Commission d'enquête Chiffres du chômage

Réunion du 5 juillet 2016 à 13h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 13 h 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Mes chers collègues, nous allons entendre Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi, le COE, accompagnée de M. Hervé Monange, qui en est le secrétaire général.

Madame Carrère-Gée, nous souhaitons que vous nous présentiez les grandes lignes du rapport établi par le COE sur les réformes du marché du travail en Europe. Votre exposé sur les politiques de l'emploi mises en oeuvre en Europe éclairera utilement la réflexion de notre commission d'enquête, qui a déjà entendu des représentants de l'Italie, de la Pologne, de la Grande-Bretagne et qui, après s'être dernièrement déplacée en Grande-Bretagne, compte se rendre en septembre en Italie et en Allemagne.

Vous voudrez bien nous dire aussi quelles convergences vous avez identifiées entre les différentes politiques mises en oeuvre en Europe et quelles conclusions vous tirez de vos travaux en ce qui concerne les effets de ces politiques sur le niveau de l'emploi et sur le travail.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Hervé Monange prêtent serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

i. - Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil d'orientation pour l'emploi est une instance de concertation et d'expertise qui réunit l'ensemble des acteurs du marché du travail. Il se compose de représentants des diverses administrations d'État qui s'occupent d'emploi, des partenaires sociaux, des collectivités territoriales et du Parlement, ainsi que d'économistes, d'experts et de directeurs des ressources humaines.

Sa vocation est de permettre à ces différents acteurs, sur un sujet problématique qui ne fait pas l'objet d'un consensus spontané, de travailler ensemble et d'échanger dans la plus parfaite confiance, nos séances n'étant pas publiques, en vue d'élaborer des diagnostics partagés et des recommandations à l'intention du Gouvernement et du Parlement.

Cette instance a été conçue sur le modèle du Conseil d'orientation des retraites, le COR, à ceci près que, en matière d'emploi, nous ne sommes qu'un organisme parmi d'autres, qui essaie de ne pas refaire ce que les autres ont déjà fait, et que nous ne sommes pas liés à des processus de réforme, ce qui nous donne une marge de manoeuvre intéressante pour choisir collectivement nos sujets, avec le souci de nous rendre utiles.

Avec le rapport « Les réformes du marché du travail en Europe », adopté et publié en novembre dernier, les membres du COE ont souhaité éclairer la portée des réformes du marché du travail mises en oeuvre dans dix pays européens, de façon accélérée à la suite de la crise.

L'enjeu nous a paru très important, compte tenu de la place qu'occupent les réformes du marché du travail dans le débat public et de l'analyse dépourvue du moindre recul dont elles font l'objet la plupart du temps. Ainsi, on ne peut pas examiner le Jobs Act italien avec un prisme français, comme si le marché du travail et la législation de l'Italie étaient similaires aux nôtres.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la plupart des réformes lourdes entreprises depuis la crise l'ont été sous une pression extérieure forte, de sorte que les gouvernements ont été portés à promouvoir activement les mesures prises, ce qui est bien normal, mais rend encore plus nécessaire le travail de décryptage.

Pour mener cette étude, nous avons choisi dix pays, les jugeant, à tort ou à raison, représentatifs de la diversité de l'Europe : certains sont grands, d'autres petits ; les uns sont membres de la zone euro, les autres non. Tous, en revanche, sont susceptibles de présenter un intérêt pour l'analyse de la situation française.

Nous avons adopté une conception large de la notion de réforme du marché du travail, en nous intéressant non seulement à la protection de l'emploi, au droit du travail et à la place de la négociation collective, mais aussi à l'assurance chômage et aux politiques actives du marché du travail. Nous nous sommes efforcés de refléter au mieux la réalité des réformes, dont la plupart ont pris la forme de « paquets » englobant parfois des éléments extérieurs au marché du travail.

Nous avons choisi d'auditionner en priorité des experts étrangers, en essayant de recevoir pour chaque pays au moins un économiste et un juriste, de manière à garantir une pluralité de points de vue. En effet, si le débat a été capté - je le dis sans jugement de valeur - par les économistes, la réforme du marché du travail est un sujet avant tout juridique. D'autre part, nous nous sommes attachés à sélectionner des personnalités connues davantage pour la rigueur de leurs analyses que pour leurs partis pris idéologiques.

Enfin, nous nous sommes appuyés à la fois sur les services sociaux et économiques des ambassades étrangères à Paris et sur les services des ambassades françaises dans les pays étudiés.

Comme vous le voyez, nous nous sommes efforcés de prendre toutes les précautions de méthode nécessaires à un travail rigoureux et sans parti pris. Qu'une même instance analyse dix pays avec cette exigence de neutralité est, je crois, sans précédent.

Je traiterai d'abord du contexte des réformes, puis du contenu des réformes structurelles ; pour finir, je tenterai une première analyse des effets des réformes.

Les réformes du marché du travail sont souvent analysées à travers le seul prisme des conséquences de la crise. Or les marchés du travail étaient en évolution profonde dès avant la crise. De fait, ils sont marqués par des bouleversements économiques et sociaux majeurs qui étaient déjà à l'oeuvre avant la crise, au premier rang desquels la globalisation, la financiarisation, la tertiarisation des économies, la féminisation de la population active et le poids croissant des innovations technologiques. Toutes ces tendances, qui sont antérieures à la crise, entraînent un besoin accru de souplesse et d'adaptation du côté tant des entreprises que des actifs. Les réformes ne résultent donc pas seulement de la nécessité de s'adapter aux conséquences de la crise, même si celle-ci a été très importante par son ampleur comme par ses effets.

Par ailleurs, les marchés du travail étaient confrontés bien avant la crise aux défis du chômage, notamment du chômage de longue durée, et de la dualisation du marché du travail.

La plupart du temps, ces diverses évolutions n'ont pas été suffisamment prises en compte dans les réformes avant la crise.

La crise a eu une incidence majeure, et qui continue de se faire sentir, sur les marchés du travail européens. Même si les taux de chômage de l'Union européenne et de la zone euro sont en recul significatif depuis le pic de 2013, nous n'avons pas encore retrouvé la situation d'avant-crise.

Les pays européens sont souvent entrés dans la crise avec des marchés du travail dans des états sensiblement différents. Le plus souvent, la crise n'a fait qu'exacerber des déséquilibres existants. Elle a cristallisé des défis communs à tous les pays, ou à presque tous : le chômage des jeunes et le chômage de longue durée. Elle a aussi mis au jour des enjeux plus spécifiques, comme la hausse du temps partiel subi dans plusieurs pays, l'aggravation du risque de dualisme du marché du travail et des évolutions différentes du taux d'activité selon les pays.

Avant de s'intéresser au contenu des réformes structurelles menées en Europe, nous nous sommes livrés à une analyse quantitative destinée à mettre en évidence leur accélération. Même si les indicateurs sur lesquels nous nous sommes fondés ont des limites - la Commission européenne comme l'Organisation internationale du travail recensent le nombre de mesures prises sans égard pour leur importance -, ce travail a permis de mettre en lumière plusieurs phénomènes. Ainsi, les marchés du travail font l'objet d'un processus de réforme quasi continu antérieur à la crise, mais, à la suite de celle-ci, le nombre de mesures prises a connu un doublement.

Cette tendance générale à l'accélération des réformes cache des disparités importantes selon les pays et selon les domaines. Les réformes ont été plus nombreuses dans les pays du sud de l'Europe, notamment dans les domaines de la protection de l'emploi et de l'assurance chômage. Ces pays sont ceux qui connaissaient, dès avant la crise, les plus forts déséquilibres dans le fonctionnement de leur marché du travail.

On peut distinguer au moins deux phases dans la réaction des pays à la crise qui a éclaté en 2008. Jusqu'en 2009, ils ont pris des mesures de nature plutôt conjoncturelle dans les domaines des politiques actives du marché du travail, de la fiscalité du travail et des prestations sociales et de chômage, en vue avant tout de limiter les effets négatifs de la crise. À partir de 2010, les réformes ont revêtu une portée beaucoup plus structurelle, touchant davantage à la protection de l'emploi, mais aussi aux mécanismes de fixation des salaires et du temps de travail - selon moi, c'est dans ce dernier domaine qu'ont été prises les mesures les plus lourdes. On a assisté, dans cette seconde phase, à un retournement des orientations suivies au cours de la première.

Ces réformes se sont inscrites dans un contexte très spécifique.

D'abord, dans nombre de pays, elles ont été menées sous pression extérieure. Ces pressions ont été d'origines diverses : certaines ont résulté de la nouvelle gouvernance européenne mise en place en 2011, d'autres de la troïka, d'autres enfin du mécanisme européen de stabilité. L'analyse du calendrier des réformes fait clairement ressortir le rôle de ces pressions très fortes. Une autre pression, plus diffuse, mais non moins importante, s'est également exercée : celle des marchés financiers, pour lesquels la conduite de réformes dans le domaine du marché du travail était une condition du maintien de taux d'intérêt supportables. De ce point de vue, ce sont les pays du sud de l'Europe, ainsi que l'Irlande, qui ont été soumis aux plus fortes pressions.

Ensuite, si un rôle important a été accordé à la concertation dans la première phase de la crise, le dialogue social s'est trouvé moins apte, dans la seconde phase, à fournir des solutions de consensus, y compris dans les pays, comme le Danemark, où il est très puissant dans la régulation des équilibres sur le marché du travail.

Enfin, comme je l'ai déjà signalé, les réformes ont souvent pris la forme de « paquets » couvrant des aspects variés, destinés à produire des effets structurels sans entraîner trop d'effets négatifs à court terme ni aggraver la crise des finances publiques. Lorsque ces « paquets » se sont étendus au marché des biens et services, il s'agissait de garantir que, dès que la reprise se manifesterait, elle serait riche en emplois.

Nous avons dégagé un certain nombre de tendances communes aux réformes qui ont été menées, étant entendu que les marchés du travail étaient avant la crise dans des situations très différentes.

Premièrement, le droit a été assoupli en ce qui concerne les contrats de travail. Cette tendance est très marquée pour ce qui est des contrats permanents, moins pour ce qui est des temporaires. S'agissant de ces derniers contrats, les réformes ont pris des directions assez variées : certaines sont allées dans le sens d'un assouplissement supplémentaire, d'autres ont tendu à prévenir une aggravation du dualisme du marché du travail.

Cet assouplissement a pris différentes formes : abandon ou limitation du recours au juge, élargissement des motifs de licenciement, diminution de la compensation du licenciement, augmentation du coût d'accès aux prud'hommes, priorité donnée à la conciliation, développement des formes de rupture du contrat de travail par consentement mutuel.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'emploi temporaire ou atypique, les réformes ont été moins univoques. On a même parfois hésité dans un même pays, comme en Italie et en Espagne. Le trait commun aux réformes menées dans ce domaine a été le souci de mieux encadrer le recours à certaines formes particulières d'emploi situées aux limites du salariat et du travail indépendant. Cette tendance a pu être nuancée par l'apparition de nouveaux contrats atypiques ; je pense en particulier au statut du travailleur actionnaire instauré au Royaume-Uni, qui est une nouveauté profonde sur le plan des principes, même si ses effets pratiques sont infimes.

Troisièmement, la négociation collective a connu une décentralisation vers le niveau de l'entreprise. Cette tendance remonte aux années 1980, mais la crise l'a accentuée. Dans ce cadre, la hiérarchie des normes a été révisée pour permettre aux accords de niveau inférieur de déroger aux accords de niveau supérieur et pour donner aux employeurs la faculté, dite d'opt-out, de ne pas appliquer des clauses de convention collective. De même, les accords collectifs ont été limités dans le temps et les possibilités d'extension des accords de branche restreintes. La possibilité de négocier des accords d'entreprise avec des représentants élus a été ouverte ou étendue et la représentativité syndicale et les conditions de validité des accords ont été réformées. Les possibilités de flexibilité interne via la modification unilatérale du contrat de travail ont été élargies. Ces tendances lourdes concourent à une décentralisation de la négociation collective qui s'observe dans tous les pays.

Quatrièmement, une plus grande modération salariale a été recherchée, les outils de régulation salariale faisant fréquemment l'objet de réformes ou de nouvelles pratiques, en lien avec l'évolution de la négociation collective. De fait, la période 2009-2014 a vu un ralentissement significatif de la croissance des salaires réels, résultant notamment de gels ou de baisses du salaire minimum, de plafonnements des revalorisations conventionnelles et d'allègements des charges sociales et fiscales pesant sur le travail. En revanche, dans la phase la plus récente, le rôle des salaires minimaux légaux a été parfois renforcé, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.

Cinquièmement, la couverture chômage a été rendue plus incitative au retour à l'emploi. Alors que, dans la période 2008-2009, on a renforcé le soutien apporté par l'assurance chômage aux personnes sans emploi dans une perspective contracyclique, on a cherché, dans la seconde période, à rendre les systèmes d'assurance chômage plus incitatifs au retour à l'emploi, notamment en baissant le taux de remplacement, en instaurant une dégressivité, en réduisant la durée d'indemnisation et en renforçant le contrôle de la recherche d'emploi.

Je souligne que toutes les évolutions que je mentionne sont des tendances, qui s'appliquent à des situations de départ très différentes. Ainsi, les durées d'indemnisation restent très différentes selon les pays, mais elles ont en commun d'avoir baissé.

À l'inverse, dans les pays, comme l'Italie, où l'assurance chômage ne couvrait qu'un nombre très limité de personnes, des mesures ont été prises pour l'élargir.

Sixièmement, des réformes ont été menées des services publics de l'emploi, destinées notamment à améliorer l'articulation entre placement et indemnisation, à différencier davantage l'offre de services selon le profil du demandeur d'emploi et à mieux cibler les prestations.

J'en viens à l'exercice pour nous le plus difficile : celui qui consiste à analyser les premiers effets des réformes. Nous nous y sommes livrés moyennant un certain nombre de précautions méthodologiques sur lesquelles je n'insisterai pas, mais qui sont extrêmement importantes. En particulier, il faut se souvenir que les marchés du travail ne sont pas isolés du reste des économies et que les réformes interagissent les unes avec les autres, en sorte qu'il est difficile d'identifier les effets propres de chacune d'elles.

Nous n'avons pas voulu nous limiter à l'analyse des effets des réformes sur le seul marché du travail. Au-delà des indicateurs de chômage et d'emploi, nous avons examiné aussi leur incidence en termes de salaires et de compétitivité, ainsi que d'inégalités et de pauvreté. C'est ainsi l'impact global des réformes que nous avons tenté d'évaluer.

Sur le plan de l'emploi, il apparaît de manière claire et tout à fait certaine que les pays qui avaient dès avant la crise corrigé des déséquilibres structurels sur leur marché du travail et activé leurs politiques de l'emploi ont été moins touchés par la crise et se sont rétablis plus vite. L'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Autriche, le Danemark et la Suède sont dans ce cas. Remarquons que les problèmes structurels qui ont été résolus ne l'ont pas tous été par la voie de réformes ; la situation allemande est de ce point de vue la plus complexe.

Au contraire, les pays qui, faute de réformes adaptées ou suffisantes, n'avaient pas résolu avant la crise les principales faiblesses structurelles de leur marché du travail - dualisme, faible taux de participation, structures de l'emploi et de la population active par qualifications et compétences non optimales - ont subi une dégradation plus forte et plus violente de leur situation de l'emploi, même quand leurs chiffres du chômage étaient satisfaisants avant la crise - je pense à l'Espagne. Le besoin de réformes y a donc été beaucoup plus urgent et impératif.

Pour ce qui est de l'Italie, les études montrent que l'amélioration quantitative et qualitative de l'emploi résulte d'abord du renouveau de la croissance, mais aussi, pour environ 25 %, ce qui n'est pas rien, des mesures du Jobs Act.

En ce qui concerne la compétitivité des économies, les coûts salariaux unitaires connaissaient avant la crise des évolutions très contrastées selon les pays ; depuis la crise et compte tenu des réformes, en particulier de la modération salariale, on constate une correction des écarts de compétitivité, quand bien même les évolutions de la productivité divergent d'un pays à l'autre. On en tire assez aisément la conclusion que les réformes entreprises par les pays qui étaient en situation défavorable du point de vue de leur compétitivité ont permis à ceux-ci d'améliorer leur position relative. Il faut considérer aussi les effets de ces réformes sur les populations, mais, pour ce qui est de la compétitivité, les résultats sont clairs.

L'analyse des conséquences des réformes sur les inégalités et sur la pauvreté est une tâche extrêmement complexe. En effet, les inégalités et la pauvreté étant des phénomènes multifactoriels, il est difficile d'isoler les effets des réformes du marché du travail.

Le taux de pauvreté moyen dans l'Union européenne était de 16 % avant la crise, les pays nordiques et continentaux affichant un taux inférieur et les pays anglo-saxons et latins un taux supérieur. Depuis la crise, la situation est plus contrastée - ainsi, les inégalités globales ont légèrement augmenté par rapport à 2007 -, mais il ne nous a pas paru possible d'attribuer de manière générale l'origine de ces changements à des effets liés au marché du travail, les effets de redistribution, en particulier, ayant également été importants. En réalité, les deux types d'effets jouent différemment selon les pays.

La pauvreté a elle aussi augmenté par rapport à 2007, mais, de la même façon, il ne nous a pas semblé possible d'établir une corrélation mécanique entre ce phénomène et la nature, le rythme et l'intensité des réformes.

Nous avons conclu que, dans les pays qui avaient engagé des réformes dès avant la crise, l'évolution du taux de pauvreté semble s'expliquer aussi par le moindre jeu des transferts sociaux, qui ont été revus à la baisse ; mais que, dans les pays ayant engagé leurs réformes à la suite de la crise, la hausse du taux de pauvreté résulte essentiellement des effets liés au marché du travail.

Le cas de l'Allemagne est très particulier et il faut à cet égard se méfier des raccourcis, s'agissant en particulier des réformes Hartz. Les réformes ont été entreprises très tôt, mais pas nécessairement en vue d'améliorer le fonctionnement du marché du travail ; elles ont été menées dans le contexte de la réunification. Au demeurant, l'Allemagne est parmi les dix pays que nous avons étudiés le seul qui n'ait pas engagé de réformes depuis 2008, mis à part le salaire minimal. D'autre part, en Allemagne comme ailleurs, les chiffres du chômage, qui sont en l'occurrence exemplaires, ne résultent pas uniquement de facteurs liés au marché du travail.

Nous vous ferons parvenir les fiches d'actualisation que nous avons établies en ce qui concerne les évolutions intervenues depuis la publication de notre rapport ; elles n'ont pas été adoptées par le Conseil, mais nous les avons préparées en prévision de cette audition sur le fondement d'études plus récentes. Ces données confirment largement les conclusions que nous avons tirées il y a quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Nous vous remercions pour cet exposé passionnant et clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Le grand intérêt de votre étude vient de ce qu'elle couvre dix pays, ce que nous n'aurons pas le temps de faire et que, d'ailleurs, nous n'avons pas voulu faire. Toujours est-il que je reste un peu sur ma faim. Je commencerai donc par vous poser une question peut-être un peu iconoclaste : si l'on comprend bien qu'il soit difficile d'isoler les effets d'une mesure particulière et de comparer des situations différentes, est-ce la composition du Conseil d'orientation pour l'emploi qui vous a empêchés de conclure de manière plus précise en ce qui concerne les mesures qui ont le mieux fonctionné ?

Si je vous pose cette question, c'est parce que nous avons le même problème entre nous. Dès lors que les opinions diffèrent, la recherche du consensus le plus large possible empêche d'aller aussi loin que les uns et les autres l'auraient souhaité.

Les pays qui ont mené des réformes avant la crise s'en sont sortis mieux et plus vite, c'est entendu ; mais de quelles réformes parle-t-on, et quelles sont celles qui ont eu les effets les plus importants en matière d'emploi ? Même si le sujet n'entre pas dans le champ de nos travaux, nous avons forcément à l'esprit la situation de la France, où le chômage est resté coincé à un niveau élevé...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

La composition de notre institution a eu une influence : nous avons choisi de ne pas inclure la France dans le périmètre de notre étude.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Peut-être nos conclusions telles que je les présente ne vous semblent pas puissantes, parce que je prends soin de les entourer de toutes les précautions méthodologiques que nous avons prises. Toujours est-il qu'elles sont extrêmement claires. Ainsi, du point de vue de l'emploi et du chômage, les pays qui avaient entrepris des réformes du marché du travail avant la crise ont été moins touchés par la crise et s'en sont relevés plus vite.

Remarquez qu'il ne s'agit pas seulement de l'Allemagne, qui a connu un contexte tout à fait singulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Un contexte qui représentait tout de même pour ce pays une forme de crise, avec des conséquences très lourdes à assumer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

S'agissant des inégalités et de la pauvreté, les conclusions adoptées par l'ensemble des membres du COE sont tout aussi claires : on ne peut pas attribuer aux réformes du marché du travail une aggravation générale ; on peut seulement constater que, dans les pays qui n'avaient pas réformé, les effets liés au marché du travail ont joué un rôle déterminant en matière d'inégalités et de pauvreté.

Quand je lis ces conclusions, je me dis qu'il vaut mieux réformer au bon moment...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Sur ce sujet, il y aura probablement consensus. Il s'agit de savoir précisément quelles réformes mener.

Ainsi, pour les personnes en recherche d'emploi, les contraintes ont été fortement durcies au Royaume-Uni comme en Allemagne. Nous aimerions bien savoir si les résultats observés ont un lien direct avec de telles mesures. La question étant très sensible en France, autant examiner les effets qu'elles ont chez nos voisins.

De la même façon, nous aimerions pouvoir conclure sur les effets des mesures relatives à la durée d'indemnisation. Il me semble qu'il n'y a pas un autre pays d'Europe où l'indemnisation soit aussi longue et généreuse qu'en France.

C'est en ce sens que je reste un peu sur ma faim : j'aurais voulu que vous nous exposiez des conclusions plus précises sur les réformes qui permettent d'obtenir des résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Peut-être ma réponse va-t-elle aggraver mon cas, mais il faut se garder de décalquer et prêter attention aux particularités des pays.

Ainsi, la particularité de la France n'est pas d'avoir une durée d'indemnisation du chômage très longue ; c'est d'être parmi les pays les plus généreux sur tous les paramètres de l'assurance chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Il ne faut pas non plus se laisser « attraper » par des concepts - je ne dis pas cela pour vous, monsieur le rapporteur, mais en pensant au débat public en général.

Par exemple, les contrats « zéro heure » qui ont été créés au Royaume-Uni peuvent faire imaginer une situation proche de l'esclavagisme, mais, en France, il existe des CDD de un jour, ou de deux jours, qui représentent aussi une forme très poussée de flexibilité ayant des conséquences lourdes sur la situation des personnes. Les concepts diffèrent - ce qui peut plaire au Royaume-Uni d'un point de vue marketing ne plaît pas du tout en France -, mais les réalités sont comparables, même s'il faut considérer aussi les effets liés à l'assurance chômage.

Pour vous répondre clairement, monsieur le rapporteur, l'activation des politiques de l'emploi et l'introduction d'une plus grande souplesse dans la protection de l'emploi sont favorables, du fait non seulement de la crise, mais aussi des tendances générales préexistantes dont j'ai parlé : globalisation, financiarisation, évolutions de la demande sur le marché des biens et services vers une souplesse et une immédiateté accrues. Remarquez que ce besoin de souplesse ne concerne pas seulement les entreprises : on aurait tort de sous-estimer le besoin de souplesse du côté des salariés et des actifs en général.

Je crois que tous les membres du COE s'accordent à reconnaître qu'une adaptation des règles et des institutions du marché du travail est indispensable à l'amélioration du fonctionnement de celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je pensais, vu la composition du COE, que certains de ses membres devaient avoir du mal avec l'idée d'assouplir les règles en matière de licenciements ou celle de mettre en place des incitations fortes à l'acceptation d'un emploi. Il y a un exemple d'actualité qui montre que de telles mesures ne vont pas sans poser problème...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Notre rapport a été adopté par consensus, selon nos habitudes : nous ne votons pas, mais nous travaillons le texte jusqu'à ce que rien ne soit inacceptable pour chacun d'entre nous. Nous ne souhaitons pas qu'un rapport soit adopté par une majorité, avec expression d'opinions divergentes, car, selon nous, un tel document n'aurait guère d'intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je puis donc écrire dans mon rapport que, d'après le COE, les pays qui ont assoupli les règles de licenciement et durci les conditions d'indemnisation ont obtenu des résultats intéressants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Les conclusions de notre rapport sont très claires. Les pays qui réussissent le mieux sont ceux qui ont réformé avant la crise et dans le sens que vous dites, étant entendu que, dans ces pays, la tendance actuelle est à l'augmentation des salaires et à la mise en place d'un salaire minimal. En somme, il y a des pays qui ont pratiqué la modération salariale au bon moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Il faut adopter une vision d'ensemble, en considérant notamment la question du bon moment, la structuration de l'économie et le degré de dualisation du marché du travail. Ce qui est sûr, c'est que l'assouplissement de la protection de l'emploi au moment de la crise et auparavant, ainsi que le renforcement des politiques actives du marché du travail, l'accroissement de la place donnée à la négociation collective et, dans certains pays, l'augmentation de la couverture chômage ont été des ingrédients de succès. On ne peut pas considérer seulement le licenciement ; il n'est peut-être même pas le sujet central, car la souplesse est une question plus vaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La question que nous nous posons est : qu'est-ce que nous n'avons pas essayé et qui pourrait fonctionner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Votre rapport montre aussi que plus les décisions sont devenues difficiles à prendre, plus la part du dialogue social dans les processus de décision a eu tendance à se réduire. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée acquiesce.)

Par ailleurs, avez-vous pu constater des évolutions du point de vue de la structure du chômage, s'agissant notamment du chômage de longue durée, du chômage des jeunes et du chômage des seniors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Dans tous les contextes, la situation est bonne pour les jeunes et pour les seniors quand elle est bonne en général. Aucun pays n'est exemplaire en matière de chômage des jeunes avec un taux de chômage global catastrophique, ou inversement.

Les chiffres les plus récents confirment une tendance à la baisse des taux de chômage dans l'Union européenne et dans la zone euro. Dans l'Union européenne, il y a aujourd'hui 2 millions de chômeurs de moins que l'année dernière, dont 500 000 jeunes.

Néanmoins, le taux de chômage des jeunes reste préoccupant ; dans nombre de pays, comme l'Italie et plus encore l'Espagne, il est même insupportable, ne serait-ce qu'en termes d'équilibres sociaux. Il en va de même pour le chômage de longue durée.

Si l'emploi en Europe repart très significativement depuis la mi-2013, les écarts demeurent importants, notamment en ce qui concerne les jeunes. Des réponses doivent être apportées qui ne relèvent pas nécessairement de la réforme du marché du travail, notamment en matière de formation initiale et continue. La question du marché du travail est centrale, mais elle ne résume pas tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En matière de formation des demandeurs d'emploi, notamment des jeunes, certains pays ont-ils fait des efforts particuliers qui aient donné des résultats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Peut-être sont-ils en train d'en donner. En tout cas, l'accent a partout été mis sur le ciblage des formations au regard des besoins du marché du travail. Les pays qui faisaient face à des problèmes structurels dans leur économie ont répondu par des exigences spécifiques ; c'est le cas de l'Irlande, qui a dû opérer une reconversion économique, avec un vrai problème d'adaptation de la main-d'oeuvre.

Je ne suis pas en mesure de vous renseigner sur l'efficacité des efforts entrepris en Espagne ou au Portugal. En Irlande, où des efforts de formation très importants ont été consentis, il semble que le taux de chômage des jeunes ait significativement diminué. Même si la situation de l'Irlande n'a pas grand-chose de comparable avec la nôtre, les efforts accomplis par ce pays en matière d'adaptation structurelle des compétences de la population active méritent sans doute que vous vous y intéressiez en vue de votre rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le COE comprend de nombreux représentants de l'État. Ceux-ci s'inspirent-ils de vos travaux pour prendre certaines mesures ? Je vous pose cette question parce que j'ai l'impression que de nombreuses dispositions du projet de loi Travail sont issues des enseignements que vous avez tirés de ce qui s'est passé dans d'autres pays, notamment en matière d'inversion des normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

De manière générale, nous essayons de nous rendre utiles. Lorsque nous publions un rapport qui comporte des recommandations - ce qui n'est pas le cas de celui-ci -, nous essayons de mener un travail de suivi pour, le cas échéant, solliciter de nouveau les pouvoirs publics. Ainsi, nous consacrerons notre colloque annuel à la question d'internet et de l'appariement sur le marché du travail, pour remettre en lumière les recommandations que nous avons avancées dans notre rapport sur ce sujet.

En général, nos travaux servent, même si c'est dans des délais qui peuvent varier. Il est rare que nous fassions des propositions en vain. Reste que je suis incapable de vous dire quelle influence nous avons eue sur le processus en cours ; il ne faudrait pas être trop présomptueux...

Ce qui est sûr, c'est que notre rapport, qui a été beaucoup cité, dans la presse comme dans des revues avec des articles de fond, est intervenu à un moment où il avait à la fois un débat déjà important sur les réformes du marché du travail et un manque d'éclairage objectif. Je crois qu'il a contribué à mettre à plat les enjeux et à éclaircir un peu les termes d'un débat bien pollué par les simplifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Je voudrais vous poser une question qui sort un peu du champ que nous avons couvert cet après-midi : que pensez-vous de la manière dont les chiffres du chômage sont rendus publics et quels éléments vous semblent manquer au débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Le COE n'a jamais construit une analyse robuste ni pris position sur la question des chiffres du chômage. Je vous répondrai donc à titre purement personnel, étant entendu que je ne suis pas une experte de la mécanique par laquelle Pôle emploi et l'Insee conçoivent leurs chiffres.

Comme observatrice, je ressens deux frustrations devant les chiffres du chômage. La première tient à la catégorie « autres cas » dans les statistiques de Pôle emploi sur les entrées et les sorties, qui représente 40 % des situations. Je ne sais pas si Pôle emploi a les moyens de mieux faire, mais on peut se demander s'il n'y a pas une marge d'amélioration dans ce domaine. La seconde, plus récente, vient de la décision de Pôle emploi de publier désormais des moyennes sur trois mois des chiffres d'entrées et de sorties : même si je comprends parfaitement les raisons de ce choix, il serait utile de connaître aussi les chiffres mensuels en complément des moyennes trimestrielles.

En ce qui concerne la catégorie « autres cas », Pôle emploi ne peut probablement pas faire mieux, vu que la situation est la même depuis des années, mais je ne sais pas pour quelles raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je ne suis pas certain que Pôle emploi ne puisse pas faire mieux. Par exemple, en ce qui concerne le nombre mensuel des personnes qui changent de catégorie, les données existent, mais ne sont pas publiées. Nous les avons demandées voilà deux mois et nous ne les avons toujours pas reçues... Je pense que Pôle emploi dispose de beaucoup plus de données qu'il n'en publie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

Des données relatives aux transferts de catégories seraient en effet très utiles.

J'ajoute, toujours à titre personnel, qu'il existe en Allemagne des données sur le chômage des personnes handicapées. Il serait intéressant de disposer en France d'une meilleure information statistique sur ce sujet. On peut penser aussi au chômage outre-mer.

Comme le dit souvent Jean Bassères, à la suite de son prédécesseur, les chiffres du chômage présentent pour Pôle emploi une importance d'autant plus grande qu'ils conditionnent l'idée que les Français se font de l'efficacité de cet organisme. Il est d'autant plus important qu'ils produisent des données complètes et de bonne qualité.

Si tout cela est complexe, c'est parce que le chômage est une réalité complexe et que les parcours professionnels le sont désormais tout autant pour de nombreuses personnes. Ainsi, on n'a pas encore à l'idée, dans la manière de produire et d'analyser les statistiques, que l'on peut être à la fois en emploi et en recherche d'emploi. Les débats publics restent toujours marqués par une frontière qui ne correspond pas à la réalité du marché du travail d'aujourd'hui. Peut-être votre rapport pourra-t-il contribuer à l'évolution du débat public à cet égard.

Dans un monde idéal, le service public de l'emploi devrait être accessible à tout le monde. Du reste, une grande partie des personnes rangées dans la catégorie C travaillent à temps plein tout en recherchant un emploi. Beaucoup de personnes prennent un emploi tout en aspirant à en trouver un autre.

La complexité de ces différentes situations ne peut pas se résumer à la brutalité d'un chiffre donné en fin de mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'une des questions que nous nous posons est celle de la mesure de la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

On peut en effet être chômeur de catégorie A sans être dans la précarité, compte tenu de l'indemnisation que l'on reçoit.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi. Il est vrai qu'une personne qui, parce qu'elle a un contrat de travail très court, n'a pas de perspective d'indemnisation par l'assurance chômage est dans une moins bonne situation financière qu'un chômeur de catégorie A indemnisé.

D'autres indicateurs présentent un intérêt, comme le nombre de personnes restées dans la catégorie A pendant un nombre de mois donné. Que ce nombre ait crû de façon aussi considérable pendant la crise a une signification, car ceux qui restent durablement dans cette catégorie perdent contact avec le monde du travail.

Le temps prévu pour notre réunion est maintenant écoulé. Nous vous remercions pour votre contribution à nos travaux.

La réunion est levée à 15 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

On peut en effet être chômeur de catégorie A sans être dans la précarité, compte tenu de l'indemnisation que l'on reçoit.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi. Il est vrai qu'une personne qui, parce qu'elle a un contrat de travail très court, n'a pas de perspective d'indemnisation par l'assurance chômage est dans une moins bonne situation financière qu'un chômeur de catégorie A indemnisé.

D'autres indicateurs présentent un intérêt, comme le nombre de personnes restées dans la catégorie A pendant un nombre de mois donné. Que ce nombre ait crû de façon aussi considérable pendant la crise a une signification, car ceux qui restent durablement dans cette catégorie perdent contact avec le monde du travail.

Le temps prévu pour notre réunion est maintenant écoulé. Nous vous remercions pour votre contribution à nos travaux.

La réunion est levée à 15 heures.

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