La réunion

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Photo de Nathalie Delattre

Merci d'avoir répondu à notre invitation, monsieur le secrétaire d'État. Nous concluons notre série d'auditions par cet entretien, qui suit ceux que nous avons eus, hier, avec Jean-Michel Blanquer et Christophe Castaner et, un peu plus tôt, avec Roxana Maracineanu.

L'islamisme radical, baptisé « séparatisme » par le président de la République, perturbe notre vivre ensemble et s'immisce, parfois de manière pernicieuse, dans nos associations. Il nous paraissait donc important de vous entendre. Nous souhaitons savoir quelles actions sont menées pour combattre ce phénomène et vous interroger sur des points plus précis, notamment le soutien scolaire et l'accès à la culture. En effet, si les associations peuvent être détournées de leurs objectifs premiers, elles sont aussi irremplaçables en tant que vecteurs des valeurs républicaines.

Avant de vous passer la parole, je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Gabriel Attal prête serment.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Je vais, dans mon propos liminaire, revenir sur la vision politique qui est la nôtre sur les problèmes évoqués.

Je partage vos observations. S'agissant de cette question du séparatisme, sur laquelle le Président de la République s'est exprimé à plusieurs reprises depuis le début de l'année, notamment dans son intervention de dimanche dernier, les associations sont, à la fois, une partie importante du problème et une partie de la solution.

Le 18 février dernier, à Mulhouse, le Président de la République a exposé le cadre de notre stratégie. Celle-ci repose sur quatre lignes de force : reprendre le contrôle et lutter contre les influences étrangères ; favoriser une meilleure organisation du culte musulman en France ; lutter avec détermination contre toutes les manifestations du séparatisme islamiste ; ramener la République dans les quartiers.

Dans ce combat, la question associative est centrale.

En effet, l'essentiel des structures oeuvrant à la désintégration républicaine et au séparatisme le fait sous couvert d'un statut associatif à l'objet dévoyé. Il faut donc prendre des mesures afin que la grande loi porteuse de liberté que constitue la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ne soit pas détournée.

Mais c'est aussi une question centrale parce que le séparatisme se nourrit, dans certains quartiers, de l'absence d'offres alternatives dans le champ social, culturel, sportif ou sanitaire. À cet égard, nous avons besoin des grandes associations de l'éducation populaire, laïque et républicaine pour prolonger l'action publique et porter un discours d'inclusion exigeant et généreux.

Je commence par le premier point, c'est-à-dire la lutte contre les dérives séparatistes dans les associations.

La loi de 1901 figure parmi les principes fondamentaux des lois de la République : c'est un des grands actes démocratiques que nous a laissés la IIIe République, fruit d'un long processus de conquêtes sociales et de liberté au cours du XIXe siècle. Depuis 1971, elle a valeur constitutionnelle et elle est reconnue par de multiples traités internationaux. Nous ne pouvons donc agir aveuglément contre ce pilier. Le problème n'est pas la loi ; c'est son dévoiement !

Le sujet qui nous occupe ne doit pas non plus être confondu avec celui de la laïcité. La liberté d'association constitue une garantie de la liberté de penser, de s'exprimer, de débattre, d'émettre des opinions. Elle peut donc tout à fait s'inscrire dans un cadre religieux, ce qui est le cas au travers des associations cultuelles. Il faut donc insister sur le fait que le lien entre une association loi 1901 et une communauté religieuse n'est pas en soi problématique et l'on peut citer, à titre d'exemple, le scoutisme, le Secours catholique ou encore l'Union des étudiants juifs de France.

Comment les pouvoirs exécutif et législatif peuvent-ils agir ?

L'islam politique cible les enfants et, de manière large, les jeunes. Il faut donc porter une attention particulière aux associations accueillant des mineurs, du fait de la fragilité de ces publics, d'une part, et de la légitimité de l'État à agir pour la protection des enfants et leur émancipation, d'autre part.

J'insiste sur ce point car, à l'occasion de déplacements dans des quartiers de reconquête républicaine, j'ai pu constater que certaines associations accueillant des enfants parvenaient à embrigader des familles, à travers des produits d'appel comme l'aide aux devoirs ou l'enseignement de l'arabe.

Dans le questionnaire que vous m'avez adressé, vous insistez beaucoup sur les contrôles et obligations auxquels nous soumettons les associations d'accueil collectif de mineurs. Le problème ne vient pas tant de ces structures que de celles qui accueillent des enfants sans en avoir le statut ni les obligations afférentes.

J'ai ainsi été frappé, en prenant mes fonctions ministérielles, de découvrir que n'importe quelle structure pouvait déposer des statuts associatifs en préfecture, puis accueillir des dizaines de mineurs sans aucun contrôle préalable des personnes intervenant en leur sein. Cela explique que je sois favorable à un contrôle plus étroit de toutes les associations accueillant des mineurs, y compris celles qui n'ont pas ce statut au sens administratif du terme. On pourrait exiger, par exemple, le dépôt d'une déclaration spécifique, incluant la liste de leurs intervenants, avec un contrôle d'honorabilité via le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et le fichier des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT). Pourrait être conditionné à ce contrôle l'octroi de subventions publiques.

En outre, nous devons conditionner le soutien public, en prenant appui sur la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales, signée en 2014, par laquelle les associations s'engagent à respecter et faire respecter les règles de fonctionnement et de gouvernance démocratiques, de non-discrimination, de parité et la gestion désintéressée conforme à l'esprit de la loi de 1901.

L'engagement à respecter cette charte figure dans le formulaire de demande de subventions publiques auprès de l'État et de ses établissements (CERFA n° 12156*05) dont nous pourrions rendre l'utilisation obligatoire par toutes les autorités administratives, notamment les collectivités territoriales.

Le soutien public, parfois, ne prend pas la forme d'une subvention directe. Il faudrait, par exemple, prévoir qu'un formulaire reprenant ces mêmes principes soit obligatoirement rempli en cas de prêt de salle ou de matériel relevant de la responsabilité de l'État ou d'une collectivité territoriale.

En cas de non-respect de la charte, je suis favorable à l'application stricte de sanctions. Dans ce cadre, nous pourrions envisager que, dans le cas où le maire ne serait pas disposé à remplir le formulaire, le préfet puisse imposer la restitution de la subvention ou annuler l'octroi de l'aide matérielle. Une telle reprise en main par le préfet pourrait aider les élus locaux, face à une éventuelle pression locale.

Il me semble également nécessaire d'assurer un meilleur contrôle des pratiques des associations, et ce, afin d'intervenir au plus vite. Il faut notamment supprimer les délais de prévenance, qui laissent le temps à certaines associations de masquer leur activité réelle, et favoriser les contrôles inopinés. Pour cela, il faut instaurer une règle commune à l'ensemble des inspections et favoriser une coordination entre les services de renseignements et les services chargés des associations, notamment dans les quartiers de reconquête républicaine et les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Je m'interroge aussi sur la nécessité de permettre aux citoyens eux-mêmes, ceux qui souffrent en silence par peur de représailles, de nous aider à identifier les associations problématiques. À l'image de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), nous pourrions imaginer une plateforme internet ou un numéro de téléphone permettant de déclarer des activités associatives suspectes.

Enfin, il faut renforcer les outils permettant de suspendre les activités ou de dissoudre les associations. Même en présence d'un faisceau d'indices explicites, il est impossible de refuser a priori la création d'une association, de ralentir ses démarches ou de la dissoudre, et une dissolution n'empêche absolument pas de faire revivre la même structure en créant une autre association. Certaines d'entre elles parviennent ainsi à vivre plusieurs mois avant que l'on mette fin à leurs activités, comme l'association Les soldats dans le sentier d'Allah, dissoute en conseil des ministres le 26 février 2020, au terme d'une démarche de deux ans.

En la matière, nous pourrions nous inspirer des dispositions prises pour les associations de hooligans et travailler sur de nouveaux critères de dissolution.

Le deuxième point de mon intervention concerne les associations d'éducation populaire et de proximité, qui doivent être davantage soutenues. Les territoires où prospère le séparatisme, notamment islamiste, sont aussi souvent ceux où la République a cédé le pas ; nous avons besoin des grandes associations pour réinvestir ces territoires marqués par la déscolarisation et une offre culturelle réduite, éléments favorables au repli communautaire.

L'objectif de la création des quartiers de reconquête républicaine est justement de remettre la République au coeur de ces territoires. Au-delà des moyens supplémentaires alloués aux forces de sécurité, cette reconquête doit s'incarner de manière globale par un retour de l'État sur l'ensemble du champ des politiques publiques : le social, l'emploi, l'aménagement urbain... Pour atteindre ces objectifs essentiels à la cohésion nationale, l'éducation populaire et le tissu associatif sont des leviers très importants qui ont longtemps été sous-estimés.

Dans ces quartiers, l'espace public est parfois confisqué par les trafics et les femmes en sont progressivement exclues. Il est donc urgent de renforcer ou de faire émerger les acteurs associatifs capables de créer l'éducation populaire du XXIe siècle. Les associations, par leur connaissance fine du terrain et la proximité naturelle entre les bénévoles et les bénéficiaires, ont une expertise nécessairement différente de celle des collectivités locales et de l'État. Leur capacité d'agir est complémentaire de celle des acteurs institutionnels et nous devons mettre en place une stratégie coordonnée.

Les grandes associations nationales d'éducation populaire, que le Président de la République a réunies à l'Élysée en début d'année, disposent de ressources humaines compétentes et leur positionnement dans le tiers-secteur est un gage de confiance pour les acteurs locaux. Un accord pourrait être signé avec elles pour mettre en place un programme spécifique dans les quartiers de reconquête républicaine ; l'État les mandaterait pour y créer une dynamique d'éducation populaire.

En conclusion, nous avons besoin, sur ces questions, de pragmatisme. C'est par des mesures concrètes que nous lutterons efficacement contre les discours de haine et contre le séparatisme qui est souvent plus politique que religieux. Nos actions doivent être à la fois massives et millimétrées. Chaque quartier doit redevenir un territoire de la République. Chaque jeune doit pouvoir, au pays de Voltaire et d'Aimé Césaire, prendre son destin en main. Chaque association doit oeuvrer au bien commun et au vivre ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Je vous remercie de ces propos très clairs et détaillés. Vous avez fait état d'un véritable arsenal de propositions ; je vous en félicite. Quels moyens humains et financiers seront consacrés à leur mise en oeuvre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Monsieur le secrétaire d'État, je dois avouer que les propos que vous venez de tenir et que je partage me rassurent, car nous n'avons pas toujours entendu des choses aussi claires, y compris parmi les membres du Gouvernement...

Le monde associatif nous inquiète, même s'il ne faut évidemment pas généraliser. Comment surveiller concrètement les associations qui ne respectent pas le pacte républicain ? Je crois que nous devons proposer des dispositions nettement plus contraignantes que celles qui existent aujourd'hui. Les collectivités locales doivent y tenir leur rôle, car les élus ont aussi des obligations.

Le secteur du soutien scolaire est très important en la matière et ne doit pas échapper à notre réflexion. Et le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour cet été dans le cadre de « vacances apprenantes ». Sommes-nous certains que l'ensemble des associations qui participeront à ces dispositifs respecteront bien le pacte républicain ?

La laïcité est une chance pour les enfants, parce qu'elle les protège des influences. La religion doit rester dans le domaine privé. Dans ce cadre, nous pourrions peut-être réfléchir à l'adoption de chartes de la laïcité.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Madame la présidente, ce sont les services de mon ministère, en particulier la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, qui contrôlent les associations. Nous devrons sans doute les renforcer ici ou là, mais nous devons surtout changer leur doctrine d'intervention. Aujourd'hui, les contrôles font l'objet d'une information préalable ; nous devons les rendre inopinés, sans prévenance. C'est d'ailleurs le même problème pour les contrôles de la scolarisation à domicile : il arrive fréquemment que nous retrouvions les mêmes équipements dans des familles différentes ; en fait, les familles se prêtent le matériel en prévision des contrôles ! En outre, les plannings de contrôle devront peut-être être établis au sein des cellules de lutte contre l'islam radical (CLIR).

Madame la rapporteure, l'engagement financier de l'État sera en effet très important cet été en faveur des enfants qui ne sortent habituellement pas de leur quartier. Il est essentiel de permettre à tous les enfants de se confronter aux autres et de s'évader de leur quotidien. L'enfermement est évidemment un terreau pour le séparatisme. Nous travaillons avec de grands réseaux d'éducation populaire qui sont agréés, régulièrement contrôlés et reconnus comme des structures pouvant accueillir collectivement des mineurs. Nous serons évidemment vigilants sur les questions de respect des valeurs républicaines, mais nous n'avons pas d'inquiétude particulière.

Par ailleurs, nous allons diffuser cet été un vade-mecum sur la laïcité à destination des structures reconnues comme des accueils collectifs de mineurs. Il a été rédigé avec le concours du Conseil des sages de la laïcité mis en place au sein du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Je partage les propos de la présidente et de la rapporteure et je voudrais évoquer le rôle du service national universel (SNU), sur lequel j'ai travaillé au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il me semble que le SNU est un vecteur essentiel pour transmettre à la jeunesse des messages clairs sur la République et ses valeurs. Comment comptez-vous utiliser cet outil pour lutter contre la radicalisation ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

C'est un sujet central. Le SNU doit naturellement être un vecteur de promotion des valeurs de la République. Ces questions sont appréhendées de manière différente par rapport à ce qui se fait à l'école ; il y a davantage de débats et de pédagogie active afin d'aiguiser l'esprit critique des jeunes. Nous avons déjà expérimenté des modules de prévention de la radicalisation et construit des actions dans le cadre du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Nous avons organisé des débats, diffusé des films ou fait lire des pièces de théâtre adaptées à cette problématique - je pense à Lettres à Nour de Rachid Benzine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Les animateurs ne sont pas nécessairement formés aux valeurs de la République ; j'ai organisé de telles formations dans ma commune, mais ce n'est pas très fréquent. Or il n'est pas du tout évident de s'approprier pleinement ce sujet, au-delà de la seule devise « Liberté, Égalité, Fraternité » et surtout de savoir le transmettre. Ne serait-il pas intéressant d'intégrer ces questions dans les critères du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Je vous rejoins complètement. Il existe déjà des critères qui s'en rapprochent, comme la non-discrimination, mais nous pouvons sûrement être plus efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Vous avez évoqué la possibilité de mieux utiliser les fichiers existants pour identifier les personnes susceptibles de promouvoir la radicalisation, mais ces personnes passent souvent inaperçues et n'apparaissent dans aucun fichier. Nous connaissons tous des exemples de gens qui ont très progressivement pris le pouvoir au sein d'associations, puis ont écarté les jeunes filles et pratiqué l'entre-soi, ce qui diminue la possibilité d'un signalement. Les contrôles aléatoires que vous évoquez seront-ils suffisants pour contrer ce type de manoeuvre ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Par définition, les personnes pouvant représenter une menace à cet égard ne sont pas toutes sur les fichiers. Sinon, tout serait plus simple. L'important, c'est qu'à chaque fois qu'un signal, même faible, est détecté, les services de renseignement en soient immédiatement alertés afin de suivre et contrôler les personnes en question. C'est pourquoi j'ai beaucoup insisté sur le partage d'informations, notamment au sein des CLIR, où un point spécifique mensuel pourrait être fait sur les questions de vie associative. Les services dédiés à la jeunesse et à la vie associative ayant détecté des choses suspectes ou qui seraient saisis par des citoyens via la plateforme que j'ai évoquée, pourraient y informer les services de renseignement, et inversement, pour orienter les contrôles. Cela me semble essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

On nous a indiqué que les services de renseignement avaient mis un an avant d'être informés qu'une école coranique était en activité juste à côté des locaux d'un centre communal d'action sociale (CCAS). Personne n'avait pris la peine de procéder à un signalement, parce que personne ne s'était inquiété d'un regroupement de petites filles voilées dans un quartier à forte densité de population musulmane. Ils ont finalement fait fermer l'école mais elle a pu fonctionner pendant un an sans inquiéter personne. C'est assez inquiétant.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Bien sûr. Nous en parlons d'ailleurs souvent avec Jean-Michel Blanquer. Nous avons pris des dispositions, grâce à l'engagement du Sénat, à destination des écoles hors contrat. Je fais ici référence à la proposition de loi de Françoise Gatel. La difficulté, c'est que nous avons des structures qui ne sont pas déclarées comme des écoles hors contrat et qui sont totalement clandestines. Il y a des madrasa qui ne disent pas leur nom sur le territoire de la République, cachées dans des appartements ou des pavillons. Nos services détectent régulièrement ces situations. Parfois, elles prennent une forme associative, et c'est pourquoi j'insistais sur la nécessité de mieux encadrer et de mieux contrôler toute association qui a vocation à accueillir des mineurs ou qui a, dans son objet, un rapport avec les mineurs. Il faut un encadrement a priori et un contrôle assez régulier de l'activité de ce type de structures. Nombre d'associations qui se présentent comme des associations d'aide aux devoirs sont en réalité des écoles coraniques qui ne disent pas leur nom. J'ai été très frappé à cet égard lors d'un déplacement que j'ai effectué dans une ville des Hauts-de-France. Dans un quartier, il y avait une école flambant neuve, à la suite d'une rénovation d'un montant de 7 à 8 millions d'euros ; toutes les classes étaient dédoublées grâce aux mesures que nous avons prises au début du quinquennat ; l'ensemble de l'équipe pédagogique était particulièrement motivée. Bref, cette école incarne l'ensemble de l'investissement de la puissance publique pour la promotion de la République et de l'égalité des chances. Et pourtant, une association dite d'aide aux devoirs des élèves du quartier accueille tous les mercredis et les week-ends des centaines d'enfants. Après ces intermèdes, les enfants reviennent complètement transformés, refusant de s'adresser à une enseignante femme, jouant avec un ballon sur lequel est inscrit « réservé aux musulmans » et faisant leur prière au moment de la récréation, alors qu'ils ont huit ou neuf ans. En l'occurrence, cela n'a rien à voir avec un manque d'investissement de l'État. Il s'agit d'une offensive politique à travers un statut associatif. Pourtant, cette association a régulièrement été contrôlée par les services de l'État. Elle a même été fermée temporairement à plusieurs reprises, mais elle a toujours pu rouvrir. C'est pourquoi l'arsenal juridique doit être renforcé.

Les activités purement clandestines relèvent, elles, du domaine d'action des services de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Cela confirme clairement qu'un islam politique existe. C'est une réalité dans notre pays, et c'est aussi l'objet de cette commission d'enquête d'en parler.

Ces petites écoles peuvent être cachées, vous l'avez dit, dans des appartements. À cet égard, il me semble que les bailleurs sociaux ont un rôle essentiel à jouer. Dans ma ville, il y a 30 % de logements sociaux. Il est difficile de croire que personne ne s'aperçoive que des enfants sont regroupés pour faire la classe et qu'ils ne sortent plus. Quand on ne veut pas voir, on ne voit pas ! Les bailleurs sociaux bénéficient d'un certain nombre d'aides dans les quartiers « politique de la ville » et c'est aussi leur rôle de réfléchir et de travailler sur le sujet. Ils ont une responsabilité collective pour aussi ouvrir les yeux. Ils doivent agir pour l'avenir des enfants de ces cités.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Je suis absolument d'accord avec vous. Il y a un enjeu de détection. Tout le monde sait dans le quartier, mais personne ne dit rien, et pas forcément par adhésion à ce projet politique, qui est par ailleurs porté par une minorité qui profite d'un manque de coordination et de travail collectif. C'est ce que nous devons améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Le sujet des réseaux sociaux comme Instagram ou YouTube n'a été abordé ni avec M. Blanquer ni avec M. Castaner. Ces outils sont totalement intégrés, y compris dans les quartiers, dès le plus jeune âge. Les jeunes peuvent être sollicités et influencés par ce biais. Pouvez-vous nous livrer vos axes de travail à cet égard ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Je suis parfaitement lucide sur le risque que constitue cet environnement numérique pour les jeunes, et pas uniquement en ce qui concerne la radicalisation. Se pose aussi le problème de la confiance dans les institutions et d'adhésion à la République. La partie du contrôle, qui relève du ministère de l'intérieur avec la plateforme Pharos, qui permet de signaler des contenus illicites et d'agir.

La priorité est d'avoir une véritable éducation aux médias et à l'information, un enseignement moral et civique adapté à ces enjeux. Je suis toujours frappé, lors de mes déplacements, de la perméabilité des jeunes aux théories du complot, qui débouchent invariablement sur des propos hostiles à la République. Aujourd'hui, je considère que l'éducation nationale ne répond pas vraiment à cet enjeu, qui est de former des jeunes citoyens éclairés, à l'esprit critique développé. Cela fait partie des combats que nous avons menés à l'Assemblée nationale, lorsque j'étais parlementaire. Nous avions d'ailleurs obtenu le doublement du budget de l'éducation aux médias et à l'information. Il faut aller beaucoup plus loin. L'enseignement moral et civique doit être revu. Je m'en ouvrirai prochainement à la présidente du Conseil supérieur des programmes.

Il y a, par ailleurs, beaucoup d'initiatives portées par des acteurs associatifs. Je pense au philosophe Frédéric Lenoir, qui a développé les « ateliers philo » qui permettent, dès le plus jeune âge, en CM1 ou en CM2, d'aborder des enjeux de société. J'ai assisté à Trappes à un atelier sur le sujet : « Qu'est-ce qu'un ami ? ». Les enseignants me disaient que ces enfants avaient beaucoup plus de recul et d'esprit critique en arrivant au collège, ce qui leur donnait des armes pour éviter de se faire embrigader.

Je le répète, il doit y avoir non seulement une réponse du ministère de l'intérieur sur les contenus véhiculés, mais aussi une réponse éducative. C'est ce que nous allons nous employer à améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Il faut aussi que nous travaillions sur la culture, qui est essentielle pour sortir de l'enfermement dont vous avez parlé, monsieur le secrétaire d'État. Il est essentiel que ces enfants accèdent à la culture au sens large du terme, notamment dans le cadre de l'école. Parfois, la transmission de la culture n'est pas facile dans certains quartiers. On doit pouvoir parler de tout. Une exposition dans ma commune a provoqué un tollé car elle présentait un tableau de femme au dos nu. Beaucoup de parents ont interdit à leurs enfants de s'y rendre. Pourtant, il n'y avait rien de pornographique. Nous avons des choses à imposer clairement pour que les enfants puissent découvrir le monde dans lequel ils vivent, qui n'est pas celui dans lequel on voudrait les enfermer. Il est essentiel de ne pas céder aux pressions communautaristes sur ces sujets. C'est une question de tolérance et de respect de l'autre.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Je vous rejoins absolument sur ce constat. C'est tout l'enjeu de l'investissement de Jean-Michel Blanquer autour de l'éducation artistique et culturelle. Il s'agit de favoriser l'émancipation des enfants par l'intermédiaire de la culture, mais aussi de promouvoir les valeurs de la République à travers la culture.

J'étudie beaucoup ce que nous pourrions faire pour soutenir, renforcer, peut-être réinventer les maisons des jeunes et de la culture (MJC) dans nos quartiers. Je pense qu'elles ont un rôle à jouer. Un certain nombre d'entre elles ont d'ailleurs revu leur manière d'aller chercher les jeunes, de les sortir de leur cage d'escalier grâce à une pratique artistique et culturelle.

J'ai découvert lors d'un déplacement ce qu'ont développé les Québécois au travers de structures de type MJC plus tournées vers le sport que vers la culture. Le principe est le suivant : le club sportif est ouvert à tous les habitants d'un quartier contre une cotisation, mais il est gratuit pour les jeunes venant de quartiers défavorisés. Des travailleurs sociaux font le lien et se saisissent de ces moments pour les accompagner vers l'insertion ou les remettre dans le droit chemin. Nous pourrions nous inspirer de ce principe pour faire évoluer nos MJC et répondre à ces enjeux dans nos quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le secrétaire d'État, nous achevons avec vous notre cycle d'auditions. Jacqueline Eustache-Brinio va maintenant se consacrer à la rédaction de son rapport qui devrait être remis autour du 10 juillet prochain.

La réunion est close à 11 h 35