Intervention de Delphine Batho

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 17 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Delphine Batho ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

C'est avec plaisir que je découvre les habitudes et la sagesse de la Haute Assemblée. La transition écologique et énergétique est au coeur de la politique du Gouvernement pour le redressement dans la justice. L'écologie sociale constitue à la fois un impératif lié à nos engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, et un levier pour sortir de nos difficultés économiques actuelles, et nous inscrire dans une logique vertueuse, celle d'une mutation de notre modèle de développement. C'est à notre génération que revient cette responsabilité, et c'est la raison pour laquelle sont rassemblées sous un même ministère les attributions écologiques, environnementales, et énergétiques.

Frédéric Cuvillier vous répondra la semaine prochaine sur les transports et sur la pêche. Sur ce dernier sujet, je veux pour ma part insister sur l'enjeu de la biodiversité, car la prise de conscience des citoyens est insuffisante. Nous avons atteint la sixième grande phase d'extinction des espèces. D'ici 2100, 12 % des oiseaux, 25 % des mammifères et 32 % des amphibiens auront disparu, en raison de l'artificialisation croissante des sols : en France, 600 km² sont sacrifiés chaque année, soit un département tous les dix ans. Une prise de conscience citoyenne est urgente et c'est pourquoi le Président de la République a souhaité qu'un des objectifs de la conférence environnementale, soit d'engager la préparation d'une grande loi cadre sur la biodiversité.

Le réchauffement climatique est aujourd'hui un fait scientifique avéré, que plus personne ou presque ne conteste. Les émissions mondiales de CO2 ont progressé de 40 % de 1990 à 2010 et le réchauffement atteindra plus de 2°C d'ici 2100. L'Union européenne est responsable de 13 % des émissions mondiales de CO2, un chiffre en baisse de 12 % par rapport à 1990. La France a légèrement augmenté ses émissions qui s'élèvent aujourd'hui à 1,3 %. La réduction de l'empreinte carbone de notre pays tient plus à la désindustrialisation et à la situation économique qu'à nos efforts.

Dans le paquet énergie climat, l'Union européenne s'est fixé l'objectif des 3 fois 20 : diminution de 20 % des gaz à effet de serre, augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique, et de 20 % des énergies renouvelables à l'horizon 2020. En 2009, un peu plus de la moitié du chemin a été parcourue pour les gaz à effet de serre. C'est dans ce contexte que la France s'est engagée à diviser par quatre ses propres émissions d'ici 2050.

Quoique déçus par l'accord a minima du sommet Rio + 20, nous travaillons à la réalisation concrète des objectifs inscrits dans la déclaration finale. La France prépare deux grand rendez-vous internationaux - je sais que Laurence Rossignol et son groupe de travail effectuent un suivi des négociations internationales sur le climat et l'environnement. A la conférence sur la biodiversité d'Hyderabad, en Inde, du 8 au 19 octobre prochain, la France présidera la table ronde sur les océans. Une conférence sur le climat se déroulera à Doha du 26 novembre au 7 décembre.

J'ai participé hier à une réunion à Berlin dans le cadre du dialogue de Petersberg, instauré après l'échec du sommet de Copenhague. J'ai été frappée par la difficulté de définir un accord réellement contraignant, et de trouver une vision commune entre les pays développées et les pays émergents sur la définition d'une responsabilité commune et différenciée, c'est-à-dire une répartition équitable des efforts à consentir en matière de réduction des émissions de CO2. La France a néanmoins rappelé l'urgence à agir.

La transition énergétique qu'appelle de ses voeux le Président de la République est évidemment déterminée par ces enjeux de lutte contre le réchauffement climatique et par la volonté de respecter les engagements que nous avons pris au sein de l'Union européenne. C'est aussi une question d'emploi, avec 500 000 personnes dans un secteur de l'énergie représentant 25 % des investissements industriels et 2 % du PIB. C'est encore une question de compétitivité et d'indépendance énergétique. La sécurité d'approvisionnement commande en effet de privilégier une diversification de nos ressources énergétiques. L'énergie explique 61,4 milliards d'euros de notre déficit commercial. La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique est très insuffisante : il faut dire qu'elles ont été fragilisées, notamment les énergies photovoltaïque et éolienne, par les nombreux changements de réglementation et de politique tarifaire.

Les perspectives sont cadrées par les engagements du Président de la République : développer massivement les énergies renouvelables, grâce à un cadre réglementaire stable et par un fonds de capital-investissement auprès de la future Banque publique d'investissement (BPI), pour porter leur part dans le mix énergétique à 23 % d'ici 2020 ; diminuer de 75 % à 50 % d'ici 2025 de la part du nucléaire, démanteler Fessenheim et achever l'EPR de Flamanville ; protéger le pouvoir d'achat des Français, 8 millions d'entre eux étant en situation de précarité énergétique, consacrant plus de 10 % de leurs revenus à leur facture énergétique. C'est ce qui a motivé le projet d'arrêté transmis à la Commission de régulation de l'énergie qui limite à 2 % la hausse des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité - nous y reviendrons sans doute.

François Hollande avait repris l'idée d'une réforme structurelle introduisant la progressivité dans les tarifs de l'énergie. Le Gouvernement a indiqué qu'il était favorable à lier nos objectifs sociaux de lutte contre la précarité énergétique, d'une part, et écologiques, d'autre part, puisque cela encouragera la sobriété et l'efficacité énergétique.

La préparation de la conférence environnementale s'inscrit dans une forme de continuité par rapport à l'avancée majeure qu'a représenté le Grenelle de l'environnement : la notion de partenariat écologique a ouvert des perspectives intéressantes bien que sa traduction concrète ait déçu et n'ait pas fait l'objet de l'unanimité qui avait caractérisé la loi Grenelle I. Nous constatons un certain nombre de reculs : sur les engagements financiers en matière de lutte contre le réchauffement climatique (- 18 % sur trois ans), les énergies renouvelables et les pesticides, dont la consommation a augmenté, comme le signale l'avis du Conseil économique, social et environnemental du 15 février dernier, et en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

La conférence environnementale prévue à la mi-septembre s'inscrit à la fois dans une continuité et une différence ; elle sera le point de départ d'un processus de concertation en tout point comparable à celui de la conférence sociale. Introduite par le Président de la République, elle sera conclue par le Premier ministre. Elle réunira à la mi-septembre les cinq collèges du Grenelle de l'environnement et, cela avait fait l'objet d'un consensus lors du bilan de Grenelle, des parlementaires - ce qui n'affecte nullement le fait que le Parlement est souverain dans ses décisions...

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