Interventions sur "prison"

99 interventions trouvées.

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

J’abonde dans le sens de M. Hyest. Le problème n’est pas que le juge puisse s’adapter à la situation de la personne condamnée. On peut parfaitement comprendre les cas que vous avez évoqués, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur. Le problème est que ce système concernera des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à cinq ans. Cela signifie-t-il qu’il s’appliquera, par exemple, à une peine de trois ans de prison dont l’exécution n’est pas intervenue pour des raisons, peut-être, de négligence du système judiciaire ? Ce cas est différent de celui d’une peine de trois mois fermes prononcée pour un délit plus simple. On peut alors comprendre que la condamnation ayant été prononcée i...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, après cet exposé magistral d’histoire du droit pénal et de la prison, mâtiné de sociologie et de philosophie, j’en viendrai à des propos plus triviaux. Le rapporteur doit vous exposer le projet de loi tel qu’il était et tel que la commission a souhaité qu’il devînt. Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale, qui y a ajouté un certain nombre d’articles. Il en comporte aujourd’hui une cinquantaine. Comme l’a indiqué madame la garde des sceaux, il fait suite a...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

..., pour l’essentiel, à vérifier que le condamné se trouve à son domicile aux heures fixées par le juge. Actuellement, 11 048 détenus sont dans cette situation. À l’inverse, les mesures de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, qui permettent de travailler à la réinsertion, sont très peu développées. Dans ces conditions, les sorties sèches demeurent majoritaires : 80 % des détenus quittent la prison sans avoir fait l’objet d’un accompagnement, mais cette proportion s’établit à 84 % pour les condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois à un an, et même à 98 % pour ceux dont la peine est inférieure à six mois. Or, on le sait, ces sorties sèches augmentent le risque de récidive à la sortie. Les condamnés se réinsèrent dans le milieu d’où ils viennent, c'est-à-dire dans celui de la délinq...

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

... et de la conduite sous l’influence de l’alcool. Cela ne signifie pas que la contrainte pénale devra être prononcée dans tous les cas pour ces infractions : si le juge considère que cette sanction est trop lourde, il pourra prononcer une peine d’amende, un TIG, un stage, une interdiction du permis de conduire, la confiscation du véhicule, etc. En revanche, il ne pourra plus prononcer de peine de prison. C’est à cela qu’il faut aboutir. Nous verrons d’ici à quelques années si, comme je le souhaite, il est opportun d’élargir ce système. Pour moi, à terme, il faudra passer en matière correctionnelle du diptyque prison-amende au triptyque prison-contrainte pénale-amende. C’est ce qui nous a été proposé tout au long des auditions que nous avons menées, notamment par Robert Badinter, les représentan...

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

...e en la justice. Nous sommes ici rassemblés pour débattre d’un projet de loi dont le but est d’y mettre fin. Je débuterai mon propos là où Jean-Pierre Michel a excellemment conclu le sien. Mes chers collègues, pour que, comme nous le souhaitons, il n’y ait plus d’impunité, il faut que tout délit, toute infraction donnent lieu à une sanction. Pour ce faire, il faut une pluralité de sanctions. La prison ne peut être la seule peine possible ! Penser le contraire, comme le font certains, relève du fantasme. Par conséquent, madame le garde des sceaux, je tiens à rendre hommage au travail que vous avez accompli en vue de nous présenter ce projet de loi. Monsieur le rapporteur, je tiens également à vous remercier de votre fidélité totale à l’esprit du texte, qui consacrera bien trois types de peines...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

... certainement pas vu. En dehors de ces incongruités, quel est le fond de la réforme, dont on nous dit, bien sûr, qu’elle est ambitieuse – on dit cela de toute réforme – et qu’elle permettra à la fois de régler le problème de la surpopulation carcérale et celui de la récidive ? Il est vrai que le cœur du dispositif est constitué par l’article 8 du projet de loi, lequel prévoit l’alternative à l’emprisonnement que constitue la « contrainte pénale », notion qui, malgré nos efforts de compréhension, nous semble encore floue et sans grand contenu. Franchement, par rapport à l’actuel article 131-3 du code pénal, quoi de nouveau sous le soleil ? Et je ne vous cite pas les peines alternatives à l’emprisonnement, très diverses, qui figurent dans les articles suivants du code pénal ! Aussi, je ne vous i...

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

...bscurcit plus qu’elle ne simplifie la lisibilité des politiques de l’État, on va résoudre tous les problèmes ! En créant continuellement des lois, on pense qu’on va améliorer les choses ! Ce n’est pas en calquant les régimes de sanctions des récidivistes sur celui des primo-délinquants ni en rendant obligatoire la procédure d’examen de la situation des personnes condamnées à plus de cinq ans d’emprisonnement à deux tiers de la peine que l’on y changera grand-chose ! Encore faudrait-il avoir les moyens en juge, etc. Au contraire, cela ne va pas améliorer la situation explosive de notre système judiciaire. La contrainte pénale, « faux jumeau du sursis probatoire », pour reprendre les termes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, pose selon elle un sérieux problème de just...

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

...eines, de greffiers ou de conseillers d’insertion et de probation. Ces derniers seront pourtant l’un des piliers de la mise en œuvre de votre réforme, qui devra, pour être crédible, disposer des moyens indispensables à sa bonne application. Car sans moyens suffisants, cette réforme sera un échec. De la même manière que l’on se plaint de la surpopulation carcérale due au manque de places dans les prisons et de la promiscuité néfaste que cela provoque, on risque demain, si les moyens ne sont pas assurés dans la durée, de se plaindre de l’échec cruel des nouvelles peines proposées. Pire même, si un délinquant exécutant sa peine à l’extérieur se retrouve livré à lui-même et récidive, ce texte apparaîtra alors comme une loi laxiste. Ce n’est pas votre souhait, madame la garde des sceaux, ce n’est p...

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

... aujourd’hui, ne parviennent pas à masquer un bilan particulièrement négatif, pour ne pas dire désastreux. Avec ces lois, l’élimination n’est évidemment plus physique, mais sociale. Quant à l’éloignement, il se décline sous la politique du « tout-enfermement ». Il a toutefois échappé aux rédacteurs de ces lois que notre société a heureusement évolué depuis 1885 et que la plupart des personnes emprisonnées ressortent un jour. C’est en maintenant cette politique du « tout-enfermement », qui plus est dans des conditions peu respectueuses des droits de la personne humaine, que sont fabriqués ces récidivistes et ces exclus, qui sont ensuite montrés du doigt. Avec ces lois, on s’est contenté d’entasser des individus dans des mètres carrés, de les mettre pour un temps à l’écart de la société. On a e...

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je ferai plusieurs remarques sur le sujet qui nous occupe. Tout d’abord, je vous pose la question, mes chers collègues : est-il raisonnable d’entasser toujours davantage de prévenus et de condamnés dans nos prisons ? La réponse, simple, de bon sens, ne peut qu’être négative. La situation de la population pénitentiaire, dont nous avons vu l’évolution au cours des dernières années, est devenue strictement intolérable. La solution n’est pas de construire de nouvelles prisons, même si, pour un traitement normal des condamnés, ce serait une bonne chose. D’autres réponses doivent donc être apportées. Je suis so...

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Nous sommes donc très en retard sur ce point. Lorsque les peines sont très éloignées de l’infraction, leur sens s’évapore. Or 70 % des peines d’emprisonnement connaissent un délai de mise à exécution, et une peine sur deux est mise à exécution entre 3, 7 et 60 mois, soit cinq ans, ce qui correspond au délai de prescription de la peine en matière correctionnelle. Si l’on exclut les peines exécutoires sans délai, la moitié des peines d’emprisonnement sont mises à exécution après plus de 225 jours. J’ai le sentiment que le présent projet de loi, mê...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

...à l’épreuve. La contrainte pénale, l’une des mesures phares de ce projet de loi, a certes réveillé les démons les plus puissants de notre imaginaire pénal. Pourtant, au printemps, la conférence de consensus sur la prévention de la récidive a démontré, chiffres à l’appui, que, pour les petites infractions, la récidive était plus faible après une peine de probation en liberté qu’après un séjour en prison. L’enfermement à tout prix serait-il donc le seul horizon possible de la peine ? Et pourquoi la peine de probation serait-elle un cadeau fait aux délinquants ? Pourtant, Nicole Maestracci, magistrate, présidente du comité d’organisation de la conférence de consensus, a insisté sur le fait que la peine de probation était « une peine à part entière », ajoutant qu’il convenait de sortir de l’idée s...

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Selon Paul Ricœur, ce droit à la probation dit : « Tu vaux mieux que tes actes. » Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Il nous faut choisir entre deux options : soit construire de plus en plus de prisons, soit renforcer les actions éducatives, d’insertion et de solidarité à l’endroit des délinquants pour moins de récidive et plus de sécurité. L’autre grande question est évidemment de savoir si l’on se donnera les moyens de faire aboutir cette réforme, notamment s’agissant de l’instauration d’un examen systématique de la situation des condamnés à une peine de plus de cinq en vue de l’éventuel oc...

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

...ons de notre rapporteur et le texte dans sa version amendée par la commission des lois. Au mois de février 2004, un certain Monsieur B. a demandé un rendez-vous au maire de Châteaubourg que j’étais, afin de solliciter la possibilité d’utiliser des salles de sport. Lors de ce rendez-vous, qui a eu lieu une dizaine de jours plus tard, il m’a exposé les motifs de sa démarche. Il venait de sortir de prison après avoir purgé une peine d’environ deux ans à Nantes, sachant qu’il avait été transféré à Rennes quinze jours avant sa libération, car il a de la famille à Châteaubourg. Ladite famille était d’ailleurs déjà connue des services sociaux, et le foyer, composé d’un couple vivant dans une promiscuité certaine, ne présentait pas vraiment les conditions de logement adaptées pour accueillir une perso...

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

...a réelle cause des échecs. C’est un projet de loi en cohérence, cela a été rappelé tout à l’heure, avec un certain nombre d’autres textes que nous avons adoptés ici, au Sénat, avec un certain nombre de positions que nous avons prises ici même, quelles que soient d’ailleurs les travées sur lesquelles nous siégeons. Ce texte vise à prévoir un suivi efficace des détenus au moment de leur sortie de prison. C’est un texte de courage, parce qu’il faut du courage et de la pédagogie pour tenir un discours de vérité auprès du grand public. Il faut du courage pour expliquer que la dissuasion ne repose pas sur le quantum des peines, que tous les délinquants sont persuadés qu’ils ne seront pas pris. Chaque fois que Monsieur B. a pris le train, il pensait qu’il ne serait pas contrôlé. Il faut du courage p...

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

...orteur de la commission des lois, lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire. Le regard que nous portions sur l’univers carcéral était alors largement partagé, de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, présidée par Louis Mermaz, qui avait notamment exprimé le souhait de rompre le cercle vicieux liant l’accroissement du nombre de détenus et l’augmentation des capacités d’accueil en prison, à la commission d’enquête du Sénat, présidée par Jean-Jacques Hyest, dont le titre, Prisons : une humiliation pour la République, claque encore et toujours à nos oreilles

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Bien sûr, la discussion de la loi pénitentiaire n’a pas totalement échappé aux querelles convenues entre majorité et opposition. Tout de même, surtout au Sénat, nous étions souvent parvenus à dépasser nos divergences, pour élaborer ensemble un texte de rupture avec un passé qui n’honore pas toujours notre pays. Car si, comme le pensait Albert Camus, une société se juge à l’état de ses prisons, la nôtre ne méritait guère l’acquittement. C’est le Sénat, mes chers collègues, qui a marqué de son empreinte la loi pénitentiaire, de l’obligation d’activité à la sauvegarde du principe de l’encellulement individuel, de la réforme du régime des fouilles au choix du développement des aménagements de peines et des alternatives à l’incarcération, de la définition du sens de la peine à la refonte...

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

...is dépassé, une opposition paraissant irréductible entre deux camps, aussi convaincus l’un que l’autre de détenir le monopole de la vérité et parfois, pour ne pas dire souvent, méprisants à l’égard de ceux qui ne partageaient pas leurs convictions. D’un côté de l’hémicycle, j’ai cru comprendre qu’il fallait arrêter tout travail de réinsertion, de peur d’inciter les personnes à passer par la case prison pour devenir prioritaire pour en bénéficier... De l’autre côté, une collègue s’adressait à ses « camarades, et seulement à eux » dans une appréhension pour le moins cloisonnée de la démocratie. Enfin, j’ai quelques difficultés à comprendre qu’une loi de la République portant sur la rétention de sûreté puisse être à de multiples reprises disqualifiée et traitée de loi honteuse. J’entends et respe...

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

...’insertion ou la réinsertion de la personne détenue pour lui permettre, disait-on en 2009, de mener une vie responsable et exempte d’infractions. Il n’avait d’ailleurs pas été facile, en 2009, d’introduire le sens de la peine. On nous avait reproché d’être bavards et moralisateurs. Je me réjouis que les opinions aient évolué. Il en va de même de la volonté, en matière délictuelle, de faire de la prison l’exception et de l’aménagement de peine la règle. Grâce à notre rapporteur, nous en revenons même aux dispositions de la loi pénitentiaire s’agissant du seuil permettant un aménagement de peine. Jean-Jacques Hyest a évoqué précédemment le nombre de fois où il a fallu ferrailler pour éviter la remise en cause de cette disposition d’une loi dont l’encre était à peine sèche. En outre, je suis conv...