Mission d'information Illectronisme et inclusion numérique

Réunion du 22 juin 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions avec une table ronde consacrée aux Universités. Il nous semblait également important de convier M. Benjamin Marteau, directeur de la société PIX, certification dont nous avons beaucoup entendu parler lors de nos auditions. Je tiens d'ailleurs à remercier Mme Nominé pour cette suggestion.

Mesdames, Messieurs, lors de nos auditions, il nous a été indiqué que les jeunes pouvaient avoir des difficultés à utiliser des outils numériques dans un cadre autre que récréatif. Constatez-vous de telles difficultés, par exemple pour des démarches administratives ? Vos universités respectives ont-elles pris des mesures pour accompagner les étudiants en souffrance numérique ? Proposent-elles des formations ou ateliers pour aider les étudiants à améliorer leurs compétences numériques pour une meilleure insertion professionnelle ? Qu'a durablement changé la crise du Covid-19 ? Il est notamment évoqué une hypothèse de rentrée hybride, avec une partie des cours se poursuivant en distanciel. Avez-vous prévu un accompagnement des élèves pour vous assurer qu'aucun ne décrochera en raison de ce nouveau mode d'enseignement ?

Monsieur Marteau, nous avons beaucoup entendu parler de PIX. Pouvez-vous nous en dire plus de cette simplification ? Quelles sont les compétences certifiées par PIX ? Est-elle aujourd'hui opérationnelle ? Comment obtenir la certification ? En quoi ce projet diffère-t-il des certifications précédentes ? Je vous propose de prendre la parole en premier.

Debut de section - Permalien
Benjamin Marteau, directeur du groupement d'intérêt public PIX

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, un grand merci pour votre invitation. Le projet, lancé en 2016, est parti d'un triple constat. D'abord, le numérique est toujours plus indispensable dans les grandes activités de la vie de tout un chacun, qu'elle soit personnelle, familiale, citoyenne, associative ou professionnelle. Ensuite, le numérique peut à la fois être un remède et un poison. Ainsi, il peut aussi bien être utile au renforcement du lien social et à l'inclusion sociale que se faire source de fragmentation de la société. Trois inégalités à haut risque sont identifiées de ce point de vue : l'accès au réseau, l'accès aux équipements et la question des compétences. Ce point concerne plus directement PIX. Enfin, le numérique est en évolution permanente. Il s'agit d'un défi, lorsque l'objectif est d'accompagner l'effort de formation. En l'occurrence, nous avons besoin de repères partagés et évolutifs entre l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur, la médiation numérique et le monde professionnel.

Une mission a ainsi été confiée à PIX, consistant à cultiver les compétences numériques et aider les Français à le faire en leur fournissant des repères, pour eux-mêmes ou pour les personnes qu'ils accompagnent. Je vous invite à mettre le site internet pix.fr à l'épreuve.

PIX remplit trois fonctions : l'évaluation, la certification et la contribution au développement des compétences numériques. PIX est une plateforme en ligne, développée en logiciel libre. Elle s'adresse à tout un chacun. Le service a été initié mi-2016, dans le cadre du dispositif de start-up d'État, porté par la Direction interministérielle du numérique (Dinum), qui s'est constituée en groupement d'intérêt public depuis 2017 à l'initiative des ministères éducatifs avec la participation active du Centre national d'enseignement à distance (Cned), de l'Université ouverte des Humanités et du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

S'agissant de la fonction de mesure des compétences numériques, un compte gratuit sur PIX permet de se soumettre à des épreuves testant savoir-faire, connaissances et capacité à identifier les enjeux du numérique, dans une logique ludique de résolution de problèmes et de défis. Dans la mesure où cette mission est universelle, un algorithme de test adaptatif, lui-même en logiciel libre, a été développé. Quel que soit le niveau de l'utilisateur, il est en situation de réussir deux épreuves sur trois. Les compétences évaluées sont adossées à un cadre français, le cadre de référence des compétences numériques, porté par des arrêtés publiés le 30 août 2019, avec pour source le cadre de référence des compétences digitales européennes.

Le référentiel de compétences comporte cinq grands domaines : informations et données, compétences en matière de communication et de collaboration, compétences en matière de création de contenu (dont la bureautique), protection/sécurité et environnement numérique. Les questions posées peuvent être les suivantes : quelle est l'année de naissance de l'archéologue Ernst Curtius ? A quelle date, quelle heure et avec quel modèle d'appareil photo a été prise cette photo ?

Le deuxième service rendu par PIX concerne le développement de compétences. Celui-ci repose sur trois leviers : apprentissage de nouvelles techniques, recommandations ciblées de formation (tutoriels, fabriqués par des universités ou d'autres acteurs), PIX Orga, une application à destination des équipes pédagogiques, dont le but est de lancer des campagnes d'évaluation ciblées pour faciliter le travail des enseignants.

Enfin, la valorisation des compétences numériques passe par la certification. PIX délivre ainsi un certificat officiel qui remplace le B2I, le C2I et le passeport Internet et multimédia dans le secteur de la médiation numérique.

Depuis mi-juin 2016, une version beta a été réalisée et publiée en novembre 2016. Aujourd'hui, près d'un million de comptes ont été créés et plus de 82 millions d'épreuves unitaires ont été passées. Plus de 79 000 certifications ont été délivrées. Plus de 50 universités utilisent PIX, pour des campagnes d'évaluation non certifiantes ou pour des certifications. Dans l'enseignement scolaire, nous sommes en cours de généralisation de la partie certifiante. Cette généralisation trouvera son terme à la fin de l'année prochaine. Une certification PIX sera proposée obligatoirement pour tous les élèves de 3e et de terminale, de CAP, de BTS et de classes préparatoires aux grandes écoles. Pendant le confinement, nous avons observé une accélération des usages. En effet, PIX est utile pour l'acquisition des compétences numériques nécessaires à l'enseignement à distance. Nous avons gagné 137 000 élèves depuis le 11 mars. 50 % des collèges et lycées français disposent aujourd'hui d'un compte PIX Orga. En lien avec le ministère, nous avons un chantier très important en cours sur l'accompagnement des publics enseignants. Nous travaillons par ailleurs étroitement avec le ministère du travail, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences au bénéfice des demandeurs d'emploi, ainsi qu'avec l'Agence nationale de sécurité et des systèmes d'information (ANSSI) ou encore l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), la ville de Paris, la Gendarmerie nationale, etc., pour lesquels nous déployons des tests.

Debut de section - Permalien
Brigitte Nominé, présidente de l'association VP NUM et vice

présidente Stratégie numérique de l'Université de Lorraine. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, merci de cette invitation. L'Université de Lorraine est répartie sur deux métropoles, Metz et Nancy, et présente sur 10 villes du territoire lorrain. Nous avons 60 000 étudiants, répartis dans 11 écoles d'ingénieurs et 24 facultés. La problématique de la formation aux dispositifs numériques et à la culture numérique est bien entendu appréhendée par l'université, qui propose un module de compétences transversales par lequel l'étudiant est formé au soutien numérique, à travers 30 à 40 heures de cours. En troisième année, il est invité à passer les certifications proposées par PIX. La stabilisation et la généralisation de cette plateforme, ainsi que sa reconnaissance par les entreprises, constituent dès lors de véritables enjeux. Cette certification aura plus encore de valeur lorsque les entreprises demanderont un certain niveau de certification.

En ce qui concerne la fracture numérique, l'Université a basculé, à la veille du confinement, dans un format distanciel, avec la préoccupation de ne pas laisser une partie de ses étudiants dans l'incapacité de suivre les cours ou passer les examens. Un recensement a dès lors été effectué, et 3 % des étudiants se sont trouvés en difficulté numérique, soit parce qu'ils ne possèdent pas d'ordinateur, soit parce qu'ils disposent d'une connexion de mauvaise qualité, voire pas du tout. Nous avons tenté de remédier à la difficulté matérielle en accordant des prêts et en organisant 500 dons d'ordinateurs mis à la disposition des étudiants. 600 forfaits internet ont en outre été achetés et transmis aux étudiants pour leur permettre de suivre les cours de façon satisfaisante. Cette situation a pour nous été inédite ; habituellement, l'Université apporte l'accès internet à travers sa connexion wifi, sans difficulté, ou via des salles informatiques. Nous avons ainsi dû faire face à une situation imprévue, et l'identification de ces étudiants puis la livraison des ordinateurs se sont avérées être des tâches complexes.

Une enquête a en outre été diffusée auprès des universités. 42 y ont répondu. Globalement, 3 à 4 % d'étudiants se sont dits en difficulté. La qualité de la connexion internet est en tête des facteurs. Certains doivent utiliser leur forfait smartphone pour accéder à internet. La question des connexions de médiocre qualité relève de l'aménagement du territoire, via le déploiement de la fibre. S'agissant du forfait internet, l'objectif est d'inviter les opérateurs à offrir aux étudiants en difficulté un forfait à très bas coût proposant des connexions satisfaisantes. Sur notre territoire, la couverture est plus ou moins dense, et nous ne pouvons privilégier un opérateur. Tous doivent donc être en mesure de proposer cette offre de service.

Debut de section - Permalien
Isabelle Olivier, vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques de l'Université de Grenoble-Alpes

Je suis vice-présidente numérique de l'Université Grenoble-Alpes, un établissement public expérimental créé en janvier 2020. L'UGA est composé de 60 000 étudiants et 7 500 personnels, dont 550 enseignants et chercheurs et 2 000 personnels administratifs. A Grenoble, nous avons identifié plusieurs types d'inclusions : pour le numérique et par le numérique. Cette notion fait écho à celle d'accessibilité numérique. Nous avons mené des actions d'inclusion pour accéder aux formations au numérique. Ces actions désignatives sont menées en particulier pour inciter les lycéennes à suivre des études dans le domaine du numérique, dans l'objectif de féminiser ces métiers. Nous avons également mené des actions pour permettre à tous d'accéder à l'usage du numérique, en déployant notamment PIX, qui a été généralisé à la rentrée scolaire 2019 et qui permet, en sus de l'acquisition de compétences numériques, le développement de compétences liées à l'usage et la maîtrise de l'information acquise via le numérique. L'an dernier, 150 sessions PIX ont été organisées, qui ont donné lieu à 700 certifications environ.

Concernant la question de l'inclusion de personnes grâce au numérique, des actions ont été menées en direction d'étudiants et de personnels en situation de handicap, sportifs et actifs de haut niveau et à distance, notamment dans les territoires éloignés de notre académie. Dans le domaine de la fracture numérique, lorsque nos étudiants sont sur nos campus, la fracture numérique, qui est une de nos priorités depuis de nombreuses années, est relativement bien maîtrisée. Nous avons ainsi une centaine de salles d'accès libre, proposant environ 1 500 postes informatiques à disposition des étudiants sans équipement informatique. La connexion wifi couvre quant à elle l'ensemble de nos campus. Ces deux dernières années, nous avons travaillé sur une extension du service Eduroam dans la ville. Ce projet a abouti en décembre 2019.

Pendant le confinement, nos étudiants ont été confrontés à une nouvelle forme de fracture numérique : celle de notre territoire académique, puisque plus de 50 % d'entre eux sont retournés se confiner chez leurs parents. En sus des outils numériques ou de la connexion, nous avons dû faire face aux zones blanches. Nous sommes en difficulté pour trouver des solutions vis-à-vis de ces aspects. Nous avons néanmoins mené un certain nombre d'actions afin d'équiper les étudiants en leur envoyant des clés 4G pour pallier cette rupture de connexion. Nous avons également développé un partenariat avec un cluster, Digital League, qui est composé de 500 PME dans le domaine du numérique. Ce partenariat perdurera par la suite.

Enfin, en ce qui concerne l'hybridation des formations, nous proposons depuis plusieurs années des programmes d'enseignement hybrides. La dématérialisation des formations, si elle est souhaitée par les équipes pédagogiques, peut donc être conduite via des plateformes numériques déjà en place et l'accompagnement des enseignants, qui le relaient vers les étudiants.

Debut de section - Permalien
Younès Bennani, vice-président Transformation numérique de l'Université Sorbonne Paris Nord

Nous vivons aujourd'hui une révolution de compétences qui représente une réelle opportunité, en particulier pour un département comme la Seine-Saint-Denis, où se situe l'Université Sorbonne Paris Nord. Dans ce département, plus de 7 jeunes sur 10 voient leur avenir dans le numérique, 10 % de plus que la moyenne nationale. Durant la crise sanitaire, nous avons souvent parlé de la fracture numérique, qui touche toutes les populations mais ne se limite pas au matériel, à la connexion ou à l'alimentation en électricité. Elle touche aussi les compétences nécessaires pour utiliser le numérique.

Dans ce contexte, notre université a pour objectif de doter son territoire, qui dispose d'atouts majeurs, d'une grande infrastructure scientifique autour du numérique. Il s'agit d'un pôle d'excellence dédié au numérique, combinant recherche, formation et innovation. Cette approche s'est concrétisée par plusieurs actions, dont la création, en 2016, de la première maison des sciences numériques (MSN). Il s'agit d'un tiers lieu d'innovation qui a pour mission de développer une vision interdisciplinaire du numérique dans un espace mixte entre apprenants, enseignants-chercheurs et entreprise. Ce type de structure doit faciliter le passage de l'innovation au marché. La MSN est structurée autour d'équipes projets thématiques (santé et numérique, art numérique, intelligence artificielle, cybersécurité, science des données, pédagogie et numérique). La MSN propose des services de deux types : formation et conseil. Les formations visent à répondre à des besoins spécifiques en sciences numériques. Elles sont courtes et non diplômantes. Il s'agit en outre d'accompagner les entreprises de toute taille dans leurs projets d'innovation en sciences numériques et développer ainsi une ingénierie de connaissances.

La crise sanitaire s'est révélé être le meilleur accélérateur de la transformation numérique. Elle a révélé les limites techniques et fonctionnelles de l'Université, pour l'enseignement massif et son évaluation à distance. Elle a démontré la nécessité de la transformation numérique et nous a conduits à repenser et changer nos pratiques. Malheureusement, les enseignants n'étaient pas tous préparés pour ce passage brutal. Un cours en distanciel, en effet, pose des problèmes pédagogiques, au-delà des problèmes technologiques. La fracture numérique touche donc les enseignants. Une des équipes de la MSN, spécialisée en pédagogie, a planifié en urgence une cinquantaine de sessions de formation pour accompagner les enseignants-chercheurs dans la transformation de leurs cours présentiels en cours distanciels, à travers des cours à distance. En parallèle de ces formations, nous avons proposé un accompagnement par téléphone ou email à l'ensemble du personnel de l'Université et avons mis à sa disposition des manuels, fiches de synthèse et courtes vidéos d'initiation aux outils numériques, dès la veille du confinement. Depuis le début de la crise, nous avons remarqué une forte demande de formation. Nous avons ainsi reçu plus de 600 demandes en quelques jours. Malheureusement, par manque de moyens, nous n'avons pu répondre à leur totalité. Des sessions de formation restent ainsi programmées jusqu'à décembre.

Du côté des étudiants, nous avons identifié une fracture numérique d'ordre matériel et connectique. Plus de 10 % de nos étudiants éprouvaient ainsi des difficultés. L'Université a donc prêté environ 500 ordinateurs à ses étudiants. La problématique de la connexion n'a pas encore été résolue à ce jour.

Pour renforcer l'ouverture de notre université sur son territoire, depuis trois ans, nous programmons des formations de quatre jours d'initiation aux outils numériques, en collaboration avec un partenaire privé. Ces formations sont ouvertes à tous, y compris au grand public. Leur objectif est d'aider les jeunes à multiplier leurs opportunités professionnelles et enrichir leur CV de compétences clés pour l'avenir. Ce type d'événement a remporté un vif succès, avec plus de 350 participants à chaque étudiant. 57 % sont des femmes, 70 % des employés de TPE et PME et 30 % sont des étudiants ou chercheurs d'emploi. Nous proposons également plusieurs formations aux étudiants, notamment pour la préparation au PIX. Celle-ci est en cours.

La fracture numérique recouvre donc plusieurs dimensions et dépend fortement de chaque territoire, du niveau d'études et du revenu. Pour la traiter, nous devons tenir compte de cette multidimensionnalité.

Debut de section - Permalien
Nicolas Postec, vice-président délégué chargé du Développement numérique de Le Mans Université

Je vous remercie d'avoir invité une université de taille moyenne, qui compte 12 000 étudiants. Nous sommes situés sur deux départements, la Sartre et la Mayenne. 45 % de nos étudiants sont dans l'enseignement supérieur (contre 52 % au plan national). Au niveau du département, la moyenne d'ouvriers est supérieure à la moyenne française, et la proportion de cadres est inférieure. L'Université a vocation à développer l'accès aux savoirs, à la culture, à l'autonomie et à l'emploi, mais compte tenu des particularités de notre territoire, nous avons aussi la lourde tâche de veiller à n'oublier personne et de promouvoir une différenciation sociale positive pour accompagner tous nos étudiants, y compris les plus démunis.

Dans ce contexte, notre établissement a entamé une grande transition numérique. Nous déployons de nombreux services dématérialisés. Depuis de nombreuses années, nous proposons des formations à distance, qui concernent aujourd'hui 10 % de nos étudiants, répartis en France métropolitaine et dans le monde. Ce mouvement s'accélère à travers les différentes lois, notamment la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiantes, qui vise à développer des formations plus flexibles, qui s'adaptent aux parcours des étudiants, ainsi que des propositions de remédiations et des parcours éventuellement accélérés pour les étudiants qui le souhaitent. Les universités proposaient déjà avant la crise ces formations hybrides. Nous maîtrisons donc ce process, bien que tous les enseignants ne soient pas encore formés ou n'aient pas encore d'expérience en la matière. Dans notre établissement, environ 50 % d'enseignants ont cette aptitude à développer des cours numériques, qui ne se limite pas à la mise en ligne de ressources. S'agissant des étudiants, comme de nombreuses universités, nous avions déjà instauré une formation obligatoire pour tous les étudiants au C2I dès 2006. Cette formation est aujourd'hui incluse dans toutes les formations de première année, sous la forme d'un modèle de 25 heures.

Avec la crise, outre la nécessité de renforcer toutes nos infrastructures numériques sur des budgets parfois inadaptés, nous avons lancé une vaste enquête pour identifier les difficultés rencontrées par les étudiants. Compte-tenu du public que nous accueillons, nous leur avons proposé de déclarer toutes les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer, qu'elles soient d'ordre social, médical, psychologique ou pour leurs études. Au total, nous avons reçu près de 10 000 réponses. 1 600 étudiants ont déclaré des difficultés pendant le confinement, et 950 une difficulté d'ordre numérique (soit environ 10 %). Leur répartition variait en fonction des domaines d'études. Les difficultés étaient en majorité liées à la connexion. 2 % des étudiants n'avaient accès ni à une box internet familiale ni à un téléphone équipé de data. 1 % des étudiants n'avaient aucun support matériel pour travailler. Or pendant le confinement, tous les cours avaient lieu en ligne, sur les plateformes pédagogiques. Nous avons donc pris conscience de l'ampleur du problème, proposé d'acheter des forfaits 4G et d'offrir une aide financière forfaitaire de 60 euros. Sur le territoire, tous les opérateurs ne sont pas représentés. Les étudiants ont donc préféré bénéficier de cette aide pour augmenter leur forfait data en choisissant l'opérateur le plus adapté. Nous avons ainsi distribué environ 200 aides. S'agissant des ordinateurs, nous avons dépourvu certaines salles informatiques afin de distribuer 150 ordinateurs aux étudiants.

La situation numérique des étudiants a certainement été aggravée par le retour à leur domicile. Nous avons pris conscience du fait que la connexion wifi proposée sur le campus et l'accès libre à des salles étaient cruciaux pour limiter la fracture numérique dans l'enseignement supérieur. Privés de ces ressources, 10 % ont été en difficulté. Par ailleurs, nous avons constaté qu'environ un tiers des étudiants rencontrant des problèmes numériques faisaient également face à une problématique sociale ou médicale. Nous nous sommes donc attachés à les soutenir.

Pour la rentrée prochaine, nous souhaitons déployer une véritable offre d'assistance numérique, en cours de formalisation, et dont l'objectif est d'identifier les étudiants en difficulté dès la rentrée. Lors de son inscription à l'Université, l'étudiant devra ainsi remplir un questionnaire sur son environnement numérique. Nous leur proposerons en outre une offre de prêt matériel, temporaire ou de long terme, et les accompagnerons dans la recherche de solutions de connexion. Le travail que peut accomplir le ministère avec les opérateurs télécom est de ce point de vue très important. Enfin, il s'agit de développer les compétences numériques. Tous nos étudiants de première année se voient proposer une formation de 25 heures au développement de compétences numériques. Nous la proposons également aux personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Merci de vos interventions. Je passe la parole à notre rapporteur, Monsieur Raymond Vall.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Bonjour à tous. Je vous remercie pour vos interventions fort instructives. Lorsque nous avons procédé à l'audition des services du ministère de l'Education nationale, ses représentants ont évoqué l'idée de s'appuyer sur le PIX pour certifier les compétences numériques des professeurs. Lors de l'exposé, vous avez annoncé un chiffre de 50 %. Quel projet pourrait faire du PIX un organe qui comblerait un retard important dans la formation des enseignants en matière numérique ? Quel est votre budget, et comment peut-il être adapté à ce challenge ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Postec, vice-président délégué chargé du Développement numérique de Le Mans Université

J'évoquais la formation à la pédagogie, et non aux compétences numériques de base. Il s'agit en effet de savoir comment un enseignant peut revoir sa pratique pédagogique à travers l'instrumentation par le numérique. Dans nos établissements, des services d'appui à la pédagogie assurés par des ingénieurs pédagogiques aident ainsi des enseignants à réfléchir à la façon dont le numérique transforme l'acte d'apprentissage.

Pour répondre à votre question, le PIX ne répond pas tout à fait à ces enjeux, même s'il est nécessaire. Certains de nos collègues, en effet, ne sont pas habitués à l'usage du numérique. Celui-ci constitue une première étape, la seconde, consistant à accompagner la transformation des pratiques pédagogiques, étant beaucoup plus profonde.

Debut de section - Permalien
Younès Bennani, vice-président Transformation numérique de l'Université Sorbonne Paris Nord

Je m'associe aux propos de mon collègue Monsieur Postec. Les enseignants manquent en effet de la fonction pédagogique, plus que de l'aspect technologique. En effet, un cours en distanciel est très différent d'un cours en présentiel. Les enseignants doivent acquérir cette pédagogie basée sur d'autres notions, comme la scénarisation du cours. Tous ne sont néanmoins pas motivés par cette démarche. Nous cherchons donc à accompagner les enseignants motivés par l'apprentissage de cette transformation, qui demande beaucoup de temps.

Debut de section - Permalien
Isabelle Olivier, vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques de l'Université de Grenoble-Alpes

À Grenoble, lorsque nous avons transformé les PACES et STAPS, l'objectif était de permettre aux étudiants d'acquérir le contenu de formation et les compétences. La dématérialisation des amphithéâtres a été réalisée très rapidement, puisque nous avons sonorisé les fichiers Powerpoint. Par la suite, le scénario pédagogique a été déterminant. La première semaine, les étudiants inscrivent dans leur planning une heure de cours magistrale, qu'ils suivent depuis la plateforme numérique, sur laquelle ils peuvent poser des questions. La semaine suivante, des régulations moyen groupe sont mises en place. L'enseignant répond aux questions posées sur la plateforme, vérifie la bonne compréhension, réexplique le cas échéant et pose à son tour des questions, auxquelles les étudiants répondent immédiatement grâce à leurs outils. La troisième semaine, les TD permettent une mise en application des connaissances acquises. Grâce à ce cycle, nous avons pu répondre, en particulier en première année, aux demandes des étudiants en termes de suivi. Ce système nous a permis d'élever la proportion d'étudiants passant de première en deuxième année de 39 % à 52 % en deux ans. Nous comptions en outre 23 % de décrochages ; ce chiffre s'est abaissé à 12 %. Nous avons donc utilisé le scénario pédagogique pour permettre à nos étudiants de réussir. La dématérialisation des cours d'amphithéâtre a été déterminante, en s'inscrivant dans ce processus de scénario.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Ma première question s'adresse à Monsieur Marteau. Quelle est la proportion des enseignants qui ont déjà eu recours à votre plateforme dans les collèges et lycées ? S'agissant des étudiants en difficulté, comment l'enseignement faisait-il appel à l'outil numérique avant le confinement ? Vous avez fait référence à des filières très spécifiques. Concernant l'enseignement à distance, les cours magistraux sont-ils écrits, enregistrés ou interactifs ? Est-il prévu de généraliser ces pratiques pour toutes les formations étudiantes ?

Debut de section - Permalien
Benjamin Marteau, directeur du groupement d'intérêt public PIX

En lien avec le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, nous travaillons sur un projet visant à développer les compétences numériques des enseignants. Celles-ci recouvrent les compétences utiles à tout un chacun dans la vie quotidienne. Pour ce qui concerne les compétences transverses, les quelques tests que nous réalisons nous laissent penser que l'autoformation ne sera pas suffisante pour l'accompagnement des enseignants dans la montée en compétences. PIX a l'avantage de permettre d'en savoir davantage sur le niveau des uns et des autres. Un certain nombre d'éléments ont par exemple trait aux données personnelles, qui recouvrent un enjeu important. Le niveau d'exigence est dès lors relativement élevé.

Par ailleurs, nous travaillons sur un bloc de compétences pédagogiques enseignantes. Les ministères nous ont soumis une demande afin d'intégrer dans PIX des modules complémentaires. Nous pourrons le faire en partie, bien que d'autres éléments relèvent d'une évaluation personnelle et humaine.

En termes de volumes, je ne pourrais vous dire exactement combien d'enseignants utilisent la plateforme, en dehors de ceux qui la prescrivent aux élèves. En effet, ils s'inscrivent en tant que citoyens. Dans le cadre de nos travaux avec le ministère, en revanche, nous conduirons une politique plus concertée avec les académies, et connaîtrons précisément le nombre d'enseignants qui bénéficieront de ces tests. Le service que nous rendons a pour valeur ajoutée de permettre de connaître son propre positionnement pour se voir proposer des formations adaptées. La formation continue suppose cependant des moyens suffisants.

Debut de section - Permalien
Nicolas Postec, vice-président délégué chargé du Développement numérique de Le Mans Université

Il existe un véritable enjeu à former nos enseignants du supérieur aux pratiques pédagogiques et au numérique. Une réforme de 2017 oblige désormais les maîtres de conférences à avoir suivi un parcours de formation initiale pour être titularisés. A titre d'exemple, nous proposons un parcours de 40 heures. La première étape consiste à découvrir les fonctionnalités pédagogiques de nos outils. Une phase de cinq heures permet ensuite d'évaluer les acquis de l'apprentissage. Une session porte spécifiquement sur l'animation d'une classe virtuelle à distance. Les enseignants sont en outre invités à suivre un MOOC multi-établissements, « Se former pour enseigner dans le supérieur », représentant environ 20 heures de travail. Enfin, nous organisons pour ces jeunes maîtres de conférences des déjeuners thématiques pour discuter des problématiques pédagogiques et numériques. Ce dispositif obligatoire est très intéressant pour accompagner une émergence de nouveaux collègues qui ont pu recevoir un accompagnement à l'usage du numérique pour la pédagogie. Il ne s'adresse cependant qu'aux nouveaux maîtres de conférences. Or les établissements ont une population d'enseignants qui ont longtemps enseigné de façon magistrale, sans le numérique. Nous devons être en mesure de les accompagner, mais cette démarche leur demande beaucoup de temps, et doit donc reposer sur le volontariat. Elle ne représente pas une priorité pour eux, tant qu'elle ne sera pas incluse dans la valorisation de leur carrière. Le fait d'être évalué à la fois sur leurs pratiques de recherche et leurs pratiques d'enseignement constitue une revendication assez forte.

Les moyens sont quant à eux relativement restreints. Dans un établissement de notre taille, les efforts sur les outils numériques ont été évalués à environ 150 000 euros. Ce budget en ampute d'autres, et devra être reconduit chaque année. De même, pour accompagner nos enseignants vers de nouvelles pratiques pédagogiques, nous avons besoins de ressources en ingénierie pédagogique. Là encore, nous souffrons d'un manque de moyens pour recruter ce type de personnel.

Debut de section - Permalien
Isabelle Olivier, vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques de l'Université de Grenoble-Alpes

À l'époque du certificat informatique et internet (C2I), sur nos trois universités, une dizaine d'enseignants par an, sur 1 500, suivaient la formation. Concernant la question de l'hybridation des formations, il ne s'agit pas d'un objectif en soi. En revanche, la réussite des étudiants en est un. Notre enjeu est d'inciter les enseignants à l'usage du numérique.

Debut de section - Permalien
Younès Bennani, vice-président Transformation numérique de l'Université Sorbonne Paris Nord

L'hybridation doit tenir compte de chaque discipline et de chaque niveau de formation. Certaines formations ne sont pas adaptées à l'hybridation, et certaines nécessitent plus de présentiel que de distanciel, en particulier en première année de licence.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Pouvez-vous revenir sur la première MSN ? A qui s'adresse-t-elle ? Quels sont ses partenaires ?

Debut de section - Permalien
Younès Bennani, vice-président Transformation numérique de l'Université Sorbonne Paris Nord

Elle est ouverte sur le territoire et offre des formations grand public qui ne sont généralement pas proposées par les universités, pour initier les personnes aux outils numériques et à la culture numérique. Des équipes projets y interviennent, qui sont formées par des enseignants-chercheurs et des professionnels. Il s'agit donc d'équipes mixtes, du secteur privé et du secteur public. Ces équipes assurent deux types d'activité : conseil et formation. À l'heure actuelle, la MSN est financée à travers des projets passés avec des entreprises. Celles-ci se présentent à la MSN avec une problématique, et l'Université cherche à créer une équipe projet pour les accompagner dans la résolution du problème. Ces activités peuvent durer d'un à trois ans. L'Université peut mettre à la disposition des entreprises des experts dans le domaine recherché. Nous déposons actuellement un dépôt dans le cadre du PA3 pour transformer la MSN en société universitaire et de recherche (SUR). Cette nouvelle structure impliquera le secteur privé et le secteur publique dans une société appartenant majoritairement à l'Université et dont certaines entreprises seront actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Pouvez-vous nous faire partager des exemples de bonnes pratiques et d'expériences au sein de l'association VP NUM ?

Debut de section - Permalien
Isabelle Olivier, vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques de l'Université de Grenoble-Alpes

L'association a été créée en 2016 et compte plus de 50 membres. Pendant la période du confinement, nous avons particulièrement interagi. Nous pouvons nous envoyer des questions via une adresse générique, afin d'obtenir des réponses d'autres vice-présidents. Pendant le confinement, nous avons réactivé un outil de discussion sur des sujets spécifiques. Jeudi dernier, nous avons organisé un boot camp en visioconférence, qui portait sur une enquête conduite auprès de 48 universités au sujet du confinement, des difficultés rencontrées et des perspectives. S'agissant de l'hybridité, jusqu'à présent, une partie de l'enseignement était conduite à distance et une autre en présentiel. A priori, nous devrions faire face, à la rentrée, à une nouvelle forme d'hybridité, avec un tiers d'étudiants en présentiel et deux tiers à distance. À ce jour, nous ne sommes pas outillés à cette fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Il a été question du manque d'outils numériques pour certains étudiants. Est-il envisagé, dans certaines universités, de faire appel aux dons pour collecter des ordinateurs ? Certaines entreprises pourraient par exemple fournir leur ancien matériel lors de renouvellements.

Debut de section - Permalien
Isabelle Olivier, vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques de l'Université de Grenoble-Alpes

Via notre fondation, nous avons lancé une action, « Un ordinateur pour Bibi », pendant le confinement. Nous avons fait appel aux entreprises qui disposaient d'ordinateurs dont ils entendaient se séparer. Une start-up les a reconditionnés, et nous les avons distribués à nos étudiants. Nous organisons actuellement une seconde phase. Nous visons 1 000 ordinateurs pour le mois de décembre. Nous allons activer le cluster Digital League que j'évoquais plus tôt et compterons également sur des dons monétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Je vous remercie pour votre disponibilité et la qualité des échanges.

La téléconférence est close à 16 h 25.