Mission d'information Développement de l'herboristerie

Réunion du 5 juillet 2018 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Mes chers collègues, notre mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales accueille ce matin le Professeur Jean-Louis Beaudeux, Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris. Il est accompagné du Professeur Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie. Après avoir entendu il y a deux semaines des responsables de diplômes universitaires spécialisés, vous allez nous apporter un éclairage plus global sur la façon dont les sujets qui intéressent notre mission sont pris en compte dans la formation des pharmaciens. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission en direct sur notre site Internet. Elle a été ouverte à la presse ainsi qu'au public, que je salue.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Beaudeux, doyen de la Faculté de médecine de Paris

J'ai choisi de venir avec ma collègue Sylvie Michel, chef de service de l'unité pédagogique de pharmacognosie. Je vais d'abord vous faire une présentation générale des études de pharmacie et de la façon dont elles intègrent la pharmacognosie et la biologie végétale.

Les pharmaciens font partie des professions de santé de niveau médical. Les études en pharmacie durent six années, la première année étant commune à toutes les professions de santé (Paces). Ces études sont très professionnalisantes. Les trois premières années, consacrées aux connaissances générales, permettent d'obtenir le diplôme de formation générale en sciences pharmaceutiques ; les trois années suivantes sont consacrées à l'acquisition d'une formation approfondie en sciences pharmaceutiques. L'ensemble des disciplines connaît une progression pédagogique, y compris celles ayant trait à la biologie végétale, aux plantes et à l'utilisation des principes actifs d'origine naturelle. La dernière année s'effectue à mi-temps en milieu hospitalier, avec un interfaçage entre la prescription et la dispensation des médicaments. La sixième année se termine par une thèse d'exercice. La répartition, à parts égales, entre des enseignements magistraux et des travaux pratiques comprenant des stages en officine dès la deuxième année, permettent aux étudiants d'obtenir des compétences spécifiques dans les domaines abordés par votre mission d'information.

Si le diplôme de pharmacien est unique, ses débouchés sont multiples. Il existe trois filières de spécialisation à partir de la quatrième année d'étude : l'officine et les métiers de la distribution (grossistes-répartiteurs) - que choisissent 50 % des étudiants de Paris-Descartes -, l'industrie du médicament et des produits de santé - 35 % de nos étudiants -, enfin l'hôpital et la biologie médicale pour lesquels optent 15 % de nos étudiants. Nos études sont ainsi très complètes, en offrant une connaissance de la chimie du médicament, de la dispensation et des trois règnes animal, minéral et végétal. En outre, les études de pharmacie sont soumises aux exigences du développement professionnel continu, à l'instar des études médicales : obligatoire, cela permet notamment aux pharmaciens de passer d'une filière à l'autre, via des actions courtes ou des diplômes universitaires.

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Ma discipline s'intéresse aux substances chimiques définies, qu'elles soient isolées ou non. Ma présentation portera sur les formations liées aux plantes médicinales dispensées dès la deuxième année. Elles concernent en particulier la botanique, les sciences végétales, la mycologie, le métabolisme végétal et la reconnaissance des plantes grâce au jardin botanique qui est au sein de la faculté. Les troisième et quatrième années sont réservées à l'étude des substances chimiques isolées des plantes, à leur utilisation thérapeutique, leur mécanisme d'action et à leurs effets secondaires. Ces formations représentent au total 40 heures d'enseignement se répartissant en cours magistraux et en travaux dirigés, lesquels permettent aux étudiants de se familiariser notamment avec les techniques d'extraction des molécules.

Dans la filière officine, sont également proposées des formations en phytothérapie, aromathérapie, en plantes toxiques, en homéopathie, pour une durée totale d'environ 46 heures. Enfin, en sixième année, des cas de comptoirs sont consacrés aux compléments alimentaires.

Des parcours de master sont consacrés à la qualité des médicaments, notamment ceux à base de plantes, ainsi qu'à la qualité des produits cosmétiques, des aliments (dont les compléments alimentaires) et des eaux. Chaque parcours comprend environ 300 heures de formation.

Comme cela vous a déjà été exposé lors d'une précédente audition, un diplôme interuniversitaire (DIU) sur les données actuelles et les limites de la phytothérapie et de l'aromathérapie est proposé par l'Université de Paris-Descartes et celle de Paris Sud-Saclay. Son accès est limité aux professionnels de santé (pharmaciens, préparateurs en pharmacie, médecins, sages-femmes, dentistes ou vétérinaires).

Un projet de licence professionnelle, autour de la phytothérapie, serait destiné à des professionnels du niveau des préparateurs en pharmacie pour leur permettre par la suite de prodiguer des conseils en boutique et les former aux bonnes pratiques de préparation. En outre, une formation de technicien en matière végétale est également envisagée, en réponse aux demandes d'expertise en actifs naturels émanant d'entreprises de production, dans les industries pharmaceutiques et de cosmétique.

La recherche porte sur des plantes traditionnelles, notamment sur des plantes exotiques utilisées par d'autres traditions médicales comme en Chine, en Inde et en Afrique, en collaboration avec des universités situées dans ces zones géographiques. Malheureusement, à défaut de financement, nous conduisons peu de recherche sur les plantes médicinales locales pour lesquelles nous disposons donc de peu de données cliniques. Nous collaborons avec l'Institut de chimie des substances naturelles (ICSN), les agences régionales de santé et les centres anti-poisons pour déterminer la toxicité de certaines plantes, n'ayant pas encore fait l'objet de contrôles uniformes.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Vous avez évoqué le projet de licence professionnelle de « conseiller en herboristerie ». Comment concevez-vous l'articulation entre cet éventuel métier d'herboriste et le métier de pharmacien ? Pensez-vous qu'une spécialisation en « pharmacien-herboriste » réponde à une demande croissante des jeunes étudiants et de la profession ? La formation initiale de base devrait-elle évoluer ? Vous avez souligné qu'il existe peu de recherches sur les plantes locales de l'hexagone. Qu'en est-il des plantes des outre-mer qui sont d'une grande richesse ?

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Les pharmaciens ont tout en main pour être de bons herboristes. Le module de phytothérapie leur permet d'approfondir leurs connaissances. Mais celles acquises durant leur cursus initial en physiologie, pharmacologie et toxicologie leur permettent d'appréhender les risques sanitaires potentiels de l'utilisation des plantes. Dans certaines limites, des herboristes disposant de bonnes connaissances des plantes pourraient également délivrer des plantes hors monopole ou alimentaires, à l'issue d'une formation universitaire.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Beaudeux, doyen de la Faculté de médecine de Paris

J'ai insisté sur le niveau médical des études de pharmacie. Le pharmacien bénéficie en effet du renfort d'autres connaissances et de spécialités comme la physiologie et la toxicologie pour appréhender des processus plus complexes tels que les mélanges de plantes ou les interactions médicamenteuses. Cette formation médicale constitue une valeur ajoutée pour l'exercice de l'herboristerie. Elle peut aussi être mise à profit pour assurer une formation de professionnels non médicaux.

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Le pharmacien a la capacité de renvoyer vers le médecin, lorsque la phytothérapie n'est pas en mesure de prendre en charge certaines pathologies.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Beaudeux, doyen de la Faculté de médecine de Paris

La recherche s'intéresse en effet trop peu aux plantes ultramarines.

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Nous travaillons toutefois avec la Guyane et les Antilles au développement de la production de plantes médicinales qui peuvent être commercialisées localement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Merci pour cette présentation. Peu de temps est consacré à la connaissance réelle des plantes médicinales en tant que telles. Cette connaissance est diffuse, ce qui motive notre réflexion sur la rénovation du métier d'herboriste. Que pensez-vous de la réapparition d'un tel métier ? Le problème qui se pose aux herboristes est celui de l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, à travers les indications de santé ou de confort qu'ils peuvent être amenés à donner. Or, j'ai découvert l'inscription, sur les emballages d'une margarine vendue en grande surface, des bénéfices de sa consommation pour les problèmes de cholestérol ou les problèmes cardiaques. On interdit pourtant aux herboristes de dire qu'une tisane est bonne pour le foie !

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Beaudeux, doyen de la Faculté de médecine de Paris

Loin de leur transmettre un savoir se prétendant encyclopédique, nous apprenons à nos étudiants une méthodologie pour répondre aux questions auxquelles ils seront confrontés et appréhender des sujets nouveaux. Le métier d'herboriste peut se concevoir à deux niveaux : celui de l'expert, qu'est le pharmacien, et dans certaines limites, celui de l'herboriste non pharmacien. Les indications cardiovasculaires de la margarine que vous évoquez bénéficient d'une caution scientifique, puisqu'elles ont été validées par l'Institut Pasteur de Lille.

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Le diplôme de pharmacien n'est pas destiné à former uniquement des spécialistes des plantes, mais sa formation lui permet de bien les identifier et de mettre au jour leurs propriétés. Dans la filière officine, les étudiants bénéficient d'une formation non négligeable en ce sens. Si le pharmacien doit devenir le spécialiste des plantes, une formation complémentaire serait toutefois bienvenue. Il serait selon moi possible d'avoir une formation parallèle d'herboriste ; mais il est plus compliqué de déterminer quelles allégations de santé il pourrait être autorisé à délivrer. On pourrait cantonner sa pratique à l'usage traditionnel reconnu de certaines plantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Une formation sur les connaissances des plantes est-elle prodiguée par l'une des facultés de pharmacie ? Les compléments alimentaires peuvent remédier à des problèmes de santé que les médicaments ne sont pas en mesure de soigner efficacement. Il est dommage qu'on ait abandonné ce savoir-faire en matière d'herboristerie qui étaient encore en vigueur il y a quelques décennies, alors que l'amélioration des technologies de conditionnement permettraient encore d'en améliorer les effets.

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Des diplômes universitaires en phytothérapie et aromathérapie se sont mis en place suite à une demande en croissance exponentielle parmi les professionnels de santé. Ces formations incluent une démarche qualité qui commence dès la plante : il faut être capable de l'identifier, d'en évaluer les taux de pesticides ou de métaux lourds ou de vérifier que les bulletins d'analyse ont bien été effectués. Cette formation existe déjà, bien que ne figurant pas dans la formation commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Les formations dont vous parlez s'adressent aux pharmaciens. Vous parlez également de former des techniciens spécialisés dans les matières végétales. Une formation au métier d'herboriste destinée à d'autres publics vous paraît-elle possible ?

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Une formation d'herboriste appuyée sur un cursus universitaire permettrait de bien cadrer les choses et de dispenser un programme évalué.

M. Jean-Louis Beaudeux. - Les universités de pharmacie peuvent jouer un rôle important. Le diplôme interuniversitaire de phytothérapie, dont peuvent bénéficier les pharmaciens, porte sur la dispensation, les allégations de santé et les interactions, le mélange des plantes et leurs éventuels bienfaits. Encore faut-il disposer des connaissances nécessaires y compris sur le contrôle de la qualité des matières premières : le pharmacien, fort de ses compétences notamment en chimie, dispose d'une réelle valeur ajoutée.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

L'Institut de chimie des substances naturelles conduit-il des recherches ? En quoi consiste votre collaboration ?

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Cet institut, qui dépend du CNRS, travaille sur des plantes plus exotiques et dispose d'un accès à une grande biodiversité de plantes : les chimistes qui y exercent ont la capacité de fournir des activités biologiques sur des extraits ou des produits chimiquement définis.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Beaudeux, doyen de la Faculté de médecine de Paris

Il conduit exclusivement des activités de recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

S'agissant des formations, il existe tout de même cinq écoles qui forment au métier d'herboriste. Un encadrement de ces formations existantes ne serait-il pas opportun ?

Debut de section - Permalien
Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie

Tout à fait ! Le travail doit être collaboratif. Il faut reconnaître les compétences et connaissances, certes incomplètes, sur lesquelles s'appuient ces écoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je vous remercie de vos interventions et de l'éclairage que vous nous avez apporté.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions en recevant Mme Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires. Elle est accompagnée de M. Michel de Sarrieu, directeur scientifique de Fleurance Nature et administrateur du Synadiet, responsable du groupe de travail sur la réglementation nationale.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission en direct sur notre site Internet. Elle a été ouverte à la presse ainsi qu'au public.

Debut de section - Permalien
Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires

Je débuterai mon propos avec une rapide présentation du syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet). Cette instance regroupe 243 sociétés représentatives, sur l'ensemble du territoire national, des professions de la filière incluant les producteurs, les transformateurs, les façonneurs, jusqu'aux laboratoires de contrôle. Notre rôle est de représenter la profession, de faire avancer la réglementation, de promouvoir, de faire connaître et de valoriser les produits auprès des professionnels et des autorités.

Un complément alimentaire est un produit présenté sous forme de dose (gélule, ampoule, sachet), constitué de nutriments, d'acide gras ou encore de plantes. Ainsi, 64 % des produits commercialisés en France contiennent au moins une plante. Le complément alimentaire se place entre les aliments, dont la fonction est de nourrir, et le médicament qui a pour fonction de guérir. Relevant de la législation alimentaire, ce produit a pour finalité d'apporter un confort et se trouve donc dans une sphère physiologique et non thérapeutique. Le consommateur décide de l'acheter, en général sans remboursement, dans une démarche volontaire afin d'entretenir sa santé.

Les plantes sont utilisées traditionnellement pour prévenir ou guérir les affections du quotidien. Dès le premier siècle de notre ère, les vertus des plantes ont été consignées dans des ouvrages. Il s'agit de plantes ou d'épices qui sont aujourd'hui dans le domaine alimentaire, comme la sauge, le safran ou le curcuma. La connaissance s'est étoffée de manière empirique. Jusqu'en 1941, un diplôme d'herboriste existait en France, avant qu'il ne soit supprimé par le régime de Vichy.

Les compléments alimentaires représentent 1,8 milliard d'euros d'achats en sortie caisse, toutes taxes comprises. Ceux-ci sont achetés, à hauteur de 51 %, en pharmacie ; le reste étant partagé entre parapharmacie, grandes surfaces, magasins diététiques, magasins bio ou franchisés bio, ainsi qu'à distance via le e-commerce. Ce marché est relativement jeune : apparu en France à la fin des années 80, il concernait avant tout les vitamines et minéraux. Les plantes sont apparues dans les compléments alimentaires à la fin des années 1990, avec une accélération à partir de la décennie 2010. Les officines ont développé le marché ; l'essentiel des ventes s'effectue toujours sous le contrôle des pharmaciens

Ce marché croît annuellement de 4 à 6 % malgré un contexte économique morose ; cette tendance se retrouve dans d'autres pays européens et traduit la volonté des consommateurs de prendre en main l'entretien de leur santé. Les acheteurs sont souvent des femmes, issues de catégories socio-professionnelles élevées, pour lesquelles l'hygiène de vie est essentielle.

En France, la culture des plantes médicinales et aromatiques représente 85 millions d'euros. Notre pays importe également des plantes exotiques, puisque, d'une part, tout ne pousse pas, ou suffisamment, sur le sol français et que, d'autre part, la filière est encore récente et ne répond pas à tous les besoins.

La plante est un élément vivant, actif et doit s'accompagner de mesures de contrôle. Elle peut présenter une charge bactérienne importante ainsi que des contaminants. Il importe ainsi de mettre sur le marché des produits sûrs pour le consommateur.

La réglementation a été élaborée à la fin des années 1990. La directive européenne 2002/46/CE a permis de définir un cadre commun pour la définition et l'étiquetage des compléments alimentaires. Elle a été transposée par un décret de 2006 relatif aux vitamines-minéraux, qui a permis de notifier les produits auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et d'inclure des plantes autorisées dans d'autres Etats membres. Cette direction a dressé une liste de 541 plantes sur la base de laquelle un arrêté spécifique a été publié en 2014. Cet arrêté « plantes » du 24 juin 2014 établit la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, en précisant notamment les types et parties de plantes, les substances à surveiller, les actifs et les précautions d'emploi qui doivent figurer sur les emballages. Ce travail de recensement, certes long, a permis d'autoriser la vente libre des plantes, avec un degré de sécurité suffisant.

Le règlement n° 432/2012 du 16 mai 2012 sur les allégations est également structurant, mais ne concerne pas encore les plantes. Celles-ci sont encore sur une liste d'attente en cours d'examen.

Enfin, un dernier texte de 2010, relatif à la nutrivigilance, concerne l'ensemble du cycle de vie d'un produit : l'ingrédient, la formulation, la fabrication, la commercialisation et, enfin, la post-commercialisation. En effet, si un effet secondaire est remarqué par un consommateur, il peut le signaler soit à un professionnel de santé qui doit le répertorier auprès de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), soit au laboratoire qui doit également faire remonter l'information pour l'analyser ; cela sert de base aux avis mentionnés sur les étiquetages.

Sur les plantes elles-mêmes, plusieurs étapes sont du ressort des opérateurs. L'agriculteur va récolter une plante, la sécher et la contrôler. Le façonneur va ensuite recevoir la matière ; pour les plantes, il va procéder à une extraction traditionnelle, très souvent avec de l'eau ou un degré hydro-alcoolique limité. Le laboratoire doit vérifier la qualité des produits qu'il reçoit et veiller au respect des paramètres de sécurité tout au long de leur fabrication.

Une même plante peut être utilisée à la fois en alimentaire, en médicament ou pour la fabrication de compléments alimentaires, selon des teneurs diverses, les différentes parties de plantes ou différents types d'extraction.

Aujourd'hui, si l'arrêté plantes permet de commercialiser au moins 541 plantes en France, les listes ne sont pas harmonisées au niveau européen. Ainsi, la racine d'une plante peut être autorisée en France, tandis que seule la feuille le sera dans un autre État. Ce travail énorme d'harmonisation des listes est nécessaire pour une libre circulation plus aisée des produits au sein de l'Union européenne. En outre, les allégations de santé sont en attente : si treize vitamines sont reconnues dans toute l'Europe, le nombre de plantes est beaucoup plus important et les listes sont très hétérogènes. Or, nous ne disposons pas sur toutes les plantes d'études cliniques d'un niveau scientifique attendu, c'est-à-dire analogue à celui des médicaments. Il n'existe ainsi pas d'étude clinique sur l'effet transit du pruneau. Faute d'un recul scientifique avéré et documenté, une insécurité d'ordre économique perdure.

A-t-on vraiment besoin d'une allégation ? Si les consommateurs connaissent globalement certaines plantes, leurs effets leur sont plutôt méconnus. Les produits doivent ainsi présenter des indications, afin d'éviter toute confusion ou mésusage, tant pour le consommateur que le professionnel de santé. C'est la raison pour laquelle le Synadiet recommande, au niveau européen, de traiter les plantes de manière spécifique et non analogue aux autres substances chimiques. Ce texte européen doit comprendre à la fois des volets allégation et sécurité afin de garantir le libre accès à ces plantes. Créons un texte, à l'instar des arrêtés français et belges, et étoffons la liste des critères de sécurité.

Enfin, le consommateur exprime une demande accrue de produits naturels en réponse à une tendance de fond depuis quinze ans qui privilégie les produits doux et les ingrédients naturels aux produits chimiques. Ainsi, le tonus et la vitalité, le sommeil et le stress, l'articulaire, la digestion ou la circulation, sont des domaines santé où émerge une demande de compléments alimentaires. Il faut que les professionnels de santé bénéficient d'une formation spécialisée, qui n'est pas dispensée dans les facultés de médecine. D'autres professions, comme les herboristes ou les naturopathes, doivent également être considérées. Ces professionnels doivent être bien formés sur les plantes. Ne peut-on pas prévoir la même gradation avec les pharmaciens que celle qui existe entre les diététiciens et les médecins nutritionnistes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

En matière d'harmonisation de réglementation, où en est le projet BelFrIt ? Par ailleurs, la possibilité de disposer d'un conseil avisé par un professionnel formé, même non pharmacien, serait-il selon vous souhaitable, bénéfique au secteur, voire indispensable ? Enfin, alors que 541 plantes sont susceptibles d'entrer dans la composition des compléments alimentaires en vente libre, seules 148 plantes en vrac sont sorties du monopole officinal : cette différence vous semble-t-elle justifiée ?

Debut de section - Permalien
Michel de Sarrieu, directeur scientifique de Fleurance Nature et administrateur du Synadiet

La liste BelFrIt est issue du travail des trois administrations belge, française et italienne, en raison des difficultés d'obtenir une liste positive de plantes susceptibles d'entrer dans la composition des compléments alimentaires. Des spécialistes de pharmacognosie, les professeurs Robert Anton, Mauro Serafini et Luc Delmulle, ont travaillé à répertorier les plantes, leurs parties, les substances actives et toxiques et à définir des règles d'utilisation et des mises en garde figurant sur l'étiquetage des produits. Cette liste, qui n'a pas force de réglementation, regroupe 1029 plantes. Néanmoins, en Italie un arrêté a été publié sur cette base et les Belges ont mis à jour leur liste initiale à l'aune de ce document. L'arrêté français n'a pas été, pour l'heure, modifié. Mais l'évolution des compléments alimentaires depuis le décret de 2006 a conduit à une autorisation de fait de l'utilisation de la plupart de ces plantes, au nom de la libre circulation des produits en Europe.

Debut de section - Permalien
Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires

Il est essentiel de former les médecins et les pharmaciens. Certains peuvent d'ailleurs se former une fois en exercice. Le niveau de conseil doit être graduel en fonction du type de produits et des professions de chacun. Dans certains points de vente bio, des naturopathes se forment aux plantes, bien qu'ils n'aient pas le droit de prodiguer des conseils dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Quelle formation diplômante pourrait bénéficier aux personnes extérieures au monde médical ?

Debut de section - Permalien
Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires

L'approche doit être cantonnée au confort de vie. On ne sait jamais si les personnes qui sollicitent un conseil sont malades ou polymédicamentées. Dans ce cas, ces personnes doivent consulter des professionnels de santé. Il faut absolument insister pour que des professionnels qui ne seraient pas professionnels de santé n'outrepassent pas leurs prérogatives. Le flou, au final, limite la possibilité de développement économique. C'est important de bien cadrer les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

La traçabilité des plantes est essentielle. Comment y parvenir ? La profession d'herboriste pourrait répondre à cette exigence. Aujourd'hui, entre le complément alimentaire, dont la finalité est le confort, et le médicament qui est à visée thérapeutique, la frontière est ténue aux yeux du consommateur. Dans les Ehpad, des médecins prescrivent à la fois des médicaments et des compléments alimentaires, fournis en même temps par la pharmacie, ce qui alimente cette confusion. On gagnerait en clarté à bien distinguer le complément alimentaire du médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Dans un Ehpad, si des compléments alimentaires se retrouvent dans le pilulier établi sous la responsabilité du pharmacien, c'est que les médecins les ont prescrits. À l'inverse, si le complément alimentaire est acheté par les familles, parfois sur internet, sans prescription médicale, le pharmacien ne les mettra pas dans le pilulier. Il engagerait sa responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Toutefois, le patient perçoit le complément alimentaire comme un médicament ! Le coût annuel par personne des compléments alimentaires, dont l'efficacité n'est pas mesurée, peut être très important. Le fait qu'il incombe au consommateur de signaler les effets secondaires des compléments alimentaires est contraire à ce qui prévaut dans le domaine de la santé et des produits vendus sur prescription médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Le patient est-il un consommateur ? La présentation des compléments alimentaires accentue cette confusion. Il y a quelques années encore, certains compléments alimentaires ou médicaments à base de plantes étaient remboursés par l'assurance maladie et leur déremboursement renvoie aux difficultés de notre système de prise en charge des dépenses de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Merci pour la clarté de votre exposé. En matière de nutrivigilance et de sécurisation des importations, dès qu'une alerte est transmise à l'ANSES, comment se déroule le retrait du marché des compléments alimentaires ?

Debut de section - Permalien
Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires

L'opérateur est responsable de la vérification des critères de qualité des plantes importées. Cette démarche est indépendante de la nutrivigilance, analogue à la pharmacovigilance, qui intervient une fois le produit commercialisé. Certains effets secondaires sont répertoriés, mais il y en a peu et d'une gravité limitée. Sur certains ingrédients particuliers, cette démarche peut conduire à l'ajout de précautions d'emploi.

J'ai volontairement utilisé le mot de consommateur, puisque nos produits d'adressent aux personnes en bonne santé, pour leur apporter un confort de vie. Nous ne nous plaçons pas dans la sphère du patient.

44 % des premières utilisations de compléments alimentaires se font sur la base d'une prescription médicale. Historiquement, des médicaments traditionnels à base de plante étaient remboursés ; ce mécanisme évolue, les opérateurs s'orientant pour diverses raisons vers des compléments alimentaires. En outre, le marché de l'automédication (OTC) connait également une mutation en Europe. Il n'est pas toujours facile pour un pharmacien d'identifier un médicament d'un complément alimentaire, même si l'emballage doit le permettre.

Debut de section - Permalien
Michel de Sarrieu, directeur scientifique de Fleurance Nature et administrateur du Synadiet

En matière de traçabilité, pour un produit qui serait responsable d'un effet secondaire chez un consommateur, nous devons être capables de remonter toute la filière de fabrication du produit jusqu'à la plante. Cette exigence réglementaire est analogue à celle applicable aux produits alimentaires.

L'ANSES conduit des études ponctuelles sur des cas de nutrivigilance signalés. De l'ordre de quelques dizaines de cas de nutrivigilance sont signalés pour des millions de boîtes vendues. La difficulté vient notamment de personnes polymédicamentées.

L'industrie pharmaceutique s'est totalement désintéressée des plantes, les plantes n'étant pas brevetable ce qui limite les recherches sur leurs effets sur les maladies. Le secteur du complément alimentaire peut contribuer à raviver toute la filière plante, en étant en mesure d'assurer la sécurité et la traçabilité des produits aux consommateurs.

Debut de section - Permalien
Christelle Chapteuil, directrice générale des laboratoires Juva Santé et présidente du Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires

Il existe aujourd'hui des textes encadrant l'utilisation des plantes dans le domaine alimentaire, sur lesquels nous avons mis du temps à travailler. Continuons à développer le cadre existant, plutôt que de créer de nouvelles mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Il était important de vous entendre, tant vos connaissances de professionnels sont importantes à nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je vous remercie de vos interventions.

La réunion est close à 12 h 30.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.