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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2024, la loi Toubon aura 30 ans. Ce texte, et avant lui l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, mise à l’honneur aujourd’hui, garantit à nos concitoyens un « droit au français ». Hasard du calendrier, le président Emmanuel Macron inaugurait ce jour la Cité internationale de la langue française. Nous examinons la proposition de loi de notre collègue Pascale Gruny visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive. Ce sujet fait débat et est source de divergences, vous l’aurez compris. Ce débat est non pas linguistique, mais idéologique et sociétal. Les défenseurs de l’écriture inclusive affirment que la langue et la pensée sont liées. En modifiant la langue, en la rendant pl...
L’écriture inclusive est un outil de féminisation et d’inclusivité de la langue. La question du point médian monopolise souvent les débats. Pourtant, il est important de rappeler ici qu’il n’est qu’une composante de l’écriture inclusive. Celle-ci est riche de ses pratiques multiples
Au cours des derniers siècles, la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin s’est progressivement imposée dans l’écriture de notre langue. Voilà trois siècles, Nicolas Beauzée, ancien professeur et académicien, justifiait ainsi cette domination : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »
Nous, écologistes, progressistes, féministes, sommes favorables à l’usage de l’écriture inclusive, non pas par dogmatisme, mais parce que cette pratique est un levier indispensable pour la visibilité des femmes et des minorités de genre dans notre langue. Entendez bien là, mes chers collègues : ni menace ni révolution. L’écriture inclusive invite simplement à prendre le chemin de l’inclusivité. Elle vient bousculer la domination masculine présente dans notre écriture depuis des siècles. Il est temps de ne plus apprendre aux petites filles et aux petits garçons « que le masculin l’emporte sur le féminin ». Il est temps que, sur les premiers actes...
Personnellement, je ne sais ni lire ni écrire l’écriture dite inclusive et, collectivement, les collègues de mon groupe estiment qu’il n’est point besoin d’ajouter de la complexité à une langue écrite qui est de moins en moins maîtrisée par les élèves.
Toutefois, le jour de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, et bientôt trente ans après le vote de la loi relative à l’emploi de la langue française, il eût été de bonne politique que nous profitassions § Reconnaissons-le, mes chers collègues, notre langue est de plus en plus corrompue par des anglicismes et des barbarismes.
Jusque dans notre hémicycle et au sommet de l’État sévit une forme de volapük qui compromet l’intelligibilité du discours public. Le dessein politique de l’ordonnance de Villers-Cotterêts était de laïciser la langue française en proscrivant le latin. Historiens et juristes débattent toujours pour déterminer si le « langage maternel français » de l’ordonnance désigne le français ou les langues écrites en France. Il est fort probable que l’usage imposé du français s’inscrive plutôt dans la volonté révolutionnaire de rompre avec l’Ancien Régime. Je note ainsi, cum grano salis, que la présente proposition de lo...
La Constitution de la Ve République est plus sage quand elle déclare, depuis la réforme constitutionnelle de 1992, que « la langue de la République est le français ». Cela ne veut pas dire que le français est la langue de toute la France et il ne faudrait pas qu’une entreprise de normalisation poussée du français puisse ébranler le statut toujours fragile des langues régionales.
... en considérant que le législateur ne pouvait imposer « à des personnes privées […] l’obligation d’user […] de certains mots ou expressions définis par voie réglementaire ». En conséquence, je doute fort que l’article 2 de la présente proposition de loi respecte cette jurisprudence constitutionnelle. De façon plus générale, appartient-il au seul législateur français d’édicter des normes pour une langue utilisée par 300 millions de personnes, dont une majorité d’Africains ? La francophonie mérite mieux que cette petite querelle française sur une extravagance typographique, tout à fait évanescente, et son prétendu radicalisme. Refusant de trancher cette question inepte, nous ne participerons pas au vote. En revanche, madame la ministre, nous souhaitons vivement la tenue d’un grand débat sur l’ap...
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la langue française pourrait offrir un terrain d’entente aux hommes et aux femmes politiques. Ce fut le cas lors du vote unanime de la loi dite Bas-Lauriol, en 1975. Ce le fut bien moins lors du vote confus et querelleur de la loi Toubon, en 1994, qui provoquait déjà la polémique. Il est nécessaire de rappeler que l’examen de ce texte s’inscrit d’abord dans un débat sociétal qui, au-delà de l’inclusivité ...
Si l’écriture inclusive peut revêtir plusieurs formes, il faut objectivement reconnaître qu’elle devient, dans la plus sophistiquée d’entre elles, source de multiples et nouvelles inégalités. Nous devons opposer à la nécessaire féminisation de notre langue au travers de la double flexion, du recours à des termes dits épicènes et de l’accord des métiers, titres, grades ou fonctions avec le genre de la personne concernée, la menace que l’écriture inclusive représente pour l’intelligibilité et l’accessibilité de notre langue par l’usage du point médian ou de néologismes à la sémantique perfectible et source supplémentaire d’exclusion scolaire et de st...
...la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un texte important, qui va bien au-delà de simples sujets économiques, sociaux ou budgétaires. La manière dont nous parlons, la manière dont nous écrivons est bien plus qu’un code normatif : c’est un code humain, civilisationnel, qui en dit long sur ce que nous sommes. Attenter au vocabulaire ou à sa syntaxe, c’est déconstruire notre langue et, au-delà, les relations humaines. Une langue n’est pas un caprice arbitraire, c’est un pacte qui permet aux hommes et aux femmes de vivre ensemble, un pacte qui suppose des règles objectives qui doivent être respectées. Depuis quelques années, nous assistons à la prolifération de ces usages qui entendent adapter notre graphie. Sous prétexte de féminisation, ils visent à remplacer l’emploi du ...
Je voudrais partager ma perplexité d’avoir à examiner cette proposition de loi comme premier texte relatif à la culture, en cette rentrée où l’édifice de nos valeurs et de notre école républicaine semble plus que jamais vacillant. Pointer ce décalage ne remet pas en cause l’importance de la langue ; car oui, la façon dont nous nous exprimons contribue à façonner notre représentation du monde. Ludwig Wittgenstein le résumait ainsi : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde ». Faisons tomber ces limites. Parcourons ensemble le chemin d’une langue plus égalitaire pour ouvrir à toutes les femmes le champ des possibles. Quelle meilleure illustration que nos déb...
...éviter que les offres d’emploi ne soient exclusivement rédigées en intégrant la référence aux deux genres, alors qu’il est statistiquement prouvé que les candidatures de femmes sont plus nombreuses quand tel est le cas. Nous aurions pu débattre du point médian, outil le plus décrié de l’écriture inclusive. Mais est-il réellement nécessaire de légiférer sur ce sujet ? Ne peut-on considérer qu’une langue est un objet vivant, qu’elle évolue par la force de ceux qui la parlent et qui la font vivre et qu’elle est, comme le reste du monde, le réceptacle de combats, notamment contre l’invisibilisation des femmes ? Et c’est un beau mot que celui de combattante. En vérité, il est question ce soir non pas de la langue française, mais d’une vision rétrograde §et passéiste de la société. Pendant que le Sé...
...qualifiez, me semble-t-il, de « bégaiement inclusif », alors que l’un des premiers hommes politiques à l’avoir popularisée est le général de Gaulle avec son célèbre « Françaises, Français, aidez-moi ! » Analogie trompeuse, ensuite, lorsque vous convoquez 1984, l’œuvre de George Orwell, pour légitimer vos propos. Dans cet ouvrage, c’est en effet l’État qui impose aux citoyens l’usage d’une langue appauvrie, qui empêche de penser le monde et ses évolutions. L’écriture inclusive n’est en rien comparable : elle est le fait de citoyens qui désirent se doter d’outils pour comprendre et appréhender notre société en visant l’inclusivité la plus large. Déni, encore, car la langue française est une langue vivante, comme certaines et certains l’ont évoqué, qui a connu de nombreuses réformes et év...
M. Adel Ziane. … notre langue qui n’a eu de cesse de se transformer et de s’enrichir à travers le temps. Rien n’est gravé dans le marbre !
J’évoquerai deux points techniques. Le premier a trait au troisième alinéa de l’article 1er par lequel les auteurs de la proposition de loi souhaitent interdire l’écriture inclusive dans les publications désignées à l’article 7 de la loi Toubon. Or ledit article mentionne spécifiquement les publications en langue étrangère, afin de les obliger à publier un résumé en français. Ce troisième alinéa de l’article 1er me semble donc sans objet, mes chers collègues. J’en viens au second point. En 2022, sur les 2 357 thèses soutenues, 36 % l’ont été en anglais. Dans certaines disciplines, comme les mathématiques, l’informatique, la physique ou l’économie, l’emploi de l’anglais est devenu majoritaire et celui du ...
Le second point a trait à la lisibilité de la langue. Il existe une étude, en revanche, selon laquelle les personnes s’habituent à cette écriture et retrouvent, après une première lecture plus lente, leur vitesse de lecture normale. Comme toujours, la France avance à reculons – et le Sénat de manière encore plus visible
...moins performantes que les garçons. Mais reconnaissons-le : quand, à longueur de scolarité, on dit et on répète que « le masculin l’emporte sur le féminin », il faut que les enseignants soient redoutablement outillés pour expliquer aux enfants que cette règle se limite à la grammaire et que, dans la société, tout le monde est égal. J’ai entendu le Président de la République affirmer que, dans la langue française, le neutre est masculin : certes – c’est une réalité factuelle. Mais, si le neutre est masculin, le masculin, lui, est loin d’être neutre. Le masculin est viril…
.... Tout d’abord – M. le rapporteur l’a relevé à très juste titre –, nous ne traitons pas de l’écriture inclusive, mais, en fait, du point médian. Monsieur Vial, vous ajoutez qu’aujourd’hui la féminisation ne pose plus aucun problème ; elle a quand même donné lieu à des controverses comparables à celle de ce soir. Les linguistes ne font pas la politique, de même que les politiques ne font pas la langue. J’observe toutefois que de très grands linguistes qui ont lutté pour la féminisation des noms sont, pour des raisons fondées sur la grammaire et la syntaxe, ou encore parce qu’ils la jugent impossible en pratique, contre l’utilisation systématique du point médian. C’est aussi mon cas. Selon moi, il n’est pas possible d’écrire un texte de cinquante pages, un rapport ou que sais-je encore en util...