Nous poursuivons nos travaux sur les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructures. Si notre commission d'enquête a pour but d'apprécier, d'une manière générale, l'efficacité et l'effectivité du système de mesures compensatoires français, nous nous concentrerons ce soir sur le projet de ligne à grande vitesse sud Europe Atlantique, la LGV Tours-Bordeaux, puisque nous en recevons le maître d'ouvrage LISEA, qui s'en est vu confier la concession depuis 2011 et jusqu'en 2061. Nous entendrons M. Laurent Cavrois, président de LISEA et M. Thierry Charlemagne, directeur de l'environnement et du développement durable de LISEA et membre de l'observatoire environnemental de la LGV Tours-Bordeaux.
Je rappelle que tout faux témoignage et toute subornation de témoin serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, soit cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour un témoignage mensonger.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Laurent Cavrois et Thierry Charlemagne prêtent successivement serment.
Avez-vous des liens d'intérêts avec les autres projets concernés par notre commission d'enquête, à savoir l'autoroute A65, l'aéroport Notre-Dame-des-Landes et la réserve d'actifs naturels de la plaine de la Crau ?
Je suis salarié de Vinci concessions, le concessionnaire de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes. Cependant, je n'ai jamais travaillé sur ce projet et je n'ai aucun lien avec les autres projets que vous avez cités.
Je suis salarié de LISEA. Je n'ai aucun lien d'intérêts avec les projets que vous avez mentionnés.
À la suite de votre présentation, notre rapporteur vous posera un certain nombre de questions et les membres de la commission d'enquête vous solliciteront.
L'objectif initial du projet de ligne à grande vitesse sud Europe Atlantique était de rapprocher deux grandes régions, en mettant les deux villes de Paris et Bordeaux à deux heures l'une de l'autre, tout en organisant le report modal de l'avion et de la voiture sur le train, transport peu émetteur de gaz à effet de serre, dans une ambition environnementale, et en libérant la ligne classique pour développer les transports quotidiens et le fret ferroviaire, dans un souci d'utilité publique.
LISEA a signé un contrat de concession avec SNCF Réseau en juin 2011 après avoir remporté l'appel d'offres organisé par Réseau ferré de France (RFF) en 2008 et en 2009. La société a en charge la responsabilité globale de la ligne, c'est-à-dire qu'elle doit la financer, la concevoir, la mettre en service, la maintenir et l'entretenir pendant cinquante ans, dont six ans consacrés à la construction, donc quarante-quatre ans d'exploitation effective.
Le projet se caractérise par la force de sa dimension environnementale, par le choix d'une maîtrise d'ouvrage privée et par une concession qui inscrit les différents acteurs, LISEA et ses sous-traitants COSEA et MESEA, dans le long terme.
Le projet est de grande ampleur, puisqu'il représente un investissement global de 7,8 milliards d'euros, des subventions publiques à hauteur de 4 milliards et un financement privé monté par LISEA de 3,8 milliards. Il représente aussi 300 kilomètres de lignes et 40 kilomètres de raccordement, et plus de 9 000 personnes mobilisées au pic du chantier, soit sans doute la plus grande concession en Europe. L'emprise définitive de la ligne couvre 4 200 hectares auxquels il faut ajouter 1 000 hectares d'emprise provisoire pour les travaux. La ligne traverse 14 sites Natura 2000 et franchit 90 cours d'eau.
Nous avons choisi de travailler avec les partenaires locaux, les associations de protection de la nature, les chambres d'agriculture, les fédérations de chasse et de pêche, les centres de gestion forestiers, et les services de l'État, pour définir des méthodologies des ouvrages et des manières d'exploiter la ligne adaptées aux territoires qu'elle traverse. Nous avons aussi mobilisé des moyens importants au sein de LISEA et de nos sous-traitants, comme COSEA, en termes d'expertise propre : au plus fort du chantier, plus de cent ingénieurs et techniciens y ont travaillé avec le soutien d'une centaine d'ingénieurs écologues parmi nos partenaires, afin de définir des méthodes constructives, des ouvrages de transparence et un mode d'exploitation visant à diminuer l'empreinte de la ligne sur le territoire et à répondre aux exigences des arrêtés sur les espèces protégées et ceux pris au titre de la loi sur l'eau. Globalement, nous avons réalisé pas moins de 850 ouvrages de transparence écologique.
Pour ce qui est de la séquence éviter - réduire - compenser (ERC), le concédant, RFF, en charge de la définition initiale du projet, a défini le tracé de la ligne et a réalisé les premières études d'impact. C'est donc à lui que la tâche d'éviter est revenue. LISEA a récupéré la maîtrise d'ouvrage en 2011, se chargeant ainsi de réduire et compenser. COSEA a mis en oeuvre la transparence pour le compte de LISEA qui aura la responsabilité opérationnelle directe de la gestion des mesures compensatoires à partir du moment où elles auront été établies.
Ces mesures sont définies dans deux arrêtés au titre des espèces protégées, quatre arrêtés au titre de la loi sur l'eau et six arrêtés au titre du code forestier. Il s'agit de réduire l'impact au cours des travaux et de compenser les impacts résiduels. Le projet a une dette surfacique cumulée de près de 25 000 hectares pour les différentes espèces impactées. COSEA estime que la superficie des mesures compensatoires après mutualisation avoisinera les 3 500 hectares.
La gestion dans le temps des mesures compensatoires incombe à LISEA qui contrôlera la mise en oeuvre des mesures sur le terrain, collaborera avec les acteurs territoriaux, assurera le suivi écologique et définira les mesures correctives qui s'imposeront pendant les 44 ans d'exploitation de la ligne. Les arrêtés fixent des objectifs de résultats, pas de moyens.
L'observatoire environnemental, dont la création était prévue dans le contrat initial et dans les arrêtés, a pour mission d'évaluer les impacts résiduels du projet sur l'environnement et de s'assurer de l'efficacité des mesures compensatoires mises en oeuvre en les corrigeant éventuellement. Il a vocation à être un outil d'aide à destination de ceux qui auraient à prendre des décisions sur les futurs aménagements. Les ouvrages de transparence écologique existent déjà et nous suivons leur efficacité. Le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a réalisé une étude sur l'insertion paysagère de la ligne. Une étude d'impact environnemental est en cours sur le jumelage de plusieurs infrastructures. Mis en place en 2014, ces suivis seront complétés chaque année. LISEA suivra le déploiement des mesures environnementales et évaluera leur fonctionnalité. Toutes les informations seront disponibles sur le site lisea.fr.
Le projet prend en compte l'environnement comme un élément primordial. LISEA veille à appliquer les engagements pris au titre des arrêtés, avec exigence et professionnalisme. Vous prévoyez une visite sur le terrain. Je serai heureux de vous y accompagner.
En 2012, l'avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) était très critique. Quelles conséquences en avez-vous tiré ? Avez-vous modifié certaines stratégies ou opérations ?
Les arrêtés sont le fruit d'un travail mené en commun avec les services de l'État et le CNPN. Les avis du CNPN sont toujours sévères ; nous n'avons pas été surpris. Nous en avons tenu compte et nous avons corrigé ce qui devait l'être.
Le CNPN a d'abord donné un avis favorable au projet, en marquant certaines réserves au sujet des ouvrages de transparence. Des négociations ont eu lieu entre COSEA, concepteur de la ligne, et les associations pour déterminer quels ouvrages étaient les mieux à même de favoriser la transparence et de répondre aux exigences des arrêtés. Le CNPN a ensuite rendu un avis défavorable sur les réponses qui avaient été données aux réserves précédemment émises. À la suite de cet échange, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et le ministère ont proposé des arrêtés qui ont été publiés en décembre 2012.
Au départ, l'avis portait sur 1 000 hectares de terrain qui ne figuraient pas dans le premier projet. Ce n'est pas rien. Il manquait les éléments d'inventaire et les études d'impact pour ces surfaces. Qu'avez-vous fait pour combler ce manque ?
La perspective du concessionnaire est forcément plus éloignée du terrain que celle du constructeur. L'avis portait tout d'abord sur les ouvrages de transparence : il s'agissait de savoir s'il fallait allonger les viaducs, remplacer un remblai par un viaduc, etc. En matière d'emprise, les emprises complémentaires nécessaires à la réalisation des travaux ont fait l'objet d'inventaires complémentaires, donnant lieu à une réévaluation de la dette compensatoire.
Il s'agissait donc des emprises nécessaires à la réalisation des travaux plus que de la ligne elle-même ?
L'emprise initiale avait été réduite le plus possible. On a ajouté 1 000 hectares supplémentaires sur 300 kilomètres de ligne, pour des emprises connexes à la ligne, uniquement.
Si je comprends bien, on a privilégié le tracé de la ligne plutôt que le terrain nécessaire pour stocker le matériel ou les engins de construction. Vinci a quand même été condamné à 110 000 euros d'amende et Bouygues à 60 000 euros. L'avis du CNPN n'a pas été totalement pris en compte, car l'affaire a fini au tribunal. Quelle est la position de LISEA sur ce sujet ?
Ces condamnations ne sont pas liées aux emprises complémentaires, mais à des incidents de terrassement et de génie civil en matière d'assainissement provisoire qui datent de 2013 et 2014 et qui concernent trois cours d'eau en Indre-et-Loire. Après de fortes pluies, la rupture de la digue d'un bassin d'assainissement provisoire et des défauts de pompage ont provoqué le rejet de matières en suspension dans les cours d'eau. Ce type d'incident est prévu dans les arrêtés au titre de la loi sur l'eau qui précisent les procédures à suivre, à savoir alerter immédiatement les services de l'État des écarts avec la réglementation. C'est ce qu'a fait COSEA, qui a également lancé des mesures d'urgence pour limiter l'impact de l'incident, avant d'adopter des mesures correctrices pérennes après les avoir fait valider par les services de l'État. La procédure a été rigoureusement suivie. Les services de l'État et des tiers ont considéré que l'impact des rejets était faible ; COSEA ne l'a jamais minimisé.
Ces condamnations pénales vous ont-elles conduit à modifier votre approche ? Considérez-vous qu'on a atteint la bonne mesure au sujet des emprises complémentaires ?
Il n'est en effet jamais agréable d'être condamné au pénal. Le contrat qui nous lie à COSEA stipule que COSEA reprend les obligations du concessionnaire pendant les six ans de construction. Le paiement est au forfait, même si nous conservons un droit de contrôle. Nous avons missionné la société Apave, qui a parcouru l'ensemble du tracé pendant les six ans qu'a duré le projet, et qui a témoigné que les chantiers étaient globalement d'une très bonne tenue. Nous manquons de benchmark sur des projets de lignes comparables, mais nous avons la conviction que ces sujets sont pris très au sérieux par les maîtres d'ouvrage privés, qui subissent une pression très importante des concédants, des financiers, de la société civile et des tribunaux. Nous sommes là pour cinquante ans ; nous avons donc à coeur de tisser une relation de confiance avec l'ensemble des parties prenantes.
Les 1 000 hectares d'emprises supplémentaires ont contribué à la dette de l'ensemble de la ligne.
Oui
La compensation représenterait 5 à 8 % d'un projet à 8 milliards, donc de 400 à 650 millions d'euros ?
Je ne sais pas ce qu'a dit SNCF Réseau. La gestion des mesures compensatoires nous coûte entre 100 et 200 millions d'euros au total - sur les cinquante ans de la concession. Je ne peux pas vous dire ce qu'a coûté à COSEA l'évitement, c'est-à-dire la détermination du tracé, et la réduction, c'est-à-dire les ouvrages de transparence. Il faudrait comparer ce qu'aurait coûté un projet plus direct qui aurait écrasé la biodiversité sur 300 kilomètres, avec le nôtre, plus souple et comprenant des viaducs.
Un grand professionnel comme vous ne connaît pas le coût d'un ouvrage de transparence, d'un changement de tracé, sur un total de 8 milliards d'euros près !
L'assiette est de 6 milliards, auxquels s'ajoutent 2 milliards de frais, notamment financiers. LISEA n'a pas chiffré le coût de la construction, et n'a pas eu accès au chiffrage par le constructeur avec lequel nous avons contracté. Nous avons un contrat forfaitaire avec COSEA, qui doit répondre à l'ensemble des obligations qui incombent au concessionnaire en matière environnementale.
Oui, COSEA est seul capable de le savoir.
Nous ne sommes pourtant pas si intrusifs ! Vous devez certainement faire des réunions pour chiffrer les contraintes environnementales...
Le prix du constructeur est une chose qu'on ne négocie pas, ni sur lequel on rentre dans le détail.
C'est très frustrant. Mais vous nous avez donné au moins un chiffre : entre 100 et 200 millions d'euros sur le fonctionnement, pour 3 000 à 4 000 hectares gérés. Combien d'hectares font l'objet d'acquisitions, et combien font l'objet de contrats de gestion ? Sur cinquante ans, cela fait entre 2 et 4 millions par an soit environ 800 euros par an et par hectare, n'est-ce pas ?
Il n'y a pas que l'entretien à faire, mais aussi des études de suivi assez lourdes, comme la mise en place de pièges à traces et d'appareils photos. C'est de la dentelle ! Il y a aussi de la gestion : le renouvellement des contrats avec les exploitants agricoles et le contrôle de leur application par ces derniers. Nous avons contractualisé avec les exploitants pour 80 % ; nous avons acheté et faisons gérer par des conservatoires régionaux pour 20 % du total.
COSEA vous l'aura sans doute déjà dit, ces éléments sont cruciaux pour départager les concurrents à un appel d'offre. Nous considérons donc que cela relève du secret commercial. Tous les acteurs du secteur pensent comme nous.
Si vous souhaitez davantage de détails, nous pouvons vous envoyer une contribution écrite et confidentielle ; cela nous permettrait d'être plus transparents sans craindre que cela ne parvienne à nos concurrents.
Cela se fait : vous pouvez transmettre des documents qui ne seront diffusés qu'aux membres de la commission.
Les coûts d'étude se concentrent sur la mise en oeuvre des mesures. C'est le coût de suivi qui est le plus élevé : contrôle des exploitants, animation, coordination sur le terrain des nombreux acteurs. Il faut évaluer l'efficacité des mesures initiales, prendre d'éventuelles mesures correctives et modifier, le cas échéant, les conventions existantes.
Vous parlez donc d'un coût de 800 euros à l'hectare. Le monde agricole en demande 1 000 euros.
Attention : le coût voire, car la perte de productivité pour l'exploitant n'est pas la même dans des bonnes terres de Charente ou sur des terres moins productives. Nous avons quatre familles de cahiers des charges pour les différents milieux : les zones agricoles, les pelouses calcicoles et les milieux ouverts, les zones humides, les boisements. Sur les terres agricoles, le coût est compris entre 550 et 650 euros par hectare. Les fourchettes sont plus restreintes pour les boisements qui nécessitent mois de mesures mais pour lesquelles le suivi est plus conséquent.
Cela ne vous arrangerait-il pas que l'État fixe des barèmes de contractualisation avec le monde agricole ? Cela vous éviterait une négociation qui n'est pas toujours facile. Si les coûts montent beaucoup, cela peut-il remettre en cause votre modèle économique ? Ou bien considérez-vous que vous avez encore des réserves, et qu'il s'agit d'une somme raisonnable dans le montage global ? Quelle est votre stratégie ?
Il nous est difficile de répondre. Dans un schéma concessif, il y a deux payeurs : la feuille d'impôt et le billet de train. Personne n'a envie d'augmenter ni l'un, ni l'autre. Ce n'est pas à moi de dire qu'une dépense de 300 millions d'euros resterait raisonnable... Les parties « éviter » et « réduire » sont sans doute plus substantielles.
Il ne faut pas réduire l'effort aux seules mesures compensatoires. Le plus couteux est le tracé. Il faudrait prendre l'ensemble du schéma « ERC ».
Avec la diminution de la disponibilité du foncier, anticipez-vous une hausse des coûts ? Quelle est la durée de vos contrats ?
Ils sont de cinq à huit ans renouvelables sur cinquante ans pour les terres agricoles, mais peuvent être de vingt-cinq voire cinquante ans pour les boisements.
Avez-vous procédé à une provision, en anticipant une augmentation du coût ? Les agriculteurs vous voient arriver et vous êtes soumis à une obligation de résultat. Le rapport de force peut vous être défavorable.
Le problème pour des opérateurs privés est la prévisibilité, plus que le montant : le montant dépend d'une décision politique au niveau national pour la construction de l'infrastructure.
Nous sommes intéressés par vos propositions pour améliorer et faciliter ce processus.
Enfin, les banques peuvent être très soucieuses aujourd'hui sur ces questions. Supposons que vos mesures ne fonctionnent pas - l'État peut-il vous demander d'en prendre d'autres ? Cela peut-il remettre en cause votre marge ?
Les banques nous demandent des résultats. Nous sommes inspectés tous les mois par un spécialiste technique multi-activités, qui examine notamment les sujets environnementaux. C'est donc un contrôle important, qui ne se substitue pas au contrôle que nous exerçons vis-à-vis de nos sous-traitants. Les banques veulent que nous résolvions très vite les problèmes qui se font jour.
En fait, il est nécessaire de clarifier ce qu'est une concession. SNCF Réseau est maître d'ouvrage.
En tant que concessionnaires, nous devons répondre au cahier des charges défini dans le contrat de concession signé avec le concédant. La loi désigne LISEA comme maître d'ouvrage.
Le budget est donc de 7 milliards d'euros, dont 4 milliards issus de subventions de l'État. En retour, celui-ci dispose-t-il d'un contrôle ou de parts dans une société, ou bien cette somme a-t-elle été octroyée sans contrepartie ?
La contrepartie, c'est l'existence d'une ligne à grande vitesse.
L'État n'a pas de parts dans la société concessionnaire.
Il n'y a donc pas de contrepartie financière à ces 4 milliards. L'État ne touche donc rien du taux de rentabilité interne (TRI) des concessions...
si ce taux est positif. Le contrat de concession confie un ouvrage à un acteur privé à ses risques et périls...
Nous le savons, merci. L'État donne donc à fonds perdus plus de la moitié du coût de cette ligne.
Oui ; en échange de quoi, il disposera d'une ligne qui fonctionne pendant cinquante ans.
Avec LISEA, société dédiée à ce projet dont les actionnaires sont Vinci à 33,4 %, la Caisse des dépôts à 25,4 %, Meridiam à 22 % et Ardian à 19,2 %.
Plus précisément, le concepteur-constructeur.
C'est confidentiel. Mais nous pouvons vous indiquer ce qu'il y a dans le contrat de concession.
Il serait de 9 % pour les autoroutes. Je voudrais savoir si le métier de concessionnaire est de plus en plus rentable. Ce contrat est essentiellement financier, or les financiers sont attentifs au risque. Le contrat prévoit-il le tarif d'utilisation des sillons ?
Le contrat est public et peut être consulté sur Légifrance. Depuis la loi Sapin, toute concession doit avoir une indication tarifaire. Le prix des sillons est donc défini dans le contrat.
Nous essayons de comprendre : si vous n'atteignez pas les objectifs, assurrerez-vous le coût supplémentaire ? Dans ce cas, le TRI baissera et les actionnaires auront un moindre retour sur investissement. Ou bien irez-vous réclamer à l'État une augmentation du tarif ?
Le coût de gestion des mesures compensatoires fait partie de notre risque.
Quelle est la part des terre agricoles et celle de la forêt ? Quelle est la part de terres que vous avez dû exproprier et celle que vous avez acquise de gré à gré ?
Où en êtes-vous de la mise en place des mesures compensatoires ? La perte de terres agricoles ou de forêt engendre une perte d'activité économique. En plus de l'aide individuelle à tel ou tel exploitant, existe-t-il des mesures compensatoires pour le territoire qui la subit ? Sur quelle surface avez-vous fait de la reforestation ?
Je ne connais pas la répartition exacte entre parties agricoles et boisées, mais je sais que ces dernières sont minoritaires et situées surtout en Charente-Maritime et en Gironde ainsi qu'en zones périurbaines, autour de Tours, Poitiers et Angoulême. Quant à la proportion d'expropriations, elle est très faible, de l'ordre de 5 %, et par ailleurs, les emprises sont essentiellement sur des terrains non bâtis. Déjà, 1 700 hectares de mesures compensatoires ont été validés par les services de l'État ; 630 hectares sont en cours d'instruction. Et nous disposons d'un stock de 1 200 hectares identifiés, pour lesquels nous avons demandé aux propriétaires s'ils étaient prêts à conventionner ou vendre leur terrain, et qui sont en cours de diagnostic écologique, sur les quatre saisons.
Aucune compensation n'est prévue pour la perte économique agricole mais, sur la majorité des communes, les aménagements fonciers réalisés, s'ils peuvent sembler perturbateurs dans un premier temps, modernisent ensuite considérablement l'outil agricole.
Ces aménagements concernent-ils toute la surface des communes concernées ou se limitent-ils à l'emprise ?
Ils sont souvent à l'échelle de la commune, et se répartissent en deux moitiés égales entre inclusion et exclusion de l'emprise. Nous avons aussi 1 350 hectares forestiers boisés à replanter. Comme il s'agit d'une logique de production forestière et non d'une compensation environnementale, nous pouvons nous éloigner un peu de la ligne, jusqu'à 40 kilomètres environ. Enfin, un fonds de solidarité territoriale est à disposition des communes concernées par la ligne pour financer des projets.
Il est géré par la SNCF, et son montant doit être compris entre cinq et dix millions d'euros pour toute la ligne.
Oui, par exemple en Gironde, à Galgon, sur une douzaine d'hectares. Nous avons retiré les rémanents et les peupliers. Vous pourrez vous en rendre compte lors de votre déplacement.
Du coup, vous savez combien cela coûte. Nous cherchons à établir des ratios, mais ne disposons pour l'heure que de chiffres américains : environ 100 000 dollars par hectare. Pourrez-vous nous indiquer ce montant ?
Quels sont les services de l'État qui contrôlent l'effectivité et l'efficacité des mesures compensatoires ?
Celles relatives aux espèces protégées sont contrôlées par les DREAL, celles qui concernent la loi sur l'eau, par les directions départementales des territoires (DDT). Ces services ont accès à l'outil informatique mis en place par COSEA et qui récapitule toutes les mesures de ce type. Ils peuvent faire des contrôles sur place.
Pas à ma connaissance. Mais les services de l'État sont toujours présents sur le chantier, surtout lors de la phase de terrassement et de génie civil. C'est aussi le cas de l'ONEMA et de l'ONCFS, ainsi que des associations de protection de la nature avec lesquelles nous avons noué des partenariats. Celles-ci nous conseillent utilement sur les mesures de réduction et d'aménagement, et nous alertent si besoin. Cette logique de partenariat perdure grâce aux mesures de suivi écologique. Le CNPN peut aussi se rendre sur place.
Comment qualifieriez-vous votre rapport avec ces associations sur le chantier ? Comme nous les auditionnerons, il sera intéressant de comparer avec leur point de vue... Avez-vous des relations constructives ou tendues ? Travaillez-vous avec la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (SEPANSO), avec Poitou-Charentes environnement ou avec la Ligue de protection des oiseaux (LPO) ?
COSEA pourra également vous répondre sur ce point. Nous, nous agissons dans la durée. À cet égard, nos relations avec les associations sont utiles, et nous nous félicitons d'avoir choisi de travailler avec des acteurs locaux. C'est du moins le cas dans cinq des six départements où nous intervenons, car dans la Gironde, la SEPANSO n'a pas voulu collaborer avec nous. Aussi avons-nous noué des liens avec le conservatoire d'espaces naturels (CEN) d'Aquitaine. Ces relations ne sont pas un long fleuve tranquille, car les enjeux sont nombreux et, comme nous travaillons dans le long terme, importants. Ce n'est facile ni pour ces associations, ni pour nous. Mais au total, elles sont bénéfiques.
Les associations ont-elles les moyens de suivre de tels chantiers ? Ont-elles suffisamment de militants pour cela ? Ou sont-elles contraintes de se focaliser sur certains sites ?
Certes, elles ont parfois du mal. C'est aussi à nous de nous adapter à leurs moyens. Parfois, nous marions à leurs compétences une expertise scientifique. Ainsi, sur l'outarde canepetière ou les oiseaux de plaine, nous travaillons avec le laboratoire de Chizé et, sur le bison d'Europe, avec le Groupe de recherche et d'étude pour la gestion de l'environnement (GREGE), qui est un bureau d'études spécialisé.
Justement ! Les bureaux d'études nous intéressent beaucoup. En avez-vous assez à votre disposition ? Sont-ils suffisamment compétents ? Les choisissez-vous en fonction de leur compétence, de leurs honoraires ? Surtout, sont-ils totalement indépendants de vos actionnaires ?
Le groupe Vinci dispose de collaborateurs compétents en génie écologique ou hydraulique. Ainsi, au plus fort du chantier, sur les 9 000 personnes présentes, une centaine de collaborateurs travaillaient sur ces questions.
Je ne sais pas exactement. Mais le recours à des bureaux d'études ou à des universitaires, en général, vient répondre à des besoins d'expertise spécifiques.
Monsieur le président, est-ce la même structure qui s'occupe des travaux et du génie écologique ? Ou y a-t-il des filiales spécialisées au sein du groupe ?
Sur ce projet, les bureaux d'études auxquels nous avons fait appel étaient absolument indépendants de Vinci et de nos autres actionnaires. La CDC a bien une structure de conseil, mais elle n'a pas travaillé pour nous. Des compétences se développent au sein du groupe Vinci pour répondre aux prescriptions des bureaux d'étude, elles-mêmes inspirées de celles des arrêtés. Nous savons, par exemple, détourner un cours d'eau. Mais si nous avons besoin d'une expertise précise, nous recourons à des bureaux d'étude. Y en a-t-il assez ? Sans doute pas.
C'est une question importante, car la demande à laquelle ils répondent est assez nouvelle dans notre société. Autour des voies, vous créez des milieux, des corridors, des délaissés. Ces espaces font-ils l'objet d'un entretien et d'un suivi spécifiques, notamment en matière de recours aux phytosanitaires ?.
Nous préférons parler d'emprises vertes ou hors clôtures, plutôt que de délaissés, car cette dernière expression est peu valorisante.
On peut considérer que l'ensemble de ces espaces contribuent à un même « patrimoine vert ».
Nous allons gérer beaucoup d'hectares. Et les normes sur l'usage des phytosanitaires sont strictes, depuis la loi sur l'eau. Cette gestion se fera de manière industrielle. À nous d'être attentifs aux enjeux écologiques sur la longueur de la ligne. Pour travailler sur ces questions, nous participons au Club infrastructures linéaires et biodiversité (CILB).
Nous participons à un appel à projets de l'État sur les fonctionnalités écologiques et environnementales des infrastructures linéaires. Un colloque s'est d'ailleurs tenu il y a deux ans sur ce thème. Les corridors longitudinaux peuvent être mis en réseau écologique avec les corridors de déplacement transversaux.
Lorsque plusieurs infrastructures sont parallèles, le risque qu'elles constituent une barrière est plus important.
Surtout quand de nouvelles constructions sont établies à proximité d'infrastructures plus anciennes. Mais dans ce cas, nous mettons les dernières à niveau des standards environnementaux actuels. Nous avons également étudié la taille critique d'une parcelle entre deux infrastructures parallèles. Trop large, elle est cultivée. Trop étroite, elle s'enfriche rapidement. Entre les deux, elle peut redevenir un terrain favorable à certaines espèces.
Nous pouvons mettre cette étude en valeur. Un corridor doit donc avoir une taille suffisante - sans pour autant gaspiller de la terre agricole. Voilà une problématique nouvelle.
Notre objectif est de construire le modèle économique de la compensation. Nous attendons donc vos compléments par écrit, notamment sur les questions de coûts. Nous sommes par ailleurs preneurs de vos propositions.