Notre réunion a pour objet de faire le point sur la suppression du régime social des indépendants (RSI), prévue par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 et effective le 1er janvier 2020. Lors de l'examen de ce texte, le Sénat avait identifié cinq points de vigilance destinés à éviter une nouvelle « catastrophe industrielle », pour reprendre la formulation de la Cour des comptes pour qualifier la création du RSI. Ces points de vigilance sont les suivants : la mise en place d'un accueil dédié pour les travailleurs indépendants dans le régime général, la prise en compte des risques pesant sur les systèmes d'information - responsables de la « catastrophe industrielle » lors de la création du RSI - et sur les ressources humaines pendant la période de transition, la participation des indépendants à la gouvernance de leur protection sociale, le pilotage de la réforme et enfin la simplification attendue du calcul et du recouvrement des cotisations sociales.
La première table ronde de la matinée est consacrée au problème des cotisations sociales des travailleurs indépendants, dont la LFSS pour 2018 prévoit la simplification aussi bien dans le calcul que dans le recouvrement. C'est le noeud gordien me semble-t-il du problème de confiance des travailleurs indépendants vis-à-vis de leur protection sociale.
L'U2P représente 208 000 entreprises pour qui la protection sociale et le RSI sont des enjeux majeurs. Lors de la campagne présidentielle de 2017, la suppression du RSI est devenue une priorité pour plusieurs candidats. Pourtant, lors de sa création en 2006, nous nous étions félicités de la création d'un interlocuteur unique pour les travailleurs indépendants. Les problèmes survenus dès le départ, et qui ont été qualifiés effectivement de « catastrophe industrielle », ne sont pas dus aux agents du RSI mais à des difficultés matérielles, en particulier des moyens financiers et informatiques qui n'ont pas été mis. La moitié des ressortissants se plaignait des services du RSI dès la première année.
La marque RSI étant durablement affectée, il convenait sans doute de changer le nom. Mais il est clair que les vrais sujets demeurent à savoir le service rendu aux entreprises et l'assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants. Je rappelle que ces derniers payent leurs cotisations sur leurs bénéfices et non sur leurs revenus. Nous demandons donc un changement d'assiette pour les faire cotiser sur les revenus réellement perçus. Nous souhaiterions également que l'intégration du RSI dans le régime général ne se traduise pas par une dégradation de l'accueil des assurés. Ainsi, il nous paraît essentiel de ne pas revenir sur l'acquis de la réforme de 2006 et de maintenir un guichet unique aussi bien pour la maladie, la retraite que les cotisations. L'expérimentation lancée à Bordeaux avec la création d'un point de contact unique me paraît une bonne solution. Mais on est loin aujourd'hui d'avoir un interlocuteur unique de proximité.
Le RSI avait amélioré considérablement la qualité de son service. Si des erreurs persistent dans le recouvrement, nous n'avons pas reçu d'alertes quant à une dégradation de ce service depuis le 1er janvier 2018.
Nous avons toutefois des inquiétudes quant au maintien d'un même montant d'action sociale, essentielle pour venir en aide aux entreprises en difficulté. Sera-t-elle maintenue au niveau actuel ? De même les décisions d'attribution des aides seront-elles toujours dévolues aux représentants des indépendants à travers les commissions de recours amiable ?
Nous attendons également des mesures fortes pour simplifier le calcul des cotisations, difficilement compréhensible pour nos collègues. Malgré la simplification apportée par la déclaration des cotisations sur les revenus de l'année N-1, il est toujours difficile de comprendre les montants appelés.
Enfin, la gouvernance du conseil national de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ne fonctionne pas. Alors qu'elle est la première organisation représentative des travailleurs indépendants, l'U2P a été battue pour la présidence de l'assemblée générale. Je m'interroge toujours sur la décision du Gouvernement autorisant la Chambre nationale des professions libérales à siéger au sein du CPSTI alors que l'U2P représente les professionnels libéraux. L'U2P, se retrouvant sur un strapontin, a décidé de suspendre sa participation aux travaux du CPSTI au niveau national. Je regrette cette marginalisation.
Je retiens votre proposition de basculer l'assiette de cotisations sociales des travailleurs indépendants constituée actuellement des bénéfices vers les revenus. En comptabilité, les deux notions sont évidemment différentes. Un commerçant est tenu de laisser sur le compte bancaire de son entreprise des liquidités de trésorerie mais elles font l'objet de prélèvements sociaux. Cela me paraitrait plus juste de réduire l'assiette de cotisations aux seuls revenus. Nous avions soulevé cette question dans notre rapport de 2014 sur le RSI avec notre ancien collègue Jean-Pierre Godefrain.
Nous avons travaillé depuis la LFSS pour 2018 dans un souci de répondre aux alertes dont le président Cardoux a parlé. Le choix de la continuité a été fait pour l'outil informatique et il n'y aura pas de débranchement du système d'information actuel du RSI avant que les outils du régime général ne soient parfaitement opérationnels. Le « big bang » de 2006 ne se reproduira pas.
Ce choix de la continuité vaut aussi pour l'organisation. Dès 2017, le RSI et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) ont travaillé à mettre fin au découpage de l'activité du recouvrement entre ces deux acteurs qui avaient tendance à se renvoyer la balle lorsqu'un travailleur indépendant rencontrait une difficulté. Depuis 2017, la mise en place de la direction nationale du recouvrement commune aux deux organismes a permis de prendre en charge de bout en bout le recouvrement amiable et forcé des indépendants.
Depuis 2018, nous améliorons le service rendu aux entreprises en modernisant l'offre de service en ligne des Urssaf. Une application mobile a été créée pour déclarer et payer les cotisations, ce qui offre une grande liberté aux indépendants sans nécessiter des frais d'équipement particuliers : un smartphone et une carte bancaire suffisent désormais ! Cette application correspond également aux attentes des auto-entrepreneurs, dont le nombre a encore augmenté l'année dernière.
Concernant l'accueil dédié des indépendants dans le régime général, nous expérimentons à Bordeaux un accueil dit de « premier niveau » pour répondre aux besoins pour des motifs allant bien au-delà des demandes qui pouvaient être formulées actuellement dans les caisses du RSI. On constate en effet que les indépendants ont des demandes fortes relatives aux prestations servies par les caisses d'allocations familiales (Caf) mais aussi à leurs déclarations de revenus. Cette expérimentation permet donc de tester un socle d'accueil global pour les travailleurs indépendants.
Nous menons également une autre expérimentation d'un accueil spécifique aux créateurs d'entreprise, qui sont souvent les publics les plus démunis et les plus susceptibles de faire des erreurs et de se retrouver en difficulté vis-à-vis des Urssaf. Ces assurés, qui n'étaient pas demandeurs, semblent réceptifs à cette initiative et satisfaits d'avoir des agents identifiés pour répondre aux questions que l'on se pose quand on crée son entreprise : comment déclarer ses impôts ? Quelle sera ma retraite ? Cette prise en charge utile est néanmoins consommatrice en ressources supplémentaires.
Une troisième expérimentation est en cours : la modulation des cotisations sociales. Elle permet à l'artisan ou au commerçant, sans changer les règles de l'assiette sociale, d'adapter chaque trimestre, voire d'un mois sur l'autre, le montant des cotisations acquittées en fonction de ses revenus déclarés. Son échéancier est donc adapté en conséquence. Si les revenus sont stables, aucune modification n'est évidemment opérée. Nous sommes actuellement dans une phase de rodage du dispositif que nous avons construit directement avec les travailleurs indépendants en travaillant avec eux par exemple sur la maquette du site internet des Urssaf. Le service a été ouvert en début d'année à un échantillon volontairement réduit de 200 indépendants volontaires. Cette période de rodage a permis de relever des anomalies et d'améliorer le service. Il aurait été périlleux de le déployer plus largement. Actuellement, les premiers retours nous font penser que ce service va pouvoir concerner un échantillon plus large de quelques milliers de personnes dans les prochains mois. Le Gouvernement devrait disposer d'éléments pour faire un premier bilan à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2020.
Enfin, s'agissant des ressources humaines, le processus d'intégration est quasiment achevé. 90 % des personnels du RSI affectés au régime général ont accepté la proposition de poste et d'implantation géographique qui leur a été faite. Pour les 10 % restant, nous avons travaillé à une seconde proposition qui devrait convenir à la grande majorité. On estime entre 1 et 3 % la part des salariés du RSI qui n'auraient pas accepté leur mobilité. Je rappelle que le régime général intègrera dès le 1er juillet les personnels informatiques du RSI afin de leur garantir leur situation et d'éviter les éventuelles déperditions. Ce sera le cas également des agents chargés de l'affiliation - qui est une tâche sensible.
Je vous remercie pour ce point d'étape. Je note notamment la possibilité de moduler mensuellement le montant des cotisations sociales, qui va plus loin que ce que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 avait prévu.
Je donne la parole à Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice de la sécurité sociale.
En 2017, la volonté du Gouvernement a été double : faire en sorte que les travailleurs indépendants disposent d'un système de protection sociale de qualité et en même temps plus simple et fluide afin que les questions d'affiliation ne soient pas un frein à leurs démarches. La grande majorité des travailleurs indépendants ont été salariés à un moment de leur carrière.
Cette réforme propose donc une simplification du recouvrement en tenant compte des erreurs commises lors de la mise en place de l'interlocuteur social unique (Isu). Elle simplifie également l'assurance maladie en permettant que le salarié devenant indépendant reste affilié dans sa caisse primaire d'assurance maladie (Cpam). Depuis le 1er janvier dernier, c'est d'ailleurs déjà le cas pour les nouveaux travailleurs indépendants. De plus, le régime général liquidera désormais l'intégralité de la retraite de base des travailleurs indépendants, pour les droits acquis au titre de leur activité salarié mais aussi indépendante ainsi que la retraite complémentaire des indépendants.
La qualité de service s'est améliorée depuis janvier 2018 : le taux d'appel téléphonique pris en charge a augmenté de 12 % tandis que le taux de réclamation a, lui, diminué de 17 %. Le comité de surveillance, qui supervise le projet d'intégration pendant la période de transition de deux ans, a validé toutes les étapes et je peux dire que nous sommes en bonne voie pour être au rendez-vous du 1er janvier 2020.
L'enjeu des ressources humaines était considérable puisqu'il consistait au transfert au régime général de 5 000 salariés du RSI et de 2 000 salariés des organismes conventionnés, qui assurent la gestion de l'assurance maladie des indépendants pour le compte du RSI. Or 90 % des salariés ont déjà accepté leur nouveau poste.
Sur la gouvernance, la LFSS pour 2018 confie bien aux représentants des travailleurs indépendants le pilotage de leur protection sociale et de la qualité de service. Ils sont chargés également du pilotage du régime complémentaire et des réserves ainsi que de l'action sociale spécifique aux travailleurs indépendants. Le CPSTI a été installé en janvier dernier au niveau national avec l'assemblée générale et avec les quinze instances régionales de la protection sociale des travailleurs indépendants. Un médiateur est installé auprès de chacun de ces organes pour régler les difficultés des assurés. Un représentant du CPSTI siège également dans les conseils d'administration de toutes les caisses du régime général.
La composition des conseils aux niveaux national et régional s'est appuyée sur une enquête de représentativité des travailleurs indépendants. Au niveau national, un équilibre est à trouver entre les organisations représentatives pour qu'elles puissent toutes siéger, comme c'est le cas dans les instances régionales. Il est important que l'assemblée générale fonctionne, en particulier s'agissant de la gestion de l'action sociale des indépendants.
Nous avons été vigilants à conserver la possibilité d'un accueil dédié et global pour les travailleurs indépendants. Le site internet1(*) de la sécurité sociale des indépendants a également été renforcé. Certaines fonctionnalités ont été développées comme le paiement en ligne et par carte bancaire des cotisations sociales. Des accueils physiques globaux seront assurés dans vingt-huit points répartis sur le territoire national qui permettront de répondre aux questions de sécurité sociale mais aussi fiscales ou à celles liées aux Caf ou à Pôle emploi. Le dispositif expérimenté à Bordeaux devrait être étendu à la France entière à partir de 2020. Il permettra donc non seulement de conserver ce guichet unique mais également d'en élargir le champ de compétence.
Des parcours sont également testés pour les créateurs d'entreprises mais aussi pour les travailleurs indépendants qui rencontreraient des difficultés économiques afin d'avoir une appréhension globale de leurs besoins.
La principale difficulté dans les démarches déclaratives des cotisants réside dans le décalage entre la perception d'un revenu, la déclaration et le paiement des cotisations afférentes. Le téléservice de déclaration et de modulation des cotisations sociales, actuellement expérimenté, permet d'ajuster l'assiette des cotisations chaque mois et non plus seulement une fois par an. Ensuite, la LFSS pour 2019 a simplifié les modalités de calcul des cotisations en définissant une assiette sociale qui ne fait plus référence à l'assiette fiscale. L'assiette « nette » nécessaire au calcul des cotisations sociales constitue une difficulté pour le travailleur indépendant qui est obligé de pré-calculer le montant de ses cotisations sociales. Il convient de simplifier ce dispositif, ce que fait l'article 22 de la LFSS pour 2019. C'est une première étape. Le Gouvernement souhaite continuer à travailler sur cette simplification de l'assiette à l'occasion du prochain PLFSS. Une simplification des modalités déclaratives des travailleurs indépendants pourrait être proposée. Ils ont en effet trois déclarations à faire chaque année : deux déclarations fiscales, l'une au titre de son activité professionnelle et l'autre pour son impôt sur le revenu personnel et une déclaration sociale. Nous souhaitons unifier ces déclarations à partir de 2021 pour les revenus sur l'année 2020.
La réforme du RSI se met en place et produit des effets concrets pour les travailleurs indépendants. Elle s'ajoute à d'autres dispositifs mis en place ces dernières années pour ce public. Je pense à l'année « blanche » qui permet d'exonérer de cotisations sociales la première année d'activité du travailleur indépendant ainsi qu'à l'amélioration de la couverture en matière d'indemnités journalières maladie par la suppression de la condition d'être à jour de ses cotisations pour pouvoir en bénéficier. Je veux citer également l'amélioration de l'assurance maternité pour les travailleuses indépendantes qui a été alignée sur celle des salariées au régime général.
Je vous remercie pour ces éléments, dont je retiens principalement la volonté de fusionner les déclarations sociales et fiscales.
L'intégration des travailleurs indépendants dans le régime général et l'alignement de leurs droits sur ceux des salariés de doivent pas faire perdre de vue la spécificité des besoins et des attentes des indépendants, qui ne font pas face aux mêmes risques.
J'observe que, depuis dix-huit mois, on ne parle plus de « catastrophe industrielle » à propos du RSI. Je me méfie cependant des silences : la presse peut demain pointer de nouveaux problèmes.
La gouvernance du nouveau système a évolué. Alors que, dans le RSI, la représentation reposait sur l'élection de pairs au niveau régional, les CPSTI résultent d'une élection au niveau national. Dispose-t-on déjà d'éléments d'évaluation de cette modification ?
Les réserves du RSI, destinées à assurer la retraite complémentaire des indépendants, étaient évaluées à 17 milliards d'euros. Quel est aujourd'hui le montant de ces réserves ? Sont-elles sanctuarisées ?
S'agissant enfin de la gestion des ressources humaines dans l'intégration du RSI au régime général, vous nous indiquez qu'un premier accord a pu être trouvé, qui ne laisse aujourd'hui que 3 % de situations litigieuses. Comment la période de transition se déroulera-t-elle ? Faut-il s'attendre à des déplacements de postes en région ?
La fusion entre le RSI et le régime général se traduit par une réaffectation des personnels. Vous nous indiquez que 5 % d'entre eux se sont vu refuser une affectation, et que 9 % sont en attente d'une solution. Quelles solutions de reclassement envisagez-vous pour ne laisser aucun agent sur le bord ?
L'ensemble des situations problématiques antérieures à la fusion ont-elles été réglées ? Je dois dire que, en tant que parlementaire, je suis désormais moins sollicitée à ce titre.
Vous nous indiquez que les travailleuses indépendantes bénéficient désormais des mêmes droits que les salariées au titre de la maternité : pouvez-vous nous préciser ce point ? Il ne me semble pas que cette évolution se soit traduite par la mise en place de cotisations supplémentaires.
D'une manière générale, je crois qu'il reste à conduire un effort de pédagogie important autour du montant des cotisations dues et des droits qui leur sont associés. Les bénéficiaires du RSI ont le sentiment de régler des cotisations très élevées, qui leur ouvrent cependant des prestations plus faibles que celles dont bénéficient les salariés, notamment pour la retraite. Nous devons mieux expliquer le mécanisme de la part « employeur » et de la part « salarié ».
Alors que les femmes médecins touchent un avantage financier supplémentaire au titre de la maternité, ce n'est pas le cas des professionnelles paramédicales. Envisagez-vous des évolutions sur ce point ?
Je m'interroge sur la mise en oeuvre de la réforme de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav). La LFSS pour 2018 a restreint le nombre de professions libérales non réglementées obligatoirement affiliées à cette caisse et a ouvert, pour les assurés actuels de la Cipav, un droit d'option pour ceux souhaitant rejoindre le régime général. Les assurés peuvent-ils désormais s'en prévaloir, en sachant que les dispositions réglementaires d'application de cette mesure ont enfin été publiées ?
La future compétence de la Cnav en matière de retraite des travailleurs indépendants nécessitera des échanges informatiques entre les Urssaf et les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) pour contrôler le paiement des cotisations - puisque la protection sociale des indépendants est régie par le principe « pas de prestations sans cotisations ». Ces échanges informatiques sont-ils prêts à ce jour ?
Lors de l'examen du PLFSS pour 2019, le Gouvernement avait évoqué la possibilité de modifier l'assiette de prélèvement des cotisations sociales des indépendants pour la faire basculer d'une assiette nette vers une assiette brute. Cette piste avait été écartée par un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) en 2016. Est-elle toujours d'actualité, et correspond-elle aux demandes des travailleurs indépendants ?
Enfin, qu'en est-il de la mise en oeuvre de l'article 22 de la LFSS pour 2019, qui proposait une formule censée simplifier le calcul des cotisations sociales des indépendants, mais qui était inopérante ?
S'agissant tout d'abord de la gouvernance du nouveau système, nous sommes passés à un dispositif analogue à celui qui existe dans le régime général, c'est-à-dire un mécanisme de représentation par des organismes représentatifs. Nous avons pour ce faire conduit une enquête de représentativité et mis en place le nouveau dispositif en janvier 2019. Nous sommes donc actuellement dans une phase de mise en place, et ne pourrons tirer les leçons de ce nouveau fonctionnement qu'après un à deux ans de mise en oeuvre.
S'agissant des réserves du RSI, elles ont en effet été sanctuarisées au bénéfice des régimes complémentaires de retraite.
Sur la question des ressources humaines, les ministres s'étaient engagés à ce que n'intervienne aucun licenciement, ni aucune mobilité géographique forcée. C'est sur cette base que nous avons conclu et signé des accords. D'ici fin juin, tous les salariés du RSI auront une visibilité sur les postes où ils pourront exercer.
La réforme du congé de maternité des indépendantes, prévue par la LFSS pour 2019, a consisté en un alignement de sa durée sur celle dont bénéficient les salariées. Cette réforme a en effet été opérée sans augmentation du niveau des cotisations.
Je rejoins la remarque formulée sur la nécessité de déployer davantage de pédagogie quant au niveau des prélèvements dus par les indépendants. En réalité, ces prélèvements ne sont pas plus importants que ceux dus par les salariés ; mais nous devons mieux expliquer les prestations auxquelles ils donnent droit. La réforme mise en place n'a entraîné aucune hausse de prélèvements : au contraire, nous avons déployé des mesures en faveur du pouvoir d'achat.
Le mode de calcul des cotisations a été clarifié, d'un point de vue juridique, par l'article 22 de la LFSS pour 2019. Un téléservice de l'Acoss sera par ailleurs mis en place en juillet 2019 afin de rendre le calcul des cotisations plus lisible et plus prévisible. Nous souhaitons par ailleurs développer une approche pragmatique et permettre aux cotisants de moduler chaque mois le montant de leurs versements.
Quelques précisions tout d'abord sur les réserves : les équipes en charge de leur gestion seront conservées et nous veillerons à garantir l'étanchéité entre ces réserves et le régime général. Leur montant s'élève à 17 milliards d'euros.
Sur les questions relatives au ressources humaines, je souligne que les organismes vers lesquels nous transférons la gestion du régime sont plutôt moins concentrés que le RSI. Cela n'aboutira donc pas à une perte en termes de proximité. Nous appliquons cependant le principe selon lequel il n'y aura pas de mobilité géographique non choisie. Le processus d'accompagnement est le suivant : une première offre a été faite sur la base des voeux exprimés ; des entretiens se sont tenus sur ces bases au cours du premier trimestre. 90 % des personnels ont accepté cette première offre ; pour les autres, un deuxième entretien a été conduit. Ceux qui n'auront accepté aucune de ces deux offres se verront affectés d'office ; mais cette solution ne concernera que très peu de personnes. Nous avons par ailleurs mis en place des formations visant à faire connaître aux salariés leur futur environnement de travail : cela passera notamment par des journées portes ouvertes, des visites ou encore des parrainages.
La plupart des dossiers compliqués se sont à ce jour réglés, ce qui n'exclut pas qu'il reste des situations difficiles. Nous observons par ailleurs une amélioration de l'indicateur du taux de recouvrement, ce qui traduit une amélioration générale des relations avec les services.
Les échanges informatiques entre caisses ont mis du temps à se mettre en place, mais ils fonctionnent aujourd'hui. Nous avons lancé depuis plusieurs moins un programme permettant une intégration des informations dans le système du répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), afin de permettre un suivi de la carrière commun à l'ensemble des régimes. Nous avons aujourd'hui une continuité des outils existants, avec un outil RSI retraites qui fonctionne, et nous avons engagé des travaux pour développer les échanges avec la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Je voudrais également mentionner l'important sujet de l'action sociale à destination des cotisants en difficulté économique : leur prise en charge partielle ou totale peut être assurée par un fonds d'action sociale du RSI, qui sera prochainement absorbé par le régime général et géré par les Urssaf. Ce dispositif est maintenu dans ses principes et ses montants. Un des principaux enjeux est celui du recours : les travailleurs indépendants doivent avoir connaissance de cette offre d'action sociale.
Il s'agissait en effet d'une volonté très forte de Gérard Quévillon, l'ancien président du RSI.
En complément à cette mention du fonds social des indépendants, je souhaite insister sur les problèmes de trésorerie que rencontrent fréquemment les travailleurs indépendants et l'importance que peut alors revêtir cette action sociale, gérée de manière entièrement paritaire. Il s'agit souvent de très petites entreprises, qui n'auront pas toujours le réflexe de prévenir l'Urssaf en cas de défaut de liquidité. L'Urssaf devra alors adopter une démarche proactive.
Un autre important sujet concerne l'assiette des cotisations, dont la taille commande plus ou moins la qualité juridique de l'entreprise. Si vous me permettez la trivialité de l'expression, en France plus l'assiette est petite et plus les prélèvements y sont disproportionnés par rapport à la réalité des revenus ! Les travailleurs indépendants sont ainsi incités, dès que leur taille le leur permet, à passer du régime de l'entreprise unipersonnelle à l'entreprise individuelle puis à la société.
Je suis parfaitement d'accord avec ce qui vient d'être dit. Selon moi, il conviendrait de clairement distinguer, pour les travailleurs indépendants, la rémunération et l'autofinancement et de ne faire porter l'effort de cotisation que sur la première. Il est parfaitement absurde de faire payer des cotisations sociales sur des revenus qu'on se contente de qualifier de « disponibles ».
Je vous remercie de votre éclairage.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous entamons la seconde table ronde consacrée à la mise en oeuvre de l'intégration du régime social des indépendants (RSI) dans les caisses du régime général. Nous recevons M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), très attendue au tournant car les Carsat vont devoir liquider à la fois les retraites de base mais aussi complémentaires des indépendants, M. Philippe Renard, directeur général de la caisse nationale déléguée de sécurité sociale des travailleurs indépendants, qui a pris le relais de la caisse nationale du RSI pendant les deux ans de la transition, et Mme Aurélie Combas-Richard, directrice du projet d'intégration du RSI à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
Je suis effectivement chargé du pilotage de cette période transitoire de deux ans, mais qui pourra à plusieurs égards s'étendre au-delà. Mon principal objectif fut de maintenir la qualité de service rendu aux usagers, avec l'ambition de rendre une forme de fierté et de motivation aux 5 000 salariés du régime, partiellement mise à mal par les campagnes de presse pas toujours bienveillantes qu'a subies le RSI durant les trois dernières années. À ce titre, je souhaiterais préciser que, contrairement à ce que l'on entend fréquemment, il ne s'agit pas à proprement parler d'une fusion du RSI et du régime général, mais d'une absorption éclatée du premier dans le second. Les 5 000 salariés du régime seront répartis dans une centaine d'organismes différents. Par ailleurs, plusieurs mesures de rapprochement et d'harmonisation avaient déjà été entamées depuis 2015 et la décision d'absorption prise en 2018 par le législateur est venue entériner une dynamique déjà lancée.
Il a été essentiel de remettre les équipes de direction au centre de la transformation. Je rappelle en effet que pendant ces deux ans de transition, l'activité et la relation aux assurés ont continué d'être assurées par les ex-caisses du RSI, actuelles caisses déléguées - à l'exception de leur affiliation à l'assurance-maladie et, depuis le 1er janvier 2019, de l'affiliation générale des créateurs d'entreprises, reprises par le régime général. Ainsi, le maintien de caisses spécifiques au cours de cette période transitoire a rendu nécessaire la tenue d'un dialogue social très étayé, au cours duquel la caisse nationale déléguée a pris tout son rôle. L'absorption du RSI par le régime général a en effet interrompu la dynamique préalablement entamée de rapprochement des vingt-neuf différentes caisses des travailleurs indépendants : cette inflexion stratégique a dû se faire avec la délicatesse requise.
Je souhaiterais vous faire part d'un enjeu de plus long terme : le transfert des systèmes d'information. En la matière, la transition réelle se prolongera certainement sur quatre ou cinq ans. Ce qu'on appelle un peu techniquement le « décommissionnement des applicatifs » du RSI ne pourra se faire qu'à la condition d'un chaînage strict avec le régime général. Pour ce faire, un groupement d'intérêt économique (GIE) sera mis en place à partir du 1er juillet prochain et poursuivra son travail au-delà du terme de la disparition des caisses déléguées.
Ensuite, l'action sociale en faveur des indépendants restera fondamentale. Même si les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) en assureront effectivement la gestion, les orientations resteront déterminées par les organes régionaux du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI). Je confirme les propos avancés au cours de la première table ronde sur le maintien des montants consolidés, qui, à l'identique de ce que prévoyait la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour 2016-2019, se chiffreront à 104 millions d'euros.
Nous aurons aussi à gérer le sujet de la transmission du patrimoine mobilier et immobilier. Une partie du transfert se fera de la caisse nationale déléguée au CPSTI. L'immobilier de service sera pour sa part cédé aux Urssaf, aux caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) et aux caisses primaires d'assurance maladie (Cpam). Dans les mêmes locaux, cohabiteront ainsi des services de caisses et d'unions de recouvrement. Tout sera organisé pour qu'en janvier 2020, la suppression définitive des caisses déléguées entérine convenablement la fin de la période transitoire.
Vous me permettrez, pour conclure mon propos liminaire, de rappeler l'enjeu stratégique de ce rapprochement. Les parcours professionnels ayant vocation à être de plus en plus diversifiés - on peut commencer comme autoentrepreneur et on peut ensuite être amené à alterner entre salariat et travail indépendant - l'intérêt d'un interlocuteur unique du travailleur et l'importance de réussir cette transition sont particulièrement cruciaux.
Merci pour vos précisions Monsieur Renard.
Monsieur Villard, je vais vous donner la parole en souhaitant que vous nous éclairiez, en particulier, sur les questions suivantes : comment l'intégration du RSI s'effectue-t-elle au sein de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ? Comment sera organisé l'accueil dédié ? Comment la nouvelle activité de la retraite complémentaire sera-t-elle opérationnelle dès janvier prochain ?
Du point de vue de l'assuré, la réforme de la retraite repose sur la mise en place d'un guichet unique. Tous les assurés du RSI étaient déjà, à quelques exceptions près, assurés du régime général et pouvaient donc, pour leur carrière et leur retraite, s'adresser à deux guichets. Au 1er janvier 2020, ils s'adresseront désormais à un seul guichet. L'avantage de cette simplification s'est amplifié par la multiplication des points d'accueil de ce guichet unique. Hier, le RSI comptait une trentaine de points d'accueil. Aujourd'hui 250 agences retraite sont à la disposition des assurés. Nous avons privilégié, dans la mise en oeuvre de cette réforme, une approche pragmatique afin d'assurer un meilleur service pour l'assuré.
Nous avons également veillé à élargir le champ de l'offre de services à partir d'effets d'échelle. Le régime général couvre 90 % des retraités, avec 14 millions de pensionnés, et a donc développé un bouquet de services plus large. Compte tenu de ses deux millions de retraités, le RSI disposait de fait d'une capacité d'action plus limitée. Notre engagement a été très rapidement de diversifier l'offre de services, par une série de victoires symboliques : dès 2018, nous avons mis en oeuvre des outils de simulation pour les rachats dits « Madelin » et les rachats d'années incomplètes, enjeux majeurs pour les travailleurs indépendants qui parfois n'ont pas leurs quatre trimestres et découvrent plus tard que l'absence de trimestres cotisés est préjudiciable à des retraites déjà modestes. De même, nous sommes en cours de déploiement d'une offre de services numériques, opérationnelle pour juillet 2019, destinée à identifier spécifiquement des parcours pour les travailleurs indépendants.
Mais le diable reste dans le détail, notamment en ce qui concerne les régimes complémentaires. La grande inconnue de cette réforme est, pour nous, de gérer un régime de retraite complémentaire. Nous gérons plusieurs régimes de base dont les règles du jeu ont été fixées par le législateur. Un régime complémentaire requiert une gouvernance spécifique, une propriété juridique des réserves et des paramètres fixés par le régime.
Nous nous préparons bien entendu à cet enjeu. Nous n'avons pas d'inquiétude sur la reprise et la continuité de services au 1er janvier 2020. En revanche, c'est sur le volet de la reprise de la retraite complémentaire que nous aurons besoin de plus de temps. Le maintien des outils et processus actuels du RSI, sans doute jusqu'en 2022, nous permettra d'éviter un « big bang » non maîtrisé en 2022 qui pourrait provoquer une nouvelle « catastrophe industrielle ».
Notre ambition est de nous inscrire dans un pragmatisme de bon aloi, au plus près du terrain et par le biais d'expérimentations qui autorisent la prudence nécessaire, pour éviter toute rupture dans la continuité de service. Dès le mois de mai 2018, nous avons expérimenté le calcul des pensions du RSI à partir de notre outil « retraite » dans trois régions pour cinquante dossiers. Trois mois après, toutes les régions ont emboîté le pas pour gérer un total de 5 000 dossiers. Une généralisation est envisageable au 1er janvier 2020 et 85 % des retraites du RSI seront calculées à partir de cet outil.
Je voudrais également saluer, en ma qualité de président du comité exécutif de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss), le travail collectif qui été mené en matière de dialogue social : il a été nourri et fécond entre la caisse nationale déléguée et son réseau mais également entre les organisations syndicales du régime général et les organisations syndicales du RSI. Le climat est dorénavant beaucoup plus apaisé, les réassurances apportées par la centaine d'employeurs ont porté leurs fruits.
Je cède la parole à Mme Combas-Richard. Madame, pourriez-vous nous préciser l'état des relations avec les organismes conventionnés qui ont vocation à disparaître ?
Du côté de l'assurance maladie, la réforme se met en place en trois temps.
Au 1er janvier 2018, est passée inaperçue la reprise par la Cnam du pilotage de la branche « santé » du RSI et de la délégation de gestion accordée aux organismes conventionnés. Au sein du RSI, le remboursement des frais de santé et le versement des indemnités journalières n'étaient pas traités par les caisses locales mais par des organismes conventionnés. Il existe, à ce jour, dix-huit organismes conventionnés mutualistes avec vingt-cinq employeurs, et un organisme d'assurance privé.
En janvier 2019, nous avons repris en gestion les nouveaux travailleurs indépendants, qui restent la plupart du temps affiliés à leur caisse primaire. Sur ces 225 000 travailleurs indépendants, plus de quatre sur cinq étaient déjà gérés par leur caisse primaire, avec de vrais progrès en termes de simplification. Cette simplification se traduit ainsi aussi dans les conditions d'accès aux agences d'accueil : ils n'ont plus qu'un seul interlocuteur qui est la Cpam. Tous les flux d'information entre les Urssaf et les Cpam se sont déroulés sans problème.
En janvier 2020, l'assurance maladie intègrera les 4,5 millions de travailleurs indépendants. Le premier défi est celui des systèmes d'information : c'est une étape inédite, l'assurance maladie n'ayant jamais intégré d'un coup autant d'assurés dans ses bases. En application du principe de prudence, nous avons échelonné cette bascule informatique en trois phases, en fonction des centres informatiques des organismes conventionnés. La première bascule, qui interviendra le 18 janvier 2020, représente 60 % du stock des travailleurs indépendants. La deuxième bascule se déroulera le 1er février 2020 pour 15 % des organismes conventionnés et la dernière bascule concernera, à compter du 15 février 2020, les 25 % restants.
Le second défi porte sur les ressources humaines. Ce défi est double : il comporte un volet « RSI » et un volet « organismes conventionnés ». Nous sommes allés à la rencontre des vingt-six employeurs d'organismes conventionnés afin de négocier des accords de transition. À ce jour, nous avons mené vingt-deux négociations sur les vingt-six prévues, avec l'objectif d'organiser en douceur l'atterrissage conventionnel des salariés de ces organismes. Elles devraient s'achever à la fin du mois de juin.
L'assurance maladie intègre également d'autres régimes tels que les étudiants et certains régimes de fonctionnaires. Nous avons pris le parti de ne pas spécialiser des équipes sur la gestion de ces différents régimes. Nous devrons donc former à nouveau une partie de nos collaborateurs afin qu'ils puissent gérer tous les publics. Cet effort de formation concerne 23 500 salariés pour un budget de dix millions d'euros. La conduite du changement doit permettre de créer un collectif de travail entre des salariés issus d'entités différentes.
Les Carsat vont devoir liquider les pensions complémentaires des travailleurs indépendants : comment cette nouvelle activité est-elle appréhendée par vos services ?
Les travailleurs indépendants disposeront-ils d'un accès dédié aux services des caisses d'assurance maladie pour les prestations en espèces ?
Une des difficultés soulevées par le transfert du RSI vers le régime général est liée aussi à la différence des rémunérations : comment cet enjeu a-t-il été pris en compte dans les négociations ?
J'ai retenu qu'environ 5 000 salariés allaient être répartis entre une centaine d'organismes. Vous avez mis, au niveau du RSI, les équipes de direction au centre de ces nouvelles organisations afin de redonner confiance aux agents. À force de décrier le RSI, on a en effet souvent oublié les agents qui travaillent pour cet organisme.
L'expérimentation de Bordeaux est plutôt intéressante, notamment en ce qui concerne l'interlocuteur unique - on recrée le RSI, si je puis dire - de même que l'expérimentation relative à la modulation des cotisations sur un rythme pouvant même être mensuel. Dans votre réorganisation, les équipes de direction ont-elles été associées à l'expérimentation de Bordeaux ? A-t-on pu préfigurer une organisation qui pourrait être généralisée ?
Les changements structurels que vous évoquiez ont-ils induit des évolutions dans les comportements en matière de rachats de trimestres ? Est-il possible d'évaluer ces rachats en nombre et en volume et d'en avoir une vision prospective ?
J'ai bien compris que la situation serait réglée pour les salariés au 30 juin, date à laquelle ils pourront se retourner vers la Cpam pour leur affiliation. Cependant, les indépendants intégrés au régime général conserveront des règles propres pour le calcul de leurs cotisations. Ne risque-t-on pas de créer un régime à deux vitesses ?
Je vous remercie pour vos interventions qui nous apprennent beaucoup depuis le début de la matinée. Lors de notre première table ronde, on nous a indiqué qu'il y avait quinze antennes et vingt-huit points d'accroches pour les travailleurs indépendants. L'accent est également mis sur les outils numériques et l'accompagnement. Plus concrètement, comment les travailleurs indépendants ont-ils accès aux services et où peuvent-ils être accueillis ?
La réforme de l'assurance chômage pour les indépendants était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Elle est très attendue mais on n'en entend plus parler ! Auriez-vous des informations à nous communiquer ?
Concernant le patrimoine, la Cpam de mon département a des locaux neufs depuis deux ans ; le RSI de la région Poitou-Charentes a construit des locaux neufs il y a trois ou quatre ans. On nous a expliqué qu'il y aurait des transferts de personnels donc on peut supposer que les locaux du RSI vont être vendus. Comment est donc géré le patrimoine à l'occasion de ces regroupements ? Et quelles sont les conséquences pour les usagers en termes d'implantation des guichets ?
Pour la gestion des pensions complémentaires, le choix a été fait d'utiliser pour l'instant les compétences et les outils informatiques qui étaient liés au RSI. Il y a donc une intégration des équipes et de leurs outils de gestion. La migration vers des outils communs interviendra en 2022, à la fin du processus. Il s'agit là d'un phasage pragmatique pour éviter de réviser plusieurs fois les outils de gestion, alors qu'une réforme des systèmes de retraites est en préparation.
Sur les rachats de trimestres, les chiffres sont très faibles car ces rachats s'effectuent au coût actuariel, ce qui est très coûteux. Ces faibles chiffres s'expliquent aussi par le fait que l'accompagnement global du travailleur indépendant n'est pas aussi poussé qu'il pourrait l'être. L'idéal serait de pouvoir accompagner le travailleur indépendant en temps réel mais aujourd'hui ces mécanismes sont peu connus et peu utilisés.
Sur le taux de cotisation adapté, c'est effectivement un débat qui traverse la protection sociale. Juridiquement, un travailleur indépendant, qui est son propre employeur, devrait payer toutes les cotisations salariales et patronales. Pour la retraite, un salarié verse près de 30 % de sa rémunération en cotisations d'assurance vieillesse. C'est beaucoup moins pour un travailleur indépendant mais son alignement sur les taux applicables aux salariés serait délicat pour son pouvoir d'achat. Le régime complémentaire des travailleurs indépendants est faible en termes de cotisations : peu de points sont donc acquis et le montant de retraite complémentaire est assez faible par rapport à celui des salariés.
Sur l'assurance chômage, je renvoie la question aux pouvoirs publics compétents.
Ce sujet concerne Pôle emploi. Nous réformons déjà en profondeur l'organisation de la sécurité sociale pour les travailleurs indépendants. Pour l'assurance chômage, des concertations sont en cours et les pouvoirs publics ont récemment repris la main. C'est hors du champ de mes compétences. On n'en entend pas parler mais cela ne veut pas dire que rien n'est fait.
Ensuite, Monsieur Morisset a évoqué la question du patrimoine. Historiquement, le RSI a acquis un patrimoine assez important. Nous procédons au cas par cas pour la gestion de ce patrimoine avec des maintiens ou des cessions selon la situation. Un plan d'optimisation du patrimoine a été élaboré pour éviter d'effectuer des cessions trop rapides ou de mauvais aloi. Nous cédons d'abord le patrimoine en location, pour ne pas garder des baux inutiles. La programmation a été bien mise en oeuvre et nous avons également des plans d'accueil pour l'arrivée des personnels transférés dans de nouveaux locaux. La sécurité sociale dispose d'une surface par agent au-dessus de la moyenne dans l'immobilier de bureau, car les effectifs ont évolué sans que les locaux ne soient modifiés. Pour la branche retraite, nous sommes à 13,5 m2 par agent. Ces transferts permettent donc d'optimiser l'occupation des surfaces existantes.
Sur les différences de rémunérations, le maintien du salaire brut annuel a été négocié à l'occasion du transfert. Ce qui complique toutefois les choses en visibilité c'est qu'on a deux conventions collectives et deux classifications différentes, même si elles se ressemblent. Il faut donc gérer le maintien de la rémunération avec des classifications qui peuvent changer. Compte tenu des organisations et des emplois repères dans le régime général, il y a eu des transferts au régime général avec un niveau inférieur, ce qui n'a pas été très bien ressenti. Presque autant de salariés sont transférés à un niveau supérieur. Le sujet des classifications est donc complexe à gérer.
Concernant l'accueil, nous expliquons depuis ce matin que, compte tenu de la vie professionnelle qui est multiple, il peut être plus simple d'avoir affaire à une seule structure, la Carsat ou la Cpam. Cependant, dans certaines situations, il faut que différents acteurs travaillent en commun pour répondre à des situations qui concernent plusieurs branches. D'où l'expérimentation du guichet unique qui existe à Bordeaux. On constate que ce guichet unique accueille beaucoup de micro-entrepreneurs ; il traite beaucoup de démarches liées à la création de l'entreprise, de sujets qui associent des problèmes de santé et de cotisations, et de sujets de reconstitution de la carrière et de liquidation de la retraite. Avec la mise en place de l'interlocuteur social unique, il y a eu des dysfonctionnements qui, au moment de la liquidation de la retraite, doivent être régularisés. Le guichet commun concerne donc des populations ciblées et à des moments de vie particuliers. On n'ira pas au guichet commun pour toutes les situations. D'où l'importance d'en implanter dans les vingt-neuf caisses existantes aujourd'hui. Ce sont au sein de ces locaux que les guichets communs devraient être installés car les usagers ont l'habitude de s'y rendre. Certains travailleurs indépendants ont encore l'habitude de venir au guichet donc il faut les conserver. On voit bien l'intérêt de la fusion avec le régime général et l'utilité de conserver en même temps un guichet unique.
L'intégration au régime général est un plus en termes de proximité puisque les travailleurs indépendants peuvent se rendre dans les points d'accueil de l'assurance maladie et dans ceux de l'assurance retraite. Pour l'assurance maladie, il n'y aura pas d'accueil spécialisé pour les travailleurs indépendants. Nous avons néanmoins travaillé sur des offres de services dédiés à certains segments de travailleurs indépendants ou pour des temps spécifiques de leur activité. Nous avons par exemple constaté que le renoncement aux soins était important chez les travailleurs indépendants car ils ne prennent pas toujours le temps de se soigner. Nous développons donc une offre de services pour les accompagner vers un meilleur recours aux soins. Nous travaillons aussi sur la prévention des risques professionnels par type d'activité, et nous développons cette année des dispositifs pour les professions de garagiste et de boucher.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 40.
* 1 www.secu-independants.fr