Mes chers collègues, nous procédons à l'audition de M. Marc Teyssier d'Orfeuil, délégué général, de Mme Juliette Kacprzak, consultante mobilité et de M. Thibaut Moura, responsable pôle mobilité, du club des voitures écologiques.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Marc Teyssier d'Orfeuil et Mme Juliette Kacprzak prêtent serment.
Le club des voitures écologiques considère que la mobilité passe par la voiture et notre axe de travail est le mix énergétique. Nous ne sommes pas le club des voitures électriques. Lors du protocole de Kyoto, tout a été basé sur le CO2 mais la question de la pollution dans la ville ne peut se limiter à cette seule mesure. Il faut intégrer l'ensemble des polluants dans la définition des voitures écologiques. Un véhicule stationne 95 % de son temps, dès lors les politiques d'aide au stationnement peuvent avoir autant d'impact que les aides de l'Etat, surtout que celles-ci peuvent disparaître du jour au lendemain, comme cela a été le cas pour le GPL. Il faut donc que les collectivités locales prennent à bras le corps la question de l'aide à l'achat de véhicules écologiques. Nous avons mis en place le disque vert, désormais adopté par une quinzaine de villes, qui favorisent les véhicules gaz, électriques, hybrides, l'autopartage et les petits véhicules de moins de trois mètres. Pour ces derniers, nous avons incité à la mise en place d'un demi-tarif parking. Sur cinq ans, cela peut représenter la moitié du prix du véhicule. C'est l'avantage des aides des collectivités territoriales qui durent dans le temps par rapport à celles de l'Etat qui sont en une fois.
Nous avons fait un important travail avec les acteurs du stationnement. Il faut du temps pour changer les lignes et notamment faire disparaître l'affichage de l'interdiction des véhicules GPL sans soupape dans les parkings qui ne correspond plus à la réalité technique.
Nous militons pour le prêt à taux zéro pour l'accès aux véhicules propres afin de permettre aux foyers les plus modestes d'accéder à ces véhicules. Nous préconisons également un crédit de télépéage de 250 à 500 euros en échange d'un allongement des concessions, qui peut permettre de lever un milliard d'euro pour les véhicules propres.
Nous avons publié une revue sur le véhicule écologique avec plusieurs articles sur le diesel mais aussi sur la dépollution des véhicules diesels anciens, voire de l'ensemble des véhicules car les Français n'auront pas les moyens de changer leurs véhicules du jour au lendemain. Il y a 2 millions de véhicules neufs vendus chaque année et le parc automobile est constitué de 36 millions de véhicules.
Nous portons également une notation des véhicules sur l'ensemble des polluants qu'ils émettent, ce qui paraît plus conforme à la volonté de l'Europe car on sait que le mécanisme de bonus-malus a in fine favorisé l'achat de petits véhicules diesels dont le bilan, en termes de particules, n'est pas brillant.
Nous échangeons souvent avec les équipes mais pas avec la ministre elle-même.
Comme tout véhicule thermique, ils continueront à polluer. Il y a environ 1 400 composés chimiques qui sortent d'un pot d'échappement, on en mesure quelques dizaines. Cela pose la question de ce que l'on doit mesurer et quels sont ceux qui ont un impact sur la santé. Certains véhicules émettent du cyanure. Même sous forme de trace, cela peut poser problème en fonction de la concentration. Cette concentration est liée à la composition du parc automobile.
Le cycle NEDC, normalisé au niveau européen pour l'homologation, ne dit pas quel est le volume des émissions mais seulement si elles sont inférieures au seuil fixé. Il y a donc un problème de mesure fine des polluants. En France, l'information sur le CO2 est public mais pas celle sur les autres polluants, contrairement à d'autres pays.
L'obligation d'affichage pour le consommateur n'existe que sur le CO2.
Oui. La question est quelle est la lisibilité de l'information que l'on peut donner. Il faut trouver une notation intelligente qui rende l'information sur les polluants compréhensible. On pourrait envisager que cette notation tienne compte de l'utilisation du véhicule, telle qu'on peut la conseiller.
Un diesel sur l'autoroute ne nous dérange pas beaucoup mais en ville oui. Différents types de véhicules ont différents usages intéressants. L'hybride rechargeable avec une autonomie de 60 kilomètres ne sera pas polluante en ville, pourtant elle ne sera pas classée dans la même catégorie que le véhicule électrique. A Paris seul 1/3 du temps de circulation est lié au déplacement, 1/3 est lié aux feux et 1/3 à la recherche de stationnement. On a, avec le stationnement, un levier important pour réduire la pollution de l'air.
Quelles sont vos préconisations pour lutter contre les pics de pollution ?
Il faut accélérer le déploiement des véhicules écologiques. L'Etat ne peut pas être le seul à inciter à leur achat, mais il doit rentrer dans une logique marketing. Pour chaque borne, il faut vingt panneaux de signalisation qui permettent de rassurer l'acheteur potentiel.
Avez-vous évalué le coût économique et financier de la pollution de l'air ? Ensuite que pensez-vous du fait que l'Ademe ait subventionné un moteur hybride diesel pour PSA en 2013 ? Comment évaluez-vous la sensibilisation actuelle sur le sujet ?
Nous sommes mobilisés sur le sujet mais cela décolle moins vite que nous le souhaitons. Certes la France est en crise mais les gouvernements pourraient rappeler que rouler au GPL ou au bio-éthanol coûte moins d'un euro le litre. Les industriels nous ont d'ailleurs dit qu'un incentive de 400 ou 500 euros suffirait pour relancer les filières mises à mal par la fin soudaine de la prime. Un véhicule qui a quarante à cinquante kilomètres d'autonomie en ville et qui roulerait au diesel sur l'autoroute pourrait être intéressant mais, de mémoire, ce n'étaient pas les recherches engagées en 2013. Nos deux grands groupes nationaux ont été biberonnés au diesel et ils ont du mal à en sortir mais ils y arriveront car les nouvelles générations d'ingénieurs arrivent dans ces entreprises et qu'elles sont porteuses d'une nouvelle vision de l'automobile. Nous considérons qu'il faut vingt ans pour sortir du diesel. Il y a déjà un léger rééquilibrage sur l'essence. Les annonces sur l'interdiction de circulation en ville commencent à avoir leur effet.
Par ailleurs, 30 % des véhicules neufs sont achetés par les flottes automobiles et c'est là un levier important.
Sur la norme Euro 6 il semblerait que nous allons avoir un problème d'ici trois ou quatre ans car les pots catalytiques de plus 30 000 ou 40 000 kilomètres perdent énormément de leur capacité et sont moins efficaces à froid qu'à chaud, donc réduisent peu la pollution sur les trajets courts.
Le diesel propre sur lequel on communique beaucoup existe-t-il et le pot catalytique est-il compatible avec l'hybride diesel ?
Il faut incontestablement un temps pour que les systèmes de dépollution fonctionnent à plein. Ce temps est de plus en plus court et sur les véhicules répondant à la norme Euro 6, il est plutôt bon. Mais il faut regarder les cycles à la loupe. A travers le monde les annonces faites sur l'hybride de demain sont des hybrides essences. L'hybride diesel n'est plus dans le scope.
PSA se développe aujourd'hui en Chine avec des hybrides essences car le diesel n'est pas une référence au niveau mondial. Cela pose la question des choix stratégiques qui ont été faits sur le diesel, même s'il a une pertinence en Europe sur certains usages. Il demeure intéressant sur de longues distances mais certainement pas en ville. Dans les quinze ans qui viennent, il y aura aussi des problèmes de particules sur les véhicules essence en raison de l'évolution des normes. Il faut anticiper. Le problème est aussi celui de l'entretien du parc existant. Cela a un vrai impact en matière de pollution de l'air.
Nous avons travaillé sur le concept d'éco-entretien. Au niveau du contrôle technique, le contrôle de pollution du véhicule n'est pas assez poussé. Sur un véhicule diesel, on fonctionne encore en contrôlant la couleur des fumées avec un opacimètre. Il faut que le véhicule soit à 100 % de sa capacité en matière d'émissions. On commence à avoir des solutions pour remettre les véhicules à niveau avec de l'hydrogène ou des produits chimiques.
Le coût de l'éco-diagnostic : 30 à 40 euros et l'éco-entretien : 100 à 150 euros. Le marché est énorme. Toute la question est à partir de quand il y aura une contre-visite quand le contrôle technique relève que le véhicule n'est pas à son optimum. Il faudra fixer des normes exigeantes.
Sur le coût d'ensemble, c'est très difficile car fixer des grands axes stratégiques est un facteur de compétitivité à l'international et nous avons des champions industriels dans le secteur des énergies durables.
Sur la comparaison essence-diesel : quelle est la part de la pollution des véhicules imputable au moteur, aux plaquettes de frein et à l'abrasion des pneumatiques ?
Ce n'est pas encore la même chose, même si les efforts en recherche et développement pour le diesel ont été considérables. Avec la norme Euro 6 il y a aura plus d'émission de particules par les plaquettes et les pneus que par le moteur. Les freins sont désormais la première source d'émission de particules avant les pneus et avant le moteur. Cela marque aussi le fait que l'on commence à descendre finement dans les émissions.
Il ne faut pas laisser croire que l'Euro 6 est la voiture écologique. Ce serait suicidaire du point de vue des autres énergies. L'énergie d'après-demain n'est peut-être pas encore connue. On a présenté ces jours-ci du bio-éthanol à base de marc de raisin pour les camions.
Avez-vous fait des études macro-économiques sur l'intérêt économique des nouveaux types de véhicules ?
La plupart de ces véhicules sont économiquement rentables, la question est celle du soutien politique.
La filière bio-éthanol a fait cette démonstration mais il n'y a pas eu de volonté politique. Je note par ailleurs que 80 % de l'activité automobile est réglementée ; l'impact des propositions de la France au niveau européen est donc hautement stratégique.