Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, a proposé dans un premier temps que soit dressé un état des lieux de la situation des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et que soit abordée la question de la sortie de crise.
M. Frédéric Coirier, co-président du METI, a tout d'abord rappelé que l'activité est très évidemment perturbée pour les ETI qui connaissent, depuis le début du mois d'avril, un palier de baisse d'activité de 50 % ; aucun redressement n'est constaté pour l'instant. Il s'agit d'une évaluation moyenne, puisqu'il existe bien entendu des variations sectorielles très fortes (le BTP a constaté une baisse de 80 % de son activité, les ETI du secteur du tourisme connaissent un arrêt quasi-total, etc.). Les chiffres évoqués reposent sur une étude auprès de 800 ETI sur les 5 000 que l'on dénombre en France, dont un peu plus de 50 % sont des ETI industrielles - ces dernières représentant la moitié de l'industrie française.
Un niveau de tension très fort est constaté au sein des ETI dont un quart connaissent une situation particulièrement fragile, notamment en matière de trésorerie. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour y répondre : ainsi les ETI ont eu largement recours au chômage partiel ; elles ont par ailleurs en majorité sollicité le prêt garanti par l'État (PGE). Il faut noter que 80 % des ETI n'ont pour l'instant touché ni l'un ni l'autre d'un point de vue pratique, la priorité ayant été donnée aux PME en termes de délais.
Le METI envisage trois phases à ce stade : la survie dans un premier temps, puis la sortie du confinement et enfin la reprise qui sera nécessairement lente et étalée sur une durée assez longue. Les prévisions de l'activité sont de -40 % pour le mois de mai et de -25 % sur l'ensemble de l'exercice. Le retour à la normale ne paraît pas envisageable avant le mois de septembre. C'est la raison pour laquelle les mesures d'accompagnement de l'État ne devront pas s'arrêter soudainement. Cela va être d'autant plus nécessaire que les ETI françaises sont pénalisées par rapport à leurs concurrentes des pays voisins. En effet, c'est en France que la diminution de l'activité des entreprises a été la plus forte, quand en Allemagne les entreprises ont tourné à hauteur de 80 % et en Suisse à 90 %. Cette différence de situation intervient alors que les ETI françaises, moins nombreuses et plus petites, souffraient déjà d'un différentiel de compétitivité. La sortie du confinement sera donc plus difficile et plus douloureuse pour les entreprises françaises.
Le METI est donc inquiet de voir ses entreprises ressortir davantage affaiblies de la période de confinement, et cela constituera un point de vigilance dans les mois à venir.
Les entreprises adhérentes du METI ont signalé être prêtes à 90 % à sortir du confinement d'un point de vue matériel et organisationnel, notamment grâce à un échange de bonnes pratiques, de commandes communes de matériel, etc.
Interrogé par Mme Jacky Deromedi sur l'utilité des mesures d'aides annoncés par le Gouvernement, M. Frédéric Coirier a indiqué que ces dernières sont bien dimensionnées dès lors que la vitesse de déploiement est rapide, dans la mesure où la crise actuelle est extrêmement violente et se traduit en premier lieu par une crise de liquidités. Le PGE, qui a durée de vie de 12 mois, et le chômage partiel, prévu pour un spectre plus large que celui du confinement, correspondent au besoin des ETI. La clé est la vitesse de déploiement, trop lente aujourd'hui : le PGE est un prêt de crise et ne doit pas souffrir des procédures trop longues de certaines banques qui vont jusqu'à demander un business plan alors que ce n'est pas l'objet de cette mesure.
M. Alexandre Montay, délégué général, a précisé que le METI assure le suivi du recours des ETI aux aides proposées depuis 8 semaines. La dernière enquête montre que 90 % des entreprises de taille intermédiaire ont eu recours au chômage partiel et que 65 % ont demandé un PGE, ce qui indique combien ces mesures étaient attendues et nécessaires.
M. Frédéric Coirier a ajouté que pour aller au-delà de ces premières mesures, une attention particulière devra être accordée à la question du crédit inter-entreprises. Les délais de paiement augmentent et sont parfois le signe que les PME - clients et/ou fournisseurs des ETI - sont actuellement au bout de leurs capacités. Or, parallèlement, les assureurs crédit se sont désengagés massivement de plusieurs pans de l'économie. C'est pourquoi le METI a formulé une proposition pour qu'une partie du PGE puisse venir en appui à l'assurance-crédit, afin de sécuriser les entreprises en donnant davantage de fluidité au crédit inter-entreprises, d'autant que seuls 50 des 300 milliards évoqués ont été dépensés. Ceci permettrait de redémarrer beaucoup plus vite l'activité et de limiter le taux de sinistralité des PME.
Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, a souligné l'importance de cette question, d'ailleurs abordée lors d'une audition avec la Fédération française de l'assurance (FFA). Elle s'est interrogée sur l'accueil réservé à cette préconisation au sein du ministère de l'économie et des finances, en précisant que la Délégation aux entreprises était prête à soutenir cette démarche.
M. Frédéric Coirier a confirmé les échanges en cours avec les services du ministre, sans qu'une réponse n'ait été donnée à ce jour.
a confirmé l'intérêt de cette proposition en rappelant la situation paradoxale des PME les plus fragiles, qui ont le plus besoin de liquidités et qui sont pourtant écartées par les banques, au nom d'une prise de risque parfois difficile à comprendre. Le PGE devrait pouvoir être transformé pour étaler cette dette sur plusieurs années. Par ailleurs, il a indiqué que la commission des affaires sociales du Sénat mène une réflexion sur l'assouplissement du droit du travail en matière de durée légale hebdomadaire du travail, afin de permettre aux entreprises de sortir plus aisément de la crise.
Pour M. Frédéric Coirier, compte tenu de la garantie de l'État limitée à 90 % (contrairement à la Suisse où la garantie est de 100 %) et de la perception du risque par les banques, la possibilité d'amortir le PGE sur plusieurs années à un coût raisonnable constitue une piste. La réflexion pourrait également porter sur la possibilité de transformer ce prêt en quasi-fonds propres, afin d'éviter les phénomènes de prédation des entreprises, en particulier par des concurrentes étrangères.
S'agissant de la question du temps de travail, elle devra également être posée, comme elle l'est dans d'autres pays européens, même si cela n'est pas aisé. En Pologne, le temps de travail a été annualisé, permettant le report du premier au second semestre et offrant ainsi aux entreprises davantage de capacités de production. Pour aborder efficacement ces questions il sera essentiel de dialoguer et contractualiser avec le CSE (comité social et économique) au sein de l'entreprise, en raison de la diversité de situation des entreprises. Pour cela, la loi devra être adaptée pour le lui permettre
Revenant sur les 80 % d'ETI n'ayant pas encore reçu d'aides publiques, les TPE ayant été prioritaires, Mme Annick Billon a posé plusieurs questions. Les ETI sont-elles davantage fragilisées par ce calendrier ? Ces dispositifs d'aides ne doivent-ils pas être allongés ? Les salariés sont-ils prêts à reprendre l'activité ? Quel est l'état des carnets de commandes ? Ne faudrait-il pas augmenter le seuil des 40 000 euros de la commande publique compte tenu de la non-installation des conseils municipaux ?
M. Frédéric Coirier a répondu ne pas remettre en cause l'action de l'État malgré un délai dans les réponses apportées. Il a demandé le prolongement de ces mesures dans le temps afin d'accompagner la reprise, facilitée dernièrement par l'individualisation du dispositif de chômage partiel qui permet de moduler l'activité des entreprises. Les mesures devront être adaptées car le coût budgétaire sera important et la reprise incertaine dans les secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. Pour rappel, 90 % des ETI ont demandé à bénéficier du dispositif de chômage partiel mais 80 % d'entre elles ont tout de même poursuivi leur activité.
En ce qui concerne la reprise d'activité des ETI, 70 % d'entre elles s'estiment désormais prêtes ; elles ont eu accès au matériel pour redémarrer mais le niveau de stress des salariés reste encore élevé. Néanmoins, lorsqu'ils reviennent travailler, ce niveau descend progressivement et se normalise à la fin de la semaine. M. Frédéric Coirier a évoqué le prolongement du chômage partiel destiné à faciliter la garde d'enfants qui risque d'amputer une partie de l'effectif et freiner la reprise.
Si la délicate situation des conseils municipaux a inquiété, on compte surtout des reports de marchés publics et non des annulations. Le secteur du BTP repart doucement. Le taux d'activité de 10 à 15 % pendant le début du confinement est maintenant de 30 %, ce qui reste peu comparé aux 80 % de l'Allemagne. M. Frédéric Coirier a confirmé qu'une élévation des seuils permettrait de relancer au plus vite les marchés publics.
a évoqué les paiements internationaux des ETI. Certaines entreprises américaines ayant suspendu leurs paiements, des difficultés sont-elles signalées ? Des actions de groupe pour des indemnisations en raison des décisions de l'État de fermeture de sites de production sont-elles envisagées ? La proposition de créer une procédure de « stop and go » pour les PME-TPE, permettant une turbo-dissolution et un redémarrage rapide, ayant été avancée par les experts comptables d'Ile-de France, il a demandé si le METI soutenait cette initiative.
M. Coirier a répondu qu'il existe des difficultés de paiement à l'international mais elles sont moins importantes qu'au niveau national, comme le rappelle l'enquête du METI du 9 avril. Par ailleurs, le METI n'est pas porteur d'une démarche d'action de groupe mais cherche une solution globale et un cadre de développement permettant d'aider les entreprises à sortir de la crise. Une fermeture administrative non justifiée peut être indemnisée mais l'entreprise devra aller voir un juge. S'agissant de dissolution d'entreprise, la procédure de sauvegarde est préférable à la dissolution directe qui peut laisser des impayés et serait donc plus dangereuse en fragilisant les fournisseurs. 90 % des ETI ont des tensions avec leurs fournisseurs sur le marché national contre 50 % à l'international.
évoquant les déclarations de Philippe Varin, président de France industrie, relative à la relocalisation des chaînes industrielles de production, M. Frédéric Coirier a rappelé la faible industrialisation de la France, deux fois inférieure à celle de l'Allemagne (14 % de notre PIB contre 30 % pour cette dernière), et partagé les objectifs du Pacte productif pour reconstruire l'appareil industriel. Pour lui, il faut une vraie vision stratégique et de long terme et, cette fin, créer les conditions préalables de fonctionnement des entreprises. À ce titre, les ETI produisant beaucoup en France et créant donc de la valeur ajoutée territorialisée, il faut diminuer les impôts de production, qui constituent des charges fixes pour les entreprises y compris pendant le confinement, contrairement aux entreprises allemandes imposées sur les bénéfices. De tels impôts devraient être annulés pendant le confinement, car ils constituent une « double peine », et abaissés à la moyenne européenne à l'issue. À cet égard, le décalage au détriment des entreprises françaises est de l'ordre de 30 milliards. C'est un pré-requis pour retrouver de la compétitivité industrielle et aussi pour attirer plus d'investissements en France.
partageant cette préoccupation mais rappelant aussi les efforts des collectivités territoriales en matière de taxes locales et leur besoin de ressources fiscales, M. Frédéric Coirier a estimé qu'une meilleure répartition de la charge fiscale était nécessaire en France. Il a suggéré l'organisation d'Assises de la compétitivité des territoires, sans opposer État et collectivités. En contrepartie d'une baisse des impôts de production qui grèvent les investissements et empêchent la réindustrialisation de la France, il a suggéré la création d'une TVA sur la relocalisation ou d'une « dette utile » par l'État. Il a estimé que le Sénat ne pouvait qu'être sensible à cette stratégie de relocalisation. Mme Élisabeth Lamure a confirmé son intérêt et celui du Sénat pour cette thématique.
En rappelant la mission d'information de la Délégation sur la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), Mme Élisabeth Lamure a également interrogé M. Frédéric Coirier sur le fait que la crise pourrait éventuellement encourager le développement de la RSE. Selon lui, les entreprises qui ont une vision de long terme s'en sortent en effet mieux dans le contexte actuel car elles travaillent avec toutes les parties prenantes de façon responsable. La gestion de la crise par les ETI est intéressante : sur les 800 ETI interrogées par le METI, 60 ont produit du gel hydro-alcoolique et 42 ont adapté leur outil de production pour fabriquer des masques ou des équipements médicaux. Beaucoup d'entreprises ont donc été capables d'adapter leur modèle face à la crise et de faire évoluer leur modèle économique pour répondre à un devoir citoyen. Le réflexe citoyen est dans les gènes de ces entreprises, même si la « raison d'être » n'est pas toujours précisée. Les ETI s'entraident ; elles ont fondé des clubs, élaboré des tutoriels et formations pour diffuser les meilleures pratiques pour la sortie de crise.
« Nous sommes admiratifs de l'agilité des entreprises pour transformer leur activité en un temps record ! » a conclu la présidente de la Délégation aux entreprises du Sénat.
La réunion est close à 17 h 35.