Intervention de Martial Bourquin

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 8 février 2012 : 3ème réunion
Simplification des normes applicables aux collectivités locales — Examen du rapport pour avis

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin :

rapporteur. - M. Eric Doligé a déposé une proposition de loi qui s'inspire du rapport qu'il avait précédemment rédigé comme parlementaire en mission. Notre commission s'est saisie pour avis de la partie relative à l'urbanisme, soit 8 articles ; et la commission des lois lui a délégué au fond l'examen de la partie relative à l'environnement, soit 4 articles.

Les normes applicables aux collectivités intéressent au premier chef notre Haute Assemblée, en raison de sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales. Du reste, en février 2011, M. Claude Belot avait publié, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, un excellent rapport intitulé La maladie de la norme. Elus locaux, nous sommes confrontés quotidiennement aux coûts, aux délais et aux risques juridiques engendrés par la complexité des normes. J'approuve donc, dans sa finalité, la démarche de M. Doligé. Il a identifié 268 points de droit à simplifier : c'est une base de travail intéressante. Reste à s'entendre sur les moyens et la méthode. Or la proposition de loi est à la fois longue et d'un abord difficile : 33 articles touchant à des sujets aussi variés que techniques. Simplifier la loi est un travail extrêmement complexe.

Ne tombons pas dans un travers impardonnable qui serait d'élaborer une loi de simplification elle-même source de complexité nouvelle et d'insécurité juridique. Adopter une loi de piètre qualité est déjà un manquement à nos devoirs de législateurs ; une loi de simplification entachée des défauts qu'elle prétend corriger serait le comble de l'inconséquence législative.

Les conditions pour faire une bonne loi de simplification sont-elles réunies ? J'en doute. Nous disposerons d'à peine trois heures et demie pour l'examen en séance publique. Nous ne pourrons jamais aller au bout des 33 articles, sauf à mener le débat tambour battant... et laisser sortir un texte très mal ficelé sur un sujet essentiel pour nous. Une discussion inachevée ou une discussion bâclée ! Nous touchons là une limite de la réforme constitutionnelle de 2008 : elle visait notamment à revaloriser l'initiative parlementaire, mais le temps d'examen strictement encadré nous interdit une discussion sérieuse des propositions de loi.

En outre, la décision d'inscrire ce texte à l'ordre du jour a été prise le 17 janvier dernier, pour une discussion en séance publique le 15 février et un examen en commission dans la semaine qui précède. J'ai été nommé rapporteur le 25 janvier dernier. Les auditions préliminaires sont inévitablement réduites à la portion congrue. Comment analyser le texte de manière approfondie ? Cette précipitation a d'autant moins de sens que la procédure accélérée n'a pas - ce qui est rare en ce moment! - été demandée par le Gouvernement. Le texte suivra donc la navette législative classique. Comment imaginer l'adopter avant la suspension des travaux parlementaires de mars ? Pourquoi examiner dans la précipitation un texte qui n'a aucune chance d'être adopté définitivement dans un avenir prévisible ? C'est absurde. Cela pourrait avoir un sens pour un texte politique, non pour un texte technique. Le texte mérite notre intérêt. Si aucun motif, aucune procédure d'urgence ne justifient un examen à marche forcée, alors prenons le temps de travailler en profondeur pour élaborer une loi claire et pertinente, au lieu de rajouter de la complexité à la complexité.

Du reste, depuis les annonces tonitruantes faites par le président de la République au sujet de la majoration de 30 % des droits à construire, les dispositions d'urbanisme contenues dans la proposition de loi sont déjà obsolètes. La nouvelle mesure fait table rase du travail de précision réalisé par les collectivités pour élaborer leur PLU. Comment parler d'urbanisme de projet et d'adaptation des règles aux circonstances locales et, dans le même temps, présenter des mesures qui nous font revenir à une conception passéiste et hyper directive de l'urbanisme ? Enfin, le gouvernement a convié les associations environnementales et d'autres acteurs, à l'automne 2011, à des réunions de réflexion afin de proposer des améliorations à la proposition de loi Doligé. Les participants n'ont eu aucun retour du ministère. Leur travail avait été de grande qualité, et tout s'est arrêté : ce n'est pas correct. La réflexion collective et la démarche participative impliquent un aller-retour de l'information.

Sur le fond, les dispositions ne sont pas suffisamment claires et précises. Le Conseil d'État, saisi de ce texte par le président du Sénat sur le fondement de l'article 39 de la Constitution, a émis le 6 octobre 2011 de nombreuses observations. Le style est feutré, mais les critiques sévères. L'analyse que j'ai conduite sur les 12 articles examinés confirme les défauts soulignés par le Conseil. L'association des maires de France, l'association des maires ruraux, l'association des communautés de France ou encore l'association des départements de France ont fait part de leurs réserves, voire de leur franche opposition à plusieurs articles.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi n'amélioreraient que de façon marginale l'environnement normatif des collectivités. Dispenser de certains diagnostics les immeubles vendus pour être démolis, l'idée est de bon sens mais ne va pas bouleverser la vie des collectivités. Le texte traite aussi de matières strictement règlementaires - je pense aux dossiers de création et de réalisation des ZAC - et règle ainsi trop souvent des détails en oubliant les difficultés de fond.

La proposition de loi contient aussi des dispositions plus ambitieuses, mais inabouties, de sorte que leur adoption risquerait de complexifier les normes juridiques au lieu de les simplifier. Je pense aux secteurs de projet, assortis des « objectifs d'aménagement », qui se substitueraient au règlement des PLU.

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