Intervention de Roland du Luart

Réunion du 17 juillet 2012 à 19h30

Photo de Roland du LuartRoland du Luart :

Certaines promesses semblent même d'ores et déjà abandonnées, comme les eurobonds, la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, l'interdiction de la déductibilité des intérêts d'emprunts destinés à financer l'acquisition de titres de participation ou l'abrogation du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui eût pénalisé trop fortement les TPE et PME, alors même que François Hollande s'était érigé en défenseur des PME pendant sa campagne présidentielle.

Si, sur la forme, ces reculs, reports et hésitations sont inquiétants, sur le fond, ils nous rassurent. La confrontation au réel fait prendre conscience à la nouvelle majorité de l'inanité, de l'inefficacité, voire de la contre-productivité économique de certaines promesses du candidat Hollande.

Pour autant, le Gouvernement n'a pas renoncé à toute mesure idéologique et inquiétante sur le fond. La taxation à 75 % des plus fortunés ne rapportera que très peu aux caisses de l'État, mais entraînera, et entraîne déjà, comme tous les avocats fiscalistes vous le confirmeront, la délocalisation de sièges sociaux et le départ à l'étranger de grands cadres d'entreprise et de jeunes, qui sont notre avenir.

La hausse du SMIC relève du pur affichage idéologique et électoraliste : l'augmentation automatique atteignant en effet 1, 4 %, ce qui correspond à l'inflation constatée depuis la dernière revalorisation, le coup de pouce réel n'est donc que de 0, 6 %, soit 6, 50 euros de plus par mois. Même les syndicats ou les alliés du parti socialiste, comme le Front de gauche, dénoncent le caractère purement cosmétique de cette mesure.

Le problème est que la « cosméticité » peut se révéler toxique : cela augmente un coût du travail déjà très élevé en France, peut fragiliser les petites entreprises aux marges très faibles et, en conséquence, hélas, accroître le chômage.

De la même manière, vous allez supprimer la « TVA compétitivité », laquelle visait à diminuer quelque peu le coût prohibitif du travail pour nos entreprises, qui constitue l'un des freins à notre croissance.

Vous plaidez ainsi en faveur d'une politique de croissance au niveau européen, mais vous prenez des mesures qui vont à l'encontre du soutien à la croissance française. Je le rappelle, l'ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait, en 2009, près de 23 % du PIB français, contre 20 % en moyenne dans les pays de l'Union européenne.

Pour un même coût du travail de 4 000 euros, l'entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales, l'entreprise allemande, seulement 700.

Par ailleurs, vous vous apprêtez à amputer gravement le pouvoir d'achat des Français, pourtant essentiel pour maintenir à un bon niveau la consommation des ménages, l'un des leviers de la croissance. Vous proposez en effet un véritable matraquage fiscal pour les deux prochaines années. Le taux des prélèvements passera ainsi de 43, 9 % du PIB en 2011 à 46, 2 % en 2013. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, que mon collègue Francis Delattre a excellemment développé à l'instant.

Nous ne pouvons accepter, au regard de notre compétitivité future, que l'écart entre les taux de prélèvements obligatoires français et allemand soit, en 2013, de 10 points. Nous sommes donc confrontés à l'impérieuse nécessité de réduire dès à présent les dépenses, comme le fait en ce moment l'Italie. Pour reprendre le célèbre adage fiscal, « trop d'impôts tue l'impôt », et, comme le répète à l'envi notre excellent président de la commission des finances, Philippe Marini, une telle politique « ajouterait de la crise à la crise ».

En outre, votre argument relatif à la justice fiscale ne tient pas. Il est faux de dire que l'effort fiscal pèsera sur les plus fortunés et ne concernera pas les classes moyennes. La taxation des successions et donations dès le seuil de 100 000 euros, la suppression de l'exonération des charges sociales pour les heures supplémentaires et la hausse de la taxation de l'intéressement et de la participation impacteront en effet directement ces dernières.

Je vous le rappelle, la hausse du pouvoir d'achat via l'augmentation à la marge du SMIC concerne 2, 3 millions de salariés, et l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire 3 millions de familles, alors que la perte de pouvoir d'achat touchera 9 millions de salariés via la suppression des heures supplémentaires, et 12 millions via la hausse de la taxation de l'intéressement et de la participation.

Le plus grave, c'est que ce matraquage fiscal n'est pas accompagné d'un effort de diminution des dépenses, contrairement, pourtant, à ce que préconisent les rapports de la Commission européenne, de l'Inspection générale des finances et, récemment, de la Cour des comptes. Vous faites même le choix d'augmenter certaines dépenses, notamment au travers de la création de postes de fonctionnaires dans trois secteurs : l'éducation nationale, la justice, ainsi que la police et la gendarmerie.

Vous vous justifiez en disant que, en 2017, l'effort sur les dépenses sera, au total, aussi important que celui portant sur les recettes. Pourquoi ne pas vous y attaquer dès à présent ? Remettre la diminution des dépenses à plus tard est une erreur grave, car nul ne sait ce que sera la croissance dans les années à venir, certains économistes étant très pessimistes.

Je vous rappelle, monsieur le rapporteur général, ce que vous nous avez bien précisé en commission des finances, mercredi dernier : en cas de scénario de croissance pessimiste, le déficit ne pourra être ramené à 3 % en 2013.

Au final, seul le retour de la croissance - mais certainement pas par une taxation accrue des entreprises et sans diminution du coût du travail ! -, seul le retour de la confiance des ménages - mais certainement pas par un matraquage fiscal ! -, seule la maîtrise des dépenses publiques, à savoir de l'État, des comptes sociaux et des collectivités territoriales, permettront de diminuer notre déficit structurel. §

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