup intéressée à cette question. En témoignent notamment le rapport de Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet « Faciliter l'exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l'élu », adopté en janvier 2012, ainsi que le rapport d'Antoine Lefèvre « La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires », d'octobre 2012. Une proposition de loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, que j'ai cosignée avec Jean-Pierre Sueur a, par ailleurs, été adoptée par le Sénat, à l'unanimité, le 29 janvier dernier. Je ne reviens pas sur ce dossier que nous connaissons tous. Je dirai simplement que son évolution témoigne de la capacité de notre délégation à travailler efficacement les dossiers importants. En l'occurrence, nous n'avons rien fait de révolutionnaire, nous avons cependant apporté une pierre à l'édifice du statut de l'élu sans remettre en cause la tradition du bénévolat. J'ajoute que la question du statut de l'élu est indissociable de celle du cumul des mandats, qui va être discutée.
Un autre élément essentiel de la démocratie est la transparence de la gestion locale et la responsabilité des gestionnaires. Transparence et responsabilités sont les corollaires de la liberté d'administration. Notre délégation a consacré en janvier 2012 d'importants développements à ces questions en janvier 2012 dans le rapport de Jacques Mézard « Prendre acte de la décentralisation : pour une rénovation indispensable des contrôles de l'État sur les collectivités territoriales ».
Nous avons ainsi adopté un grand nombre de propositions que nous souhaitons résumer dans la proposition n° 16 de notre rapport, qui nous a semblé en traduire l'esprit.
Proposition n° 16. Faire évoluer les méthodes du contrôle de gestion exercé par les chambres régionales et territoriales des comptes dans le sens d'un meilleur équilibre entre le contrôle de régularité pur et simple et la pédagogie de la bonne gestion.
Je cède la parole à Edmond Hervé pour présenter les deux derniers chapitres de notre rapport.
Faire vivre la liberté d'administration, cela suppose de conforter les ressources humaines dont disposent les collectivités territoriales ; cela suppose aussi de consolider leurs ressources financières.
En ce qui concerne les ressources humaines, j'ai eu l'occasion de relever dans mon rapport « Trente ans de décentralisation » la très grande qualité des fonctionnaires territoriaux. J'estime que nous devons continuer à faire monter cette fonction publique en qualité et en responsabilité. Il faut sensibiliser les jeunes diplômés au service publiques territoriales, favoriser la préparation aux concours de la fonction publique territoriale, assurer un niveau de financement satisfaisant du CNPTF. Tout cela est essentiel mais guère législatif. Pour me limiter à cet aspect, je mentionnerai donc simplement les propositions que nous pourrions réitérer en vue de la discussion législative à venir. Il s'agit de faire progresser la fluidité entre les filières de la fonction publique territoriale ainsi qu'entre les trois fonctions publiques. Dans mon rapport de bilan, je proposais d'ouvrir plus largement les corps d'inspection générale aux administrations territoriales et de leur donner des missions de conseil aux collectivités territoriales. Le second point est d'ores et déjà satisfait. Reste le premier, qui me semble poser de façon emblématique la question plus large de la mobilité entre les trois fonctions publiques et celle du décloisonnement. Je note que cet objectif a été évoqué au cours des états généraux de la démocratie territoriale d'octobre dernier. Certains participants ont même posé la question de la fusion des fonctions publiques. En tout état de cause, notre proposition n° 17 confirme l'objectif de fluidité.
Proposition n° 17. Favoriser la fluidité entre les filières de la fonction publique territoriale et entre les trois fonctions publiques. Ouvrir plus largement les corps d'inspection générale aux administrations territoriales.
Dans le sillage des développements que nous avons consacrés à l'intercommunalité, nous avons aussi estimé important d'évoquer les problèmes statutaires résultant des transferts de compétences. Au cas où le projet de loi en cours d'élaboration opérerait de nouveaux transferts de compétences impliquant des transferts de personnels ou des mises à disposition de services et de personnels, il faudrait prévoir un encadrement législatif précis de la mise en oeuvre. Tel est l'objet de la proposition n° 18, qui s'inscrit dans le droit fil des propositions du rapport d'Éric Doligé et de Claude Jeannerot de novembre 2010 « Transferts de personnel de l'État vers les collectivités territoriales ».
Proposition n° 18. Consolider les garanties accompagnant les transferts et mises à disposition d'agents de l'Etat résultant des transferts de compétences.
Il faut aussi mentionner la nécessité de la formation. Le rapport d'Antoine Lefèvre d'octobre 2012 sur « La formation des responsables locaux » a rappelé que la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale avait créé ou amélioré des dispositifs tels que le droit individuel à la formation, le droit à congé pour validation des acquis de l'expérience, le droit au congé pour bilan de compétences. Ce rapport estime que ces dispositifs sont encore trop méconnus, d'où notre proposition n° 19.
Proposition n° 19. Renforcer par l'information et la concertation le large accès des agents territoriaux aux dispositifs de formation permanente qui leur sont ouverts.
S'agissant maintenant des ressources financières, notre délégation ne s'est pas prononcée récemment sur l'ensemble des sujets. Mon rapport « Trente ans de décentralisation » avait proposé quelques orientations : affermir le principe de l'autonomie fiscale, réviser les valeurs cadastrales à un niveau géographique cohérent, doter la taxe d'habitation d'une assiette incluant les revenus, restituer une autonomie fiscale à la région et lui assurer une part du versement transport ainsi qu'une part de la TVA, faire relever de l'impôt national le financement des allocations de solidarité définie par la loi.
Tout en rappelant ces orientations, nous avons souhaité mettre l'accent sur l'amélioration des dispositifs de péréquation, qui a fait l'objet d'une réflexion poussée dans le cadre du rapport susmentionné de Jacques Mézard et Rémy Pointereau « Vers une dotation globale de péréquation ? À la recherche d'une solidarité territoriale ». Sans reprendre le détail technique des propositions du rapport, nous avons souhaité en résumer l'intention dans notre proposition n° 20.
Proposition n° 20. Intensifier la portée des dispositifs de péréquation.
De façon générale, je crois important de rappeler que la question du niveau des ressources financières et fiscales des collectivités territoriales ne peut pas être traitée indépendamment du contexte général qui intéresse ensemble des finances de l'État, celle des collectivités et celle des institutions de la sécurité sociale. On ne peut penser la décentralisation, du point de vue financier comme en toutes autres matières, sans repenser la façon dont l'État fonctionne.
Je terminerai la présentation de notre rapport en évoquant la compétence développement économique.
Tout d'abord un constat. Comme la Cour des comptes le notait dans un rapport publié en 2007 sur les aides des collectivités territoriales au développement économique : de toutes les compétences dévolues aux collectivités, celle concernant l'aide au développement économique a été la seule à échapper à l'application du principe des blocs de compétences : c'est que, considérée comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire, l'aide en faveur des entreprises a été dès l'origine conçue comme une compétence partagée entre l'État et chacune des autres collectivités territoriales. La force de cette exception a été telle qu'elle n'a jamais été remise en cause par la suite, conclut la Cour des comptes sur ce point.
Il existe cependant une certaine répartition des tâches : le rapport de la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales notait que la pratique a permis de spécialiser les interventions : les régions prenant en charge les dépenses en faveur de l'innovation et de l'internationalisation des entreprises, les EPCI s'impliquant dans l'aménagement des zones d'activités et dans l'animation économique, les communes continuant à soutenir le commerce de proximité.
Un autre genre de spécialisation peut aussi être mentionné : d'une manière générale, les collectivités infrarégionales tendent à intervenir sur des services à faible valeur ajoutée, nécessitant une proximité avec les entreprises, tandis que les régions se spécialisent sur les services à forte valeur ajoutée.
En tout état de cause, en matière de croissance économique, le succès repose sur les interactions entre acteurs et sur l'exploitation des synergies, comme l'affirmait un rapport publié par l'OCDE en 2009. Les politiques efficaces d'aménagement du territoire impliquent la mobilisation des ressources par des acteurs capables de s'accorder sur des projets stratégiques cohérents à l'échelle de ces territoires.
J'ajoute que la cohérence doit dépasser l'échelle territoriale. En effet, la concurrence éventuelle entre les collectivités pour attirer la « base résidentielle », qui capte à l'extérieur de la zone considérée, au bénéfice de l'économie locale, les retraites, les dépenses des touristes, les revenus des actifs habitant dans la zone mais travaillant et acquérant leurs revenus à l'extérieur, peut avoir des effets d'éviction sur la « base productive », qui capitalise les revenus de la vente à extérieur de la zone de biens et de services produits localement. Or la vitalité de la base productive est nécessaire à la création de richesse au plan national.
Ce premier constat illustre l'impératif, que nous avons déjà évoqué, de coordination et de contractualisation dans la mise en oeuvre des politiques territoriales. Il illustre aussi l'idée il n'existe pas de problématique purement territoriale : le national doit être présent, l'État stratège doit jouer son rôle, c'est-à-dire participer à la coordination territoriale.
Le même constat met aussi en évidence le lien étroit existant entre la politique des aides, qui est au coeur des politiques territoriales de développement économique, et la politique d'aménagement du territoire, qui crée les conditions de la croissance. Ce lien a été fortement énoncé dans le récent rapport de Jean-Luc Fichet et Stéphane Mazars sur « Les collectivités territoriales et le développement économique ».
Ce rapport, dont nous ne pouvons que reprendre les orientations, propose de renforcer le positionnement des régions en matière de développement économique sans leur confier de compétence exclusive. À cette fin, il faudrait généraliser les schémas régionaux de développement économique. La proposition n° 21 reprend cette problématique.
Proposition n° 21. Confier aux régions la responsabilité de définir une stratégie de développement économique et de coordination des acteurs à l'échelle de leur territoire. À cette fin, généraliser les schémas régionaux de développement économique en les élargissant aux problématiques de l'innovation et en faisant d'eux, en association avec les autres collectivités ainsi que l'ensemble des acteurs économiques concernés, les outils d'une réflexion à moyen long terme. Rechercher une cohérence des schémas régionaux de développement économique avec les différents schémas régionaux ou départementaux.
Un rôle prépondérant devrait être reconnu aux régions dans le domaine des aides aux entreprises. C'est l'objet de la proposition n° 22.
Proposition n° 22. Réaffirmer le rôle de chef de file des régions en matière d'aides au développement économique. Permettre aux autres collectivités de compléter le financement des aides régionales sous réserve de la signature d'une convention avec le conseil régional.
Le cas des aides à l'immobilier d'entreprise est cependant spécifique, d'où la proposition n° 23.
Proposition n° 23. Réserver les aides à l'immobilier aux EPCI, qui en assument aujourd'hui la majeure partie.
Enfin, il est nécessaire de développer davantage la culture de l'évaluation en réponse aux doutes exprimés lors du vote de la loi sur la banque publique d'investissement sur l'efficacité de l'action des collectivités en matière de développement économique. C'est ce qu'indique la dernière proposition de ce rapport.
Proposition n° 24. Généraliser l'évaluation des politiques territoriales de développement économique.
Le rapport très complet qui vient de nous être présenté par notre collègue Edmond Hervé montre que l'opposition entre régions et départements, redoutée par certains d'entre nous, a peu de consistance. En revanche, se dessine sinon une concurrence, du moins une recherche de complémentarité entre régions et intercommunalités. Ainsi, pour remédier à l'effacement croissant des services de l'État, les sociétés publiques locales devront, pour être efficaces, regrouper toutes les collectivités, c'est-à-dire les régions, les départements, les intercommunalités et les communes.
Le projet de loi portant acte III de la décentralisation fera certes de la région le chef de file en matière de développement économique mais cette action, pour être efficace, devra intégrer d'autres acteurs, notamment dans la recherche et l'accueil des entreprises, qui nécessitera le recours à des collectivités territoriales plus proches du terrain. La région sera bien placée, en revanche, pour élaborer une vision globale de ce développement.
Je relève qu'un niveau de collectivité, comme la région, peut disposer de vastes domaines d'exclusivité, tel l'entretien des lycées, sans que ceux-ci soient conçus comme une forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
La proposition n° 8 prévoit la création d'une conférence départementale des exécutifs. Je souligne que, d'ores et déjà, l'intercommunalité permet de travailler avec toutes les communes qui y sont regroupées et tient ainsi lieu de conférence intercommunale. Ce qui me semble surtout faire défaut est un lieu de débat entre la région et les départements, particulièrement quand le territoire régional est très vaste.
Je tiens également à souligner la qualité de cette présentation, dont certaines des propositions seront intégrées dans le futur projet de loi sur la décentralisation, qui constitue une étape dans un processus qui, à mon sens, sera poursuivi ultérieurement. Ce texte permettra une importante clarification des compétences de nature à apaiser les craintes sur d'éventuelles rivalités entre les départements et les régions.
La Bretagne a été pionnière, avec la création précoce d'une conférence régionale, qui ne regroupe que 16 interlocuteurs, nombre restreint qui permet un débat constructif. Je constate néanmoins que les sollicitations d'un département envers la région pour obtenir son soutien pour tel ou tel projet, et réciproquement, suscitent parfois des négociations longues et compliquées et aboutissent, au total, à une perte de temps et d'énergie.
Il m'apparaît que le département est désormais en position fausse à certains égards. Ainsi, je constate que, dans les Côtes-d'Armor, le futur schéma de coopération intercommunale induit des fusions aboutissant à la création de puissantes entités. Par exemple, dans le domaine de l'ingénierie territoriale, les intercommunalités de Saint-Brieuc ou de Lannion disposent de moyens permettant de répondre aux demandes exprimées par les communes, ce qui rend l'action parallèle du département assez stérile.
J'en viens maintenant au transfert aux intercommunalités des plans locaux d'urbanisme, qui sont parfois d'une grande difficulté d'application. À cela s'ajoute l'existence de fortes disparités entre communes, car certaines d'entre elles ne disposent que d'un unique document d'urbanisme constitué par la carte communale, alors que d'autres communes ont déjà réalisé des documents plus élaborés. Ceci suscite des difficultés d'harmonisation.
Il me semble également que le domaine des transports devrait être géré au sein des intercommunalités, car la population est demandeuse de liaisons entre la ville-centre et les bourgs environnants. Cette concertation en matière de transport s'impose à un niveau plus vaste, puisque j'observe que les agglomérations de Nantes et de Rennes ne sont plus séparées aujourd'hui que par une dizaine de kilomètres, ce qui devrait se traduire par une coopération en matière de transport.
Le transfert des aides à l'immobilier au profit des intercommunalités et des métropoles fragilise aussi le département, qui peine à trouver sa place dans ce domaine également.
Je m'interroge enfin sur la portée réelle de la clause de compétence générale, dans la mesure où, à mon sens, les communes n'en disposent plus que pour les secteurs qui n'ont pas été transférés aux intercommunalités.
Je trouve particulièrement intéressant que nous puissions avoir une feuille de route dans le cadre des débats qui vont s'ouvrir, et je salue l'initiative de notre délégation de synthétiser les différentes contributions de nos rapporteurs présentées à l'occasion de leurs rapports respectifs. Cette démarche va dans le bon sens, dans la mesure où elle participe de la production de consensus au Sénat.
Je trouve tout d'abord qu'il est particulièrement positif d'évoquer la clarification des compétences par la contractualisation car c'est une logique qui fonctionne, comme nous avons pu le constater à l'occasion de la mise en place des conseils communautaires. Cette démarche de contractualisation permet d'aller vers une responsabilisation des territoires, mais également vers une harmonisation de la gouvernance, tout en s'adaptant à la diversité de ceux-ci. Je trouve la proposition numéro 9 très intéressante et, à mon avis, indissociable d'une véritable décentralisation car il est évident que l'on ne peut raisonner de la même manière suivant que l'on soit dans un État centralisé ou décentralisé, et l'adaptation des dispositions nationales à la diversité des territoires parait dans certains cas nécessaire, même si, bien sûr, cela n'est pas facile à mettre en oeuvre, de nombreuses expérimentations ayant été conduites dans ce domaine.
En matière d'ingénierie, l'intercommunalité me paraît effectivement être la bonne échelle, voire, dans certains cas, l'inter-intercommunalité, comme par exemple en matière de schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il nous faut donc cheminer vers des solutions opérationnelles. Grâce aux textes qui existent déjà, et dès lors que le territoire de l'intercommunalité sera plus cohérent, il sera possible de mettre en oeuvre une ingénierie à l'échelle la plus efficace. J'avais pris le risque d'affirmer dans un rapport qu'il fallait encourager la planification intercommunale mais je reste persuadé que l'obliger n'est pas une bonne solution, dans la mesure où le PLU intercommunal est le fruit d'un projet collectif qui nécessite un consensus être viable. Comme cela a été rappelé, l'obligation est inscrite dans l'avant-projet de loi et je pense que nous pourrions trouver au Sénat les voies et moyens pour au moins susciter un certain consensus avant de l'appliquer.
S'agissant des mesures financières, il me paraît important, en matière de péréquation, qui sera de plus en plus nécessaire compte tenu de la baisse prévisible des dotations, que les bases de cette péréquation soient justes. La question qui se pose aujourd'hui est celle des critères dont nous disposons pour comparer la richesse des différentes collectivités. Il me semble très important que l'on puisse travailler sur un certain nombre de critères qui pourraient faire consensus en alliant à la fois la richesse de la collectivité et la richesse du territoire, parce que les deux sont indissociables. On commence d'ailleurs à parler aujourd'hui de revenu par habitant, ce qui est effectivement une des réponses possibles. Car nous savons tous qu'il y a des collectivités riches dans des territoires pauvres et, inversement, des collectivités pauvres dans des territoires relativement riches. Dès lors, si nous souhaitons à l'avenir mettre en place une juste péréquation et répartir des dotations qui seront plus rares, il faudra faire à la fois de la péréquation horizontale et verticale. Malheureusement, si l'on raisonne aujourd'hui à échelle constante, voire au vu d'une baisse des dotations, on s'aperçoit qu'il n'y a plus que de la péréquation horizontale, qui consiste à prélever sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) des uns pour assurer le financement de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) que l'on reverse aux autres. C'est donc un chantier très important et nous devons travailler sur ces critères si l'on souhaite trouver un consensus pour aller chercher la richesse là où elle se trouve et éviter ainsi des erreurs lourdes de conséquences pour certaines collectivités qui pourraient être fragilisées. Voilà les propositions que je souhaitais formuler, elles pourraient faire l'objet, si la délégation le souhaite, d'un rapport sur lequel je pourrais travailler.
C'est une excellente initiative et je ne doute pas que d'autres spécialistes des finances locales souhaiteront se joindre à vous sur ces sujets.
Il s'agit d'un excellent rapport et les propositions, telles qu'elles sont formulées sont très claires. J'ai toutefois une interrogation s'agissant du transfert de la compétence d'élaboration du PLU à l'intercommunalité. Certes, en soi cela n'est pas forcément une mauvaise idée, à partir du moment où l'on procède par étapes. Mais le PLU est quand même un bel outil dont disposent encore les communes. Or, son transfert à l'intercommunalité, avec le transfert du personnel qualifié qui va avec, posera une fois de plus la question des compétences qui restent aux communes. En effet, il faut garder à l'esprit et bien mesurer l'énergie déployée par certains maires pour garder aujourd'hui dans leurs communes un certain nombre de services publics et de commerces tendant à disparaître et qui, malheureusement, n'y parviennent pas. Nous devons donc avoir un vrai débat sur l'avenir même de la commune et échanger avec les maires sur son futur positionnement dans l'intercommunalité.
Ensuite, sur la question des bassins d'emploi, qui a été abordée dans le cadre de la problématique de l'intercommunalité, il me semble que cela s'inscrit davantage au niveau des pays. Même si la notion de pays n'est plus évoquée, les pays subsistent dans nos territoires et continuent à vivre. Selon mon expérience personnelle, le pays reste un espace de parole très intéressant entre trois communautés de communes et une communauté d'agglomération. Dans la région Bretagne, par exemple, c'est au niveau du pays qu'ont lieu les débats au sujet du développement du très haut débit. Les propositions qui sont formulées ici en matière de contractualisation mériteraient peut-être de ne pas laisser de côté les pays, lieux privilégiés où les élus peuvent échanger sur les problématiques - tourisme, développement économique - liées au bassin d'emploi.
S'agissant de l'autonomie de la région et du département grâce à de nouvelles fiscalités, la piste du très haut débit mérite effectivement d'être explorée, tout en sachant que nous ne pourrons pas créer de nouveaux impôts car nous sommes arrivés à saturation et nous devons, comme cela a été dit, réconcilier nos concitoyens avec leurs impôts en faisant en sorte que ceux-ci soient justes et adaptés aux besoins.
Le pays est effectivement une notion importante, qui avait notamment été abordée dans le cadre du rapport de notre collègue Claude Belot. Je sais d'ailleurs que les Bretons sont particulièrement attachés à cette notion, ce qui montre, là aussi, la diversité des territoires puisque vous avez réussi en Bretagne à en faire un lieu important de concertation. La vision que j'ai du pays est un peu différente puisque, dans ma région, il s'agit davantage d'un lieu par l'entremise duquel les fonds régionaux sont distribués dans le cadre d'une contractualisation avec la région. Or, ce qui était logique à une époque où l'intercommunalité n'existait pas, paraît aujourd'hui moins justifié. Il nous faut donc garder à l'esprit ces diversités régionales et ce n'est pas un hasard si les pratiques institutionnelles sont différentes en Bretagne ou en Alsace par exemple, car elles dépendent aussi de traditions culturelles.
Merci, chers collègues, j'espère que ce rapport constituera un outil utile dans les débats que nous allons avoir prochainement au Sénat.