En ma qualité de président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, je vous souhaite la bienvenue dans cette salle Lamartine.
Je salue la présence d'Huguette Tiegna, députée du Lot, et de Stéphane Piednoir, sénateur du Maine-et-Loire, les deux rapporteurs qui ont travaillé sur ce sujet d'actualité, à l'heure où nos compatriotes s'interrogent sur le modèle de transport à venir.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres, qui laissent entrevoir l'importance du défi : la France compte à cet instant quelque 39 millions de véhicules, soit autant que d'habitants en 1940, dont 83 % de véhicules particuliers et 17 % de véhicules de flottes, ce dernier parc, non négligeable, pouvant jouer un rôle de déclencheur. Ces 39 millions de véhicules fonctionnent pour 94 % d'entre eux à l'essence et au diesel, pour 4,6 % avec un moteur hybride, et pour 1,2 % avec un moteur exclusivement électrique. Il reste donc, pour parvenir, comme d'aucuns le souhaitent, à arrêter en 2040 la commercialisation des véhicules à essence et à diesel, un long chemin à parcourir.
Les collectivités locales se sont très fortement impliquées pour préfigurer les besoins en alimentation électrique des voitures électriques à batteries. On peut également imaginer des voitures électriques utilisant des piles à combustible, mais ceci supposerait une autre forme d'alimentation.
L'objectif du travail de nos deux rapporteurs et de cette audition qu'ils vont animer en présidant chacun une table ronde vise à répondre à des questions de bon sens : quels sont les besoins ? Ont-ils déjà été évalués ? Où faudra-t-il localiser les infrastructures au fur et à mesure du développement du parc de véhicules électriques ? Quels seront les rôles respectifs des collectivités territoriales et des opérateurs privés dans leur déploiement ? Quelles sont les technologies disponibles et à quel coût ? J'ajouterai une question sur le stockage électrique diffusé par l'automobile. Se pose peut-être également, indirectement, la question de la pile à combustible, de la maturité de cette technologie, et de la probabilité de sa diffusion. J'émets en outre personnellement, en tant que passionné, le voeu que si la commercialisation des véhicules à essence et à diesel cesse, il reste néanmoins possible, de façon marginale et parfaitement exceptionnelle, de continuer à entendre de temps à autre le vrombissement de certaines de ces belles mécaniques, à condition que ceci ne déséquilibre pas l'atmosphère.
C'est un grand plaisir, chers collègues, experts et invités, que de vous accueillir ici au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur un sujet de si grande importance.
Ce sujet, que nous évoquons aujourd'hui pour élaborer des scénarios dans la perspective de l'arrêt de la vente des véhicules fonctionnant avec des énergies fossiles d'ici à l'horizon 2040, répond à l'annonce ambitieuse faite dans ce domaine par le Gouvernement en juillet 2017. Elle mérite d'être évaluée non seulement au plan du symbole, mais aussi au niveau technique : comment procéder, dans le détail, pour atteindre un tel objectif ? Par le passé, il est en effet arrivé que certaines grandes ambitions, écologiques par exemple, n'aient pas pu, bien que portées par des annonces gouvernementales ou par la loi, se réaliser, tout simplement parce que l'on avait omis de se poser la question de la faisabilité technique, des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. Force est de constater que les études d'impact des projets de loi sont souvent indigentes sur ces aspects. En attendant une révision en profondeur des processus décisionnels étatiques en la matière, nous avons l'opportunité de compléter l'annonce du Gouvernement par une étude prenant en compte l'ensemble des éléments, et répondant à des préoccupations évidentes du Parlement ainsi que des citoyens. Les paramètres étudiés doivent non seulement concerner la production des véhicules eux-mêmes, mais aussi l'environnement, la recharge, et la question de l'acceptabilité sociale et économique.
Compte tenu des délais impartis, et de l'expertise dont nous disposions, il nous est apparu nécessaire, lorsque nous avons décidé de traiter ce dossier, de faire appel à une aide extérieure pour l'instruction technique des différents scénarios. Ce soutien va nous être fourni, après appel à la concurrence dans les formes prévues, par un consortium composé du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) et de l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN). Je remercie à ce propos nos collègues questeurs, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, d'avoir validé les dépenses supplémentaires liées à cette expertise extérieure, préfigurant ce que pourrait être un fonctionnement ultérieur du Parlement, avec des agences techniques à disposition, pour instruire les dossiers à l'interface de la technologie et de la politique, avec toute la rigueur qui convient.
Enfin, j'insisterai sur le travail important réalisé par nos co-rapporteurs, qui ont effectué une visite en Norvège riche d'enseignements et mené de nombreuses auditions. Ils pourront nous faire part de l'avancement de leurs travaux sur l'ensemble de ce dossier.
Il est clair que l'hydrogène ne doit pas être oublié dans la liste des pistes prometteuses, mais je ne suis pas expert pour répondre à cette question.
Première table ronde : L'état des lieux des infrastructures de recharge dans les territoires et les besoins à venir
- Présidence de Mme Huguette Tiegna, députée, rapporteure -
Mesdames, Messieurs, chers collègues, je tiens tout d'abord à vous souhaiter à mon tour la bienvenue à l'Assemblée nationale, dans cette salle Lamartine particulièrement propice au débat.
Je remercie le président et le premier vice-président pour l'ouverture de cette audition, au cours de laquelle ils nous ont présenté les grands enjeux du développement des véhicules électriques, qui sont au coeur de notre étude.
Compte tenu du nombre conséquent d'études et de scénarios, menés par différentes associations et entreprises, publiés sur le sujet de la mobilité, nous avons décidé, avec mon co-rapporteur Stéphane Piednoir, sénateur du Maine-et-Loire, de recenser ces travaux, et d'en proposer des synthèses. Lorsque nous avons, à cette occasion, identifié des divergences sur certaines questions, parmi lesquelles celle relative aux émissions de dioxyde de carbone, nous avons procédé à des comparaisons, en espérant que ce travail complémentaire pourra contribuer à éclairer nos collègues parlementaires et nos concitoyens.
Concernant le sujet de cette première table ronde, nous avons constaté, à l'occasion des échanges menés dans le cadre de notre étude et dans nos départements respectifs, que l'une des questions le plus souvent évoquées était celle des bornes de recharge. En effet, la mise en place d'une infrastructure de recharge des véhicules électriques est l'une des conditions essentielles à leur développement. À cet égard, il nous a semblé particulièrement important d'entendre aujourd'hui les acteurs de terrain, qui sont directement confrontés à cette question. Il s'agit d'une très lourde responsabilité, portée par les collectivités locales. Je pense que cette table ronde va montrer qu'elles savent, même si leurs moyens sont souvent limités, apporter de véritables solutions, adaptées aux particularités de leurs territoires. Les besoins ne sont évidemment pas les mêmes partout, et il est important de prendre en compte les spécificités sociales, économiques et géographiques.
Je donne sans plus attendre la parole à M. Francis Vuibert, préfet honoraire et coordinateur interministériel pour la mobilité électrique, qui joue depuis plusieurs années un rôle central pour la mise en place des infrastructures de recharge des véhicules électriques. Je le remercie d'avoir accepté de nous rencontrer une première fois pour une audition privée, et de venir à nouveau s'exprimer aujourd'hui.
Compte tenu du temps imparti, je vais me contenter, en introduction, de dresser un état des lieux qui servira de base à nos échanges.
L'engagement de la France pour un renouveau de la mobilité électrique remonte à 2010. Il fut à l'époque considéré par certains observateurs comme une singularité hexagonale. Est-il nécessaire de rappeler que le marché du véhicule électrique est devenu, depuis lors, un enjeu mondial, dans lequel s'engouffrent tous les constructeurs automobiles, avec de véritables stratégies de conquête ?
La loi de juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a donné compétence aux communes pour créer et entretenir les infrastructures de recharge nécessaires à l'usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, sous réserve d'une offre inexistante, insuffisante, ou inadéquate sur leur territoire, ce qui était manifestement le cas en 2010. Alors que les premiers véhicules électriques de nouvelle génération arrivaient à peine dans les concessions automobiles, l'État a mis en place dès 2011, puis en 2013, des dispositifs d'accompagnement financier, financés sur le Programme d'investissements d'avenir (PIA), et opérés par la Caisse des dépôts et consignations, puis par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), afin d'encourager l'émergence de réseaux territoriaux d'infrastructures de recharge portés par les collectivités territoriales. Depuis, naturellement, d'autres acteurs, notamment privés, ont également développé des réseaux d'infrastructures.
Quelle est aujourd'hui la situation du réseau national d'infrastructures de recharge ?
Le premier recensement disponible, datant de juillet 2012, faisait état de 1 800 points de recharge identifiés accessibles au public. Au 15 novembre 2018, on dénombre 10 152 stations de recharge ouvertes au public, ce qui représente 23 318 points de recharge. Je précise qu'une station peut compter une ou plusieurs bornes, offrant chacune un ou deux points de recharge, avec éventuellement la capacité à recharger simultanément plusieurs véhicules. Ce recensement correspond à un ratio d'un point de recharge pour 6,7 véhicules électriques actuellement en circulation dans notre pays. Je rappelle à ce propos que la directive européenne de 2014 sur les carburants alternatifs mentionnait, à titre indicatif, que le ratio adéquat devrait être d'un point de recharge pour dix véhicules électriques en circulation.
Selon une analyse effectuée en septembre 2018, 67 % des stations de recharge ouvertes au public en France ont été aménagées par des collectivités territoriales, essentiellement des syndicats départementaux d'énergie, avec le concours financier de l'État. Ces réseaux assurent un maillage territorial dans 70 départements métropolitains. Ils sont complétés par des stations de recharge mises en place par des opérateurs privés, parmi lesquels des concessions automobiles, des enseignes de grande distribution ou des gestionnaires de parkings. On notera que, depuis la clôture des appels à projets de l'ADEME en 2017, d'autres territoires, régions, départements, syndicats départementaux d'énergie, et établissements publics de coopération intercommunale, se sont engagés dans la création et l'installation de nouveaux réseaux d'infrastructures de recharge, ce qui signifie que les zones blanches apparaissant sur certaines cartes continuent de diminuer de façon notable, puisque je n'ai à ce jour identifié que sept départements pour lesquels je n'ai connaissance d'aucun projet d'installation de bornes.
Sur le réseau autoroutier national, après l'achèvement en 2016 du réseau de recharge Corri-Door, porté par SODETREL, devenu IZIVIA, de nouvelles stations pouvant délivrer de la très haute puissance commencent à être installées sur les aires de service, avec une perspective de plus de 200 stations supplémentaires d'ici à 2022.
Concernant les points de recharge privés, une estimation réalisée par ENEDIS fait état, au premier trimestre 2018, de 91 800 points de recharge installés dans les entreprises pour alimenter les flottes automobiles, et de 68 900 situés chez des particuliers.
Je vous remercie, M. Vuibert, pour ce propos introductif. La parole est à présent à M. Jean-Luc Davy, qui va s'exprimer essentiellement en tant que président de l'Association des maires de Maine-et-Loire. Il est également président du syndicat intercommunal d'énergies de ce département.
Nous sommes très heureux de participer à cette audition, afin de vous apporter notre témoignage et de vous faire part des actions menées dans le Maine-et-Loire.
Je suis président de l'Association des maires de Maine-et-Loire, département qui compte un peu plus de 800 000 habitants. Il s'organise autour de trois grandes agglomérations, Angers, Cholet et Saumur, avec un tissu rural maillé d'unités urbaines importantes. Il nous a semblé, voici quelques années, suite à une rencontre avec le préfet Vuibert et aux expériences menées dans les départements voisins, notamment la Vendée et l'Indre-et-Loire, qu'il serait intéressant que le syndicat intercommunal d'énergies du Maine-et-Loire se saisisse de la question de la mobilité électrique, avec un plan de déploiement couvrant l'ensemble du département. Ce chantier s'est traduit par la pose de la première borne en 2015 et s'est achevé début 2017.
Le réseau départemental d'infrastructures de recharge de véhicules électriques, baptisé SmiléMobi (Smilé étant l'anagramme de SIÉML), est aujourd'hui parfaitement équilibré et interopéré. Je précise que cette opération s'effectue en pleine concertation avec notre concessionnaire ENEDIS, dont je salue les représentants ici présents. Nous avons ainsi implanté dans le Maine-et-Loire 186 bornes de 18 kilovoltampères (kVA), dites « bornes accélérées », chacune munie de deux points de charge. Le réseau est ainsi assez homogène, avec la présence d'au moins une borne tous les vingt kilomètres, soit une borne au minimum sur chacun des 41 anciens cantons du département, en fonction de la densité urbaine. La ville d'Angers compte par exemple 18 bornes.
Ce premier plan 2016-2017 vient d'être complété fin 2017 avec l'implantation de dix bornes rapides, disposant de trois standards de prises : type 2, Combo et ChadeMo. Les 186 bornes accélérées impliquent que les automobilistes aient dans leur coffre le câble de recharge adapté, tandis que les bornes rapides sont, sur le modèle des stations-service, munies des trois câbles, selon le type de prise nécessaire.
Nous avons dès le départ décidé d'une tarification sur l'ensemble du service de recharge, considérant que l'investissement de deniers publics impliquait en retour une participation de l'utilisateur. Deux systèmes ont ainsi été conçus pour l'utilisation des bornes accélérées : d'une part, un badge RFID (Radio-frequency identification), avec un système d'abonnement souscrit auprès de notre concessionnaire sur cette application, Bouygues Énergies et Services, d'autre part, une application pour l'itinérance, sur smartphone, avec un paiement par carte bancaire. Pour les bornes rapides, a également été mis en place, outre le système RFID, un dispositif de paiement par carte bancaire. À titre d'exemple, une heure de connexion coûte un peu moins de 4 euros.
Ce réseau départemental est donc aujourd'hui relativement bien maillé, notamment grâce à l'implication du syndicat intercommunal d'énergies. Nous avons bien évidemment travaillé avec les syndicats voisins, au sein du pôle Énergie Pays de la Loire, réunissant les cinq autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) de ce territoire. Nous avons établi dans ce cadre une convergence tarifaire, afin de proposer les mêmes tarifs sur les quelque 500 bornes réparties sur les cinq départements des Pays de la Loire. Nous travaillons bien évidemment sur la question de l'interopérabilité, qui est une réalité aujourd'hui.
Nous avons réalisé un marché englobant la totalité du dispositif, de la pose de la borne jusqu'à la maintenance, en passant par les systèmes de paiement. Bouygues Énergies et Services, qui a obtenu ce marché, a mis en place un réseau baptisé Alizé, étendu progressivement à des départements voisins, notamment l'Ille-et-Vilaine, la Vendée et la Mayenne.
Par ailleurs, nous avons contractualisé avec la plateforme GIREVE (Groupement pour l'itinérance des recharges électriques de véhicules), qui nous permet de travailler sur le développement de l'itinérance entrante et sortante. De nombreux autres opérateurs ont signé la charte d'itinérance : je pense notamment à CHARGEMAP, NEW MOTION, et aux syndicats départementaux d'énergie voisins. Nous disposons aussi de conventions pour l'itinérance sortante, ainsi que d'une convention avec KIWHI PASS. Nous essayons ainsi de travailler avec l'ensemble des partenaires présents sur la place publique.
Depuis deux ans, le bilan des charges enregistrées fait apparaître que les utilisateurs du Maine-et-Loire rechargent aussi dans les Landes, les Bouches-du-Rhône, etc. Nous enregistrons par ailleurs une augmentation constante des chargements via CHARGEMAP, qui représente 80 % de l'itinérance entrante.
Nous avons conscience d'être aujourd'hui à la croisée des chemins, puisque ce secteur d'activité est devenu très concurrentiel, alors qu'il se caractérisait, lorsque nous avons initié ce vaste chantier voici trois ans, par une véritable carence de l'initiative privée. Les acteurs présents proposent une offre très différenciée. SODETREL est développé principalement sur les aires d'autoroute, mais pas seulement, puisque l'une de ses bornes est implantée sur le parking de Beaucouzé, en périphérie d'Angers. Nous disposons ainsi de trois bornes SODETREL de 50 kVA dans le département, dont deux sur le réseau autoroutier. Le consortium de constructeurs allemands IONITY a construit une station de six superchargeurs de 100kVA Combo sur l'aire d'autoroute des Portes d'Angers, ce qui pose la question de la charge très importante induite sur le réseau électrique. TESLA, de son côté, prévoit un développement similaire quasiment au même endroit, à l'intersection des autoroutes A11 et A87, pour un ravitaillement réservé aux véhicules de cette marque. Enfin, les concessionnaires automobiles, tels que Renault ou Nissan, proposent généralement une offre de recharge, tout comme la grande distribution.
L'équilibre économique, qui était déjà difficile à appréhender lorsque nous étions seuls, est introuvable aujourd'hui, du fait de cette relative pression concurrentielle, ajoutée à divers autres facteurs. Le SIÉML ayant fait le choix de mettre en place un concours économique, par opposition à une délégation de service public, nous ne sommes pas à l'équilibre financier. Nous avons investi 2,3 millions d'euros pour déployer les 186 bornes accélérées et les 10 bornes rapides. Pour ce faire, nous avons bénéficié d'aides importantes de l'ADEME, à hauteur de 50 % du coût des bornes accélérées et de 30 % de celui des bornes rapides, ainsi que de la Région des Pays de la Loire. Notre budget est toutefois en déséquilibre, puisqu'au-delà de l'investissement, le budget d'exploitation est de 100 000 euros, avec un budget de communication important de 50 000 euros nets. Il faut savoir par ailleurs que les recettes d'exploitation ne dépasseront pas 30 000 euros en 2018.
Je vous remercie, M. Jean-Luc Davy. Je passe maintenant la parole à M. Jean-Clair Fayolle, directeur de la Fédération départementale d'énergie du Lot.
Je souhaite tout d'abord vous faire part de mes remerciements et de ceux de M. Jean-Claude Bessou, président de la Fédération départementale d'énergie du Lot, qui n'a pu être présent ce matin, de nous avoir invités à participer à cette audition.
La Fédération départementale d'énergie est un syndicat départemental créé en 1995. Il a pour principale compétence la distribution d'électricité, mais dispose aussi de compétences optionnelles, en matière de distribution publique de gaz, d'éclairage public et, depuis quelque temps, de bornes de recharge. Il a été présidé depuis sa création jusqu'en octobre dernier par M. Jean-Claude Requier, auquel vient de succéder M. Jean-Claude Bessou.
Nous nous sommes engagés dans le déploiement des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE) dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir, en tenant compte des particularités de notre département. Le Lot est en effet un territoire très rural, comportant 85 % de logements individuels, ce qui est très supérieur à la moyenne nationale, qui, elle, est de l'ordre de 55 %, avec pratiquement à chaque fois la possibilité pour les habitants de recharger de façon privée. En outre, ce département a une vocation touristique affirmée, avec des sites remarquables et fréquentés, en particulier par les touristes étrangers. Il se caractérise également par un pourcentage élevé de résidences secondaires, supérieur à 20 %. On observe ainsi, en fin de semaine mais surtout en période estivale, un accroissement important de la population et de la circulation. Ces deux spécificités que sont la dominante de logements individuels et la composante touristique nous ont conduits à promouvoir l'itinérance, d'une part, en implantant des bornes à des emplacements stratégiques, près des axes de circulation, des centres de vie ou d'activité économique, et des lieux touristiques, d'autre part, en facilitant la rotation rapide des véhicules électriques, de façon à ne pas mobiliser l'espace public et à ne pas pénaliser les utilisateurs en les obligeant à rester plusieurs heures sur place, le temps que la recharge s'effectue. Il est enfin impératif de prévoir des bornes utilisables par tous les véhicules électriques, quels qu'ils soient, aussi bien ceux qui rechargent prioritairement en électricité alternative, distribuée par le réseau, que ceux qui utilisent prioritairement le courant continu. Ces deux cas impliquent des bornes différentes : la borne accélérée recharge en courant alternatif et la borne rapide essentiellement en courant continu.
C'est ce choix de l'itinérance qui a été privilégié dans l'élaboration du plan de déploiement du Lot, présenté à l'ADEME, adopté en juin 2015, et dont l'application a été lancée en 2016. Nous nous sommes alors posé deux questions dans la perspective de ce déploiement : il s'agissait pour nous de savoir, d'une part, s'il nous fallait agir seuls, d'autre part, s'il convenait de scinder sa réalisation en plusieurs parties : fourniture, pose, maintenance des bornes, supervision, et partie monétique. Après réflexion, nous avons décidé de ne pas oeuvrer seuls et de nous grouper avec dix syndicats d'énergies départementaux d'Occitanie, ainsi qu'avec les deux métropoles de Toulouse et de Montpellier. Cette démarche a conduit à un groupement de commandes très conséquent, et a permis le lancement d'une consultation européenne pour la construction de plus de 900 bornes, remportée par l'entreprise Bouygues Énergies et Services. Ceci a également permis d'appliquer un tarif uniforme dans la quasi-totalité de l'Occitanie, c'est-à-dire dans les dix départements et les deux métropoles.
Pour ce qui est de la réalisation proprement dite, nous avons choisi un marché global, l'idée étant que l'entreprise qui en serait titulaire effectue à la fois la fourniture, la pose, la maintenance, la supervision, et la monétique des bornes, de façon à ne pas éparpiller les responsabilités. Nous constatons aujourd'hui, dans certaines structures n'ayant pas fait ce choix, que lorsqu'un dysfonctionnement survient, l'organisme chargé de la supervision met, par exemple, en cause la structure qui effectue la maintenance, et réciproquement. N'avoir à traiter qu'avec un seul prestataire constituait pour nous un critère important, dans la mesure où il s'agissait d'un domaine nouveau, dont nous ignorions le fonctionnement. Nous nous félicitons aujourd'hui d'avoir effectué ce choix, qui s'avère très positif.
Il a ensuite fallu, une fois ce travail accompli, recueillir l'approbation des communes, qui participent au déploiement. Nous leur avons proposé quatre options : une seule borne rapide, deux bornes rapides en station, une seule borne accélérée ou deux bornes accélérées en station. Nous avons été extrêmement surpris de constater que la plupart des communes identifiées dans le schéma initial validé par l'ADEME nous ont suivis sur le choix des bornes rapides ; d'autres sont même venues s'y ajouter. La présence de bornes rapides n'est peut-être pas toujours complètement pertinente aujourd'hui dans ces quelques derniers cas, qui n'avaient pas été identifiés à l'origine comme étant des centres stratégiques. Mais elle pourrait le devenir à l'avenir. Nous avons ainsi installé au total 62 bornes, dont 56 rapides et 6 accélérées. À titre de comparaison, sachez que l'Occitanie, incluant le Lot, compte actuellement 1 014 bornes accélérées et 106 bornes rapides, ce qui signifie que le petit département du Lot, de seulement 175 000 habitants, abrite plus de la moitié des bornes rapides publiques de la région.
Il s'agit véritablement là d'un choix stratégique, dont l'avenir nous dira s'il était pertinent ou pas. En tout cas, il est onéreux, puisque le montant des travaux s'est élevé à 1,55 million d'euros, financés à hauteur de 31 % par l'État, par l'intermédiaire de l'ADEME, de 14 % par le conseil départemental du Lot, de 14 % par les communes et de 41 % par le syndicat. L'alimentation électrique de toutes ces bornes est effectuée par une énergie renouvelable. Pour ce faire, nous avons passé un marché d'électricité spécifique.
La mise en place des bornes n'est pas simple, car elle impose de faire face à des contraintes très spécifiques, liées en particulier à la nécessité d'un choix d'emplacement central, qui se situe souvent, dans notre département, dans un périmètre protégé, en raison du site lui-même ou de la présence de monuments historiques. Il faut également que le poste d'alimentation soit implanté à proximité, et qu'une liaison 3G ou 4G soit possible, afin que les bornes puissent communiquer. Toutes ces contraintes font que la mise en place d'une borne dans un village n'est pas toujours aussi aisée qu'on pourrait l'imaginer.
Toutefois, nous sommes globalement très satisfaits de la façon dont les choses se déroulent. Les durées de recharge des bornes rapides par rapport aux bornes accélérées sont sans commune mesure, de l'ordre d'un à dix. Les bornes communiquent entre elles grâce à différents systèmes, détaillés précédemment par le président du syndicat intercommunal d'énergies du Maine-et-Loire, et sur lesquels je ne reviendrai pas. En outre, le regroupement à l'échelle de la région Occitanie permet au site Internet « reveocharge.com » de donner accès à de très nombreuses bornes, et facilite le développement de cet usage. Ce dispositif constitue une illustration très pertinente de la façon dont on pourrait organiser le service.
Merci, M. Jean-Clair Fayolle. Pourriez-vous, avant que nous poursuivions, préciser la différence entre une borne rapide et une borne accélérée ?
La définition juridique de ces bornes découle de la directive européenne : une borne de recharge normale délivre jusqu'à 22 kW, ou kilovoltampères, une borne rapide, à haute ou très haute puissance, se situe au-delà de ce seuil.
Préalablement à l'adoption de cette directive européenne, la recharge normale se situait, en France, entre 3,7 et 11 kW, et la recharge accélérée à 22 kW. Le terme « accélérée » a aujourd'hui tendance à disparaître du vocabulaire. On parle donc désormais de borne de recharge normale jusqu'à 22 kW et de borne de recharge rapide au-delà. Ainsi, les bornes installées dans le Lot, qui délivrent une puissance de 36 kW, sont des bornes rapides.
Vous avez compris que le réseau est en courant alternatif, et que la borne se recharge en courant continu, ce qui suppose d'installer un convertisseur entre les deux. Plus ce convertisseur est puissant, plus il recharge vite des batteries importantes, mais plus il est aussi volumineux, lourd et cher. Des choix ont dû être effectués dans ce domaine également, la question étant de savoir s'il convenait de placer un gros convertisseur dans la borne ou dans la voiture. De très nombreux pays ont privilégié la première option, en faisant le choix de doter la borne d'un gros convertisseur et la voiture d'un petit, pour pouvoir la charger dans le garage, sur la prise domestique. La borne accélérée à 22 kW est une installation en courant alternatif, qui ne possède pas de convertisseur ; dans ce cas, le convertisseur doit donc être embarqué dans la voiture. Lorsqu'il s'agit d'un véhicule Renault Zoé, équipé d'un gros convertisseur, la recharge s'effectue à 22 kW. Mais les autres voitures, par exemple la Nissan LEAF, extrêmement utilisée en Europe, recharge à 7 kW seulement sur une borne à 22 kW. La recharge dure donc beaucoup plus longtemps, ce qui suscite des récriminations de la part des propriétaires de ces véhicules. En revanche, sur une borne rapide rechargeant directement en courant continu, toutes les voitures rechargent de façon maximale, en fonction de leur propre convertisseur et de leur structure : une Nissan LEAF rechargera ainsi à 36 kW ou à 43 kW, une Zoé à 22 kW. Il s'agit donc d'un modèle de borne plus universel et rapide.
Merci pour ces précisions. Je passe maintenant la parole à M. Emmanuel Charil, directeur général des services du Syndicat intercommunal d'énergies de Maine-et-Loire.
Mon propos s'inscrit dans le prolongement de l'intervention du président Davy, avec un regard peut-être plus technico-économique sur le premier retour d'expérience que nous pouvons dresser après trois ans de déploiement des infrastructures en Maine-et-Loire. Le président a fait état du bilan coûts - avantages, resté positif malgré les coûts d'exploitation et l'investissement initial assez élevés.
Le fait d'être satisfait n'empêche toutefois pas de se poser un certain nombre de questions. C'est en tout cas le sens de mon exposé, qui commence par une analyse des écarts qui ont pu apparaître par rapport au modèle économique établi au début du processus de déploiement, en 2014. L'élaboration d'un modèle économique répondait à une demande des élus, qui étaient sceptiques non face à la démarche elle-même, mais sur le fait que ce rôle soit confié à des opérateurs publics. Un certain décalage a ainsi été constaté par rapport à nos prévisions initiales, qui tient moins au nombre de véhicules en circulation en Maine-et-Loire qu'à l'analyse du comportement même de ces véhicules. Le marché du véhicule électrique est certes un peu en retard par rapport aux prévisions, mais l'écart n'est pas si considérable : on comptait à peine 400 véhicules au début du déploiement, contre environ 2 000 à ce jour, alors que notre prévision était de 2 600. L'écart n'est donc finalement pas énorme.
Le taux de pénétration du véhicule électrique est, en Anjou, légèrement inférieur à 2 %, ce qui correspond à peu près à la moyenne nationale. On observe toutefois de légères disparités, qu'il est intéressant d'analyser. Par exemple, les territoires les plus ruraux connaissent le taux de pénétration le plus élevé en pourcentage, ce qui contribue à balayer l'idée selon laquelle le véhicule électrique serait un phénomène essentiellement urbain. Le taux de vente est en outre corrélé au rythme de déploiement du réseau : le taux le plus faible est ainsi constaté dans le dernier territoire intercommunal à s'être inscrit dans le programme de déploiement et, inversement, le taux le plus élevé se rencontre dans le territoire qui fut le premier à inaugurer une borne.
Ainsi que je le soulignais, le décalage réside moins dans le nombre de véhicules électriques en circulation que dans le comportement de leurs propriétaires. Par exemple, le nombre d'abonnés est très inférieur à nos prévisions : nous comptons ainsi seulement 386 abonnés en 2018, alors que dans nos prévisions nous avions estimé que chaque propriétaire de véhicule électrique serait abonné, soit un total de 2 000. Quelles peuvent être les causes de cet écart ? Il peut s'agir d'un marketing insuffisant. On peut en outre penser que certains propriétaires hésitent à s'abonner car ils rechargent leur véhicule directement chez eux. Sans doute faut-il également prendre en compte le rôle de l'interopérabilité, dans la mesure où il est possible de prendre un abonnement ailleurs que chez nous, et d'utiliser nos bornes. Il faudrait sûrement analyser aussi le comportement des flottes de véhicules d'entreprises, qui est très spécifique.
Le nombre de charges est également assez inférieur à nos prévisions. Nous avions en effet établi dans notre modèle d'affaire un niveau de 3 000 recharges mensuelles, alors que nous n'en sommes qu'à 500. Le réseau 22 kVA est très spécifique et a un rôle quelque peu ingrat, car il est perçu comme un réseau de secours. Nous savions dès l'origine que neuf charges sur dix seraient réalisées sur le lieu de travail ou d'habitation des propriétaires de véhicules électriques, mais ce pourcentage est en réalité certainement encore plus élevé. Il faut admettre que la confiance des « électromobilistes » dans la capacité de leur véhicule est assez forte, si bien qu'ils se passent fort bien du réseau public. Quant aux bornes rapides, même si leur exploitation est encore très récente, elles connaissent une évolution beaucoup plus positive, car elles sont vraiment adaptées à l'itinérance.
Cette dérive par rapport au modèle d'affaire n'est pas notre seul sujet de préoccupation. Nous nous soucions en effet également du caractère inéquitable de la tarification établie par rapport aux modes de fonctionnement des différentes recharges, ce qui a été parfaitement expliqué précédemment par mon collègue. Lorsqu'une tarification a été établie pour la première fois en France, répondant au souhait des élus de ne pas donner le signal que l'on pouvait délivrer de l'énergie gratuitement, notre dispositif tarifaire était basé sur le temps de connexion. Cette tarification présente des avantages, mais on se prive potentiellement de la moitié du marché, constituée de véhicules qui ne peuvent pas bénéficier de la recharge accélérée des bornes 22 kVA. Il s'agit là d'un vrai sujet.
Au-delà, nous rencontrons quelques difficultés de rodage technique, qu'il nous faut aplanir avant d'envisager un développement ultérieur. Les bornes rapides ne sont pas parfaites non plus : il existe une grande incompréhension des usagers sur la question du temps de recharge, particulièrement dans un dispositif basé sur le temps de connexion. Le temps de recharge dépend en vérité de plusieurs facteurs : la puissance de la borne, la capacité de la batterie, le type de chargeur embarqué dans le véhicule, et l'état de la batterie au moment de la charge. Or, les usagers n'en ont pas conscience : ils repartent, consultent la facturation, constatent que cette dernière ne correspond pas aux kilowattheures apparemment délivrés, et nous font part de leur insatisfaction. Il faut alors faire oeuvre de pédagogie. Ceci crée toutefois des différends. Le « parcours usager » est encore perçu comme un cheminement relativement compliqué, malgré tout le soin apporté à l'ergonomie des bornes et des systèmes de paiement. Par ailleurs, il arrive qu'en période de rodage, des bornes présentent quelques dysfonctionnements, dus, par exemple, à un mauvais paramétrage en usine, ou à un problème de connexion GSM, surtout dans les territoires les plus ruraux.
Il m'apparaît vraiment important de se concentrer sur la qualité du service, avant toute phase de développement ultérieur, ce qui passe par un contrôle étroit de l'exploitant, des bornes elles-mêmes, et par la mise en place d'un service de médiation, interne ou externalisé. Nous y travaillons actuellement. Il convient, enfin, d'être très vigilant par rapport aux commentaires diffusés sur les réseaux sociaux, car le témoignage d'une expérience négative emporte très vite l'adhésion de l'opinion.
Nos agents sont aussi des usagers du réseau, puisque notre flotte automobile comporte une douzaine de véhicules électriques. Ils contribuent ainsi à signaler les dysfonctionnements éventuels.
Face à toutes ces questions, nous réfléchissons de manière collective, au sein d'une entente régionale et bientôt interrégionale. Nous essayons ainsi, à l'instar du Sud-Ouest, de créer une dynamique collective avec tous les autres syndicats départementaux d'énergies. Nous nous sommes fixé, pour 2019, l'objectif d'établir une feuille de route pour 2025, passant par la mise en place d'un groupement d'achats qui nous permettra de converger plus facilement sur le plan de l'exploitation, et nous garantira une interopérabilité native par le système d'exploitation. Nous allons également financer une étude prospective pour connaître les évolutions à venir, et anticiper la meilleure manière de nous y adapter : quelle tendance de fond pour la puissance des bornes ? Quelles évolutions techniques et réglementaires ? Comment poursuivre le déploiement du réseau, avec le soutien des deniers publics ?
J'aurais encore de nombreuses remarques, mais je vois que le temps qui m'était imparti est écoulé. Je me tiens à votre disposition pour poursuivre la discussion lors des échanges qui suivront.
Pourriez-vous nous préciser les temps de recharge approximatifs avec chacun des types de bornes ?
Il est très difficile de répondre à cette question, car ce temps dépend d'au moins quatre facteurs : la puissance de la borne, la capacité de la batterie, le type de chargeur embarqué, et l'état de la batterie au moment de la charge. Pour faire simple, je vais prendre l'exemple concret d'une Zoé de première génération, dont la batterie a une capacité de 20 kWh : sur une borne délivrant du 18 kVA, il faudrait, dans l'hypothèse où la batterie serait à sec au moment de la recharge, envisager une bonne heure de recharge. Il s'agit là d'un exemple, qui ne peut être généralisé.
Ma présentation comporte un tableau qui synthétise ces divers éléments.
Je passe maintenant la parole à l'association FIGEACTEURS, représentée par Mme Méryl Parisse, chargée du projet mobilité, et M. Philippe Issart, administrateur, qui remplace aujourd'hui M. Dominique Olivier, président de l'association.
L'association FIGEACTEURS, pôle territorial de coopération économique que nous représentons, va aujourd'hui se faire l'écho des utilisateurs, et non donner un point de vue d'experts, ce que nous ne sommes pas. Ce pôle compte 130 adhérents sur la zone du Figeacois : citoyens, entreprises, acteurs de l'économie sociale et solidaire, réunis pour travailler sur l'attractivité du territoire, avec une approche de développement durable. Cette attractivité, en milieu rural, passe, comme l'a souligné M. Jean-Clair Fayolle, par la mobilité, notamment dans un contexte professionnel, pour les trajets domicile - travail, avec des déplacements de 30 kilomètres par jour en moyenne, pour un coût annuel d'environ 2 300 euros supporté par les salariés.
Cette problématique des trajets domicile - travail se posant fortement, nous avons lancé un groupe d'action d'entreprises, notamment avec M. Philippe Issart, qui est administrateur de l'association, mais aussi président-directeur-général d'une société dans le Figeacois. Nous avons, avec les entreprises participantes, lancé des actions visant à réduire le nombre de trajets en véhicules thermiques pour se rendre au travail. Ceci s'est tout d'abord traduit par une sensibilisation des quelque 3 000 salariés de ces entreprises sur l'impact, notamment écologique, de leurs trajets, afin de favoriser une prise de conscience. Les entreprises du groupe équipées de véhicules électriques ont ensuite proposé à leurs salariés de co-voiturer avec ces véhicules pour rentrer chez eux. Des équipages de covoiturage se sont ainsi constitués. Nous avons également mis en oeuvre des actions de sensibilisation, en achetant de façon groupée des véhicules électriques : ceci s'est concrétisé par vingt-cinq nouveaux achats dans les entreprises participantes. Enfin, des événements grand public ont été organisés, pour permettre aux gens de tester des véhicules électriques et de se faire ainsi leur propre opinion.
Concernant le point spécifique des infrastructures de recharge, la première question que se posent généralement les utilisateurs potentiels de véhicules électriques est celle de l'autonomie. Or, on observe que, dès lors qu'une personne devient utilisatrice, cette question ne se pose plus, puisque le lieu de charge est finalement celui où l'on se gare habituellement, c'est-à-dire chez soi. En milieu rural, cet élément est très fort, puisque la plupart des particuliers rechargent leur véhicule chez eux, non sur les bornes publiques. À titre personnel, j'ai une Zoé depuis un an et demi, et n'ai utilisé qu'une seule fois une borne publique. Par ailleurs, je la recharge la plupart du temps en la branchant sur le secteur : les gens ignorent souvent qu'il suffit d'une prise classique pour recharger son véhicule à la maison, pendant la nuit par exemple. Les bornes publiques concernent donc essentiellement les personnes résidant dans des immeubles, ou ne possédant pas de prise électrique dans leur garage.
Pour ce qui concerne les entreprises, je laisse la parole à M. Issart.
Depuis plus d'un an que nous expérimentons ce dispositif, il apparaît que nous rechargeons très traditionnellement les véhicules électriques de notre flotte sur nos parkings, avec des prises domestiques. Dans 5 à 10 % des cas, lorsque des enchaînements de missions nécessitent de repartir dans des délais brefs, ou lorsque nous laissons ces véhicules à disposition des salariés qui les ramènent déchargés le matin, nous utilisons la borne publique de recharge rapide.
D'autres collègues ont privilégié l'installation de bornes semi-rapides, ou accélérées, sur leurs parkings. Nous encourageons d'ailleurs cette démarche, pour des raisons évidentes de disponibilité. En revanche, se pose encore un problème de coût d'installation, pour l'instant relativement rédhibitoire.
Ceci étant, il nous apparaît nécessaire et indispensable de disposer de bornes publiques à recharge rapide, telles que celles implantées dans le Lot. Elles présentent, en effet, un avantage concurrentiel non négligeable sur le plan technologique : un coût que l'entreprise ne supporte pas directement. Il m'apparaît nécessaire de souligner que les 5 à 10 % d'utilisation de bornes publiques sont quasiment vitaux pour l'entreprise, et qu'il est important de les pérenniser.
Pour autant, se pose une difficulté d'accès au service, dans la mesure où nos déplacements ne se limitent pas au Lot ou à l'Occitanie. Il conviendrait donc d'harmoniser les opérateurs, car il n'est guère envisageable de multiplier les cartes d'abonnement ou les chargements d'applications sur les smartphones, avec des utilisations parfois compliquées. Il faudrait prévoir davantage d'agilité dans ce domaine, notamment en matière de paiement, en développant le paiement sans contact ou le paiement classique par carte bancaire, comme sur les pompes à essence.
Au-delà de la charge, le déploiement du véhicule électrique est un sujet global. L'approche par l'infrastructure n'est assurément pas la seule, et peut-être pas la bonne, puisque le principal frein est surtout psychologique, en termes de changement de pratiques. Cet obstacle ne pourra être levé que par des actions de sensibilisation et d'animation auprès du public. Nous avons ainsi pu observer, lors d'événements tels que des rallyes en véhicules électriques que nous avons organisés à Figeac, que l'essai des véhicules par les utilisateurs potentiels permet de casser les préjugés, et de diffuser des informations. La sensibilisation et l'ingénierie d'animation sont donc des éléments cruciaux, sur lesquels il est très important d'investir dans les territoires, afin de promouvoir un changement des pratiques. Ceci permettrait certainement d'augmenter les résultats d'usage, sachant que les collectivités investissent dans des infrastructures coûteuses, souvent sous-utilisées à l'heure actuelle.
Au risque d'être hors sujet, il nous paraît, par ailleurs, essentiel d'insister sur la nécessité de rendre l'achat des véhicules plus accessible. Les bornes ne serviront à rien s'il n'y a pas de véhicules électriques à recharger. Il est donc important de développer une attractivité commerciale, tant sur le bonus écologique que sur la prime de conversion, qui ont été rabotés et complexifiés en 2018. La location des batteries constitue également un frein à l'usage personnel et professionnel de ces véhicules.
Il nous semble très important de préciser que l'entreprise peut être un catalyseur pour le changement d'habitudes de nos concitoyens, qui sont aussi nos salariés. Nous pouvons être des accélérateurs de la transition écologique, par l'exemple que nous donnons en matière d'utilisation des véhicules électriques. Or, nous observons trois points de blocage au niveau de l'entreprise, qu'il faudrait lever : il s'agit du déplafonnement de l'amortissement à 30 000 euros pour l'achat du véhicule, de l'assujettissement à la TVA pour les véhicules électriques, y compris lorsqu'ils sont de tourisme : acquisition, entretien, et exonération de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVTS), et, enfin, du comportement de l'URSSAF, qui nous redresse systématiquement en considérant comme avantage en nature le fait de mettre ces véhicules à disposition de nos salariés pour effectuer du covoiturage entre leur domicile et le lieu de travail. Ceci nous semble pourtant très important en matière de transition écologique, mais aussi pour rendre du pouvoir d'achat à nos salariés, ce qui prend tout son sens dans le cadre des manifestations des « Gilets jaunes ».
Un arrêt de la Cour de cassation nous a quelque peu rassurés, en donnant raison à l'entreprise Colas dans le prêt de véhicules à ses salariés : peut-être pourrait-il être entériné par une loi.
En conclusion, il nous apparaît que la recharge publique doit être rapide afin d'apporter un avantage concurrentiel. L'abord par l'infrastructure n'est en outre pas le seul moyen de promouvoir le déploiement du véhicule électrique. Sans doute faut-il aller plus loin. Si l'on veut réaliser la transition écologique, la question centrale n'est peut-être pas celle de la voiture, mais celle du paradigme global de la mobilité. Que la voiture soit électrique, thermique ou autre, je pense que le débat se situe essentiellement au niveau des usages de mobilité. Il est important, dans cette perspective, d'encourager, par exemple, des pratiques comme le covoiturage, l'autopartage ou la gestion de flotte mutualisée telle que nous l'avons testée à petite échelle, modestement, mais de façon très intéressante et instructive dans le Lot.
Vous avez évoqué les freins, notamment législatifs. Je souhaite rappeler que le projet de loi d'orientation des mobilités est actuellement en préparation. L'objectif de notre mission étant aussi de prendre en compte le cadre législatif, ces aspects seront abordés dans notre rapport. Je crois que M. le préfet Vuibert souhaitait apporter quelques précisions ?
Je trouve ce témoignage d'utilisateurs très intéressant. Vous avez fait part de votre souhait de pouvoir réaliser le paiement avec une carte bancaire. Lorsque les réseaux co-financés par l'ADEME ont été lancés, le seul moyen de paiement existant dans ce domaine était le dispositif du terminal traditionnel, dont le coût d'équipement et d'installation représentait un tiers du prix d'une borne. Cette option n'a donc pas été retenue, pour les raisons que l'on comprend. À l'époque, les dispositifs de lecture sans contact des cartes bancaires étaient en effet encore balbutiants. Il était donc hasardeux d'en généraliser l'usage. En admettant que des dispositions soient prises aujourd'hui pour imposer la présence de ce type de moyen de paiement, il est probable que la même question se posera à nouveau rapidement, avec de nouvelles technologies de paiement, plus modernes, comme le paiement par l'intermédiaire des téléphones intelligents. Il s'agit donc d'une course sans fin.
Nous sommes dans un écosystème émergent. En 2010, lorsqu'a été lancée une politique publique en faveur du véhicule électrique, aucun n'était encore disponible dans les concessions automobiles françaises ; le premier est arrivé fin 2010. En huit ans, des progrès considérables ont été accomplis, à la fois technologiques, techniques et sur le plan des usages. Pour autant, nous sommes encore au début du processus. Il faut en être conscient. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu, par un texte quelconque, l'encadrer de façon trop forte. Ceci concerne notamment les modalités de paiement, car être trop restrictif faisait courir le risque d'enfermer tout l'écosystème dans un cadre qui se serait révélé obsolète au bout de quelques mois ou années.
Je retiens aussi de votre exposé que le meilleur prescripteur du véhicule électrique n'est ni le constructeur automobile, ni l'État, mais l'utilisateur lui-même. Ceci se mesure parfaitement à la faveur des échanges que nous pouvons avoir, tant dans le monde de l'entreprise qu'auprès des particuliers. La Poste, qui a disposé pendant longtemps de la première flotte mondiale de véhicules utilitaires électriques, en fournit un très bon exemple : ses agents qui conduisent un véhicule électrique ne voudraient pour rien au monde revenir à un véhicule thermique. Ils constituent, à la fois dans le cadre de leur activité professionnelle en contact avec le public et dans leur vie privée, d'ardents prescripteurs de ce mode de locomotion.
En revanche, je vous suis moins lorsque vous indiquez qu'il faudrait trouver des solutions en faveur de l'itinérance. Les dispositifs mis en place dans les deux territoires représentés aujourd'hui permettent, avec la carte émise par un syndicat, d'aller bien au-delà des limites du département, sur le réseau concerné mais aussi au-delà, grâce à des accords d'itinérance passés avec la quasi-totalité des réseaux en France. Si la recharge en itinérance connaît encore des balbutiements et des difficultés liées à la mise en service de dispositifs innovants, il faut tout de même avoir conscience des progrès accomplis dans ce domaine en quelques années seulement. Grâce aux accords d'itinérance et à la plateforme GIREVE, ces problèmes sont réglés, ou en cours de règlement. Il existe ainsi un réseau régional en France qui, cette année, a vu 30 % de ses recharges s'effectuer en itinérance.
Nous allons à présent passer à la phase d'échange de questions et de réponses.
Il ne s'agit pas d'une question, mais d'une réponse aux doléances formulées par les représentants de FIGEACTEURS à propos des entreprises. Il faut savoir que le plafonnement de la valeur prise en compte pour un véhicule électrique, dont le tarif d'achat est beaucoup plus important que celui d'un véhicule thermique, a été relevé.
Concernant la question des avantages en nature, nous sommes en train de batailler sur ce sujet, afin de lever tous les freins que vous avez mentionnés. Nous avons déjà obtenu quelques victoires, dans le sens d'une simplification de tous ces dispositifs pour les entreprises.
Je souhaite à mon tour saluer et remercier l'ensemble des participants à cette audition publique, qui vient compléter les auditions privées déjà réalisées dans le cadre du rapport que nous sommes chargés d'élaborer pour le début de l'année 2019.
J'aurais deux questions à formuler dans le prolongement des interventions des représentants de l'association FIGEACTEURS. Vous avez présenté l'aspect psychologique comme le principal frein au développement de l'utilisation des véhicules électriques. Je pense qu'il contribue effectivement à la réticence à franchir le cap et à acheter un véhicule électrique. Il existe aussi, indéniablement, un frein financier à l'achat. Les usagers ne raisonnent pas encore en coût d'usage global, et le reste à charge, déduction faite de la prime de 6 000 euros, est encore de l'ordre de 16 000 ou 17 000 euros. Il s'agit d'une dépense que la plupart des foyers ne peuvent pas se permettre. Il faut trouver un moyen de globaliser le coût d'usage sur la durée de vie d'un véhicule.
J'ai vu le préfet Vuibert réagir lorsque vous avez indiqué que la recharge à domicile, sur une prise normale, suffisait. On sait en effet que des accidents se produisent parfois. Nous avons d'ailleurs pu le vérifier, y compris en Norvège, où nous nous sommes rendus, et où ce type de recharge est très déployé. Je crois donc qu'il existe à ce sujet une légère divergence de points de vue.
Il convient de préciser que la prise doit être adaptée à la recharge du véhicule électrique et disposer d'un ampérage plus important, permettant ainsi d'assurer la sécurisation de cette dernière. On ne peut recharger son véhicule sur n'importe quelle prise.
En Norvège, la majorité de la recharge s'effectue sur des prises domestiques normales, avec un nombre d'accidents et d'incendies provoqués par la recharge d'un véhicule électrique que nous ne connaissons fort heureusement pas en France.
J'ai été très impressionné par la montée en puissance des bornes décrite par M. Vuibert, entre les 1 800 points de 2012 et les 23 318 actuels, répartis en plus de 10 000 stations. Je ne disposais pas de cette vision globale. Qui sont les principaux opérateurs dans ce domaine ? Quelle est la part des collectivités locales ? Quel est le marketing de chacun de ces opérateurs ?
Par ailleurs, j'ai beaucoup apprécié les deux interventions départementales, qui montrent parfaitement le lien entre l'usage et les spécificités de chaque territoire. Il est évident qu'un département profondément touristique a une clientèle et des besoins différents d'un département plus en marge de ce type d'activité.
67 % des bornes et stations de recharge ouvertes au public sont opérées par des collectivités territoriales qui ont bénéficié du PIA. S'ajoutent à cela 4 % de stations créées par des collectivités territoriales sans l'aide du PIA, soit parce que l'installation était marginale à l'époque, soit parce que ceci correspondait au début d'une nouvelle mobilisation de collectivités n'ayant pas pu ou voulu bénéficier du soutien financier de l'État. Par ordre décroissant, viennent ensuite certaines concessions automobiles, qui mettent à la disposition de tous les conducteurs une borne de recharge sur leur parking, puis les bornes installées sur les parkings des grandes surfaces commerciales, dont le nombre va croissant. Dans ce dernier cas, le modèle économique est simple : les enseignes qui investissent dans l'implantation d'une, deux, voire trois bornes n'espèrent pas en amortir le coût en facturant la recharge aux alentours de deux euros, mais espèrent que pendant les vingt minutes que dure en moyenne une recharge, les personnes vont entrer dans le magasin et y faire des achats.
Heureusement, dans notre pays, des collectivités territoriales, quelle que soit la configuration, syndicats, établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ou autres, ont joué un rôle pionnier pour mailler le territoire. L'exemple des pays nordiques montre que, dans ce sillage, se développent des initiatives privées d'installation et d'exploitation d'infrastructures de recharge, avec un modèle économique basé sur un retour d'investissement à moins de cinq ans. Nous sommes à une croisée des chemins.
Vous avez évoqué les concessionnaires automobiles et les grandes surfaces ; mais existe-t-il des exploitants privés pour ces réseaux ?
Ils vont arriver.
Je pense par exemple aux exploitants de parkings, comme Vinci. Il m'est également arrivé de voir une station Tesla sur une aire autoroutière.
Les bornes Tesla ne permettent pas de recharger tous les véhicules.
Je cherche en fait à connaître les parts de marché et les motivations des différents acteurs.
J'ai cité le modèle économique mis en oeuvre par les grandes enseignes.
Le consortium allemand qui est en train d'installer 400 stations en Europe, susceptibles de déployer de la recharge à très haute puissance, a quant à lui un modèle économique très simple : il faut que le réseau existe avant ou au moment où les véhicules capables d'absorber cette puissance arriveront sur le marché, c'est-à-dire en 2020. Il est vraisemblable que les acquéreurs de ces véhicules premium, susceptibles d'absorber de la très haute puissance, paieront un petit morceau de chaque station dans le prix d'achat de leur véhicule, même si par ailleurs la recharge pourra être payante.
Par ailleurs, certaines entreprises offrent leurs services à d'autres entreprises ou à des collectivités locales pour installer, exploiter, et gérer des micro-réseaux d'infrastructures de recharge. Des entreprises de ce type existent aussi pour installer des points de recharge privés dans des copropriétés, où on rencontre encore des difficultés pour exercer le droit à la prise, pourtant instauré en 2010.
Merci beaucoup à tous les intervenants pour la clarté de leurs propos. Il en ressort l'impression que les questions les plus délicates se situent au niveau de l'économie plus que de la technologie, en particulier au regard de l'adoption de ces véhicules par les utilisateurs, avec un aspect culturel et un facteur économique, en raison d'un coût important à l'achat. Quelles sont les perspectives raisonnables d'évolution des prix des véhicules concernés ?
Sachant que, pour un véhicule électrique, la répartition des coûts dans le temps n'est pas la même que pour un véhicule à énergie fossile, est-il possible d'imaginer d'autres mécanismes financiers que ceux dont nous disposons actuellement pour subventionner l'achat de véhicules électriques ?
Du point de vue de la puissance publique, comment se présente l'équation économique ? Avec un véhicule électrique, une partie importante de la valeur ajoutée se situe dans les batteries, dont la production s'effectue ailleurs, bien souvent en Asie, parfois en Amérique, en tout cas avec un modèle économique qui, au plan macroscopique, décale la valeur ajoutée de l'Europe vers d'autres continents. Quelles sont pour nous les implications de ce modèle ? Retombons-nous finalement sur nos pieds au niveau macroéconomique continental, ou faudrait-il relocaliser une partie de cette valeur, par exemple avec la mise en place, à l'échelle de l'Europe, d'industries fabriquant des batteries ?
La question du partage de la mobilité a été abordée très clairement par Mme Méryl Parisse. Si l'on a en tête la réduction globale des émissions carbonées et le confort des utilisateurs, on ne peut faire l'économie d'évoquer cette notion. On se trouve ici aussi confronté à un mélange de difficultés d'information, de culture d'adoption, et de modèles économiques assez variés. Comment percevez-vous, les uns et les autres, le futur et la trajectoire de mise en place de ces solutions de partage ?
J'apporterai une précision économique relative à l'acquisition. Vous avez évoqué à mots couverts l'exemple de la Renault Zoé, avec un reste à charge pour l'acheteur de l'ordre de 17 000 euros. Nous avons pu, dans le cadre des négociations menées par FIGEACTEURS, abaisser ce montant jusqu'à 14 000 euros. Il reste toutefois extrêmement dissuasif pour un foyer. Ceci étant, l'entreprise elle-même génère, à court terme, un marché de l'occasion. Dès lors que le véhicule va être amorti comptablement par l'entreprise, c'est-à-dire au bout de trois ou quatre ans, nous le cédons en interne, à des conditions de prix largement plus abordables pour nos collaborateurs. Pour l'instant, le problème tient au fait que l'URSSAF procède à des redressements à notre encontre, sur la base de la différence entre la valeur vénale du véhicule et le prix de cession. Nous avons ainsi négocié, dans le cadre de FIGEACTEURS, qu'une vingtaine de véhicules seraient amortis en quelques années, et que nous pourrons les céder en interne, sans passer par des intermédiaires. Ceci relève, selon nous, d'une forme de responsabilité sociétale de l'entreprise au sens large, bien que nous courions le risque d'un problème avec l'URSSAF.
Pourriez-vous nous donner un exemple précis ?
Imaginons, par exemple, que le véhicule en question soit coté 10 000 euros et que nous décidions de le céder en interne à l'un de nos collaborateurs au prix de 5 000 euros ; l'URSSAF considère alors les 5 000 euros de différence comme des avantages en nature, et nous fait payer sur cette somme 20 % de cotisations salariales et 40 % de charges sociales. Ceci est loin d'être anecdotique.
Il est très intéressant d'avoir pu clairement identifier ce point, sur lequel nous éprouverons peut-être, le moment venu, le besoin d'agir.
Vous avez évoqué, sur le plan économique, le problème du paiement, et sa complexité. Comme le soulignait le préfet Vuibert, les technologies évoluent si rapidement qu'il faut avoir la sagesse de reconnaître que tout va changer, mais que l'on ne sait pas nécessairement la forme que ce changement va prendre. Toutefois, il est vrai que lorsque l'on dresse la liste des opérateurs qui proposent des bornes ne relevant pas des collectivités locales, on comprend qu'ils ont plutôt intérêt à avoir des systèmes de paiement captifs, afin de s'attacher leur clientèle. Ceci semble assez évident pour ce qui concerne aussi bien les concessions automobiles que les grandes surfaces.
Dans le cas de la flotte interne d'entreprises, il n'existe pas, à proprement parler, de paiement pour l'électricité utilisée. Comment fonctionnez-vous, Monsieur Issart ?
Même si nos déplacements ne se limitent pas au Lot et à l'Occitanie, l'utilisation des véhicules électriques s'effectue essentiellement aujourd'hui à l'intérieur de ce périmètre. Au-delà, nous utilisons des véhicules thermiques. Nous utilisons la carte Reveo, lorsque c'est possible, mais l'idéal serait de disposer d'une carte nous permettant de recharger nos véhicules n'importe où. Les gens ne souhaitent pas se compliquer la vie en téléchargeant et utilisant diverses applications. Il est important que le dispositif soit simple d'utilisation.
Au sein du groupe « mobilité », certaines entreprises ont elles-mêmes installé des bornes et offrent l'électricité à titre gracieux à leurs collaborateurs, voire aux collaborateurs de la zone d'activité alentour, dans le cadre d'une politique volontariste.
Par ailleurs, un entrepreneur a proposé à ses salariés de marquer leur voiture personnelle au nom de la société, en leur offrant en contrepartie la charge et une partie du coût de la location de la batterie. Cette pratique, pour l'instant anecdotique, est intéressante pour sensibiliser les salariés à l'intérêt des véhicules électriques. Pour autant, elle va probablement être refusée par l'URSSAF.
Il peut également arriver qu'un collaborateur de l'entreprise, qui reste au bureau toute la journée, autorise ses collègues à utiliser sa voiture électrique personnelle pour aller en rendez-vous, ce qui s'apparente à une forme de sous-location du véhicule à l'entreprise. On se situe vraiment là dans un domaine expérimental, certainement à la limite des règles existantes. Il n'empêche que ce type de pratique va dans le bon sens, en termes de partage de mobilité.
Je souhaite apporter quelques éclairages prospectifs dans le domaine de l'émergence des mobilités partagées, ou de la place du véhicule électrique. Il a été question, lors des interventions, de la fin de la vente des véhicules thermiques à l'horizon 2040. Dans cette perspective, les nouvelles formes de mobilités sont en forte croissance, principalement dans les centres urbains disposant d'une offre de mobilité variée, qu'il s'agisse de transports collectifs ou d'usages actifs : vélo, marche, objets de glisse urbaine, etc.
Nos observatoires ont cependant constaté l'existence d'une fracture territoriale extrêmement forte. Ainsi, l'émergence des mobilités partagées sera véritablement permise demain à condition que l'on s'adresse aussi convenablement aux territoires peu denses. À l'heure du numérique, on sera certainement en capacité, moyennant le développement d'infrastructures adaptées, de faire face à cette question. Bien entendu, il sera tout à fait opportun de coupler ces nouveaux services de mobilité avec la mobilité électrique.
Le témoignage de FIGEACTEURS me semble particulièrement intéressant de ce point de vue, dans la mesure où il combine le développement des véhicules électriques avec le covoiturage, qui permet aux utilisateurs de partager la charge.
Il est vrai que les usagers n'ont pas encore aujourd'hui une approche en termes de coût total de possession. Ils ne considèrent que le coût d'investissement initial, perçu comme une barrière. Pourtant, la vision d'une entreprise ou d'un utilisateur intensif, englobant l'ensemble du cycle de vie du véhicule électrique, permet, dès aujourd'hui, de placer ce dernier dans une position très favorable, sans même attendre les effets de série résultant de l'augmentation de la taille du parc et des ventes. Rendre ces informations sur le coût total de possession de ces véhicules accessibles au grand public est sans doute un élément sur lequel nous pourrions travailler collectivement.
Il m'apparaît également, dans le prolongement des propos des représentants de FIGEACTEURS, que l'on ne peut aborder la question de la mobilité uniquement sous l'angle technologique. Si l'on veut atteindre les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, la principale révolution ne sera pas technologique, car le savoir-faire existe déjà, mais résidera dans les changements de comportements. Nous pensons que ce bouleversement de paradigme doit tendre vers une mobilité optimisée, partagée, plus consciente des enjeux environnementaux et sanitaires. C'est, en tout cas, le travail que cherche à mener l'ADEME, via ses dispositifs de soutien en direction des entreprises, des collectivités, et du grand public.
Deux sujets assez différents semblent se dégager. Tout d'abord, la question du véhicule pour les usagers individuels, confrontés à la barrière du coût à l'achat, qui pourrait toutefois être nuancée par la prise en compte du cycle total du véhicule, caractérisé par un amortissement dû au gain sur le plein d'énergie, ce dernier n'étant en outre pas dépendant des fluctuations du prix des énergies fossiles. On peut se demander si, au-delà de la nécessaire information du public, ceci ne pourrait pas également se traduire par un autre modèle économique d'accompagnement, permettant de tenir compte de cette évolution dans la durée.
Par ailleurs, se pose la question de l'utilisation d'un véhicule appartenant à une collectivité ou à une entreprise, perçu alors non comme un bien, une possession individuelle, mais plutôt comme un service. Il s'agit de deux stratégies assez différentes.
Quelles sont la position et la vision de l'ADEME relativement à ces deux schémas ?
Nous n'avons pas forcément de vision chiffrée sur ce point. L'argument selon lequel le prix des véhicules électriques serait un frein à l'achat est souvent avancé. Or, il est intéressant de constater, sur la base des chiffres de ventes de véhicules que nous publions chaque année, que 30 % des véhicules achetés en 2017 étaient des SUV (sport utility vehicle), c'est-à-dire des véhicules premium, consommateurs d'énergie, et assez chers à l'achat. Ce constat invite à s'interroger sur cette dissymétrie, que l'on attribue essentiellement à l'effet du marketing des constructeurs de SUV, mais aussi au fait que le leasing permet de rendre ces véhicules très haut de gamme accessibles à de nombreux usagers. On pourrait ainsi imaginer développer ce procédé dans le domaine des véhicules électriques.
Il faudrait sortir d'une logique de possession, et accepter de louer son véhicule, de le mettre à disposition d'une communauté à laquelle on appartient, de pratiquer le covoiturage, ou tout simplement de profiter des services disponibles. C'est sur ce point que l'on constate aujourd'hui une carence, une fracture territoriale entre territoires denses et peu denses.
Par exemple, en zone rurale, il est plus compliqué de mettre en oeuvre des solutions d'autopartage ou de bénéficier de l'intermodalité avec d'autres moyens de locomotion. Toutefois, nous pensons sincèrement que le covoiturage pourrait se développer assez durablement et facilement. Par ailleurs, nous n'avons sans doute pas suffisamment insisté sur le fait que le véhicule électrique n'est pas la seule solution. Il importe ainsi de prendre en compte les hybrides rechargeables, tout à fait adaptés à une utilisation sur des trajets quotidiens, dont la longueur moyenne en France est de 36 kilomètres, et qui représentent plus de 80 % des déplacements. Ceci permettrait aussi de répondre à des enjeux sanitaires, en termes d'émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre.
Je conclurai brièvement cette première table ronde en remerciant sincèrement les différents intervenants. Lors des échanges, il n'a, me semble-t-il, pas été répondu à la question du premier vice-président Cédric Villani sur la création d'une éventuelle filière de batteries au niveau européen. Sachez qu'une sorte d'« Airbus de la batterie » est actuellement en phase de création. Il s'agit notamment de mettre l'accent sur la recherche et développement, et d'envisager d'autres opportunités, par exemple les batteries de deuxième génération.
Seconde table ronde : Les perspectives d'optimisation du déploiement des infrastructures de recharge
- Présidence de M. Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur -
La première table ronde a été particulièrement riche et a permis de collecter de nombreuses informations et témoignages relatifs au déploiement des bornes de recharge dans les territoires. Nous avons également pu identifier les freins et la pédagogie à mettre en oeuvre pour lever certains de ces obstacles. Je ne doute pas que nous y parviendrons.
Cette seconde table ronde va également nous permettre d'accueillir des orateurs de grande qualité. Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux perspectives d'optimisation du déploiement des infrastructures de recharge des véhicules électriques. Nous allons donc nous éloigner un peu du terrain, et bénéficier de cinq éclairages différents sur les développements à venir dans ce domaine.
Nous avons bien compris qu'une première période de déploiement a permis de couvrir une assez large partie du territoire national, avec 23 318 points accessibles au public pour moins de 200 000 véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation en France. Nous sommes donc sur un ratio d'un point pour sept véhicules, voire un peu moins, alors que les préconisations que l'on entend traditionnellement sont de l'ordre d'un pour dix, ce qui prouve que notre pays est plutôt bien placé.
Comme vous le savez, la France s'est fixée pour les prochaines années, avec les constructeurs, des objectifs ambitieux en matière de développement des véhicules électriques, qui ne pourront être atteints, malgré les investissements réalisés sur le plan industriel, que si le réseau de recharge parvient à suivre la croissance de la demande. Cette dernière ne doit toutefois pas être strictement proportionnelle à l'augmentation du nombre de véhicules, en raison notamment de l'accroissement de l'autonomie. Ainsi, le besoin en termes de bornes est sans doute moindre lorsque l'autonomie des batteries augmente.
Pour réussir, il faut que l'ensemble des acteurs concernés, publics et privés, agissent de concert. Par exemple, certaines opérations privées conduisent à ce que des points de recharge ne soient pas accessibles au grand public. On peut le déplorer. Il importe que tous les acteurs agissent conjointement, afin de proposer à nos concitoyens des solutions cohérentes, économiquement viables, et permettant de répondre réellement aux besoins de mobilité au sens le plus large.
N'oublions pas que les Français n'ont généralement pas d'autre choix que de prendre leur véhicule, notamment pour se rendre au travail. Ceci restera certainement vrai pour une assez longue période encore. J'entends parler d'évolutions en termes de partage. Néanmoins, il existe aussi des horaires de travail atypiques, variables, qui ne permettent pas d'aller vers des solutions de covoiturage de façon régulière. Le véhicule est devenu un outil indispensable au quotidien. Rappelons en outre que près d'un Français sur trois, soit 18 millions de personnes environ, réside et travaille dans des zones blanches en termes de transports en commun. Il est important d'intégrer cette donnée dans nos réflexions.
Nous sommes convaincus, notamment après notre voyage en Norvège, que c'est en faisant la démonstration que le véhicule électrique peut représenter une solution viable pour les usagers qu'il sera possible d'obtenir l'adhésion de nos concitoyens. La Norvège présente certes des caractéristiques très différentes de celles de la France, en raison notamment d'une électricité à 98 % d'origine renouvelable. Ce pays est très en avance en termes de mobilité électrique. Néanmoins, il apparaît que si les Norvégiens ont été convaincus d'adopter la voiture électrique, c'est parce qu'ils ont reçu des avantages fiscaux à l'achat, les véhicules électriques étant fortement détaxés à l'importation. La certitude de pouvoir recharger son véhicule quand on en a besoin fait évidemment partie également des conditions à remplir. L'autonomie croissante des batteries rend toutefois cette préoccupation de moins en moins prégnante, ainsi que nous avons pu le constater en Norvège.
Sans plus tarder, je vais donner la parole aux intervenants. Nous allons tout d'abord entendre M. Joseph Beretta, président de l'AVERE-France, Association nationale pour le développement de la mobilité électrique.
Je tiens, avant d'entrer dans le vif du propos, à vous informer que l'association prépare un site grand public décrivant le parcours de l'acheteur et de l'utilisateur de véhicule électrique, prenant en compte les calculs économiques de TCO (total cost of ownership), en descendant jusqu'à la maille la plus fine, c'est-à-dire en tenant compte des aides locales. Ce site permettra donc de connaître le prix réel payé par l'utilisateur, qu'il soit particulier ou professionnel. Nous avons récolté les fonds pour lancer ce site. Financé par les grands acteurs de la filière, il devrait être annoncé par la ministre des transports d'ici la fin de l'année, et mis en ligne l'année prochaine.
Toute optimisation suppose une prise en compte préalable des doléances des utilisateurs. Nous réalisons ainsi, tous les deux ans, une étude, intitulée « baromètre de la mobilité électrique », au cours de laquelle nous interrogeons les Français sur leur perception de la mobilité électrique. J'ai sélectionné à votre attention, dans la dernière édition de cette étude, les éléments concernant spécifiquement les infrastructures de charge.
Il est tout d'abord important de connaître les habitudes de déplacement des Français : il apparaît ainsi que 80 % d'entre eux parcourent moins de 50 kilomètres par jour, ce qui représente un besoin en recharge quotidien de moins de 7 kilowattheures, relativement faible. En revanche, ils effectuent également de temps en temps des trajets de plus de 300 kilomètres : il faut donc traiter aussi ce besoin de longue distance. Ces deux approches doivent être prises en considération.
L'étude montre par ailleurs qu'un quart des Français interrogés, 24 % précisément, estiment que le véhicule électrique répond à leurs besoins de mobilité. L'accès à la prise représente toutefois un facteur limitant, puisque seul un Français sur quatre dit avoir facilement accès à un point de recharge pour un véhicule électrique, en incluant non seulement les points situés sur la voie publique, mais aussi au domicile. Ce constat soulève notamment la question de l'installation d'une prise de recharge dans les immeubles en copropriété, qui demeure encore aujourd'hui un véritable parcours du combattant, avec des délais qui peuvent s'allonger fortement.
Le niveau d'information dont les Français estiment disposer sur le véhicule électrique et les axes de progression dans ce domaine représentent également des éléments intéressants de cette étude. Il en ressort que la manière dont on recharge son véhicule, le type de prises, la localisation des bornes, la réalisation de l'acte de recharge sur la voie publique ou à domicile sont autant de sources de questionnement, qu'il va falloir traiter. Si l'on commence à voir poindre des solutions relativement au prix, avec les aides de l'État et le calcul du TCO, ainsi qu'en matière d'autonomie, portée aujourd'hui à 300 kilomètres, il faut à présent se focaliser sur les infrastructures, afin de traiter le déploiement futur du véhicule électrique.
Le tableau mettant en relation la puissance et le temps de charge montre qu'il va falloir adapter la puissance à l'usage et tenir compte de l'évolution des batteries. La première partie concerne la recharge quotidienne, en courant alternatif, avec des puissances s'étalant de 2 kilowatts jusqu'à 22 kilowatts, définies la plupart du temps par le véhicule qui les absorbe. Ainsi, si l'on branche un véhicule disposant d'un chargeur intégré de 22 kilowatts sur une prise de 2 kilowatts, il ne va charger qu'à 2 kilowatts. La majorité des véhicules intègrent aujourd'hui un chargeur de 3,7 kilowatts, demain de 7 kilowatts. Le tableau indique, pour chaque niveau de puissance et en fonction de la taille de la batterie - aujourd'hui de 40 kilowattheures, demain de 60 kilowattheures - les durées nécessaires pour charger cette dernière. 40 kilowattheures de batterie permettent de parcourir 300 kilomètres ; 60 kilowattheures permettront d'atteindre 450 kilomètres. On constate ainsi qu'une faible puissance disponible ne permettra pas dans tous les cas de recharger complètement sa batterie : mettre 20 heures pour charger une batterie de 40 kilowattheures sur 2 kilowatts de puissance réseau n'a pas de sens. Mais on se trompe en raisonnant de la sorte, puisque je vous ai démontré précédemment qu'un utilisateur ne dépense en moyenne chaque jour que 7 kilowattheures. Une puissance de 2 kilowatts permet donc de recharger son véhicule tous les jours sans problème.
En revanche, lorsqu'il va s'agir de parcourir une longue distance, il faudra se focaliser sur une charge plus rapide, en courant continu, correspondant à la deuxième partie du tableau. Ces espaces de recharge de forte puissance destinés à l'itinérance pourraient, par exemple, être localisés dans des hubs, ce qui permettrait aux automobilistes de passer à la borne de charge rapide avant de commencer un long trajet. Ainsi, une borne d'une puissance de 150 kilowatts permettrait d'effectuer une recharge en un quart d'heure environ, ce qui est acceptable.
D'autres aspects doivent être pris en considération dans le cadre du déploiement d'infrastructures de recharge. Il importe ainsi de traiter la question du financement de ces infrastructures. Nous disposons, au niveau de l'association, d'un grand programme de certificats d'économie d'énergie intitulé ADVENIR, dans lequel nous finançons les infrastructures à la fois privées, publiques, et situées dans les copropriétés. Nous prévoyons ainsi, d'ici 2020, de financer plus de 12 000 points de charge. Le financement couvre jusqu'à 50 % du coût de l'installation.
Le droit à la prise, la tarification, la fiabilité des installations dans le temps, au travers du taux de disponibilité des systèmes de charge, l'interopérabilité et l'offre de services, avec des applications renseignant sur la disponibilité du point de charge et permettant de le réserver, c'est-à-dire de limiter le temps d'attente préalable à la charge elle-même, sont également des éléments à prendre en compte.
Il convient aussi de préparer le futur. La batterie du véhicule peut stocker l'énergie pour apporter de la puissance et de l'énergie au réseau. Ce sont les technologies dites du « vehicle to home » (V2H) et du « vehicle to grid » (V2G). Ceci doit être anticipé dès aujourd'hui dans les infrastructures de recharge, plutôt privées que publiques.
Je vais maintenant passer la parole à M. Gilles Voiron, chercheur au CNRS, rattaché à l'université de Nice Sophia Antipolis, qui va présenter un projet mené au sein du laboratoire Espace sur la capacité des territoires à intégrer les innovations de mobilité décarbonée.
Je vais commencer cet exposé en vous présentant une carte qui montre le taux de pénétration des immatriculations de véhicules électriques en 2017, en lien avec la présence de bornes de recharge publiques sur le territoire, à l'échelle communale. Les communes hachurées sont celles qui disposent d'au moins une borne de recharge. On constate une discordance entre la présence des installations de recharge de véhicules électriques (IRVE) et les achats de véhicules électriques (VE) : ainsi certaines communes, en grisé, ne comptent aucune immatriculation de véhicule électrique en 2017, malgré la présence de bornes publiques sur leur territoire, tandis que d'autres, pointées par les flèches, ont des taux de pénétration de véhicules électriques assez élevés, alors même qu'aucune borne de recharge publique n'est implantée, ni sur leur territoire ni dans les communes périphériques.
La composante recharge n'est donc pas le seul élément à prendre en compte dans le système territorialisé de la mobilité électrique. Les autres facteurs à considérer sont intégrés dans l'étude que je conduis, financée par l'ADEME, sur la capacité des territoires à intégrer la mobilité électrique. Dans ce travail, intitulé CATIMINI, nous prenons en compte quatre grandes composantes pour étudier le potentiel des communes à intégrer la mobilité électrique à batterie. Cette étude concerne également le véhicule à hydrogène.
Parmi ces composantes, figure bien évidemment la facilité de la recharge, mais aussi l'adéquation du VE aux besoins de déplacements de la population, notamment pour aller travailler, l'intérêt de la population pour l'achat d'un véhicule électrique, et le contexte local.
Concernant plus précisément la facilité de recharge, nous considérons le domaine privé, à domicile, avec notamment la morphologie de l'urbain : se situe-t-on plutôt dans des communes de type pavillonnaire, avec une facilité de recharge à domicile, ou plutôt dans des communes comportant une forte proportion de logements collectifs, comme dans les grands centres urbains ? Nous prenons bien sûr aussi en compte la recharge publique, avec la présence de bornes.
L'adéquation du VE aux besoins de déplacements inclut le kilométrage quotidien des habitants de ces communes, le pourcentage de pente des routes, la zone PACA comportant à la fois des territoires avec une topographie complètement plane et d'autres très montagneux, comme dans les Hautes-Alpes ou les Alpes de Haute-Provence.
Pour estimer l'intérêt des populations pour l'achat d'un VE, nous envisageons des aspects financiers tels que les revenus des habitants, le prix du véhicule, et les différentes aides susceptibles d'être allouées, à la fois par l'État et les départements, à l'image des aides du Grand Paris et plus récemment des Bouches-du-Rhône, mais aussi les contraintes réglementaires environnementales, qui peuvent être appliquées à l'échelle communale, telles que les péages urbains ou les zones à faibles émissions (ZFE), qui peuvent être mises en place dans les grandes métropoles notamment.
Cette étude prend enfin en compte le contexte local, avec une partie qui aborde les manifestations et la communication autour du véhicule électrique, le parc de VE roulant sur le territoire, ainsi que la présence ou non d'un service d'autopartage de véhicules électriques dans la commune.
En tant que géographes, nous avons cartographié les différents résultats obtenus à l'échelle communale, à partir de l'expérimentation menée dans la région PACA. L'objectif, avec l'utilisation des données en open data, est que les autres collectivités locales puissent réutiliser ce système et ce logiciel pour estimer le potentiel de leurs communes.
L'une des cartes présente l'évaluation de la capacité globale des territoires de PACA à adhérer à la mobilité électrique. Figurent en jaune les communes présentant des scores plutôt faibles et en rouge foncé les territoires ayant des scores plutôt élevés. On constate que les grands centres urbains, tels qu'Aix, Marseille, Nice ou Toulon, pénalisés notamment par leur important parc de logements collectifs, ont plutôt des scores moyens. On note en revanche de très forts scores dans le département des Bouches-du-Rhône qui, depuis le 1er novembre 2018, subventionne à hauteur de 5 000 euros les véhicules électriques, en complément de la prime nationale de 6 000 euros.
Concernant plus précisément le sujet même de cette audition, autour de la facilité de recharge, je précise que la carte présentée prend à la fois en compte la recharge privée, avec la morphologie de l'urbain, et publique. On constate, comme sur la carte précédente, que les grands centres, comme Avignon, Aix, Marseille, Nice ou Toulon, sont très fortement pénalisés par la présence sur leur territoire communal de nombreux logements collectifs, malgré l'implantation d'un grand nombre de points de charge, insuffisante pour relever leurs scores.
Le modèle norvégien a été évoqué à plusieurs reprises au cours de la matinée. Ce pays est en effet l'un des plus avancés en matière de développement du véhicule électrique. Une étude récente menée en Norvège par l'ONG Transports et Environnement révèle que 5 % des recharges y sont effectuées sur des bornes publiques et note une diminution des VE utilisant quotidiennement une borne de recharge publique, passant de 10 % en 2014 à 2 % en 2017. En revanche, l'étude a parallèlement mis en lumière une augmentation de la recharge rapide le long des grands axes routiers, en lien notamment avec l'accroissement concomitant de l'autonomie des véhicules électriques, permettant désormais d'effectuer de longs déplacements.
Le retour d'expérience que j'ai réalisé auprès d'un syndicat d'énergies qui disposait à la fois de bornes normales et accélérées, mais aussi de bornes rapides, a montré qu'à l'époque où les recharges étaient gratuites, quatre fois plus de recharges étaient effectuées sur des bornes rapides que sur des bornes accélérées. J'ai appris de ce syndicat que les nouvelles études menées en 2018 ont permis de constater que cet écart s'était encore accru, malgré la tarification mise en place, plus élevée pour les bornes rapides que pour les bornes accélérées ou normales. Nous avons également observé d'importants écarts d'utilisation selon la localisation des bornes : ainsi, certaines bornes accélérées ne sont utilisées qu'une seule fois par mois.
Les préconisations formulées à partir de ces analyses invitent tout d'abord à repenser la localisation des bornes, notamment pour les IRVE les moins utilisées, et à créer des sortes de mini-clusters, des rassemblements de bornes, près des IRVE les plus utilisées. Il faudrait également prévoir des ensembles de bornes plus visibles du grand public, avec des bornes plus grandes et réunies en un seul et même endroit. Selon une étude menée durant l'été 2018, 84 % des Français estiment qu'il n'y a pas assez de bornes de recharge publiques. Enfin, il faut aussi réfléchir aux spécificités de l'urbain, avec notamment la présence de logements collectifs. Aujourd'hui, les recharges s'y effectuent essentiellement en voirie, ou dans les centres commerciaux. Des expérimentations ont également été faites avec des candélabres. Toutefois, on constate que lorsqu'il n'est pas possible de procéder à une recharge dans les logements collectifs, malgré la mise en place du droit à la prise, il est très compliqué pour les habitants de recharger quotidiennement leur véhicule. L'une des solutions résiderait dans la création de mini-stations électriques rapides, avec un temps de charge moyen estimé de 15 minutes, qui correspond globalement à l'utilisation actuelle des bornes de recharge publiques, malgré la tarification.
Je vais donner la parole à Mme Juliette Antoine-Simon, directrice générale d'IZIVIA, société fondée en 1998 sous le nom de SODETREL, spécialisée dans le déploiement d'infrastructures de recharge et dont la réalisation la plus connue du grand public est certainement le réseau de bornes de recharge rapide sur autoroutes Corri-Door.
IZIVIA, qui s'appelait il y a quelques semaines encore SODETREL, est une filiale détenue à 100 % par EDF, qui déploie et exploite des bornes de charge de véhicules électriques sur le territoire. Nous exploitons aujourd'hui 7 000 points de charge publics en France, sur les 23 000 déployés au total.
Nos clients sont publics, ruraux ou urbains : syndicats d'énergies, villes, métropoles, régions, parmi lesquels des syndicats bretons, l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais, mais aussi la ville de Paris. Nous exploitons ainsi le réseau Belib' de Paris et allons prochainement remettre en exploitation 1 000 bornes de charge précédemment Autolib. Nos clients sont aussi des entreprises qui déploient des plans de points de charge pour leurs salariés, leurs clients, ou leurs propres flottes. Par exemple, un grand industriel a déployé 1 200 points de charge pour ses salariés, avec la crainte permanente, déjà évoquée précédemment, que ce service, gratuit, soit requalifié par l'URSSAF.
Nous avons aussi déployé pour notre propre compte, non en qualité d'exploitant mais en tant qu'investisseur, le réseau Corri-Door, qui compte 200 points de charge rapides de 50 kilowatts sur autoroutes. Ce réseau a presque trois années d'existence et nous constatons chaque année une forte augmentation des usages (+ 67 % par an), ce qui montre que le déploiement de la mobilité électrique est désormais une réalité, et que l'itinérance entre dans les moeurs des conducteurs de véhicules électriques.
Je souhaiterais donc vous apporter un double témoignage, d'une part de prestataire de collectivités et d'entreprises, d'autre part d'investisseur. Je confirme tout d'abord les propos précédents relatifs à la diversité du taux d'utilisation, qui va d'une utilisation par mois et par borne dans certains territoires jusqu'à quinze utilisations par jour et par borne à d'autres endroits. Nous observons ce phénomène à la fois sur les bornes de nos clients publics et sur notre propre réseau Corri-Door, sachant que les bornes les plus utilisées aujourd'hui sont situées dans l'urbain dense, notamment à Paris. Ce constat montre qu'il existe un vrai besoin de points de charge pour nos concitoyens qui achètent un véhicule électrique et qui, habitant en logements collectifs, n'ont pas de borne de recharge à domicile. Il faut leur apporter des solutions. Ceci est vrai également de la recharge rapide, dont la diversité d'utilisation est très grande.
Quel que soit le taux d'utilisation, ce service n'est aujourd'hui pas rentable. En effet, sans parler des coûts d'investissement, les coûts d'exploitation des réseaux sont bien supérieurs aux revenus que l'on peut en attendre. L'équilibre d'exploitation reste un objectif, mais il s'avère compliqué à atteindre. Toutes les subventions publiques, lorsqu'elles existent, sont fléchées vers l'investissement, aucune ne concerne l'exploitation. Or, une bonne qualité de service, que j'appelle tout comme vous de mes voeux, a un coût, qui n'est aujourd'hui pas équilibré par des revenus. Peut-être est-ce d'ailleurs là une piste d'optimisation, pour faire écho au sujet de cette table ronde. Néanmoins, nous observons aujourd'hui un fort intérêt d'acteurs privés financiers, c'est-à-dire de fonds d'investissement, pour le déploiement de bornes de recharge, ce qui montre, me semble-t-il, que dans l'esprit de certains acteurs cette rentabilité va arriver, puisqu'ils sont prêts à investir dans ce domaine.
Je fais allusion notamment au projet, que nous venons d'annoncer, de déploiement de plus de 600 points de charge sur la métropole du Grand Lyon, avec l'accompagnement d'un fonds d'investissement. Je précise toutefois que ce projet a pu être développé car le Grand Lyon nous a donné une forte visibilité sur la durée pendant laquelle nous pourrions exploiter ces bornes. Ainsi, nous bénéficions aujourd'hui de 17 ans de droit d'occupation du domaine public pour notre réseau. C'est à cette condition que nous avons pu investir.
Je me permets d'insister sur le fait que la durée pendant laquelle on peut exploiter un service est essentielle dans l'estimation de la rentabilité de ce service. Ceci constitue une condition sine qua non pour que des investisseurs privés soient prêts à investir sur les territoires. La question de savoir s'ils investiront partout est une autre histoire. Le Grand Lyon est un territoire urbain plutôt dense. Ce type de schéma est-il envisageable en milieu rural ? Il s'agit là d'une vraie question, dont nous pourrons débattre si vous le souhaitez.
Je profite de la tribune qui m'est offerte pour souligner qu'attirer des investisseurs privés suppose de ne pas trop « charger la barque » en termes de coûts. Je fais allusion ici à des dispositions du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM). Par exemple, dans l'état actuel du projet de loi, il est obligatoire d'équiper un certain nombre de places de recharge pour les personnes à mobilité réduite. Or, l'électrification du parc de véhicules ne va pas engendrer une augmentation du nombre de personnes à mobilité réduite. Seul va croître le nombre de personnes à mobilité réduite équipées d'un véhicule électrique. Il me semble donc qu'il faudrait plutôt imposer l'équipement en bornes de charge des places existantes réservées à ces personnes.
Concernant les perspectives d'optimisation, on constate aujourd'hui une sorte de course à la puissance. Corri-Door est un réseau de 50 kilowatts, alors que les futurs projets se situent plutôt à 100, 120, voire 350 kilowatts. Nous-mêmes allons expérimenter deux stations à 350 kilowatts. Je souhaiterais souligner un aspect sur lequel, à mon sens, on n'insiste pas suffisamment : les véhicules électriques qui pourront se charger à de telles puissances le feront pendant très peu de temps. La chimie de la batterie est telle qu'en réalité la batterie va se charger à très forte puissance pendant cinq à dix minutes sur la durée totale de la charge. Ceci signifie que l'on réalise un investissement très important pour une durée réelle d'utilisation très faible de ce fort potentiel. Ceci pose la question de l'efficience de tels investissements. Pour notre part, nous allons densifier le réseau Corri-Door, plutôt à 100 ou 120 kilowatts, ce qui nous semble déjà une puissance importante pour les exploitants du réseau.
Enfin, je souhaiterais vous parler d'intelligence de la charge ou « smart charging ». Précédemment, il a été brièvement question de charge résidentielle, et de la possibilité de recharger son véhicule à domicile sur une prise domestique. Nous pensons qu'il ne s'agit pas, à terme, de la meilleure manière de faire, dans la mesure où la dernière chose à laquelle nous aspirons collectivement, lorsque la France comptera plusieurs millions de véhicules électriques, est que tous les usagers procèdent à une recharge au même moment. Ce serait une catastrophe pour l'équilibre offre - demande, et pour le réseau.
Nous pensons qu'il faut développer des systèmes intelligents d'optimisation de la charge, notamment à domicile, puisque c'est là que se fera l'essentiel des recharges. Nous sommes absolument persuadés que c'est à cette condition que nous optimiserons l'insertion des véhicules électriques dans le système électrique et que nous en tirerons de la valeur, puisqu'ils pourraient constituer une opportunité pour le réseau et le système électrique, plutôt qu'un problème. Cet objectif suppose toutefois de veiller à développer les services qui permettront effectivement de faire des véhicules électriques une sorte d'immense batterie répartie sur le territoire, dont on pourra extraire de la valeur qui, si elle est restituée aux clients, diminuera encore le coût d'utilisation du véhicule. Cela permettrait d'enclencher un cercle vertueux, qui permettrait une adoption du véhicule électrique pour ses vertus environnementales, mais aussi pour son coût, à terme inférieur, pour nos concitoyens, à celui des véhicules thermiques.
Bien évidemment, l'une des questions que l'on peut se poser est de savoir comment gérer le réseau. Je vais par conséquent passer la parole à Mme Géraldine Paloc, chargée de mission auprès du directeur du programme mobilité, à ENEDIS, qui va sans doute nous parler de la puissance nécessaire, et de la question du pic de recharges de batteries, par exemple au moment où les usagers rentrent à leur domicile le soir.
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je vais donc essayer de compléter au mieux les propos de mes prédécesseurs.
ENEDIS est gestionnaire du réseau de distribution d'électricité sur 95 % du territoire métropolitain. Nous sommes régis par un système de péréquation tarifaire. Nous sommes par ailleurs un acteur de service public sur l'ensemble des territoires. Il a été question, lors des débats précédents, de fracture territoriale pour les problématiques de mobilité. Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler la place d'ENEDIS en la matière.
ENEDIS est un acteur historique du développement de la mobilité électrique sur les territoires, puisque plus de 23 000 points de recharge existent aujourd'hui sur la voie publique, qu'ENEDIS a raccordés. La mobilité électrique est aujourd'hui pour nous un enjeu majeur, en termes d'accompagnement et de contribution active au passage à grande échelle, lié à divers facteurs, par exemple le développement des bornes, mais aussi l'accroissement du nombre de véhicules électriques pour les particuliers et pour les entreprises, dont ENEDIS. En effet, nous avons aujourd'hui une véritable expertise d'utilisateur en la matière, puisque notre flotte de véhicules électriques d'entreprise est la deuxième, après La Poste, avec environ 1 700 véhicules en circulation.
ENEDIS a également mis en place un certain nombre d'expérimentations pratiques sur la problématique de la mobilité électrique, avec divers partenaires. Celles-ci concernent notamment les parkings en résidentiel collectif, qui constituent aujourd'hui une problématique majeure pour le développement de la mobilité électrique, mais aussi des expérimentations techniques, avec par exemple la mise en place de recharges sur l'éclairage public, qui devraient faciliter le développement de cette mobilité, et le raccordement sur de la production d'énergies renouvelables. Tout ceci contribue réellement à la préparation de ce passage à grande échelle, qui nous place aujourd'hui dans une approche à la fois industrielle, territoriale, et pragmatique, avec d'autres acteurs. Nous sommes en effet complètement convaincus qu'aucun des acteurs de la filière n'a seul la clé du succès. C'est vraiment en co-construisant des solutions, avec des partenaires publics, avec les acteurs de la filière automobile et avec les industriels, que nous réussirons ce passage à la mobilité électrique à grande échelle, avec une assurance de complémentarité entre urbain et rural. En effet, cette mobilité n'est plus aujourd'hui l'apanage des seules agglomérations, les territoires ruraux étant extrêmement proactifs en la matière.
Lorsqu'il est question de développement et d'optimisation de la mobilité électrique, il convient de mener un véritable travail partenarial sur le résidentiel collectif. Aujourd'hui, plus de 40 % des Français habitent en résidentiel collectif, notamment dans les grandes agglomérations. Il s'agit là d'un enjeu, dans la mesure où l'on connaît les difficultés rencontrées par les utilisateurs pour faire valoir le droit à la prise. ENEDIS est bien évidemment présent dans ce domaine, notamment pour répondre aux sollicitations des syndics. Mais nous préconisons aujourd'hui d'intervenir en amont de ces sollicitations, en allant à leur rencontre. Nous sommes ainsi prêts à pré-équiper en câbles un certain nombre d'immeubles qui en feraient la demande, pour faciliter le parcours client ainsi que l'installation de bornes et de prises adéquates, lorsque les demandes existent. Je tiens à souligner tout particulièrement ce point, car autant la recharge à domicile s'avère relativement simple en milieu rural, autant elle représente un enjeu majeur en habitat collectif, auquel la seule installation de bornes sur la voie publique ne répondra pas. Ce problème constitue un frein important au développement du véhicule électrique dans les centres urbains denses et les grandes agglomérations.
Parler d'optimisation me conduit à affirmer avec force et conviction que le réseau électrique tiendra face au développement de la mobilité électrique. De nombreuses craintes s'expriment à ce sujet, dont certaines sont fondées sur l'idée que le développement de la mobilité électrique pourrait causer des difficultés de fonctionnement du réseau, en termes d'équilibre offre - demande. Je tiens à dire que le réseau sera au rendez-vous. Les investissements sont chiffrés au niveau d'ENEDIS. Nous n'avons que peu d'incertitudes, du point de vue technique, ou au niveau des investissements nécessaires, sur la réalisation de ce développement. Aujourd'hui, ENEDIS investit sur le territoire national environ trois milliards d'euros par an, dont on estime que le développement du véhicule électrique et l'installation d'infrastructures de recharge représenteraient de 10 à 15 %.
Je souhaite également porter au débat le fait que le raccordement des infrastructures de recharge est un énorme travail, que nous avons déjà accompli, mais qui va augmenter dans les prochaines années. On pourrait finalement rapporter ce rythme de déploiement de bornes de recharge à celui des raccordements des énergies renouvelables, que nous avons déjà assurés les années passées. Nous étions à un rythme de 30 000 raccordements par an ces dernières années sur la production des énergies renouvelables : ENEDIS a donc la capacité d'assurer le raccordement de ces bornes de recharge dans les années à venir.
Enfin, je voudrais conclure mon propos par la nécessité de prévoir un pilotage de la recharge des véhicules électriques. Si, dans les années à venir, comme on ne peut que le souhaiter, le véhicule électrique se développe à grande échelle, ce pilotage sera en effet totalement indispensable pour optimiser à la fois le réseau dans son architecture et les coûts de raccordement liés aux infrastructures de recharge, sur voie publique, en résidentiel collectif, ou au domicile des particuliers.
Nous allons à présent accueillir le dernier intervenant de cette table ronde, M. Jérémie Almosni, chef du service Transport et mobilité de l'ADEME.
Je vais essayer, en tant que dernier intervenant, d'apporter quelques éléments complémentaires à tout ce qui a déjà pu être dit.
Je souhaiterais commencer par quelques points de contexte. Quels sont les objectifs du développement de la mobilité électrique ? Cette question est particulièrement d'actualité aujourd'hui, avec la publication récente de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui fixe l'objectif, sur un temps court à horizon 2028, de plus de quatre millions de véhicules électriques, et la directive sur les carburants alternatifs, qui donne également un cap quant au nombre de points de charge à horizon 2020-2030.
La mobilité électrique vise à répondre à différents enjeux prégnants, qu'il m'apparaît important d'énumérer de manière relativement exhaustive.
Le premier est l'enjeu énergétique. La dépendance au tout pétrole contraint fortement notre pays. Elle s'accompagne d'un épuisement des ressources, et d'un enjeu en termes d'émission de gaz à effet de serre. Nous avons, dans ce dernier domaine, un objectif de réduction d'un facteur sept. Or, le secteur du transport en est l'un des principaux contributeurs.
L'enjeu sanitaire vis-à-vis de la pollution atmosphérique, avec des dépassements de seuils d'émission dans certains territoires, est également très important.
Les enjeux territoriaux sont tout aussi forts, autour de la question de la vitalité des territoires, ainsi que de la nécessité sociale de développer une mobilité inclusive et accessible à tous. La question du coût et de l'accès aux solutions telles que la mobilité électrique apparaît donc comme un élément à ajouter à l'équation.
Dans ce domaine, la vision de l'ADEME a été décrite en 2017, dans le cadre d'un scénario prospectif 2030-2050, avec un objectif de réduction d'un facteur quatre. Nous sommes actuellement en train de retravailler ce scénario, à la lumière des nouveaux objectifs de neutralité carbone du transport, fixés dans le Plan climat. Sans entrer dans les débats de chiffres, nous observons que la mobilité électrique s'inscrit dans le paysage comme une solution pertinente. Nous estimons que 70 % des véhicules du parc seraient, en 2050, des véhicules électriques et hybrides rechargeables.
Une particularité réside dans l'évolution de la taille du parc. Au-delà des évolutions des vecteurs énergétiques privilégiés pour la mobilité, et des efficacités énergétiques observées sur les différentes technologies de moteurs, il existe également un enjeu de sobriété, et de maîtrise de la demande, avec une érosion du nombre de véhicules vendus, au profit des véhicules partagés et du développement de services de mobilité.
Le véhicule électrique apporte des réponses à tous ces défis, qu'il s'agisse de la réduction de la dépendance à l'égard du pétrole, des émissions de gaz à effet de serre, ou encore des polluants atmosphériques. Il m'apparaît toutefois important de mettre l'accent sur la nécessité d'une approche en cycle de vie pour toute solution technologique développée. Le véhicule électrique présente la particularité d'avoir une dette carbone au moment de sa conception. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il gagne, tel qu'il est aujourd'hui, à être utilisé en substitution du véhicule thermique sur des usages intensifs. Il apparaît ainsi adéquat et pertinent pour des trajets domicile - travail quotidiens importants, en l'absence de transports collectifs, pour des flottes partagées de véhicules d'entreprises, pour des livraisons de marchandises en ville, ou encore pour tous les services de mobilité.
Par ailleurs, l'émergence des technologies de l'information et de la communication va certainement constituer un catalyseur pour rendre plus accessible la solution véhicule électrique, et intégrer les bornes dans le paysage comme un élément intelligent.
Enfin, je souhaite souligner un paradigme, auquel il nous semble important de consacrer beaucoup d'énergie, tant dans la communication que dans le portage de nos actions : il s'agit du travail à effectuer, en termes de changements de comportements, afin de renforcer la logique de transport comme mobilité partagée, et de répondre ainsi aux enjeux cités précédemment.
L'ADEME dispose de vingt-six directions régionales, qui accompagnent les collectivités et les entreprises dans l'accélération de la transition énergétique, dans de nombreux domaines, dont celui des transports. Nous engageons également des actions d'expertise, par la réalisation d'études et d'observatoires sur la manière dont ces solutions se développent, et s'inscrivent dans le mix énergétique français. Nous menons aussi des travaux transverses, avec la filière, pour essayer d'accompagner cette transition.
Parmi ces actions, je souhaite faire un rapide focus sur le dispositif IRVE, dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir. Nous effectuons ainsi un suivi régulier des différents points de charge développés, via les contrats liés, avec les territoires et les syndicats d'énergies. J'envisageais aussi de vous donner quelques éléments sur le programme CEE ADVENIR ; mais ce dernier ayant été rapidement présenté par M. Joseph Beretta, je n'y reviendrai pas dans le détail.
Je souhaite enfin évoquer l'étude que nous sommes en train de mener avec l'administration, visant à formuler des recommandations et des orientations pour favoriser le déploiement des bornes de recharge des véhicules électriques. Aujourd'hui, grâce au dispositif des investissements d'avenir, 15 000 points de charge sont développés, ce qui correspond à 69 % de l'objectif de 21 000 que nous avons contractualisé avec les territoires.
Nous observons, dans cette cadence, plusieurs difficultés. L'une tient à l'approvisionnement des bornes : de petits acteurs identifiés comme étant en capacité de produire le matériel éprouvent aujourd'hui des difficultés pour le mettre à disposition. Nous constatons aussi des difficultés quant au positionnement d'acteurs dominants. Nous ignorions, en l'occurrence, le positionnement de l'acteur Bolloré, qui avait développé dans un premier temps des bornes de recharge, sur le déploiement de ces infrastructures, ce qui a pu avoir des incidences sur les stratégies de déploiement. En outre, il apparaît que le décollage du marché du véhicule électrique est légèrement en-deçà des prévisions, même si certains acteurs peuvent observer, localement, des trajectoires fidèles aux estimations.
Le dispositif ADVENIR de soutien au déploiement de points de charge privés se développe, quant à lui, à une cadence extrêmement intéressante, avec plus de 5 000 primes versées depuis septembre 2016, l'objectif à horizon 2020 étant de 12 000 points de charge. Ce programme est financé par des obligés de ces certificats, avec en principe un coût nul pour la collectivité. Il est donc intéressant d'encourager cette démarche, et de la poursuivre. Se posent toutefois certaines difficultés, liées essentiellement à la complexité du droit à la prise. Les évolutions législatives en cours d'élaboration, ou issues de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), vont certainement permettre une accélération du déploiement des points de charge au niveau des habitations collectives.
Enfin, nous réalisons comme je l'indiquais précédemment, une étude avec la direction générale des entreprises et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), sur la caractérisation des besoins en déploiement d'infrastructures de recharge pour les véhicules électriques. Nous identifions, dans ce cadre, l'importance de promouvoir le développement des IRVE dans les zones d'activité, de travailler à la création de hubs urbains, comme ceci a été souligné par un précédent intervenant, ou encore d'essayer de développer des infrastructures spécifiques pour les taxis ou les voitures de transport avec chauffeur (VTC). Les résultats de cette étude seront disponibles fin 2018, ou début 2019. Nous pourrons alors disposer de données extrêmement intéressantes sur le plan statistique, mais aussi sur les recommandations à faire.
En conclusion, nous souhaitons, à l'ADEME, continuer à accompagner les acteurs vers cette transition, dans des modèles économiques aujourd'hui extrêmement complexes. Nous avons notamment bien compris, en écoutant les précédents intervenants, que l'équilibre n'était pas forcément permis aujourd'hui. Il faut donc poursuivre cet accompagnement. Nous rejoignons également le constat de l'importance de partager les données sur la connaissance des bornes, ou encore des technologies véhicules.
Je remercie l'ensemble des intervenants. Le moment est venu des échanges et du débat.
Nous avons tous évoqué, dans nos différentes interventions, la question de la recharge à domicile. Je pense qu'il faut être attentif lorsque l'on traite ce sujet. Il est normal que les premiers acquéreurs de véhicules électriques aient ressenti le besoin, alors même qu'il n'existait pas d'infrastructures de recharge publiques et que ces véhicules avaient une autonomie limitée, d'une centaine de kilomètres, de disposer d'une solution de recharge au plus près de chez eux, c'est-à-dire dans leur garage. Il ne leur en sera pas fait grief. Ce faisant, on laisse toutefois perdurer l'idée, c'est d'ailleurs ce que font les Norvégiens, que si l'on veut utiliser un véhicule électrique, il faut nécessairement avoir une solution de recharge à domicile.
Au XIXe siècle, les premiers acquéreurs de véhicules thermiques avaient des bidons d'essence dans leur garage, parce qu'il n'existait pas de stations-service. Au début du XXe siècle, ils se rendaient à la pompe du chef-lieu de canton. Aujourd'hui, ils vont à la station-service. Laisser perdurer l'idée, un peu conditionnelle, que l'utilisation d'un véhicule électrique implique nécessairement d'avoir une solution de recharge à domicile, revient à pratiquer une politique élitiste, qui laisse penser que le véhicule électrique est réservé à celles et ceux qui habitent dans un pavillon, avec un garage.
Or, 37 % des résidences principales, soit 10,4 millions de foyers, ne disposent d'aucune solution de parking ou de stationnement à domicile, que ce soit dans un habitat individuel ou collectif, en plein centre d'une agglomération, ou dans bon nombre de villages. Ceci signifie-t-il que ces 10,4 millions de foyers ne devraient pas avoir le droit d'utiliser un véhicule électrique ? Bien entendu, il ne s'agit pas d'indiquer qu'il ne faut pas recharger son véhicule chez soi, ni qu'il ne faut pas travailler à l'amélioration de l'exercice du droit à la prise. Pour autant, il ne faut pas perpétuer l'idée fausse selon laquelle il ne serait pas possible d'utiliser un véhicule électrique sans avoir de solution de recharge à domicile. Sans doute faut-il modifier la communication à ce sujet, indiquer que les bornes de recharge de proximité, d'appoint, tout comme les hubs et autres clusters dont j'ai entendu parler, sont finalement des stations-service électriques.
Créons donc, dans un premier temps à titre expérimental, compte tenu de l'évolution rapide des paramètres, des stations-service électriques, et voyons comment elles fonctionnent. Si les gens ont la certitude de pouvoir recharger rapidement leur véhicule électrique pour récupérer les kilomètres nécessaires aux trajets pendulaires quotidiens sur une semaine, alors la situation deviendra semblable à celle majoritairement en usage pour le véhicule thermique. Un nombre important de personnes utilisant un véhicule thermique pour se rendre à leur travail font en effet le plein de carburant une fois par semaine, ou plus exactement prennent suffisamment d'essence pour pouvoir effectuer le nombre de kilomètres nécessaires durant la semaine. Le jour où ils font un déplacement plus important, ils font un véritable plein.
Cessons donc, pour le bien du développement du véhicule électrique, d'associer systématiquement véhicule électrique et recharge à la maison.
Cette question constitue sans doute l'un des freins psychologiques. Les gens sont rassurés par le fait de disposer d'une prise à domicile, car ils considèrent qu'ils pourront ainsi, quoi qu'il arrive, recharger leur batterie chez eux.
Cet argument était utilisé par les acheteurs de voitures De Dion-Bouton à la fin du XIXe siècle, qui veillaient à avoir toujours un bidon d'essence dans leur garage. Ne perpétuons pas aujourd'hui cette idée avec les véhicules électriques.
Les exposés qui viennent d'être présentés m'inspirent trois observations. La première concerne la résorption des zones blanches : il en reste encore, notamment au centre de la France, qui freinent l'itinérance. Même si l'itinérance n'est pas l'objectif premier de la mobilité électrique, il est dommage de ne pouvoir traverser la France autrement qu'en utilisant le réseau Corri-Door. Même si l'on ne peut, bien évidemment, que se féliciter de son existence, il implique de voyager sur autoroute, ce qui n'est pas forcément facile pour un véhicule électrique. Il faut se préoccuper de cet aspect.
Un deuxième élément, qui m'inquiète encore davantage, à la suite notamment de l'exposé de M. Voiron, concerne l'avenir du réseau à 22 kilovoltampères. Pensé, mis en oeuvre, et déployé par les collectivités, il représentait un compromis entre l'appel de charge, la puissance, et la vitesse de charge. Des millions d'euros ont été investis dans ce cadre. Il me semble qu'il ne faut pas l'abandonner. Je lance donc un appel aux constructeurs, et les invite à ne pas oublier que la majorité du réseau français est constitué de bornes de 22 kilovoltampères de puissance, et qu'il est important d'insérer sous le capot un chargeur adapté, permettant d'avoir un bon équilibre entre la vitesse de charge et la puissance du réseau, ainsi que des installations.
Ma troisième remarque concerne les super-chargeurs. Je suis relativement sceptique sur la concurrence qui s'instaure entre les différents opérateurs. Comme ceci a été rappelé, recharger une batterie avec un tel chargeur revient à utiliser une lance à incendie pour remplir une bouteille d'eau. Par ailleurs, je constate sur le terrain que la première station allemande IONITY, comportant six super-chargeurs de 100 kilovoltampères, a été installée aux portes d'Angers. L'infrastructure est donc là avant même que les véhicules premium allemands soient commercialisés, ce qui est très bien. Aujourd'hui, Tesla arrive et envisage d'installer le même type de super-chargeurs, à quelques mètres seulement des précédents. Non seulement ceci m'interpelle quant à la rationalité des investissements privés, alors que nous sommes un opérateur public, mais m'interroge également en tant que représentant de l'autorité organisatrice de la distribution d'électricité. Cette situation me rappelle l'époque où il existait une concurrence entre les normes de prises sur les bornes de première génération. Ce point doit, selon moi, être réglé par les constructeurs automobiles, pour aller dans le sens d'une convergence forte, afin d'éviter le développement d'infrastructures concurrentes aux mêmes endroits, c'est-à-dire essentiellement aux points de forte circulation que sont les croisements d'autoroutes.
Ma question s'adresse à Mme Antoine-Simon et concerne les limites de la puissance. Pourriez-vous nous donner quelques précisions ? Vous nous avez également rappelé, bien que ceci ne soit pas au coeur de nos débats aujourd'hui, certains éléments relatifs au coût de l'installation, à sa rentabilité, au regard des dépenses à la fois d'investissement (en anglais, capital expenditure ou CAPEX) et de fonctionnement (en anglais, operational expenditure ou OPEX). Quel est l'écart actuellement constaté ? Que faudrait-il pour que la rentabilité soit assurée ?
La réponse à votre première question concerne la chimie des batteries, sujet sur lequel je ne suis sans doute pas la meilleure interlocutrice possible. Il faut savoir que pour des raisons liées à la batterie, sa courbe de charge décroît très vite. Un investissement important est réalisé pour pouvoir, au pic, se charger à 50, 150, voire 350 kilowatts ; mais en réalité, cette puissance décroît très rapidement, et l'on ne se recharge très vite plus qu'en 100 ou 150 kilowatts. Un très fort investissement est donc réalisé pour quelques minutes de charge à la puissance maximale. Pour ma part, je trouve que les constructeurs de batterie, majoritairement étrangers, devraient se concentrer sur la capacité de la batterie à charger plus longtemps à moins forte puissance, plutôt qu'à très forte puissance pendant très peu de temps. In fine, l'important pour l'utilisateur est de savoir au bout de combien de temps sa batterie est chargée. Le fait qu'elle ait chargé très vite au début et lentement à la fin, ou à une puissance moyenne constante, lui importe peu. En revanche, il n'en va pas de même pour les réseaux et les investissements, qui diffèrent selon l'option choisie.
Le deuxième point, que nous regardons de près, à la fois en tant qu'investisseur, mais aussi aux côtés des collectivités locales qui ont réalisé un effort d'investissement important, est essentiel. D'après les estimations que nous avons effectuées, et suite à des échanges avec d'autres acteurs ayant déployé des réseaux de charge, nous évaluons que le point d'équilibre d'un réseau en coût d'exploitation se situe entre cinq et dix charges par jour et par borne. Nous en sommes encore loin aujourd'hui, avec en moyenne une charge par jour et par borne dans le meilleur des cas. Il faut savoir que certains réseaux ne comptabilisent qu'une charge par mois et par borne. Toutefois, nous constatons, sur certains réseaux et bornes, que nous parvenons à équilibrer le coût d'exploitation avec les revenus. Tout dépend ensuite du prix de la charge. En tout cas, il existe une perspective d'équilibre, mais seulement pour les bornes les plus fortement utilisées, d'où la question des zones blanches, et des zones sur lesquelles on sait pertinemment que ce taux d'utilisation ne sera jamais atteint.
Une borne rapide coûte en moyenne, en fourniture et pose, de l'ordre de 30 000 à 35 000 euros. Une borne accélérée de 22 kilovoltampères coûte de 10 000 à 12 000 euros. L'impact financier est donc considérable.
Je souhaiterais apporter un témoignage sur la question des charges et des chargeurs. Nous disposons, au niveau de REVEO, d'un comité de pilotage réunissant très régulièrement les dix syndicats, les deux métropoles, et notre prestataire Bouygues. Récemment, le prestataire a voulu savoir ce que nous pensions de l'effacement, le cas échéant, des bornes de recharge publique. La réponse que nous lui avons collectivement apportée a consisté à indiquer qu'une borne de recharge publique était un service public, et ne pouvait à ce titre être effacée. Ce sujet commence toutefois à être évoqué. Aussi, je souhaitais soumettre cet élément à votre réflexion.
Il apparaît très clairement que la politique de charge doit devenir une préoccupation nationale. Il ne s'agit pas d'un élément marginal, qui plus est dans la perspective du stockage décentralisé d'électricité.
Permettez-moi d'apporter un témoignage concernant l'effacement. Nous exploitons le réseau de bornes de charge de la métropole de Nice, qui constitue une péninsule électrique, où la problématique réseau est particulièrement intense. Lorsque nous sommes en alerte dite « écowatts », émise par Réseau de transport d'électricité (RTE), qui vise à optimiser l'utilisation d'électricité du fait d'une congestion particulière, nous stoppons la recharge des bornes de véhicules électriques, considérée comme non prioritaire par rapport à d'autres usages. Effacer peut consister soit à arrêter complètement la recharge des bornes, soit à baisser la charge moyenne, sans trop pénaliser les utilisateurs. Toute la subtilité est alors de savoir si l'on pratique une tarification particulière ces jours-là pour indemniser les utilisateurs, ce qui paraîtrait logique. En tout cas, nous sommes capables de tenir compte d'une éventuelle contrainte particulière sur les réseaux de charge.
Nous n'avons épuisé ni le sujet, ni nos capacités à y contribuer, mais sommes parvenus au bout de notre réunion. Je laisse la parole au sénateur Stéphane Piednoir, pour quelques mots conclusifs.
Je félicite et remercie à nouveau l'ensemble des intervenants pour la qualité de leur participation. Nous serions reconnaissants à celles et ceux qui ont présenté des diaporamas de bien vouloir nous les faire parvenir. Huguette Tiegna et moi-même tâcherons de prendre en compte autant que possible vos interventions, qui ne manqueront pas d'enrichir notre rapport, qui sera probablement publié au début 2019.
J'ajoute que la mission court normalement jusqu'en février ; nous n'avons donc pas encore terminé nos travaux, et allons procéder à quelques auditions privées supplémentaires, le but étant, dans le cadre du projet de loi d'orientation sur les mobilités, de parvenir à formuler ensemble des propositions concrètes, pour l'avenir de la mobilité dans notre pays et dans nos départements.
Pour ma part, je remercie nos deux rapporteurs d'avoir mobilisé des témoins aussi précis, vivants, et concrets, illustrant la diversité de la problématique et des initiatives prises dans le domaine de la mobilité électrique.
Charles Péguy disait ne croire « qu'aux témoins qui se font tuer ». Tout comme lui, je suis sensible à l'expression et aux prises de positions de celles et ceux qui s'engagent pleinement pour leurs convictions. Vous l'avez fait ; soyez-en remerciés.
La séance est levée à 13 heures.