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Mme Mélanie Vogel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous dites et répétez que l’écriture inclusive est une invention militante. La réalité – vous devez l’assumer enfin –, c’est que vous-mêmes êtes les héritières et les héritiers de militants qui, au XVIIe siècle, ont eu pour projet politique de masculiniser la langue française. Nous vous avons rappelé à plusieurs reprises le raisonnement suivi par ces derniers : « Le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer toutes les fois où le masculin et le féminin se rencontrent. » Voilà une affirmation d’une neutralité absolue !
C’est vrai, la langue est le véhicule de nos valeurs. Au fond, elle décrit le monde tel qu’on voudrait qu’il soit. Oui, celles et ceux qui militent pour que le masculin l’emporte sur le féminin véhiculent l’image d’un monde qu’ils veulent sexiste ; oui, celles et ceux qui militent pour que l’écriture soit inclusive, pour que toutes les personnes dont on parle se sentent représentées, militent pour une société plus ég...
...s que les garde-fous existants nous protègent, mais vous décrivez tous les dangers qu’entraîne la progression de l’écriture inclusive. C’est bien la preuve que ces garde-fous sont insuffisants. On le voit d’ores et déjà dans l’enseignement supérieur. On le vérifiera bientôt dans l’enseignement secondaire, puisque l’écriture inclusive progresse dès à présent dans les manuels scolaires. Demain, la langue impossible à lire pourrait être enseignée dans les écoles malgré les circulaires, malgré les garde-fous actuels, malgré cet arsenal que vous prétendez suffisant et qui, à l’évidence, ne l’est pas. Voilà pourquoi il faut légiférer. Voilà pourquoi il faut conserver l’article 1er, qui est bel et bien utile. Voilà pourquoi cette proposition de loi tout entière est utile.
...demandant ce qu’elle pense de cette question : elle pense comme le Président de la République. Pour un membre du Gouvernement, c’est bien normal. Elle ne peut que confirmer les propos tenus lors de l’inauguration de cette après-midi : dont acte. Si vous voulez approfondir la question, vous pourrez toujours l’interroger en privé, ce sera plus simple… Chers collègues de la majorité sénatoriale, la langue française, comme n’importe quelle autre langue, est soumise aux évolutions de la société. Nous toutes et tous constatons les changements divers et variés de notre vocabulaire, qu’il s’agisse d’anglicismes ou d’apports régionaux. Qui d’entre nous peut dire qu’il échappe à ce type d’innovations ? Nous ne pouvons légiférer sur une langue, qui, par définition, est une réalité vivante ; nous ne pouvo...
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je trouve que vous avez une bien curieuse vision de la langue. Une langue, c’est vivant ; une langue, cela ne se fige pas. La langue de Montaigne est très différente de celle de Maupassant. Fut un temps où l’on disait « ça pleut » ; puis l’on se mit à dire « il pleut ». Le français a connu mille et une autres évolutions. J’entends vos arguments. Vous redoutez notamment la complexification de la langue. Moi qui ai été enseignant, j’ai connu la réforme de ...
...la même étymologie ? Le choix de la simplicité est bien d’opter pour deux « r » dans les deux cas. Cette simplification, vous n’avez cessé de lutter contre elle, et aujourd’hui vous nous parlez de combattre la complexification : nous sommes face à un sérieux paradoxe. Vous célébrez Villers-Cotterêts. Je vous le dis en tant que Breton : nous n’avons jamais salué cette ordonnance prise contre les langues régionales, qui entendit faire du francien, parlé par un vingtième des Français, la langue dominante du pays. S’imposant peu à peu à la France entière, ce dialecte a fini par tuer notre diversité linguistique. §C’est un vrai sujet. Vos arguments reviennent, en définitive, à fossiliser la langue française ; mais je sais que, de ce côté de l’hémicycle, vous êtes et serez toujours partisans du fos...
... de paresse. On nous reproche de ne pas utiliser le « mesdames, messieurs », alors que nous faisons tous des discours à tout bout de champ et que nous y avons systématiquement recours. Personne ici ne refuse ce genre de « doubles flexions », comme vous les appelez. Enfin, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité de construire des garde-fous face à certaines évolutions qui menacent notre langue française. C’est précisément ce que nous offre cette proposition de loi : des garde-fous.
...ègues, à l’évidence, nous sommes face à un écueil : comment faire en sorte que ce débat passionnant ne tourne pas au débat passionnel ? Dans une société qui connaît de moins en moins le sens de la mesure, nos discussions s’hystérisent inévitablement. Les uns et les autres se sentent poussés dans leurs retranchements, au point que leurs paroles peuvent dépasser leurs pensées respectives. Non, la langue et la culture françaises ne sont pas en train de s’effondrer. Non, l’écriture inclusive n’est pas l’alpha et l’oméga de l’égalité entre les femmes et les hommes. En la matière – j’en demeure convaincue –, le véritable combat est celui de l’égalité salariale. Sur ce front, il y a encore beaucoup à faire. La langue permet de communiquer et donc de faire société. Elle fait de l’homme cet « animal p...
Mes chers collègues, nous nous opposons à l’article 1er sur le fond : nous avons précisé pourquoi lors de la discussion générale. J’ajoute que nous nous y opposons sur la forme. Je confirme que cette proposition de loi est un véhicule législatif inapproprié. Les auteurs du présent texte entendent réformer la loi Toubon. Cette dernière protège le français face à l’immixtion de langues étrangères, mais elle n’a pas vocation à s’attaquer à des variantes de notre langue ou à ses évolutions internes. Elle n’a pas vocation à fixer la norme de la langue française. Monsieur le rapporteur, Jacques Toubon lui-même l’a rappelé lors de son audition : cette loi protège le français, mais ne dicte pas ce qu’est le bon ou le mauvais français. Avec cette proposition de loi, nous nous engag...
Madame Rossignol, je tiens à vous remercier d’avoir confirmé l’exactitude de nos propos : vous l’avez dit vous-même, l’écriture inclusive est un acte militant. Madame Vogel, vous l’avez également rappelé en soulignant que la langue est un « véhicule » pour nos valeurs ; eh bien, nous ne ferons pas de covoiturage cette fois-ci.
Mes chers collègues, je saisis cette occasion de poursuivre mon propos précédent. Je parlais d’un piège dans lequel nous sommes tous pris, à gauche comme à droite. La loi de 1994 relative à l’emploi de la langue française fut préparée par Catherine Tasca et présentée par Jacques Toubon au Parlement. Elle reçut alors l’appui d’éminents représentants de la majorité sénatoriale – je pense notamment à Jacques Legendre, qui en fut le rapporteur –, avant d’être déférée devant le Conseil constitutionnel par la gauche, ce qui fut une erreur partisane. Aujourd’hui, la droite se précipite sur des hochets. Elle se...
...part, s’en amuse lui-même. Heureusement que le sénateur Vallet n’est pas là, déclare-t-il, sinon, qu’est-ce qu’on aurait pris… Un courrier est fait au nouveau préfet – le pauvre, c’est tombé sur lui. Évidemment, un tel intitulé est illégal : ce label est donc immédiatement supprimé. La loi Toubon contient un grand nombre de dispositifs nous permettant de faire respecter, non pas la pureté de la langue française – l’Académie elle-même n’en a pas le monopole –, mais le droit à la compréhension entre les citoyens, d’une part, entre les citoyens et leurs élites, de l’autre. Sur ce sujet, j’ai une main à tendre vers l’ensemble des travées de cet hémicycle : j’y reviendrai lors des explications de vote sur l’ensemble. À ce stade, je vous pose simplement cette question : est-ce que vous faites appli...
Monsieur le rapporteur, vous me donnez crédit d’avoir une approche militante des questions de langue : bien sûr, puisque nous en avons une lecture féministe. Nous dénonçons les stéréotypes et les représentations défavorables aux femmes que la langue véhicule. Mais, entre vous est moi, il y a une différence : je suis une militante et je le reconnais, tandis que vous êtes des militants et que vous ne le reconnaissez pas. En prenant parti contre l’écriture inclusive, vous émettez à l’évidence un ...
...’est là qu’est le problème. Comme l’a très bien dit Laurence Rossignol, vous êtes des militants. Vous êtes les seuls à vouloir légiférer sur ces sujets, en tombant dans les travers dont vous nous accusez à tort. Vous semblez croire que nous voulons rendre l’écriture inclusive obligatoire ; mais, nous, nous ne légiférons pas en ce sens. Vous voudriez imposer une manière de penser et de normer la langue, alors que ce n’est pas le rôle du législateur. J’y insiste, avec ce texte, vous vous engagez sur une pente dangereuse. Quelqu’un que vous respectez tout particulièrement, Jacques Toubon, vous l’a d’ailleurs dit lors de son audition : votre texte n’est pas bon. Il ne va pas dans le bon sens. Il ne correspond même pas à la philosophie de sa propre loi. La meilleure chose à faire, c’est de voter n...
...toriales, je ne vais sans doute pas me faire d’amis ainsi, mais que dire de « Sarthe Me Up », « OnlyLyon », « Let’s Grau » – remarquable jeu de mots ! –, « MadeInJura », « My Loire Valley », etc. ? J’en termine avec la carte nationale d’identité, pour laquelle le Gouvernement – Mme Schiappa était chargée de ce dossier –, n’a pas été fichu de faire autrement que d’imposer l’anglais comme deuxième langue, alors même que l’Union européenne autorise le plurilinguisme.
Notre groupe votera contre cette proposition de loi, car il ne s’agit pas d’un objet législatif sérieux, ainsi que nous l’avons démontré lors de ce débat. En outre, ce texte est rétrograde : sa véritable cible est la féminisation de la société et de la langue, c’est-à-dire l’égalité entre les femmes et les hommes. Il contrevient ainsi à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, laquelle impose de prendre en compte cette égalité dans toutes les politiques publiques, notamment en matière de communication ou de légistique, soit dans l’écriture même des textes législatifs. Nous voterons contre, parce qu’il ne revient pa...
... il est assez drôle de voir la gauche recourir à ses vieilles méthodes, au vocabulaire de l’excommunication. Nous voilà condamnés, non pas à la réaction, mais à bien pire encore : nous sommes assimilés à MM. Trump, Poutine ou Bolsonaro. Soit, c’est un combat… Pour autant, à mon sens, vous vous trompez de cible. J’apprécie que le clivage droite-gauche soit revigoré, mais pas à ce prix, car cette langue, cette écriture faussement inclusive, c’est véritablement l’écriture de l’exclusion, tant elle est imprononçable à l’oral et indéchiffrable à l’écrit. Ce sera une écriture de l’entre-soi, de quelques-uns, favorisée dans des cercles militants, une écriture de « précieuses ridicules », aurait dit Molière.
Bien entendu ! Dans nulle autre nation, il n’existe un lien aussi étroit entre la Cité et la langue ; pourquoi, sinon, aurions-nous créé une Académie française, qui n’a d’équivalent chez aucun autre peuple, pour défendre notre langue ?
Le Président de la République a inauguré aujourd’hui la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Demain auront lieu les jeux Olympiques. Le français est leur langue officielle.
… son âme réside dans sa littérature et dans sa langue. Demain, nous voulons que le français soit la langue de l’universalisme, et non celle du féminisme différentialiste.