Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 9 octobre 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OTAN
  • adhésion
  • djibouti
  • luxembourg
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  • militaire
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Monsieur le Président, Mes chers collègues.

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation du Protocole entre la France et Djibouti relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de la République de Djibouti. C'est le seul protocole de ce genre signé par la France.

À titre liminaire, rappelons ce qu'est la prévôté : il s'agit d'un service de la gendarmerie, institué auprès des forces armées françaises hors du territoire national, à la demande du ministère des armées - ici, à Djibouti -, pour l'exercice, sous la direction des magistrats des formations spécialisées du tribunal de grande instance de Paris, d'une mission de police judiciaire militaire - constatation des infractions commises par ou contre les forces armées, rassemblement des preuves et recherche des auteurs -. La prévôté exerce également une mission de police générale militaire pour assurer le bon ordre et la sécurité des forces. Elle apporte un appui à la force pour sécuriser des événements majeurs des forces françaises. Elle participe à la mission de renseignement pour préserver la sécurité des militaires et des emprises françaises.

Actuellement 33 prévôts sont déployés par la France à l'étranger dans des détachements permanents - outre Djibouti, il y en a, par exemple, aux Emirats arabes unis, au Gabon, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et en Allemagne - et 28 dans des théâtres d'opérations extérieures pour des missions de 4 mois - par exemple au Sahel, en Centre-Afrique et en Jordanie. Depuis l'indépendance de Djibouti en 1977, un officier et six gradés de gendarmerie y sont affectés pour des missions de trois ans. En 2018, la brigade a constaté 46 crimes et délits, dont 26 atteintes aux biens et 12 atteintes aux personnes. En 2017, 46 accidents de la circulation ont été constatés et 69 procédures de renseignement judiciaire établies. Globalement, le nombre d'enquêtes décroît en raison de la réduction des effectifs français en mission de longue durée et des campagnes de sensibilisation.

S'agissant du contexte géopolitique, je ne reviendrai pas sur notre rapport sur Djibouti présenté l'année dernière, si ce n'est pour rappeler que la France entretient une relation ancienne et privilégiée avec Djibouti, dont le Français reste une des langues officielles. Sa situation au carrefour de l'Ethiopie, de la Somalie et de l'Erythrée en fait la porte d'entrée de l'Afrique de l'Est et un point de contrôle idéal du détroit stratégique de Bab-el-Mandeb par lequel transite la quasi-totalité du trafic commercial entre l'Asie et l'Europe. Les forces françaises basées à Djibouti (FFDJ) depuis 1977 représentent la première base de pré-positionnement de l'armée française avec 1 450 hommes répartis, pour moitié, entre missions pluriannuelles de longue durée et missions de courte durée de 4 mois. Compte tenu de l'intérêt géostratégique de Djibouti, il y a également une base militaire américaine , une base chinoise ainsi qu'une base japonaise. Portant son projet des routes de la soie, la Chine a largement financé les infrastructures portuaires et ferroviaires de Djibouti dont le remboursement des prêts s'annonce compliqué en dépit d'un moratoire obtenu jusqu'à 2020. La Chine est le principal créancier de Djibouti.

S'agissant du contexte juridique : ce protocole de 2017 actualise le protocole de 1980 sur les compétences de la prévôté à Djibouti, en conformité avec le nouveau traité bilatéral de coopération en matière de défense, signé en 2011 et en vigueur depuis 2014, en particulier son article 16, qui donne à la France la priorité de juridiction pour connaître de toutes les infractions résultant de tout acte d'un membre du personnel français commis en service ou à l'occasion du service, des infractions portant atteinte exclusivement à la sécurité ou aux biens de l'Etat français ou aux biens ou à la personne d'un membre des forces armées françaises ainsi que des infractions commises par les membres des forces françaises au sein des installations mises à disposition des autorités françaises. Par accord tacite entre les Parties, le mécanisme d'abrogation de tous les accords antérieurs n'a pas été appliqué au Protocole de 1980 mais a accéléré sa révision.

Ce protocole précise la répartition des compétences entre la prévôté et la police ou la gendarmerie djiboutienne pour la poursuite des infractions rendant leurs auteurs justiciables des juridictions françaises : la prévôté a la charge d'assurer la mission de police judiciaire avec le concours des autorités djiboutiennes, sauf à agir seule lorsque l'infraction a été commise par un militaire français ou l'un de ses ayants droit dans le périmètre des installations françaises. Le protocole distingue les cas du crime ou du délit flagrant selon qu'il est commis dans les installations françaises par un auteur relevant de la compétence des juridictions djiboutiennes - la prévôté prend alors toutes les mesures conservatoires (garde à vue, conservation de preuves) - ou hors des installations par un auteur relevant des juridictions françaises - la police ou la gendarmerie djiboutienne prend dans ce cas toutes les mesures conservatoires -, chaque autorité informant l'autre. Hors ce cas, tout justiciable des juridictions françaises ne peut être arrêté que par la prévôté, sauf demande contraire des autorités françaises. Si un membre du personnel est poursuivi pour des infractions multiples relevant des juridictions françaises et des juridictions djiboutiennes, il relève de l'autorité judiciaire compétente pour l'infraction dont la sanction est la plus lourde au regard du droit français. Le protocole précise également les modalités d'instruction des plaintes et des dénonciations, de communication des mandats et citations de justice, de transmission et d'exécution des commissions rogatoires. IL raccourcit certains délais en vue d'accélérer les enquêtes.

Outre les stipulations relatives aux accidents de la circulation mettant en cause les membres du personnel et aux accidents survenant à des aéronefs militaires français, le protocole traite de la mission de police générale militaire de la prévôté afin d'assurer la sécurité des forces françaises stationnées, en précisant son degré de coopération avec la police ou la gendarmerie djiboutienne. La prévôté a également pour mission de contrôler le comportement et la discipline des forces françaises en dehors des installations françaises, notamment par des patrouilles mixtes avec la police ou la gendarmerie djiboutienne - et de contrôler les véhicules des forces françaises en cas de déplacement en dehors des installations, y compris lors d'exercices par voie terrestre - respect du code de la route et des décisions de police de la circulation militaire. En 2017, 16 militaires ont été mis en cause dans des procédures délictuelles de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Sur le fond, ce nouveau protocole consolide le cadre juridique de l'exercice des missions des prévôts prévu par le protocole de 1980. Il permettra d'améliorer une coopération institutionnelle déjà très satisfaisante, tant du point de vue de la coordination des investigations que de la réciprocité des échanges d'informations directement entre les services d'enquête. Le processus de ratification est toujours en cours côté djiboutien.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 17 octobre 2019 selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Le rapporteur a rappelé à juste titre que les Chinois étaient de plus en plus présents à Djibouti mais le plus important, ce sont les prêts et les investissements qu'ils y ont réalisés. À cet égard, le précédent du Sri Lanka est très inquiétant. Incapables de rembourser le prêt chinois, le Sri Lanka a dû « offrir » à la Chine un port qui est devenu un port militaire de grande importance dans cette partie du monde. N'est-ce pas le scénario qui pourrait se dérouler à Djibouti, compte tenu de son importance stratégique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Nous avions évoqué ce point dans notre rapport de l'an dernier. Nous avions indiqué alors que Djibouti serait incapable de rembourser les prêts chinois en 2019 et risquerait alors de passer sous tutelle chinoise. Le moratoire obtenu jusqu'en 2020 renvoie le problème à l'année prochaine mais celui-ci se posera de la même façon. J'ai toujours considéré que les routes de la soie étaient en fait une toile d'araignée tissée par la Chine . En 2020, Djibouti sera incapable de rembourser la Chine et la Chine aura complétement «ficelé » Djibouti.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je peux témoigner, à la suite de mon déplacement à Djibouti avec le Président de la République, que l'abandon de ses positions par la France bénéficie immédiatement à la Chine. Les Chinois tiennent un raisonnement simple : si vous ne pouvez plus payer, nous devenons propriétaires. C'est comme cela que la base militaire chinoise a désormais une capacité d'accueil de 10 000 soldats. Il en va de même pour la voie ferrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

La présence de la France dans cette partie du globe paraît indispensable , stratégique, notamment s'agissant de la lutte contre le terrorisme. Je veux revenir sur la présence chinoise. On lit ça et là que les Chinois obtiennent des marchés avec des prix extrêmement compétitifs mais qu'ensuite, ils exercent une sorte de chantage, osons le mot, pour réaliser les derniers mètres et qu'alors, ils se rattrapent financièrement. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je constate qu'à chaque fois que nous parlons de Djibouti, la situation des droits de l'Homme est évacuée alors qu' elle est préoccupante. Ce régime avec lequel nous nous entendons très bien, si j'en crois ce rapport, est un régime dictatorial, assez corrompu. C'est un facteur d'instabilité majeur et je rappelle, à ce propos, qu'un des principaux opposants au régime, Mohamed Kadami, président du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD), qui vit en France depuis des années sous la protection du droit d'asile, est actuellement dans une situation fragilisée dans la mesure où Djibouti demande son extradition au terme d'une procédure dont je vous laisse apprécier la qualité. Il risque la prison à vie ou la peine de mort. Il y a beaucoup d'opposants qui meurent dans les prisons djiboutiennes. Tout cela semble ne pas compter face à nos intérêts géostratégiques mais même de ce point de vue, je ne suis pas sûr que notre aveuglement sur la situation des droits humains et sur le régime soit un très bon calcul.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Pierre Laurent vient de très bien dire ce que je voulais dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

97 %, c'est le taux d'élucidation des crimes à Djibouti. Puisque la Chine a jeté son dévolu sur Djibouti et on peut le comprendre, compte tenu de son intérêt géostratégique, il faut savoir que RFI n'émet plus à Djibouti. C'est une radio chinoise qui émet en Français à sa place. En début d'année, la Chine a offert à Djibouti 600 caméras à reconnaissance faciale et lorsque je suis passé sur place, les membres des milieux économiques avaient une grande crainte d'être suivis. Dans le cadre de la préparation de ce rapport, avez-vous eu des informations sur ces caméras qui doivent être positionnées auprès des forces de sécurité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Tout a déjà été très bien dit. Djibouti n'est certes pas un parangon de vertu en matière de bonne gouvernance et de respect des droits de l'Homme. Si on regarde parmi nos partenaires de la région et ceux qui s'y implantent, on ne trouvera pas non plus beaucoup de parangons de vertu. Je pense que plus notre position sera forte à cet endroit stratégique et plus nous serons en mesure de passer un certain nombre de message concernant les abus. Il y a aussi une autre dimension à prendre en compte. Le choix a été fait de renforcer la relation avec l'Ethiopie, nouveau partenaire majeur dans la région. Un jour ce sera peut-être le tour de l'Erythrée. Je pense que nous avons vraiment intérêt à conforter notre présence à Djibouti et il faut malheureusement faire la part des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Personne n'envisagerait de remettre en cause notre présence dans un lieu aussi stratégique mais notre présence militaire ne suffit pas. Olivier Cadic a évoqué la fin de RFI à Djibouti. C'est important car l'expression française via un média chinois est sujette à caution. Je veux parler de notre présence en termes éducatifs. Il fut un temps où le ministre de la coopération française avait des coopérations extrêmement prégnantes et efficaces avec Djibouti. Je me souviens d'échanges de cadres de l'éducation reçus dans des établissements français et que la France était chargée de former. À travers cette formation technique, passait un certain nombre de messages et de valeurs. Au vu des éléments dont je dispose, il me semble que ce volet s'étiole et c'est très dommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ma question est relative aux relations entre Djibouti et l'Erythrée. La situation a radicalement changé en Erythrée et la paix a été conclue avec l'Erythrée. Il reste toutefois un conflit frontalier entre le Sud de l'Erythrée et Djibouti. Je voulais savoir si la situation avait évolué.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Plusieurs remarques. S'agissant du port, il y a le nouveau port de commerce financé par les Chinois mais la contrepartie a déjà été donnée. Au droit du camp militaire chinois qui accueille 4 000 personnes, les Chinois sont entrain de construire un quai militaire en eau profonde. S'agissant du chemin de fer, il ne fonctionne pas car il y a dix rotations par semaine alors qu'il en faudrait quatre ou cinq par jour pour l'amortir. J'y suis allé. Les wagons sont posés sur le sable ! Face à la ligne de chemin de fer d'un peu moins de mille kilomètres jusqu'à Addis-Abeba, il y a une route , équivalente à une route départementale française, sur laquelle circulent mille chauffeurs routiers, ce qui représentent mille familles et où il y a des stations-services, des villages financés et entretenus notamment par les Emirats arabes unis : les mosquées et les écoles coraniques y sont neuves. En fait, il y a ainsi tout un écosystème qui fonctionne et qui s'oppose au rail. Les Djiboutiens l'utilisent parfaitement comme moyen de blocage, c'est à prendre en compte. S'agissant de la francophonie, dans notre rapport sur les routes de la soie rédigé avec Gisèle Jourda, nous avions déjà souligné que des Chinois sont formés au Français pour devenir les futurs cadres de l'Afrique francophone.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Je veux rappeler que ce rapport retraite que du protocole relatif aux compétences de la prévôté sur le territoire de Djibouti. Je n'aurai pas la prétention de répondre ce matin à l'ensemble des questions sur la situation globale de Djibouti. Quand la mission de la commission s'est rendue à Djibouti l'an dernier, elle a constaté l'arrêt de toute construction sur le port. Il s'agissait peut-être d'une technique de « chantage » comme cela a été évoqué. Quant à la situation de Mohamed Kadami, c'est en effet un irritant dans les relations franco-djiboutiennes. Je veux rappeler que s'il y a 1 450 militaires français à Djibouti, la répartition entre missions de longue durée et missions de courte durée se fait au détriment des missions de longue durée. C'est mal vécu par les autorités djiboutiennes car les militaires qui viennent avec leur famille font fonctionner l'économie locale en ne vivant pas repliés sur la base militaire comme les Américains et les Chinois par exemple. C'est aussi un très bon moyen de savoir ce qui se passe réellement à Djibouti. Sur la question de l'enseignement français, lors de notre visite, nous nous sommes rendus au lycée français où la situation était difficile, mais elle semble s'améliorer. Cela présente un intérêt pour les enfants des militaires français mais aussi pour les enfants de l'élite djiboutienne. Le lycée va de nouveau être un lieu qui fonctionne. Pour moi, Djibouti est un positionnement stratégique, site de « porte-avion » en zone de crise. Lorsque l'on nous a montré, en commission, la carte des câbles sous-marins, j'ai réalisé qu'un grand nombre de câbles passent sous la Mer rouge et je ne serai pas étonné que les Chinois s'intéressent autant à ce qu'il y a sous la mer qu'à ce qu'il y a au-dessus. Au vu de ces éléments, il importe donc de maintenir notre présence et de voir si la tendance de répartition entre missions militaires de longue durée et de courte durée à Djibouti pourrait être inversée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'accord entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers.

Aujourd'hui, 100 000 Français vivent dans notre pays et travaillent au Luxembourg où ils occupent près du quart des emplois salariés du pays. Leur nombre, qui croît de 3 000 personnes chaque année, devrait atteindre les 135 000 personnes d'ici 2030.

Ces frontaliers, de plus en plus nombreux, font la navette chaque jour entre l'Hexagone et le Grand-Duché, ce qui pose inévitablement des problèmes accrus de transports : notre autoroute A31 est régulièrement congestionnée aux heures de pointe, et l'axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg est confronté à des incidents fréquents ainsi qu'à des irrégularités de service liés à la saturation de la ligne. J'ai pu m'en rendre compte lors de mes déplacements au Luxembourg en décembre 2015 - c'est-à-dire quelques semaines après la décision du président Hollande de fermer les frontières à la suite des attentats du 13 novembre - et en juin dernier.

Le protocole d'accord vise précisément à répondre à ces difficultés par la mise en oeuvre d'une politique de transports multimodale et concertée entre les deux parties, qui s'inscrit dans une perspective de développement durable. Cette politique répondra aux besoins de mobilités préalablement identifiés, à travers des projets routiers et ferroviaires.

Dans le domaine ferroviaire, une série d'aménagements devraient pallier la saturation de l'axe qui pourrait intervenir d'ici 3 ans, et permettre d'anticiper les besoins de capacité à l'horizon 2030. À cet effet, sont notamment envisagés : la création de parkings relais, l'allongement des quais dans certaines gares, le doublement des places assises dans les TER aux heures de pointe et la suppression des passages à niveau entre Thionville et la frontière. Ces aménagements permettront de tripler le nombre de voyageurs quotidiens, qui passerait ainsi de 12 000 à 34 000.

Dans le domaine routier, l'objectif est de développer des cars transfrontaliers et le covoiturage, grâce à la création de voies dédiées, de parkings de regroupement et de gares routières. Les infrastructures routières existantes seront adaptées en conséquence :

- côté français, le projet A31 bis prévoit, pour sa partie Nord, l'élargissement à 3 voies de l'A31 entre le nord de Thionville et la frontière franco-luxembourgeoise, ainsi que la création d'un contournement de Thionville par l'Ouest ;

- côté luxembourgeois, une troisième voie de circulation sera créée sur l'autoroute A3, et sa bande d'arrêt d'urgence sera aménagée pour permettre la circulation de cars sur une voie réservée.

La solution retenue est donc multimodale : elle s'appuiera sur les transports collectifs et sera complétée, sur le territoire luxembourgeois, par le développement de moyens de transport plus propres comme le vélo électrique. Si cette solution semble satisfaisante au regard des besoins actuels, on peut toutefois s'interroger sur sa capacité à « préparer l'avenir » au regard de l'évolution rapide du nombre de frontaliers.

Le coût total de ces travaux est estimé à 220 millions d'euros pour le volet ferroviaire, et à près de 20 millions d'euros pour le volet routier.

Le Luxembourg, qui avait participé au financement de la ligne à grande vitesse Est européenne reliant nos deux territoires, a accepté de cofinancer les nouvelles infrastructures réalisées sur le sol français. Le Grand-Duché prendra ainsi à sa charge la moitié du montant des travaux, plafonné, à ce stade, à 120 millions d'euros. En cas de dépassement du budget prévisionnel, les deux Gouvernements sont convenus d'établir un avenant au protocole d'accord, précisant les modalités retenues pour la poursuite et la finalisation du programme.

La part française sera quant à elle cofinancée par l'État et les collectivités territoriales, conformément aux règles classiques des contrats de plan État-Région. La majeure partie des travaux est déjà prise en compte dans le plan de financement du projet de loi d'orientation des mobilités.

En outre, des subventions européennes seront recherchées, via des instruments qui contribuent à la réalisation du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), comme le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) par exemple.

J'ai auditionné l'ambassadrice du Luxembourg en France et évoqué avec elle la question du financement des projets intéressant nos deux pays, en rappelant l'absence de mécanisme de compensation fiscale, faute d'accord du Grand-Duché. Son pays a une approche pragmatique, portée par son Premier ministre Xavier Bettel, qui me parait tout à fait intéressante : plutôt que de verser une contribution fixe qui ne bénéficierait pas nécessairement à la coopération transfrontalière, le Luxembourg accepte d'étudier toute proposition de projet franco-luxembourgeois et d'apporter, s'il le juge pertinent, une contribution financière. Cette solution permet d'apporter des réponses concrètes à des problématiques locales, et de démontrer aux contribuables la pertinence de la démarche grâce à des résultats tangibles, sans toutefois compenser le manque à gagner fiscal pour notre pays. Une telle approche mériterait alors d'être étendue à d'autres domaines comme la formation du personnel infirmier qui, une fois diplômé en France après des études financées sur nos deniers publics, choisit d'aller travailler de l'autre côté de la frontière où les conditions de travail et de rémunération sont plus favorables.

Enfin, s'agissant de la gouvernance du dispositif, les projets ferroviaires transfrontaliers sont suivis par un groupe de travail franco-luxembourgeois composé notamment de représentants de la région Grand-Est, des gestionnaires d'infrastructures et des entreprises de transport ferroviaire. Un groupe de travail routier a également été créé pour le suivi des projets autour de l'axe autoroutier A31 - A3 ; il est composé, entre autres, des autorités organisatrices de la mobilité par transports collectifs routiers et covoiturage.

La question de la gouvernance est essentielle puisqu'elle conditionnera la réussite des différents projets prévus par le protocole d'accord qui devra être décliné par des textes d'application.

Pour conclure, ce protocole d'accord contribuera, d'une part, à dynamiser l'économie locale en favorisant les échanges transfrontaliers de marchandises, et d'autre part, à améliorer la qualité de vie de nos frontaliers en facilitant leur mobilité quotidienne.

À la lumière de ces observations, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 8 juillet dernier. La partie luxembourgeoise a, quant à elle, déjà ratifié ce protocole d'accord, moins de six mois après sa signature, preuve de l'importance qu'attache le Grand-Duché à l'amélioration de la desserte transfrontalière.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 17 octobre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Merci pour ce rapport très complet. Le développement des réseaux routiers et ferroviaires en Europe est une excellente initiative qui pose toutefois la question des contrôles aux frontières pour lutter contre toute forme de trafic, notamment humain, et contre le terrorisme ; il existe en effet quelques foyers au Nord de l'Europe qui pourraient migrer vers la France. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

Le financement de ces infrastructures - en particulier des plateformes de covoiturage - est-il pris en compte par le projet de loi de finances pour 2020 ainsi que par le projet de loi d'orientation des mobilités ? Par ailleurs, pourquoi la France a-t-elle négocié un accord bilatéral plutôt qu'un accord européen incluant les autres pays frontaliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Il faut veiller à faciliter la mobilité vers l'ensemble de nos pays voisins ; ce protocole d'accord y contribue, et c'est heureux. Paradoxalement, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a décidé de diminuer le nombre d'agents consulaires au Luxembourg alors que le nombre de Français croît dans ce pays. Cette décision est regrettable car elle conduit à une détérioration du service public dans ce consulat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je m'abstiendrai sur ce projet de loi car je doute qu'il puisse améliorer une situation qui n'a pas évolué au cours des vingt dernières années. Le réseau routier est quotidiennement paralysé en direction du Luxembourg et ce, à différentes heures de la journée. Le gouvernement précédent, auquel j'ai appartenu, n'a hélas pas résolu la question, pas plus que les précédents.

Par ailleurs, le Luxembourg surimpose désormais les revenus des frontaliers qui travaillent sur son territoire mais dont le conjoint travaille en France ! Nous sommes tributaires de la bonne volonté de ce partenaire qui a pourtant mis en place un système de compensation fiscale avec la Belgique...

Le projet A31 bis est à l'étude depuis très longtemps et risque de couper la ville de Florange en deux, ce qui n'est pas acceptable. Cela tient au refus du Luxembourg de créer une nouvelle voie d'accès à son territoire, ce qui aurait pu résoudre le problème d'engorgement de l'autoroute A31 avant la frontière. La situation est devenue invivable pour les Français travaillant au Luxembourg, même si les conditions de rémunération y sont plus intéressantes. Comme l'a souligné le rapporteur, notre pays forme des infirmières, des universitaires, qui sont ensuite embauchés de l'autre côté de la frontière.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Pour répondre à notre collègue Sylvie Goy-Chavent, la France et le Luxembourg sont membres de l'espace Schengen ce qui implique une libre circulation des personnes de part et d'autre de la frontière. À la suite des attentats du 13 novembre 2015, le président Hollande avait décidé, le soir même, de la fermeture des frontières alors que des dizaines de milliers de Français devaient se rendre au Luxembourg dès le lendemain pour travailler. Cette décision a engendré d'importantes difficultés de circulation dues à la réduction du nombre de voies sur l'autoroute, et a triplé le temps de trajet quotidien des frontaliers.

Les aménagements ferroviaires éligibles au titre du protocole d'accord ont, pour l'essentiel, vocation à être financés au titre du volet ferroviaire du contrat de plan État-région ; à ce titre, ils entrent bien dans le champ de la loi d'orientation des mobilités. En revanche, je doute que le projet de loi de finances pour 2020 ait prévu des crédits pour ces travaux dans la mesure où la France n'a pas encore ratifié le protocole d'accord.

Les problèmes rencontrés par le consulat de France au Luxembourg ne lui sont pas propres. Les Français de passage dans un pays étranger se rendent parfois au consulat pour refaire leurs pièces d'identité, ce qui accroît la charge de travail des agents consulaires dont les effectifs sont en baisse. À l'occasion de l'examen du programme 151, il faudra interroger le ministre sur la carte du réseau consulaire, son évolution et la stratégie du Quai d'Orsay.

La situation décrite par notre collègue Jean-Marc Todeschini correspond à celle qui m'a été décrite par les frontaliers. L'action de Bruno Théret, conseiller consulaire pour le Luxembourg, vise précisément à améliorer la circulation dans la zone frontalière et, par conséquent, la qualité de vie des frontaliers. Si le temps de trajet ne diminue pas, le Luxembourg aura des difficultés de recrutement en France malgré des salaires plus élevés. Cela explique probablement leur célérité à ratifier ce texte.

S'agissant enfin du système de compensation fiscale, les liens étroits du Luxembourg et de la Belgique, du fait du Benelux, ont favorisé sa mise en place. Pour que le Grand-Duché contribue financièrement à des projets sur notre sol, il faudra conclure des accords comme celui-ci.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du Protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord. Une fois ce Protocole ratifié par l'ensemble des parties, la Macédoine du Nord deviendra le 30e pays de l'Alliance atlantique. Il est envisagé que l'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN puisse être entérinée lors du prochain sommet de l'OTAN à Londres en décembre prochain.

Le Sénat est saisi en premier de ce projet de loi de ratification, alors que 23 des Etats membres de l'OTAN ainsi que la Macédoine du Nord elle-même, l'ont déjà ratifié.

Je rappelle que la Macédoine du Nord est un pays des Balkans qui s'étend sur 25 700 kilomètres carrés et compte un peu plus de 2 millions d'habitants. Elle a accédé à l'indépendance en 1991 lors de la dissolution de l'ex-Yougoslavie sous le nom provisoire d' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » (ARYM). Pays multiethnique et multiconfessionnel comme la plupart de ses voisins, elle est marquée par un important clivage entre une communauté macédonienne slavophone majoritaire et des minorités dont la principale, qui représente environ 25 % de la population, est la communauté albanaise. La cohabitation n'est pas toujours facile et les tensions intercommunautaires avaient, on s'en souvient, failli entraîner le pays dans la guerre civile au début des années 2000. Ce clivage s'est encore fait sentir lors de la crise politique qui a secoué la Macédoine du Nord en 2017. Cependant, les tensions s'apaisent progressivement et les différentes communautés partagent, en tous cas, une même aspiration à l'intégration du pays dans l'espace euro-atlantique.

Depuis son indépendance, la Macédoine du Nord a en effet fait le choix résolu de se tourner vers l'OTAN et vers l'UE. Lors de son audition, l'ambassadrice de Macédoine du Nord a fait valoir que toute la génération née après l'indépendance avait grandi dans la promesse et le rêve d'un avenir euro-atlantique. Pourtant, si le pays s'est vu accorder le statut de pays candidat à l'Alliance et le bénéfice du Plan d'action pour l'adhésion (MAP) en 1999, toute avancée est restée bloquée du fait du litige qui l'opposait à la Grèce sur la fameuse « question du nom ». Depuis 1991, en effet, la Grèce contestait l'utilisation par son voisin du nom de République de Macédoine, qui a ses yeux ne pouvait désigner la région située au nord de son territoire, correspondant à la Macédoine antique. Lors du sommet de l'OTAN de Bucarest en 2008, qui a donné le feu vert à des négociations avec l'Albanie et la Croatie, les Alliés ont conditionné l'ouverture de négociations avec l'ARYM à la résolution de la question du nom.

Après des années de statu quo, les négociations entre les deux voisins ont repris en 2017 grâce à une volonté politique des gouvernements grec et macédonien, et ont abouti, de manière assez inattendue, à la signature de l'accord de Prespa le 17 juin 2018. Aux termes de cet accord, l'ARYM prend le nom de Macédoine du Nord, tant vis-à-vis de l'extérieur qu'au plan intérieur, et doit supprimer toute référence dans sa Constitution à la protection d'une « minorité macédonienne en Grèce ». Si la population de Macédoine du Nord a eu un peu de mal à accepter l'accord et a soutenu faiblement le référendum sur le sujet - puisque 36 % de la population seulement a voté, même si 91 % des votes ont été favorables). Cet accord n'en ouvre pas moins au pays la voie de l'accession à l'OTAN. Dès le mois suivant, en juillet 2018, les négociations d'adhésion sont lancées et aboutissent à la signature du présent protocole le 6 février 2019.

Comme pour le Monténégro, la perspective de l'adhésion à l'OTAN a été à l'origine de réformes et de progrès en Macédoine du Nord, dont font état les rapports établis chaque année dans le cadre du MAP : renforcement des standards de la police, lutte anticorruption, coopération avec Europol, adoption de documents stratégiques dans le domaine de la défense, renforcement de l'interopérabilité avec les forces de l'OTAN...

Certes, la Macédoine du Nord doit encore progresser en matière d'état de droit et de lutte contre la corruption (le pays figure au 107e rang des 180 pays classés par Transparency International dans ce domaine) et contre la criminalité organisée. Ce pays est, on le sait, en proie à de nombreux trafics (stupéfiants, armes, traite d'êtres humains). Ces considérations expliquent, au demeurant, les exigences de progrès exprimées en juin 2018 par les Etats membres de l'UE au sujet de l'ouverture - recommandée par la Commission européenne - des négociations d'adhésion à l'UE puisque la Macédoine du Nord a obtenu le statut de pays candidat en 2004. Le sujet devrait être examiné de nouveau prochainement par le Conseil européen.

Néanmoins, s'agissant du dossier otanien, force est d'admettre qu'avec la signature de l'accord de Prespa, la Macédoine du Nord a surmonté le principal obstacle qui s'opposait encore à son adhésion.

La contribution financière de la Macédoine du Nord au budget de l'Alliance sera modeste puisqu'elle en représentera 0,072 % (environ 1,7 million d'euros par an). Son budget de la défense s'élève, quant à lui, à 101,3 millions d'euros en 2018, soit 1% du PIB du pays. Il devrait toutefois être augmenté de 0,2 % par an, jusqu'en 2024 afin de tendre vers l'objectif des 2%. Cet effort permettra au pays de moderniser ses forces armées, pour l'essentiel terrestres, et surtout de renouveler leurs équipements qui sont totalement obsolètes.

En outre, la Macédoine du Nord prend part aux opérations extérieures de l'OTAN avec une contribution de 47 soldats à l'opération Resolute Support en Afghanistan et un soutien logistique de la KFOR au Kosovo. Elle participe également à la mission européenne Althea en Bosnie-Herzégovine et pourrait envoyer prochainement, dans le cadre d'un arrangement bilatéral avec la France, deux officiers dans l'opération EUTM RCA (qui est une mission de formation des forces de République centrafricaine), ce qui va dans le sens de nos objectif en Afrique et constitue un signe fort de bonne volonté de la part d'un pays peu habitué à ce type de théâtre extérieur.

Mais pour l'Alliance atlantique, le principal intérêt de cette adhésion est qu'elle contribue à renforcer la stabilité des Balkans occidentaux et s'avère, à ce titre, complémentaire de celle de la Croatie (2009), de l'Albanie (2009) et du Monténégro (2017). Elle s'inscrit en effet dans la politique dite de la « porte ouverte », appliquée à l'égard des pays de l'est de l'Europe après la fin de la guerre froide et qui avait permis, avant l'élargissement aux Balkans, d'accueillir la Pologne, la République tchèque et la Hongrie en 1999, puis la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie et les Etats Baltes en 2004. Il s'agit là d'une démarche d'abord politique qui vise à conforter la sécurité des Alliés en promouvant la paix, la liberté et la démocratie. Comme l'a indiqué une des personnes auditionnées, « l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN cimente une dynamique vertueuse d'apaisement des tensions régionales ».

Pour la Macédoine du Nord, l'enjeu de l'adhésion à l'OTAN est double : outre la sécurité du pays, il s'agit surtout s'intégrer la communauté euro-atlantique et de se rapprocher de l'Union européenne.

Certes, les considérations géopolitiques ne sont pas absentes, compte tenu du rôle joué dans la région par des puissances extérieures (Russie, Chine...). Opposée aux élargissements de l'OTAN, la Russie a bien tenté d'influer sur le processus de ratification de l'accord de Prespa entre la Grèce et la Macédoine du Nord, notamment par un soutien à ses opposants dans les deux pays. Mais sa mobilisation a été moindre que celle manifestée à l'occasion de l'adhésion du Monténégro, pays avec lequel elle a davantage de liens (intérêts économiques, proximité culturelle), sans oublier son accès à la mer.

Pour autant, la Macédoine du Nord ne ressent pas de menace extérieure particulière. L'adhésion à l'OTAN est avant tout perçue - notamment par sa population - comme le corollaire d'un rapprochement avec l'UE, qui fait l'objet d'une forte aspiration, pour des raisons avant tout socio-économiques. Il représente, en effet, l'espoir d'un développement économique du pays, massivement touché par l'émigration des jeunes.

Un mot, avant de conclure sur la position française concernant cette adhésion. La France se montre traditionnellement prudente, pour ne pas dire réticente, à l'égard des élargissements de l'OTAN. Elle a pour préoccupation d'atténuer les malentendus qui pouvaient en découler dans les relations avec la Russie. Pour elle, l'élargissement de l'OTAN ne saurait être une fin en soi, toute candidature à l'adhésion devant être évaluée en fonction de sa capacité à contribuer à la stabilité de l'Alliance. S'agissant de la Macédoine du Nord, la France était opposée à l'adhésion tant que perdurait le litige sur le nom -elle a soutenu le veto grec en 2008 -. La signature de l'accord de Prespa et les progrès réalisés par la Macédoine du Nord dans le cadre du Plan d'action pour l'adhésion l'ont amené à donner le feu vert à cette adhésion.

J'ajouterai qu'il s'agit vraisemblablement du dernier élargissement de l'OTAN avant un certain temps, les perspectives demeurant lointaines pour la Bosnie-Herzégovine et, compte tenu du contexte géostratégique, le sont encore davantage pour la Géorgie et l'Ukraine. Même si le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a affirmé lors d'une réunion à Tbilissi le 25 mars 2019 que la Géorgie rejoindrait l'OTAN malgré l'opposition de la Russie, suite à l'engagement pris à Bucarest.

Pour conclure et compte tenu de la présentation que je viens de vous faire, vous comprendrez, mes chers collègues, que je ne peux que recommander à notre commission l'adoption de ce projet de loi de ratification qui sera examiné en séance publique le jeudi 17 octobre à 10h30. Il s'agit, je le précise, d'une séance publique demandée par notre commission car l'élargissement de l'OTAN n'est pas un acte anodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci à notre rapporteur. Effectivement, c'est rare que la commission demande l'examen d'une convention en séance publique. La Macédoine du Nord est très mobilisée pour obtenir non seulement la ratification de ce protocole d'accession à l'OTAN, mais aussi l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE, ce qui est un sujet compliqué vis-à-vis duquel la France et l'Allemagne se montrent pour le moment réticentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous ne partageons pas l'idée que cette adhésion s'inscrit dans une dynamique vertueuse pour la sécurité régionale. Cette adhésion est le résultat d'un processus de long terme mené de bout en bout par les Etats-Unis qui ont voulu l'adhésion du Kosovo, de l'Albanie et de la Macédoine du Nord à l'OTAN. D'ailleurs, le Pacte USA/Adriatic signé en 2003 est bien cité sur le site du ministère des affaires étrangères de Macédoine du Nord. Certes, cette adhésion a été différée à cause du différend avec la Grèce mais il s'agit bien d'un processus d'intégration atlantique poussé par les Etats-Unis pour étendre la ligne de front avec la Russie. Avec les résultats brillants que l'on connaît pour la sécurité de la région en Ukraine. La Serbie va se trouver cernée par des pays membres de l'OTAN. Des tensions sont aussi apparues entre la Russie et la Grèce. A nos yeux, il s'agit plus de satisfaire une volonté d'étendre l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie que d'encourager la stabilité régionale. J'ajoute qu'on peut se demander si c'est ce dont la Macédoine du Nord a besoin en priorité. En effet, ce pays dont 40 % de la population est en situation de pauvreté, va devoir augmenter son budget militaire. Quant à dire que son accession à l'OTAN est le premier pas vers une adhésion à l'UE, je crains plutôt qu'elle risque de renvoyer aux calendes grecques son entrée dans l'espace politique et économique européen. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi car nous considérons que cette adhésion ne permet pas de répondre - c'est même tout le contraire - aux problèmes d'intégration économique et de sécurité dans la région des Balkans.